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« Chez les Indiens et dans certaines fêtes religieuses, les voleurs punissent leurs mains, les menteurs punissent leurs langues, les débauchés se déchirent les reins ou se découpent le front pour se punir de leurs plaisirs ou de leurs mauvaises pensées. Tout cela est bien respectable. Mais il faut rire des supplices de ces faquirs qui se servent à eux-mêmes de persécuteurs et de bourreaux « pour exciter la vénération » par « commisération ». Il n’y a rien de céleste ici. l’orgueil de la bassesse et l’ambition de la nullité ne méritent que le mépris et l’infamie. On fait bien de les décrier. Et cependant que de prudence est nécessaire en pareille matière! car si l’extravagance du faux prêtre entretient la sagesse du vrai dévot … Et puis l’injure faite imprudemment à une religion est une injure faite à toutes, car toutes ont entre elles quelque ressemblance légère, nécessaire et inévitable. »

Joseph Joubert, 23 mai 1812, Carnets II p. 352

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Ce qui me paraît original dans ce texte, c’est que les limites mises à la raillerie envers les autres religions ne sont pas fondées, comme on y est habitué, sur une forme de relativisme ou de scepticisme. Joubert ne semble pas douter de la supériorité de sa religion sur celle des autres. Son argument n’est pas du type « ne faisons pas aux autres ce que nous ne voulons pas qu’ils nous fassent » ou « qui sommes nous pour oser nous moquer? ».  Mais s’il n’y a pas, aux yeux de Joubert, une égalité des religions qui imposerait un devoir des respect réciproque, il y a cependant un apparentement entre elles qui justifie de la prudence dans la dérision : il ne faudrait pas que la critique des autres nous emporte malgré nous. Peut-être pourrait-on transposer la position de Joubert en terme de sentiment du sacré, ce qui donnerait quelque chose comme ceci : la désacralisation de ce qui ne mérite pas d’être sacralisé est nécessaire, mais il ne faut pas que cette opération détruise le sentiment même du sacré.

Mise à jour le 15 /01 /14

Sur la dérision des autres cultes, je signale cet article intéressant qui évoque la dérision pratiquée par les prophètes.