Je soupçonne un rien de superstition chez les candidats qui m’interrogent, anxieux, sur la manière de compléter la rubrique « Spécialité / option » ; quelque chose qui relève davantage de la crainte de susciter le courroux du dieu du baccalauréat que de la prise en compte raisonnablement prudente du risque de voir sa copie égarée si l’entête n’était pas scrupuleusement rempli. Ce risque est évidemment infime : les copies voyageant par paquets, une copie de bac dont la rubrique « Examen ou concours » n’aurait pas été remplie ne risque guère de se trouver malencontreusement égarée au milieu de celles d’un concours d’ingénieur ou d’un CAP. On objectera peut-être que les candidats ne connaissant pas l’envers du décor ne peuvent pas savoir ce qu’ils risqueraient à prendre à la légère ce cérémonial. A quoi l’on peut répondre en soulignant que le fait de connaître l’envers du décor n’empêche pas des professeurs de prendre à cœur leur rôle de gardien du rite sacré. Ainsi ce collègue qui insiste pour que le candidat numérote les pages de sa copie jusqu’à 8/8 quand bien même il n’aurait rien écrit au delà de la cinquième page. Ayant évoqué précédemment ici cet étrange zèle à appliquer des règles dont on sait qu’elles n’ont aucun enjeu, je ne m’étendrai pas davantage sur le sujet. Cependant, aux aspirants bacheliers qui s’égareraient en ces lieux j’aimerai dire ceci : votre correcteur se contrefout de savoir si vous êtes en spécialité Mercatique ou GRH, ou que vous ayez numéroté les pages de votre copie jusqu’à 6/6 au lieu de 8/8 ; en revanche il est quelque chose qui peut exciter en lui une sainte fureur, quoi qu’aucune consigne officielle ne vous mette en garde à ce sujet : c’est que vous écriviez sur toutes les lignes de ces p… de feuilles à petits carreaux.
Moi-même je portais fusil
et le fusil était plus lourd que mon épaule
étais-je venu là pour n’être qu’une planche
de ton naufrage, ô France,
et non pas une brique de ta victoire? Oui,
j’étais venu de loin, de plus loin que l’Histoire!
Le Nil me racontait le soir
ma romance. J’avais
fait la mer Rouge à pied. Avais-je cru,
avais-je vraiment cru qu’on pouvait t’arrêter
Histoire, avais-je cru
que le fusil sans Lui
allait changer le cours des temps ?
Luttons contre les stéréotypes de genre dans les cadeaux que les élèves font à leurs professeurs en fin d’année ! Incitons les jeunes générations à offrir des bouquets de fleurs aux hommes et des bouteilles de vin aux femmes.
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Je me demande toujours comment il se fait qu’il y ait toujours des élèves pour proposer de passer la dernière heure de cours à faire des pendus ou des Pictionary. Je m’illusionne vraisemblablement, mais il me semble que plus médiocre de mes cours est plus intéressant que n’importe quelle partie de pendu, même « philosophique ». Le problème est vraisemblablement le même qu’avec les demandes de faire cours dehors : qu’importe que ce soit nul, pourvu que ce ne soit pas comme d’habitude.
On notera que la contrainte de ne faire deviner que des concepts philosophiques n’augmente en rien l’intérêt du jeu du pendu, mais qu’elle peut donner lieu à des défis stimulants quand on l’applique au Pictionary. Dessinez l’impératif catégorique ou l’intentionnalité de la conscience, vous avez deux minutes !
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Amusante coïncidence, c’est au moment où, les élèves ont quitté la dernière fois ma salle de cours et que je me demande « Que deviendront-ils ? », que je découvre qu’on peut revoir sur Youtube la série d’émissions du même nom réalisée par Michel Fresnel entre 1983 et 1992. Le concept consistait à suivre pendant 10 ans un groupe d’élèves qui étaient en 6e en 1983 au lycée Paul Valéry à Paris. J’avais beaucoup aimé cette série d’émissions à l’époque, peut-être parce que j’avais presque le même âge que ses protagonistes, et c’est avec un grand plaisir que je suis tombé dessus au hasard de mes pérégrinations sur la Toile, après l’avoir vainement cherchée il y a quelques années .