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[…]
Sous la terre nous allons dormir, nous qui sur terre
les uns les autres nous sommes empêchés de dormir.
Marina Tsvétaïéva,
in Insomnie et autres poème
31 mercredi Août 2016
Posted Aphorisme du jour, Divers vers
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[…]
Sous la terre nous allons dormir, nous qui sur terre
les uns les autres nous sommes empêchés de dormir.
Marina Tsvétaïéva,
in Insomnie et autres poème
30 mardi Août 2016
Posted Berceuse du mardi
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Aujourd’hui découvrons comment endormir son enfant en tout en l’éveillant à la nécessité des luttes sociales.
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29 lundi Août 2016
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antifascisme, athéisme, Charlie Hebdo, exception française, terrorisme
Quelques liens sur des sujets disparates (sans burkini).
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Quelle place pour la lutte armée dans l’antifascisme ? – un article sans infantilisme gauchiste (normal, c’est de l’histoire militaire).
Pourquoi la France est-elle davantage frappée que les autres pays européens par les attentats ? – Une critique de la grille explicative de Farhad Khosrokhavar, sans vitupérations contre ceux qui mettent en cause notre belle laïcité ( le « point de vue sahélien » de l’auteur donne une belle illustration des vertus du « regard éloigné » sur les polémiques qui nous obsèdent).
Qui étaient les manifestants du 11 janvier 2015? – une étude sans catholiques-zombies et même qui montre que ce que disait Emmanuel Todd à ce sujet était simplement faux ( … je suis sous le choc, d’ici qu’on découvre qu’il y a du racisme en Russie malgré les structures familiales …)
Les athées devraient-ils se faire discrets ? – un article sans allégeance au new atheism de Dawkins ni complaisance paternaliste envers la religion.
28 dimanche Août 2016
Posted Divers vers
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brièveté de la vie, métaphore, Omar Khayyâm, sens de la vie, vin
J’avais cité, l’année dernière, un extrait de La chouette aveugle de Sadegh Hedayat dans lequel le narrateur s’inquiétait que les atomes composant son corps se mêlent, après sa mort, aux atomes de la canaille. Je retrouve un souci comparable du sort des composantes du corps parmi les quatrains attribués à Omar Khayyâm avec une différence majeure cependant : le poète exprime à ce sujet un souhait plutôt qu’un crainte :
Si vous êtes mes amis, mettez un terme à vos balivernes.
Soulagez mes chagrins avec le vin !
Quand je serai mort, faites une brique de ma poussière
Et placez là dans une fente du mur de la taverne !
Omar Khayyâm, Robâiyât
trad Rezvanian : Quatrain n°353
Le jour où l’on m’aura rendu étranger à moi-même ;
Où l’on se souviendra de ma vie comme d’une légende ;
Alors j’aimerais – oserai-je le dire ? –
Que l’on fasse de mon argile la coupe et la cruche !
363
Ces souhaits du poète quant au destin de ses cendres couronnent une célébration du vin omniprésente dans ses quatrains ; on peut d’ailleurs les placer dans le prolongement des vœux concernant les rites funéraires :
Quand je serai mort, lavez-moi avec du vin.
Que mon extrême onction ne soit faite que de vin pur.
Si vous venez me trouver au jour de la Résurrection,
Venez me chercher dans la poussière au seuil de la taverne.
156
Veillez à me sustenter de vin,
Et changez en rubis l’ambre de mon visage,
Quand je serai mort, lavez-moi de vin,
Et faites mon cercueil du bois de la vigne !
216
Ces souhaits n’ont rien de foncièrement surprenants : on pense aux marins ou aux alpinistes qui demandent à ce que leurs cendres soient dispersées en mer ou en montagne pour rejoindre par delà leur mort le lieu ou s’exerçait l’activité qui donnait sens à leur vie (il est vrai que dans le cas Khayyâm, il s’agit plutôt, en buvant du vin, de conjurer l’absence de sens de l’existence). Ce qui peut davantage nous étonner, c’est que cette continuité entre la vie et la mort se réalise par la « réincarnation » en un objet utilitaire : cruche ou coupe ; d’une part nous sommes plus habitués à des vœux de dispersion dans un espace naturel, d’autre part la transformation de restes humains en objets fonctionnels ou de consommation nous apparaît plutôt comme un manque de respect envers le défunt (il est vrai que dans les cas réels ou fictifs auxquels on pense, cette transformation n’est pas la réalisation d’un vœu du défunt). Certains quatrains suggèrent que cette « réincarnation » en cruche ouvre la voie à une forme de résurrection lorsque l’objet entrera en usage :
Lorsque, la tête basse, je me trouverai au pied de la mort
Et que celle-ci m’aura déplumé comme un pauvre oiseau,
Alors, gardez-vous de faire de mon argile autre chose qu’une carafe ;
Car, peut-être alors, pris de vin, je recommencerai un instant de vivre !
203
Le jour ou le jet de l’arbre de ma vie sera déraciné ;
Et que les molécules de mon corps seront dispersées aux quatre vents
Alors, si l’on refaisait une carafe de mon argile,
Elle reprendrait vie dès qu’on l’aurait remplie de vin.
209
On doit également signaler des quatrains dans lesquels cette prolongation de la vie par delà la mort se réalise en affectant les autres, que ce soit matériellement en les enivrant :
Je vais boire tant et tant de vin que l’odeur
En montera de ma tombe.
Et lorsqu’un buveur y passera
Du seul parfum il tombera ivre mort !
157
ou psychologiquement en donnant un exemple de la vie à mener :
Quand je serai mort, faites disparaître ma poussière.
Et faites en sorte que je serve d’exemple aux gens.
Pétrissez mes cendres avec du vin
Et faites en une brique pour couvrir la cruche.
155
Mais les vœux concernant le sort post mortem des atomes du poète-buveur ne forment qu’un des aspects du traitement du thème de la destinée des restes humains (leur devenir-argile ou poussière). Examinons les autres perspectives sous lesquelles cette question est abordée.
Notons d’abord que le devenir-brique ou le devenir-cruche des restes du poète ne sont pas évoqués seulement en tant qu’objet de souhait mais aussi en tant qu’objet de prévisions. Certains quatrains expriment cette anticipation sans en tirer explicitement de conclusion (48, 329, 532) mais d’autres font de l’anticipation de ce destin une incitation à profiter du temps dont nous disposons :
Livre-toi à la gaieté, car le chagrin sera immense :
Il y aura dans le ciel la conjonction des étoiles.
La brique que l’on fera de ta poussière
Servira à construire le mur de la demeure d’autrui.
177
La boucle se retrouve bouclée quand la considération de notre destin de cruche devient une justification de l’acte de boire du vin :
Bois du vin car ton corps sera réduit en poussière.
De cette poussière on fera des coupes et des cruches.
Ne te soucie guère de l’enfer, du paradis ;
Pourquoi le sage tirerait-il vanité d’une telle vie ?
291
Jusqu’à quand la mosquée, la prière et le jeûne ?
Dusses-tu mendier, enivre-toi à la taverne.
O Khayyâm ! Bois du vin, car de cette terre (dont tu es pétri)
On fera tantôt des jarres, tantôt des coupes, tantôt des cruches !
374
Jusqu’à quand serons-nous prisonniers de notre raison de tous les jours ?
Qu’importe que nous demeurions cent ans ou un seul jour en ce monde ?
Donne moi du vin dans un bol avant que
Nous ne soyons transformés en cruche dans l’atelier des potiers !
459
Dans les quatrains précédemment cités, le devenir-argile et le devenir-poussière (et indirectement le devenir brique ou cruche) sont envisagés dans le sens amont-aval : le poète se projette, sur le mode du souhait ou de l’anticipation, dans l’avenir des composantes de son corps. Mais on peut également considérer une autre série de quatrains qui appréhendent ce devenir dans le sens aval-amont : le poète part du spectacle d’une cruche, du travail d’un potier ou simplement de la terre et de la poussière et « remonte » à l’humain qui est devenu – ou a pu devenir – cela. La clairvoyance qui permet de discerner l’humain dans l’argile n’est pas donnée à tout le monde (même ceux qui se souviennent que l’homme deviendra poussière oublient la relation converse) :
Je suis passé, avant-hier, près d’un potier,
Dont les doigts, modelant l’argile, ne cessaient de faire merveille.
J’ai vu comme tout un chacun, même si l’aveugle n’a rien su voir,
La poussière de mon père entre les mains du potier!
106
Dans les quatrains qui traitent ce thème de l’identification de l’humain dans l’argile, ce sont souvent des hommes puissants ou de belles femmes que le poète reconnaît :
Ô sage vieillard ! lêve-toi le matin de bonne heure ;
Et regarde bien cet enfant qui crible la terre.
Conseille le de cribler doucement
Le cerveau de Key-Qobad et l’oeil de Parviz !
49
Chaque molécule que l’on retrouve sur terre
Fut jadis un minois aussi beau que le soleil, une vénusté.
Époussette pudiquement de ta manche la poussière,
Car elle fut aussi visage et chevelure d’une douce créature!
314
Cet exercice de de reconnaissance de l’humain dans l’argile, ne pourrait-il pas être rapproché des procédés stoïciens de redescription, chaque fragment du sol comme chaque objet en terre cuite adressant à qui sait voir un memento mori ? En fait deux types d’enseignement sont étayés sur cette « remontée » de la terre à l’homme. D’une part en effet, cette identification de l’humain dans l’argile sert à rappeler à l’homme le caractère éphémère des puissances et des beautés d’ici-bas qui sont vouées à l’abaissement :
La terre foulée sous le pied de tout ignorant
provient de la chevelure d’une idole, des sourcils d’une femme aimée.
Toute brique que l’on voit sur le créneau d’un palais
Fut le doigt d’un vizir, la tête d’un sultan !
181
Cette cruche dont se sert à boire tout tâcheron
Se compose de l’œil d’un roi et du cœur d’un ministre
Chaque coupe de vin que prend en main toute ivrogne
provient de la joue d’un homme ivre, des lèvres d’une femme pudique !
69
Mais d’autres quatrains semblent inverser la perspective : il ne s’agit plus de rabaisser par avance les grandeurs et les beautés vouées à devenir argile mais de conserver pour ce qui est devenu argile quelque chose du respect qu’on avait pour la forme antérieure :
Cette coupe, fabriquée avec tant d’art,
(A présent) est brisée et jetée dans tous les coins de rue.
Garde-toi de la fouler avec dédain :
C’est une coupe faite de crânes.
71
Plusieurs quatrains donnent même la parole à l’argile ou à la cruche pour réclamer le respect et rappeler à celui qui les « maltraite » qu’elles furent ce qu’il est ou qu’il sera ce qu’elles sont :
Je vis un homme seul sur la terrasse d’un manoir
Qui foulait avec dédain, sous ses pieds de l’argile.
Et cette argile, dans son propre langage, semblait lui dire :
« Hé ! arrête ; tu seras foulé aussi comme moi tant. »
190
Hier, au bazar, j’ai vu un potier,
Donnant force coups de pied à l’argile.
et celle-ci semblait lui dire dans son propre langage :
« j’ai été comme toi. traite-moi bien! »
207
Hier soir, j’ai brisé une cruche de faïence sur une pierre.
J’étais ivre quand je me suis livré à une voie de fait.
La cruche semblait me dire dans son propre langage :
« J’étais comme toi ; tout ce que je veux, c’est que tu sois réduit à mon état! »
105
26 vendredi Août 2016
Posted Divers vers
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AIN
Ne puis-je obtenir une Joie
où ne s’égoutte une rancœur,
et pas une seule Raison
qui n’ait un viscère malade ?
Et ne puis-je toucher un marbre
où dort une vierge défaite
sans que la vie ne se hérisse
de mille désordres mortels ?
Benjamin Fondane, L’exode
25 jeudi Août 2016
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On pourrait croire que l’avantage des amis imaginaires c’est qu’ils sont exempts des défauts et imperfections des amis réels. Il semblerait qu’en fait ce ne soit pas le cas :
« Les amis imaginaires peuvent être amicaux ou […] hostiles. Ils peuvent même être indisponibles. Le petit garçon qui avait peur de Dunzer [1] a grandi, pour devenir lui même père et journaliste au New Yorker. Olivia, sa fille de trois ans élevée dans le Manhattan de l’intelligentsia littéraire, s’est à son tour créé un ami imaginaire. Il s’appelait Charlie Ravioli et il était trop occupé pour jouer avec elle. Elle racontait souvent avec tristesse qu’elle était tombée sur Charlie dans la rue mais qu’il était pressé ; elle laissait alors des messages sur un répondeur imaginaire : « Ravioli, c’est Olivia, rappelle-moi, s’il te plait. »
Alison Gopnik, Le bébé philosophe,
trad. Sarah Gurcel, Poche–Le Pommier, p.70
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Est-ce que parmi les amis imaginaires indisponibles, il ne faudrait pas distinguer deux cas : ceux qui sont « réellement » indisponibles – en raison, par exemple, de leur travail imaginaire – et ceux dont l’indisponibilité est imaginaire-au-carré, c’est-à-dire ceux qui mentent en invoquant une indisponibilité pour cacher le fait qu’ils n’ont juste pas envie de nous voir ? On conviendra qu’avoir un ami imaginaire de ce dernier type prépare avantageusement l’enfant à la vie réelle.
De source bien informée : le scénariste d’Inception avait, quand il était enfant, un ami imaginaire qui lui-même avait un ami imaginaire qui …
[1] Duntzer était l’ami imaginaire de l’auteure quand elle était enfant, le « petit garçon » est le frère de l’auteure.
24 mercredi Août 2016
Posted Lectures
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L’anthropologue Roy Wagner a effectué son travail de terrain chez les Daribis de Nouvelle Guinée. Dans le texte ci-dessous, il montre comment à la curiosité de l’anthropologue pour la population qu’il étudie répond une curiosité de celle-ci à son endroit :
« En tant que représentatif des hommes blancs, ma situation était encore plus intrigante aux yeux de mes amis daribis. Comment rattacher mes intérêts personnels aux activités spécifiques des autres Européens qu’ils connaissaient: fonctionnaires, missionnaires ou docteurs ? N’était-ce là que des noms ? Désignaient-ils seulement des types de travail différents ou des familles distinctes et séparées, voire des peuples différents ? Tel était le sens de la question que certains de mes amis me posèrent un après-midi : «Est-ce que vous autres, les anthropologues, vous pouvez contracter mariage avec les fonctionnaires et les missionnaires ?» J’expliquais que c’était possible, si nous le voulions, mais que cela ne me tentait guère. En fait, je n’avais pas répondu à la vraie question qui me fut posée de nouveau, sous une autre forme : «Est-ce qu’il y a des kanakas (c’est-à-dire des indigènes, des gens comme nous) en Amérique ?» Je répondis que oui, en pensant aux paysans pauvres qui pratiquent une agriculture de subsistance dans certaines régions du pays, mais je crains d’avoir évoqué dans leur esprit l’image d’une population soumise à la tutelle d’officiers de police, de missionnaires et autres.
Ce n’était pas une question facile à poser en quelques mots et, de ce fait, mes réponses, même si elles étaient aussi «correctes» que possible, étaient vouées à être trompeuses. Et pourtant il s’agissait d’un problème vital, car il tournait autour des raisons de ma présence au village et de la nature du travail que j’y faisais, et de ses motivations sous-jacentes. Je ne cessais d’être étonné et parfois agacé par l’importance que mes amis accordaient à ce que je considérais comme une question secondaire, à savoir mon organisation matérielle et mon statut marital, car je me définissais par mes préoccupations d’anthropologue et mon travail de terrain qui justifiaient ma présence. De leur côté, les Daribis devaient être tout aussi stupéfaits par mon indifférence étudiée envers les problèmes de la vie et de la subsistance et par mon inexplicable passion pour les questions. Et après tout, si je pouvais leur demander avec quels groupes de personnes ils avaient le droit se marier, il n’était que juste qu’ils puissent me retourner la question. »
Roy Wagner, L’invention de la culture,
trad.Philippe Blanchard, ed. Zones Sensibles 2014, p. 42
23 mardi Août 2016
Posted Berceuse du mardi
in
Vò e la rivò, ora veni lu patri tò
e ti porta la siminzina, la rosamarina e lu basilicò
ti porta la siminzina, la rosamarina e lu basilicò.
Oh figlia mia lu Santu passau
e di la bedda mi ‘nni spiau
e iu ci disssi: – la bedda durmìa
e dormi figlia di l’arma mia.
Ed iu ci dissi: – la bedda durmia
e dormi figlia di l’arma mia.
Vò e la rivò, ora veni lu patri tò
e ti porta la siminzina, la rosamarina e lu basilicò
ti porta la siminzina, la rosamarina e lu basilicò.
Vò, vò, vò,
dormi figlia e fai la vò,
Vò, vò, vò,
dormi figlia e fai la vò,
e fai la vò
…e fai la vò.
23 mardi Août 2016
Posted Divers vers
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[…]
Ich habe den Frevel des Lebens geschaut!
Ich sah den Todeskeim, der aus dem Leben sprießt,
Das Meer von Schuld, das aus dem Leben fließt,
Ich sah die Fluten der Sünden branden,
Die wir ahnungslos begehen,
Weil wir andere nicht verstanden,
Weil uns andere nicht verstehen.
[…]
Hugo von Hofmannstahl, Sünde des Lebens
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J’ai contemplé le crime de vivre !
J’ai vu le germe de mort qui bourgeonne sur l’arbre de la vie,
La mer de la faute qui s’écoule de la vie,
J’ai vu déferler à grands flots le péché
Que nous commettons sans nous en douter
Parce que nous n’avons pas compris autrui
Parce qu’autrui ne nous comprend pas.
traduction Jean-Yves Masson
22 lundi Août 2016
Posted Paroles et musiques
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