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Pater Taciturnus

~ "Ton péché originel c'est d'ouvrir la bouche. Tant que tu écoutes tu restes sans tache"

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Archives de Tag: Hegel

Hegel sans tête ou la tête en bas

29 vendredi Jan 2021

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dialectique, Hegel, T. W. Adorno, téléologie

« Si la philosophie de l’histoire de Hegel avait inclus notre époque, ces bombes-robots qu’étaient les V 2 d’Hitler y auraient eu leur place — au même titre que la mort prématurée d’Alexandre et d’autres images analogues — parmi les faits empiriques qu’il a retenus pour ce qui s’y exprime, d’une façon immédiatement symbolique, de l’état atteint par l’Esprit du monde (Weltgeist). Comme le fascisme lui-même, ces robots sont lancés à toute vitesse et en même temps sans sujet. Comme lui, ils allient à la perfection technique la plus poussée une totale cécité. Comme lui, ils suscitent une épouvante mortelle, et c’est en vain. « J’ai vu l’Esprit du monde », non pas à cheval mais sur les ailes d’une fusée et sans tête, et c’est là en même temps une réfutation de la philosophie de l’histoire de Hegel. »

Theodor Wiesengrund ADORNO, Minima moralia – Réflexions sur la vie mutilée – §. 33 – Hors de portée Trad. E. Kaufholz et J.-R. Ladmiral, ed. Payot

« Affirmer qu’un plan universel, dirigé vers le mieux, se manifeste dans l’histoire et lui donne sa cohérence serait cynique après les catastrophes passées et face à celles qui sont à venir. Mais il ne faut pas pour autant renier l’unité qui soude ensemble les moments et les phases de l’histoire dans leur discontinuité et leur éparpillement chaotique, unité qui, de la domination sur la nature, se métamorphose progressivement en domination sur l’homme pour finir en domination sur la nature intérieure. Aucune histoire universelle ne conduit du sauvage à l’humanité civilisée, mais il y en a très probablement une qui conduit de la fronde à la bombe atomique. Elle se termine par la menace totale que fait peser l’humanité organisée sur les hommes organisés, soit l’essence même de la discontinuité. Hegel est ainsi vérifié jusqu’à l’horreur et placé la tête en bas. S’il transfigurait la totalité de la souffrance historique en la positivité de l’absolu se réalisant, alors ce qui jusqu’à aujourd’hui n’a pas, avec des pauses, cessé de s’avancer, serait idéologiquement la souffrance absolue. »

Theodor Wiesengrund ADORNO, Dialectique négative (1966) Trad. Groupe de traduction du Collège de philosophie, ed. Payot, p. 250

Forme de l’universalité et reconnaissance de la particularité

27 mercredi Jan 2021

Posted by patertaciturnus in Lectures

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culture, Hegel

« La culture est une mise en forme et se constitue par la forme de l’universalité : ainsi l’homme cultivé est celui qui sait imprimer à toutes ses actions le sceau de l’universalité — qui a renoncé à sa particularité, qui agit selon des principes univer­sels. La culture est forme du penser. Ainsi l’homme sait se retenir ; il n’agit pas selon ses inclinations et ses désirs, mais se recueille. Grâce à cela, il reconnaît à l’objet une position libre et s’habitue à la vie contem­plative. A cela se rattache l’habitude de saisir les aspects particuliers dans leur singularité, de fragmen­ter les circonstances, d’isoler les divers aspects, d’opérer abstraitement tout en conférant immédia­tement la forme de l’universalité à chacun de ces aspects. L’homme cultivé connaît les différents aspects des objets ils existent pour lui et sa réflexion cultivée leur a donné la forme de l’universalité. Il peut alors, dans son rapport aux objets, laisser subsister leurs aspects particuliers. Au contraire, l’homme inculte, fût-il le mieux intentionné, peut en saisissant l’aspect principal d’une chose, en déformer une bonne douzaine d’autres. »

G.W.F. Hegel, La raison dans l’histoire, trad. K. Papaioannou, 10/18, p. 87 -88

Joyeux 250e anniversaire Georg Wilhelm Friedrich

27 jeudi Août 2020

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enfance, Hegel, jeunesse, vie, vieillesse

Georg Wilhelm Friedrich Hegel: biographie d'un philosophe idéaliste - Nos  Pensées

Que fut la vie de Hegel ?

Laissons lui la parole :

« Le cours naturel des âges-de-la-vie, en commençant par l’enfant, l’esprit enveloppé en lui-même – en passant par l’opposition développée, la tension d’une universalité elle-même encore subjective (idéaux, imagination, obligations, espoirs, etc.) face à la singularité immédiate,  c’est-à-dire face au monde-qui-se -trouve-là, inadapté à ces idéaux, imaginations, etc., et par la situation où est placé, dans sa présence à l’égard de ce monde, l’individu qui, de son côté est encore non-autonome et inachevé en lui-même (jeune-homme) – pour atteindre au rapport véritable, à la reconnaissance du caractère objectivement nécessaire et rationnel du monde qui-se-trouve-déjà-là, achevé, et auprès de l’œuvre duquel, œuvre qui s’accomplit auprès de et pour elle-même, l’individu procure à son activité une garantie et une participation, est de la sorte un aliquid, possède un présent effectif et une valeur objective (homme fait) – jusqu’à l’achèvement de l’unité avec cette objectivité, unité qui, en tant que réelle, passe à l’inactivité de l’habitude émoussante et, en tant qu’idéelle, se libère des intérêts limités et des complications du présent extérieur – (vieillard).

Georg Wilmhelm Friedrich Hegel, Encyclopédie des sciences philosophiques en abrégé, §. 396

Ce cardinal, quel grand homme !

19 dimanche Mai 2019

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Etat, France vs Allemagne, grand homme, Hegel, Richelieu

Triple portrait du cardinal de Richelieu, Philippe de Champaigne (Londres, National Gallery)

« Considérées en tant qu’États, la France et l’Allemagne renfermaient l’une et l’autre les deux mêmes principes de dissolution ; dans le premier cas, Richelieu détruisit entièrement ces principes, élevant ainsi son pays au rang des plus grandes puissances ; dans le second cas, il leur donna toute leur force, ruinant l’existence de l’Allemagne en tant qu’État. Il porta à leur pleine maturité les principes internes sur lesquels ces deux pays étaient fondés : ces principes étaient la monarchie pour la France et, pour l’Allemagne, la formation d’une multitude d’États autonomes. Mais l’une et l’autre devaient encore lutter contre le principe opposé ; Richelieu réussit à installer solidement les deux pays dans leurs systèmes antagonistes.

Deux éléments empêchaient la France de devenir un État unifié sous la forme d’une monarchie : d’une part les grands, d’autre part les huguenots; les uns et les autres menèrent des guerres contre les rois.

Les grands qui comptaient dans leurs rangs les membres mêmes de la famille royale intriguèrent et s’armèrent contre le Premier ministre. Certes, la souveraineté du monarque était depuis longtemps sacrée et à l’abri de toutes contestations ; aussi les grands ne conduisirent-ils pas leurs armées au combat pour réclamer une part de souveraineté, mais pour être les premiers sujets du monarque, en tant que ministres, gouverneurs des provinces, etc. Les services que Richelieu rendit en soumettant les grands au ministère c’est-à-dire à l’émanation directe du pouvoir d’État, peuvent passer pour un effet de l’ambition aux yeux d’un observateur superficiel. La perte de ceux qui furent ses ennemis paraît avoir été un sacrifice fait à son ambition ; au milieu de leurs révoltes et de leurs complots, ces gens protestaient avec la plus grande sincérité de leur innocence et de leur dévouement envers leur souverain et ne considéraient pas comme un crime politique ou de droit commun leur rébellion armée contre le Premier ministre. S’ils succombèrent, la personne de Richelieu n’en fut pas la cause, mais son génie, qui sut attacher sa personne au principe nécessaire de l’unité politique et mettre les charges publiques sous la dépendance de l’État. C’est en cela que consiste le génie politique : un individu s’identifiant à un principe ; dans ces conditions, il ne peut que remporter la victoire. Le service que Richelieu rendit, comme ministre, en donnant une unité au pouvoir exécutif, est de loin supérieur au mérite qui consiste à agrandir son pays d’une province même à le sortir d’une difficulté.

Les huguenots représentaient la seconde menace pour l’État, mais Richelieu les écrasa en tant  que parti politique ; car il ne faut pas voir son comportement envers eux sous l’angle d’une persécution de la liberté de conscience. Ces gens avaient leurs propres armées, des villes fortes, des alliances avec des pays étrangers, etc., et formaient ainsi une sorte d’État souverain ; c’est contre eux que les grands avaient formé la Ligue, qui avait mis l’État français au bord de l’abîme. Les deux partis opposés, véritable fanatisme en armes, se plaçaient au-dessus de l’État. En ruinant l’État des huguenots, Richelieu ruina, du même coup, la justification de la Ligue et mit fin à l’insubordination des grands, qui en était le dernier vestige, devenu sans raison ni principe. Tout en détruisant leur État, il conserva aux huguenots, sur un pied d’égalité avec les catholiques, leur liberté de conscience, leurs églises, leurs offices religieux, leurs droits civils et politiques. Sa logique d’homme d’État lui fit concevoir et utiliser la tolérance. »

 Georg Wilhelm Friedrich HEGEL, La Constitution de l’Allemagne,
Irvéa, Champ Libre, trad. Jacob, 1977, p. 112-113

Reconnaissance sans lutte

09 dimanche Déc 2018

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estime de soi, Francis Fukuyama, Hegel

Dans son fameux ouvrages La fin de l’histoire ou le dernier homme (1992), Francis Fukuyama reprenait à son compte les analyses hégéliennes de la lutte pour la reconnaissance comme moteur de l’histoire (soit dit en passant, s’il est facile d’ironiser aujourd’hui sur l’optimisme de la thèse principale de l’ouvrage, le rapprochement qu’il opérait dans la dernière section de son lire avec la thématique nietzschéenne du dernier homme reste intéressant).  Dix ans plus tard il revient par une autre voie sur la question de la lutte pour la reconnaissance dans La fin de l’homme, un ouvrage consacré aux conséquences des biotechnologies.

« Ce qui est important est toutefois que le désir de reconnaissance a une base biologique et que cette base est liée aux niveaux de sérotonine dans le cerveau. On a démontré que les singes situés au bas de la hiérarchie de domination ont de bas niveaux de sérotonine ; inversement, un singe doué du statut de « mâle alpha » est également doté d’un haut pourcentage de sérotonine ».
C’est pour cette raison qu’une drogue comme le Prozac semble si lourde de conséquences sur le plan politique. Hegel fait valoir, assez justement, que la totalité du processus humain a été mené par une suite de luttes répétées pour la reconnaissance. Tous les progrès humains ou presque ont été les produits dérivés du fait que les gens n’étaient jamais satisfaits de la reconnaissance qu’ils obtenaient ; c’est par la lutte et le tra¬vail qu’on peut l’obtenir. En d’autres termes, le statut doit être gagné, que ce soit par les rois, par les princes — ou par votre cousin Barnabé qui cherche à obtenir le rang de premier commis dans la boutique où il travaille. La façon normale et moralement acceptable de triompher d’une mauvaise estime de soi est de lutter avec soi-même et avec les autres, de travailler dur, d’endurer parfois de cruels sacrifices, afin de s’élever et d’être salué pour avoir réalisé cela. Le problème de l’amour-propre tel que la psychologie populaire américaine le conçoit, est qu’il devient une sorte de titre, quelque chose que chacun doit avoir, qu’il le mérite ou non. Cela dévalue de facto l’amour-propre et rend sa quête décevante.
Mais ici — comme la cavalerie dans les westerns — arrive l’industrie pharmaceutique américaine : avec des drogues psychotropes comme le Prozac ou le Zoloft, elle peut fournir de l’amour-propre en bouteille, en élevant la teneur du cerveau en sérotonine ! La capacité de manipuler la personnalité , comme Peter Kramer le décrit, soulève quelques questions intéressantes. Toutes les luttes dans l’histoire de l’humanité auraient-elles pu être évitées si certains avaient eu un peu plus de sérotonine dans l’encéphale , Alexandre, César ou napoléon auraient-ils été possédés de la même soif de conquête, s’ils avaient pu croquer une tablette de Prozac à volonté ? En ce cas que serait-il advenu de l’histoire. »

Francis Fukuyama, La fin de l’homme, les conséquences de la révolution biotechnique, p. 91-92

ça tient pas debout ton histoire !

01 lundi Mai 2017

Posted by patertaciturnus in Lectures

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dialectique, Hegel, Jean-Paul Sartre, maîtrise et servitude, travail

Quelle meilleure façon de célébrer le 1er mai que de conspuer la dialectique hegelienne du maître et de l’esclave ?

« La théorie hégélienne du maitre et de l’esclave est séduisante comme phénoménologie des rapports humains mais ne tient pas debout historiquement : 1° L’esclave n’a rien inventé techniquement pendant l’Antiquité. Il était d’ailleurs essentiellement domestique ou travailleur agricole. Travaillant en équipe, il avait moins  l’occasion de saisir l’efficacité de son travail sur l’objet, comme l’ouvrier moderne « à la chaîne ». 2° Le stoïcisme pas plus que  le scepticisme n’ont été inventés par des esclaves mais par des hommes libres. A Rome le stoïcisme est devenu une théorie de maître (pour un Epictète, un grand courtisan comme Sénèque, un empereur comme Marc Aurèle). Plutôt qu’une théorie d’esclave qui  prend le point de vue du maître, j’y vois plutôt une théorie du maître  qui se prémunit contre le danger de devenir esclave et qui réfugie son orgueil de maître dans le seul bien qui n’est pas menacé : la pensée. Car il faut avoir des biens et s’en détacher pour être stoïcien — non point se consoler de ne pas en avoir. 3° La théorie de l’esclave qui ne risque pas sa vie et qui apprend dans la peur et le travail sa liberté est vraie pour une première génération d’esclaves, non pour la seconde ou la troisième : l’esclave, né à la maison, traité en familier, n’a plus si peur — peut-être plus peur du tout -, se sent justifié (inessentiel par rapport à un maitre essentiel donc est complice du maitre (vieux esclaves demeurant en Géorgie près de leurs anciens maîtres) et se trouve en situation naturelle. 4° Il n’est pas vrai que le maître n’a pas d’histoire. Car il y a d’autres maîtres avec qui il est en commerce (famille, Etat, guerre). Et c’est lui qui conquiert l’Empire romain (les soldats sont des hommes libres). C’est par lui, non par les esclaves, que le christianisme entre à Rome. 5° Les inventions techniques et découvertes scientifiques ne sont pas l’affaire des esclaves et serfs. Ce sont des clercs ou des hommes libres de classe moyenne qui la plupart du temps les réalisent. Il ne reste rien de la théorie de Hegel qu’un rapport idéal et idéalement vrai. »

Jean-Paul Sartre, Cahier pour une morale, p. 79 – 80

Hegel compris par Heine

22 mercredi Mar 2017

Posted by patertaciturnus in Divers vers

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Hegel, Heinrich Heine

Doktrin.

Schlage die Trommel und fürchte dich nicht,
Und küsse die Marketenderinn!
Das ist die ganze Wissenschaft,
Das ist der Bücher tiefster Sinn.

Trommle die Leute aus dem Schlaf,
Trommle Reveilje mit Jugendkraft,
Marschire trommelnd immer voran,
Das ist die ganze Wissenschaft.

Das ist die Hegelsche Philosophie,
Das ist der Bücher tiefster Sinn!
Ich hab’ sie begriffen, weil ich gescheidt,
Und weil ich ein guter Tambour bin.

Heinrich Heine, Zeitgedichte I

*

Doctrine

Bats le tambour et n’aie pas peur,
Embrasse la vivandière !
Voilà à quoi se résume la science,
Voilà des livres le sens ultime.

Que ton tambour réveille les gens,
Jeune et fort, tire-les de leur sommeil,
Bats du tambour, marche en avant,
Voilà à quoi se résume la science.

C’est ça la philosophie hégélienne,
Voilà des livres le sens ultime,
Je l’ai compris par ce que je suis malin,
Et aussi parce que je suis un bon tambour.

Poèmes actuels I, in Nouveaux poèmes
trad. Anne-Sophie Arstrup et Jean Guégan

Crainte des contrefaçons

15 mercredi Juil 2015

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Hegel, imitation, Ramón Gómez de la Serna, rossignol

« Nous ne jouissons  jamais tout à fait du chant du rossignol parce que nous ne sommes jamais tout à fait sûr qu’il s’agit d’un rossignol ».

Ramón Gómez de la Serna, Greguerías
Editions Cent pages, p. 18

« Il y a des hommes qui savent imiter les trilles du rossignol, et Kant a dit à ce propos que, dès que nous nous apercevons que c’est un homme qui chante ainsi, et non un rossignol, nous trouvons ce chant insipide. Nous y voyons un simple artifice, non une libre production de la nature ou une œuvre d’art. Le chant du rossignol nous réjouit naturellement, parce que nous entendons un animal, dans son inconscience naturelle, émettre des sons qui ressemblent à l’expression de sentiments humains. Ce qui nous réjouit donc ici c’est l’imitation de l’humain par la nature. »

Hegel, Esthétique

Savoir admirer

24 vendredi Avr 2015

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esthétique, hanami, Hegel, indélicatesse, Urabe Kenkô

« Un homme de qualité ne fait point montre de goûts exclusifs, et, jusqu’en ses plaisirs apporte quelque détachement. Ce sont rustres  qui prennent tout plaisir lourdement. Ils se frayent un passage et se plantent devant les arbre fleuris ; ils les regardent de tous leurs yeux, boivent du saké enchaînent des vers, et, pour finir, dans leur grossièreté ils cassent et emportent de grosses branches.  Ils trempent mains et pieds dans les sources, piétinent dans la neige pour y laisser des traces, et ainsi de tout. Il n’est rien qu’ils ne puissent admirer de loin. »

Urabe Kenkô, Les heures oisives, CXXXVII

*

ToyoharaShikanobu

Ce texte fait suite à un passage particulièrement remarquable que j’ai déjà cité. C’est le rituel du hanami qui est ici pris pour exemple, mais le thème est ensuite plus longuement développé avec l’exemple de la fête Aoi Matsuri. Comme j’avais la flemme de recopier un extrait plus long je ne voulais pas abuser du droit de citation, je vous invite à passer à l’offre premium et à acheter ce livre pour en savoir plus.

*

On transposerait sans peine ce propos du XIVe siècle dans le monde contemporain  : le rustre d’aujourd’hui c’est le touriste (je parle évidemment des autres quand ils font du tourisme, ni vous, ni moi ne nous conduisons ainsi bien entendu). Ceux qui seraient tentés de conclure de ce texte que le tourisme de masse n’a rien inventé en terme de rustrerie devront cependant concéder que les séances de photos (avec éventuellement les mises en scènes de l’ego en cariatide) remplacent avantageusement les déclamations de poèmes.

Joconde

paquebot

*

Que ceux que le snobisme et le mépris des manières du peuple révulsent se rassurent, il est possible de donner une dignité philosophique au désir, dénoncé à la fin du texte, de laisser sa marque dans le spectacle. Il suffira de rapprocher les traces dans la neige déplorées par Kenkô, des ronds dans l’eau évoqués par Hegel dans un passage fameux de l’Esthétique :

« L’homme obtient cette conscience de soi-même de deux manières différentes: premièrement de manière théorique, dans la mesure où il est nécessairement amené à se rendre intérieurement conscient à lui-même, où il lui faut contempler et se représenter ce qui s’agite dans la poitrine humaine, […] Deuxièmement, l’homme devient pour soi par son activité pratique, dès lors qu’il est instinctivement porté à se produire lui-même au jour tout comme à se reconnaître lui-même dans ce qui lui est donné immédiatement et s’offre à lui extérieurement. Il accomplit cette fin en transformant les choses extérieures, auxquelles il appose le sceau de son intériorité et dans lesquelles il retrouve dès lors ses propres déterminations. L’homme agit ainsi pour enlever, en tant que sujet libre, son âpre étrangeté au monde extérieur et ne jouir dans la figure des choses que d’une réalité extérieure de soi-même. La première pulsion de l’enfant porte déjà en elle cette transformation pratique des choses extérieures; le petit garçon qui jette des cailloux dans la rivière et regarde les ronds formés à la surface de l’eau admire en eux une œuvre, qui lui donne à voir ce qui est sien. Ce besoin passe par les manifestations les plus variées et les figures les plus diverses avant d’aboutir à ce mode de production de soi-même dans les choses extérieures tel qu’il se manifeste dans l’œuvre d’art’. »

trad. J.P. Lefebvre

Si vous n’êtes pas convaincu que laisser des marques dans la neige relève du même besoin que la création artistique je vous suggère de (re)lire ceci.

Dialectique et monarchie française

15 mardi Avr 2014

Posted by patertaciturnus in Fantaisie

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Bertrand Russell, contradiction, dialectique, Hegel, Jacques Prévert

« En vertu de la loi du tiers exclu, soit « A est B », soit « A n’est pas B » doit être vrai. Ainsi, ou « l’actuel roi de France est chauve » ou « l’actuel roi de France n’est pas chauve » doit être vrai. Cependant si nous énumérons les choses qui sont chauves, puis celles qui ne le sont pas, dans aucune de deux listes nous ne trouverons l’actuel roi de France. Les hégéliens, épris de synthèse, en concluraient probablement qu’il porte une perruque. »

Bertand Russell, De la dénotation

*

« Thèse, antithèse et prothèse :
Il faut récapiter Louis XVI »

Jacques Prévert, Fatras

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