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Pater Taciturnus

~ "Ton péché originel c'est d'ouvrir la bouche. Tant que tu écoutes tu restes sans tache"

Pater Taciturnus

Archives de Tag: Epictète

Personnage vs personnalité de l’acteur ?

12 vendredi Août 2016

Posted by patertaciturnus in Divers vers, Perplexités et ratiocinations

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Mots-clés

acteur, Benjamin Fondane, destin, Epictète, liberté, métaphore

Préface

Il y avait longtemps
que le spectacle était commencé de l’Histoire
on en avait déjà oublié les débuts
les origines fabuleuses,
quand je suis né au monde
au milieu de l’Intrigue
comme un événement prévu depuis toujours
et cependant comme une surprise
un personnage inquiétant
qui pouvait tout laisser en place, qui pouvait tout change,
le sens de l’action, la trame des mobiles,
qui avait sur le texte établi de toujours
l’ascendant prodigieux, étrange du vivant
le droit de bafouiller les meilleures répliques
d’improviser un monde en marge de l’auteur
et tout d’un coup malgré le Plan,
s’introduire soi-même au sein du personnage
en criant, excédé, vers le public des loges
« Il n’y a pas assez de réel pour ma soif ! »

Benjamin Fondane, Ulysse,
in Le mal des fantômes, Verdier poche, p. 21

*

acteur

Source de l’image

La métaphore que Benjamin Fondane file à travers ce texte évoque cet extrait fameux du Manuel où Epictète utilise une analogie avec la relation entre auteur et acteur pour signifier ce qu’il en est de notre liberté envers le destin.

« Souviens-toi que tu es comme un acteur dans le rôle que l’auteur dramatique a voulu te donner : court, s’il est court ; long, s’il est long. S’il veut que tu joues un rôle de mendiant, joue-le encore convenablement. Fais de même pour un rôle de boiteux, de magistrat, de simple particulier. Il dépend de toi, en effet, de bien jouer le personnage qui t’est donné ; mais le choisir appartient à un autre. »

Epictète, Manuel, XVII

Benjamin Fondane étant aussi philosophe, il est très peu probable que cette proximité soit le fruit du hasard. Mais si Fondane reprend à son compte l’analogie proposée par Epictète, on constate qu’il en détourne le sens puisque, pour Epictète, il ne saurait être question d' »improviser un monde en marge de l’auteur » (ce ne peut être qu’une illusion). Mais ce détournement de  sens est rendu possible par une faille de l’analogie proposée par le stoïcien : en effet, s’il est vraiment en notre pouvoir de jouer bien ou mal (« bredouiller les meilleurs répliques ») le rôle qui nous est assigné par l’Auteur, comment nous refuser le pouvoir d’improviser? Et inversement, si nous n’avons aucune marge d’improvisation, ne sommes nous pas plutôt des pantins dont le Marionnettiste (qui détermine la manière de jouer) serait aussi l’Auteur de l’Intrigue? Pour le stoïcien, l’acteur  (l’homme) accompli est celui qui joue bien le rôle qui lui est assigné, ce qui signifie qu’il accepte ce rôle quel qu’il soit, au lieu de rechigner et de le jouer à contre-coeur. Pour Fondane en revanche, il semble que  pour s’accomplir, l’acteur doive « s’introduire dans le personnage » et improviser « en marge de l’auteur », comme s’il s’agissait de subvertir le rôle en l’investissant de sa personnalité. On notera que, pour détourner le sens de l’analogie, Fondane exploite également un aspect du comparant qui restait sans emploi chez Epictète : en effet, qui dit spectacle dit « public des loges ». En s’adressant à ce public en tant qu’acteur et en lui exprimant son insatisfaction (alors que l’acteur stoïcien se satisfait de son rôle), l’acteur, dans le poème de Fondane, affirme son autonomie par rapport à son personnage. Mais, demandera-t-on, qui compose le public  ? Il est vrai que l’on voit mal quels autres spectateurs cette pièce pourrait avoir que son auteur et ses acteurs mêmes.

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Faut-il simuler quand l’autre n’est pas à la hauteur ? (2)

15 dimanche Mai 2016

Posted by patertaciturnus in Perplexités et ratiocinations

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Mots-clés

amitié, Epictète, franchise, hypocrisie, stoïcisme

J’ai évoqué hier, à propos de l’utilitarisme, un problème qui pourrait être examiné à propos d’autres options  de philosophie morale. On peut se demander quelles sont les philosophies morales qui  pourraient justifier une forme d’hypocrisie face à un public qui ne leur est pas acquis. Par exemple, je vois mal par quel artifice la déontologie kantienne pourrait recommander le genre de simulation qui est concevable dans l’utilitarisme. Je voudrais, aujourd’hui, essayer d’y voir plus clair sur ce qu’il en est de ce problème pour le stoïcisme.

 Il y a un passage du Manuel d’Epictète que je rumine depuis un certain temps  car il semble recommander un comportement qu’on peut juger hypocrite :

« Lorsque tu vois un homme qui gémit dans le deuil, soit parce que son fils est absent, soit parce qu’il a perdu ce qu’il possédait, prends garde de te laisser emporter par l’idée que les maux dont il souffre lui viennent du dehors. Mais sois prêt à dire aussitôt : « Ce qui l’afflige ce n’est point ce qui arrive, car un autre n’en est pas affligé; mais c’est le jugement qu’il porte sur cet événement. » N’hésite donc pas, même par la parole, à lui témoigner de la sympathie, et même, si l’occasion s’en présente, à gémir avec lui. Mais néanmoins prends garde de ne point aussi gémir du fond de l’âme.« 

Manuel §. XVI

On peut d’abord noter que l’aspirant stoïcien est confronté au problème de l’hypocrisie parce que son compagnon ne fait pas preuve lui-même de stoïcisme. Mais pourquoi aller gémir avec lui plutôt que de veiller, à distance, à préserver sa propre paix intérieure? A quel impératif du stoïcisme correspond cette conduite ?Il ne s’agit pas de préserver son image aux yeux de l’autre, d’éviter de passer pour un sans-coeur. En effet le Manuel recommande à diverses reprises à l’aspirant stoïcien de ne pas se laisser détourner de la voie de la sagesse en se souciant de ce que les non-stoïciens diront de lui :

« Si tu veux progresser, résigne-toi, quant aux choses extérieures, à passer pour un insensé et un sot. »

§. XIII

« Si tu désire être philosophe, prépare-toi dès lors à être ridiculisé et raillé par la foule … »

§. XXII

Si le stoïcien ne doit pas hésiter à gémir « extérieurement », ce n’est donc pas pour préserver sa sérénité en dissimulant son stoïcisme. C’est en tant que moyens de remplir ses devoirs sociaux que ces gémissements se justifient (pour autant qu’ils n’engagent pas le « fond de l’âme »). Soit, dira-t-on, le stoïcien pour vivre conformément à sa nature d’homme doit remplir des devoirs de soutien envers les autres, mais pourquoi la conciliation de l’accomplissement des devoirs sociaux et de la préservation de la tranquillité de l’homme devrait-elle prendre la forme de ces gémissements « feints ». Le stoïcien ne rendrait-il pas meilleur service à ce voisin dans le deuil en allant lui prodiguer une leçon de stoïcisme, par exemple en allant lui expliquer que « ce qui trouble les hommes ce ne sont pas les choses mais les jugements qu’ils portent sur elles » ? Aller gémir avec l’autre, c’est faire ce que celui-ci attend, mais est-ce bien remplir son devoir envers l’autre que de faire ce qu’il attend lorsque cette attente témoigne de son « déficit de stoïcisme »? Le problème est ici de savoir comment le stoïcien pourra être l’ami d’un non-stoïcien sans que cela compromette son stoïcisme. Le chapitre XXIV du Manuel est d’ailleurs pour une large part consacré à répondre à l’objection que l’engagement dans la voie stoïcienne rendrait incapable de remplir ses devoirs d’amis ou de citoyens dans un monde ou tous ne sont pas stoïciens :

2. – Mais tes amis resteront sans secours ! – Qu’appelles-tu sans secours ? – Tu ne leur donneras pas de l’argent, tu ne les feras pas citoyens romains – Mais qui donc t’a dit que ce sont la des choses qui dépendent de nous, et qui ne nous sont pas des choses étrangères ? Qui peut donner à un autre ce qu’il n’a pas lui-même ? – Acquiers donc, dira l’un d’eux, pour que nous ayons.

3.- Si je puis acquérir en me conservant modeste sur, magnanime, montre-moi le chemin, et j’acquerrai. Mais si vous trouvez bon que je perde les biens qui me sont propres pour que vous obteniez ce qui n’est pas un bien, voyez a quel point vous êtes iniques et déraisonnable ! Que préférez-vous donc ? L’argent ou un ami sûr et modeste ? Aidez-moi plutôt a acquérir ces biens, et ne trouvez plus bon que je me livre à des actes qui me les fassent perdre.

4.- « Mais ma patrie, dira quelqu’un, autant qu’il est en moi, je ne lui viendrai point en aide.»  Encore une fois, quelle est cette aide ? Elle ne te devra ni portique, ni bains. Et qu’est-ce que cela ? Ce ne sont pas les forgerons qui lui donnent des chaussures, ni les cordonniers, des armes ; il suffit que chacun accomplisse sa tâche. Mais, si tu lui fournissais quelque autre citoyen modeste et sûr, ne lui rendrais-tu aucun service. _ Oui – Eh bien alors ! Toi aussi, tu ne lui seras pas inutile.

La réponse du chapitre XXIV et celles du chapitre XVI sont elles cohérentes ? On peut avoir l’impression que le comportement recommandé au chapitre XVI (aller gémir « extérieurement » avec l’autre sans lui servir une leçon de stoïcisme) transige davantage que celui recommandé au chapitre XXIV (où l’on explique à l' »ami » qui vous demande de l’aider à s’enrichir, qu’il vaut mieux avoir un ami stoïcien que de l’argent !). En réalité il me semble qu’il n’y a pas de contradiction entre une hypocrisie du chapitre XVI et une franchise du chapitre XXIV ; les deux comportements sont justifiables à partir des mêmes principes mais  ceux-ci sont appliqués différemment en fonction de l’appréciation de la situation. L’attitude recommandée au chapitre XVI peut se justifier en arguant qu’une leçon de stoïcisme administrée dans ces circonstances ne serait de toutes façons pas audibles, que le mieux qu’il y ait à faire dans un premier temps est de gémir, quitte à réserver les belles paroles pour un moment plus propice. On a vu hier dans l’utilitarisme, un équivalent de ce moment d’appréciation de la situation :  l’utilitariste devait apprécier les conséquences sur le bonheur général de ses louanges et de ses blâmes en tenant compte de la « maturité » de son public  pour décider s’il devait assumer publiquement  son utilitarisme.

Comme j’ai développé cette interprétation sans prendre le temps de faire les lectures nécessaires sur le concept de parrhèsia, il est possible que j’ai dit beaucoup de bêtises. Si la marge d’appréciation que j’ai supposée est bien reconnue par les stoïciens (du moins par Epictète), il me semble qu’elle pourrait constituer une différence avec le cynisme qui ne semble pas porter aux mêmes ménagements.

Vivre en étranger

01 lundi Fév 2016

Posted by patertaciturnus in Lectures

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Mots-clés

apophtegmes, étranger, Epictète

« Un frère demanda un jour à l’Abbé Poemen : « Comment dois-je me comporter là où je vis? » L’Ancien répondit : « Soyez prudent comme si vous étiez étranger ; où que vous soyez, ne désirez pas que vos paroles fassent la loi, et vous aurez le repos »

La sagesse du désert, Aphorismes des pères du désert
trad. Marie Tadié, Albin Michel, LXXXI

 Le sage conseil de l’Abbé Poemen n’est pas sans rappeler cette recommandation du chapitre XI du Manuel d’Epictète :

« Ne dis jamais, à propos de rien, que tu l’as perdu ;  dis : « Je l’ai rendu. » Ton enfant est mort ? Tu l’as rendu. Ta femme est morte ? Tu l’as rendue. « On m’a pris mon champ ! » Eh bien, ton champ aussi, tu l’as rendu. « Mais c’est un scélérat qui me l’a pris ! » Que t’importe le moyen dont s’est servi, pour le reprendre, celui qui te l’avait donné ? En attendant le moment de le rendre, en revanche, prends-en soin comme d’une chose qui ne t’appartient pas, comme font les voyageurs dans une auberge. »

ADD. 03/02/16 : ce rapprochement a des limites comme le signale Philalète en commentaire.

Ce qui ne nous tue pas etc.

19 jeudi Nov 2015

Posted by patertaciturnus in Aphorisme du jour

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Mots-clés

Epictète, force et faiblesse, Nietzsche

L’aphorisme du Crépuscule des idoles  : « ce qui ne me tue pas me rend plus fort » est vraisemblablement le plus fameux des aphorismes de Nietzsche. On pourrait pourtant considérer qu’il est exposé à des objections évidentes … du genre suivant par exemple.

On répondra, bien entendu, que ce prétendu contrexemple ne porte que contre une interprétation simplette de l’aphorisme. Soit, mais quelle est alors  la bonne interprétation ? Pour y voir plus clair, il me semble qu’on peut s’appuyer sur un texte de Nietzsche plus ancien et beaucoup moins célèbre, mais plus explicite.

Biens meubles et terres au soleil.

Quand la vie vous a une fois traité de façon bien rapace, et vous a pris tout ce qu’elle pouvait d’honneurs, de joies, d’adeptes, de santé, de biens de toutes sortes, on découvrira peut-être à la suite, après la première frayeur, que l’on est plus riche qu’auparavant. Car alors seulement on sait ce qui vous appartient si bien en propre  qu’aucun brigand  n’est plus capable d’y toucher ; et ainsi, l’on sortira peut-être de tant de saccage et de bouleversement avec la distinction d’un grand propriétaire foncier.  

Humain trop humain II, § 343

La différence avec l’aphorisme du Crépuscule des idoles ne tient pas seulement à la longueur du texte et au registre métaphorique mobilisé (la richesse étant remplacée par  la force),  on peut, en effet, noter que l’aphorisme d’Humain trop humain n’est pas aussi affirmatif que son fameux cousin : il est ponctué par deux « peut-être ». L’inspiration stoïcienne de ce texte me semble manifeste : cette idée que la vraie richesse consiste à savoir ce qui nous appartient en propre évoque le premier chapitre du Manuel où Epictète explique que la condition pour être effectivement libre est de savoir où réside cette liberté.

« Souviens-toi donc que, si tu crois libres ces choses qui, de par leur nature, sont serviles, et propres à toi celles qui sont étrangères, tu seras entravé, affligé, troublé, tu accuseras dieux et hommes. Mais si tu crois tien cela seul qui est tien [jugement, tendance, désir et aversion], et étranger ce qui en effet t’est étranger [corps, richesse, célébrité, pouvoir], nul ne te forcera jamais à faire une chose, nul ne t’en empêchera ; tu ne te plaindras de personne, tu n’accuseras personne ; tu ne feras pas involontairement une seule action ; personne ne te nuira, et d’ennemi, tu n’en auras point, car tu ne souffriras rien de nuisible.»

Ce que souligne le §. 343 d’Humain trop humain II c’est que l’expérience de la dépossession des fausses richesses (de ce que nous croyons à tort nous appartenir en propre) constitue une occasion privilégiée de prendre conscience de la nature des vraies richesses (de ce qui nous appartient en propre).

La possibilité de satisfaire notre désir de savoir est-elle garantie ?

02 lundi Nov 2015

Posted by patertaciturnus in Perplexités et ratiocinations, Tentatives de dialogues

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Mots-clés

Epictète, philosophie, providence, scepticisme

« Voici le point de départ de la philosophie : la conscience du conflit qui met aux prises les hommes entre eux, la recherche de l’origine de ce conflit, la condamnation de la simple opinion et la défiance à son égard, une sorte de critique de l’opinion pour déterminer si on a raison de la tenir, l’invention d’une norme, de même que nous avons inventé la balance pour la détermination du poids, ou le cordeau pour distinguer ce qui est droit et ce qui est tordu.

Est-ce là le point de départ de la philosophie ? Est juste tout ce qui paraît tel à chacun. Et comment est-il possible que les opinions qui se contredisent soient justes ? Par conséquent, non pas toutes. Mais celles qui nous paraissent à nous justes ? Pourquoi à nous plutôt qu’aux Syriens, plutôt qu’aux Égyptiens ? Plutôt que celles qui paraissent telles à moi ou à un tel ? Pas plus les unes que les autres. Donc l’opinion de chacun n’est pas suffisante pour déterminer la vérité.

Nous ne nous contentons pas non plus quand il s’agit de poids ou de mesures de la simple apparence, mais nous avons inventé une norme pour ces différents cas. Et dans le cas présent, n’y a-t-il donc aucune norme supérieure à l’opinion ? Et comment est-il possible qu’il n’y ait aucun moyen de déterminer et de découvrir ce qu’il y a pour les hommes de plus nécessaire ? Il y a donc une norme. Alors, pourquoi ne pas la chercher et ne pas la trouver, et après l’avoir trouvée, pourquoi ne pas nous en servir par la suite rigoureusement, sans nous en écarter d’un pouce? »

EPICTETE, Entretiens, II, 11

*

– Tiens, tu comptes recycler sur ton blog les commentaires de texte qui font ton quotidien ?

– Non,  je n’aurais rien à apprendre aux quelques professeurs de philosophie qui composent mon lectorat et je craindrais d’ennuyer les autres.

– Dommage pour les élèves de passage en quête d’un moyen de se décharger d’un pensum.

– Pour eux, et pour les autres, je ferai quand même une remarque sur ce texte. Il y a un point qui m’a toujours frappé : c’est le passage en force dans le dernier paragraphe  :

Et comment est-il possible qu’il n’y ait aucun moyen de déterminer et de découvrir ce qu’il y a pour les hommes de plus nécessaire ? Il y a donc une norme.

Conclure du besoin que nous avons d’une chose à l’existence de cette chose,  voilà une inférence contre laquelle nous sommes aujourd’hui mis en garde.

– Elle se justifierait dans le cadre de la conception stoïcienne de la providence, non ?

– Peut-être. Mais pour admettre une telle providence contre ceux qui la nient, il faudrait déjà être assuré de disposer de la norme permettant d’en départager l’affirmation et la négation.

– Et pourquoi n’y aurait-il pas plutôt une providence maligne qui aurait disposé que, plus il nous importe de savoir quelque chose, moins il nous est possible de le savoir. Les questions les plus essentielles seraient les plus insolubles … ça me paraît plus vraisemblable finalement.

– C’est une hypothèse gratuite.

– Moi je la trouve tentante.

– Derrière cette tentation tu devrais soupçonner une projection de ta pusillanimité : c’est parce que ta réticence à prendre parti croît avec  les enjeux que tu es porté à imaginer que les questions les plus importantes sont les plus insolubles.

Inspiration matinale

02 jeudi Juil 2015

Posted by patertaciturnus in Divers vers

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Mots-clés

Epictète, Pier Paolo Pasolini, suicide

Qual è l’idea felice che mi risveglia?
Questa, si sa, è l’estate più calda
che si ricordi : il sonno è un piacevole dormiveglia
specialmente se al paziente accade

Di sognare di smettere di cavalcare in stella
a cavalli maschi, e saltare nella groppa sudata
di cavalle che solo sherzando mordono la briglia –
L’idea che mi ha svegliato, miracolosa come la rugiada,

è quella di come e dove potrei uccidermi :
esattamente, mio Signore, a une albero del giardino,
qui davanti, dietro la serranda : quiungo quasi a ridere

della simplicità della trovata ; penso perfino
di procurarmi subito una corda, da custidore, fida
e rassicurante, qui, dentro questo cassetino.

corde

Quelle est l’heureuse idée qui me réveille?
Cet été, on le sait, est le plus chaud que l’on ait
En mémoire : le sommeil est une agréable somnolence
Surtout quand il arrive au malade

De rêver de cesser de monter en selle
Des étalons, et de sauter sur la croupe en sueur
De juments qui ne mordent le mors que par plaisanterie –
L’idée qui m’a réveillé, miraculeuse comme la rosée,

Est de savoir comment et où je pourrais me tuer :
Exactement, mon Seigneur, en me pendant à un arbre du jardin
Là-devant, derrière le rideau de fer : j’en viens presque à rire

De la simplicité de la trouvaille : je pense même
Me procurer tout de suite une corde que je conserverais, fidèle
Et rassurante ici, dans ce petit tiroir.

Pier Paolo Pasolini, Sonnets
trad. René de Ceccatty, Gallimard

*

Il peut paraître étrange que la pensée de la possibilité du suicide – idée « heureuse », « miraculeuse » – mette ainsi en joie au point d’en conjurer l’envie de mourir. Si c’est « tout de suite » qu’il faut se procurer la corde, ce n’est pas pour en faire immédiatement usage – l’usage est repoussé aux calendes – mais parce que sa possession est « rassurante » …  Cette idée que la possibilité de quitter la vie aide à l’affronter se trouve déjà exprimée par Epictète :

«Chose essentielle, songe que la porte est ouverte. Ne sois pas plus lâche que les enfants: quand la chose ne leur plaît pas, ils disent “je ne jouerai plus”; toi aussi, quand tu crois être en semblable situation, dis “je ne jouerai plus” et va-t-en; mais si tu restes, ne gémis pas»

Entretiens (I, ii, 25)

De l’inutilité de se préparer au pire

25 samedi Oct 2014

Posted by patertaciturnus in Perplexités et ratiocinations, Pessoa est grand

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Mots-clés

Epictète, Fernando Pessoa, souffrance, stoïcisme, surprise

LeBrun- étonnement

« L’âme humaine est victime de la douleur de façon si inéluctable qu’elle éprouve de la douleur à une surprise pénible, même dans le cas où il aurait dû s’y attendre. Tel homme, qui a discouru sa vie entière sur l’inconstance et la légèreté des femmes comme de choses naturelles et typiques, va éprouver toute l’angoisse d’une amère surprise lorsqu’il se trouvera trahi en amour – absolument comme si la fidélité et la constance de la femme avaient toujours été pour lui un dogme intangible, et son plus sûr espoir. Tel autre, pour lequel tout est creux et tout est vide, va sentir la foudre s’abattre sur lui le jour où il découvre que le monde tient pour nul tout ce qu’il écrit, que ses efforts pour enseigner sont parfaitement vains, ou que l’idée de transmettre son émotion est totalement irréalisable.

N’allez pas croire que les hommes à qui ce genre de malheur arrive (ces malheurs là ou d’autres) aient manqué de sincérité lorsque, dans leur discours ou leurs écrits, ils laissaient prévoir que ce type de malheur était prévisible, voire certain. La sincérité d’une affirmation intelligente n’a rien à voir avec le naturel d’une émotion spontanée. Pourtant les choses semblent bien se passer ainsi, l’âme semble bien connaître de ces surprises, simplement pour que la souffrance ne vienne jamais à lui manquer, que l’opprobre ne cesse de la marquer et que le chagrin ne se fasse jamais trop rare, part égalitaire de chacun dans la vie. […] « 

Fernando Pessoa, Le livre de l’intranquillité, §. 245, p.255

*

Le propos de Pessoa dans cet texte revient à frapper de nullité une pratique recommandée par les stoïciens : anticiper les événements qui peuvent troubler l’âme pour accroître sa capacité à conserver sa sérénité lorsque l’événement se produira réellement. On peut penser à ces deux recommandations du manuel d’Epictète :

« Lorsque tu dois entreprendre quelque chose, rappelle-toi ce qu’est la chose dont il s’agit. Si tu vas te baigner, représente-toi ce qui arrive au bain, les gens qui vous éclaboussent, qui vous bousculent, qui vous injurient, qui vous volent. Ainsi, tu seras plus sur de toi en allant baigner, si tu te dis aussitôt ·:  «  Je veux me baigner, mais je veux encore maintenir ma volonté dans un état conforme à la nature.» Et qu’il en soit ainsi pour toutes actions. De cette manière, s’il te survient au bain quelque traverse, tu auras aussitôt présent à l’esprit : « Mais je ne voulais pas me baigner seulement, je voulais encore maintenir ma volonté dans un état conforme à la nature. Je ne la maintiendrais pas, si je m’irritais contre ce qui arrive. »

Manuel, chapitre IV

« Que la mort, l’exil et tout ce qui semble redoutable soient présents à tes yeux tous les jours; la mort surtout, et jamais tu n’auras de pensées lâches, ni de désirs immodérés. »

Manuel, chapitre XXI

*

Je n’ai pas encore recherché ce qui a pu être écrit sur la relation de Pessoa au stoïcisme. A première vue la relation ne me semble pas simple à décrire. D’une part, on ne peut qu’opposer à la recherche stoïcienne de la tranquillité de l’âme la complaisance de Pessoa (sous l’hétéronyme de Bernardo Soares) pour la description de l’intranquillité et du taedium vitae (ce qui va ponctuellement jusqu’au souhait, bien peu stoïicen de répandre cette intranquillité). Mais d’autre part Pessoa avait conçu un autre hétéronyme  : le baron Teive, dont aucun texte ne fut publié de son vivant mais dont les écrits publiés depuis ont été réunis sous le titre : L’éducation du stoïcien (il s’agit d’un des titres envisagés par Pessoa pour un ouvrage qu’il n’acheva pas). On pourrait envisager de comprendre la relation de Pessoa au stoïcisme en fonction de l’opposition entre deux de ses hétéronymes : Bernardo Soares et le Baron Teive :

« On ne peut publier le Baron de Teive sans évoquer aussitôt Bernardo Soares : ces deux « hétéronymes » ont été tour à tour les « auteurs », prévus par Pessoa, du Livre de l’intranquillité, et le parallèle s’impose de lui-même. Ou plus exactement l’opposition comme en miroir. Le Baron de Teive / Bernardo soares ; L’éducation du stoïcien / Le livre de l’intranquillité. L’antithèse est flagrante et pourtant […] les deux termes sont intimement liés. Le Baron de Teive connaît un sort tragique et fascinant ; une quête de la perfection qui peut rappeler l’exigence mallarméenne, mais qui ira « jusqu’au bout », selon une logique inflexible.

C’est ce côté implacable du baron de Teive qui contraste si fortement avec les atermoiements, auto-analyses et introspections sans fin de Bernado Soraes. Le Livre de l’intranquillité est le livre du désespoir ; L’éducation du stoïcien est le livre du suicide – non seulement d’un homme, amis d’un créateur se heurtant à ses propres limites. « 

Présentation par Françoise Laye de sa traduction de L’éducation du stoïcien
Christian Bourgois 2000, p 7-8

Outre l’effet de brouillage lié au fait que les deux hétéronymes ont été envisagés pour le Livre de l’intranquillité, il faut signaler que parmi les textes de cet ouvrage certains ont une tonalité stoïcienne.

« Le sage véritable adopte intérieurement une attitude telle que les événements extérieurs ne viennent l’affecter que de manière absolument minime. Il doit dans ce but se cuirasser en s’entourant de réalités qui soient plus proches de lui que les faits eux-mêmes, et qui les filtrent pour les mettre en accord avec elles-mêmes avant qu’ils ne lui parviennent. »

Le livre de l’intranquillité, §. 97, p. 128

*

Pour revenir au §. 245 du Livre de l’intranquillité, il me semble que son opposition aux stoïciens concerne non le caractère désirable de leur idéal mais l’efficacité d’un moyen proposé pour l’atteindre. La divergence porte en particulier sur la relation entre jugement et émotion : l’efficacité des procédés stoïciens présuppose une relation entre jugement et émotion que conteste le texte qui m’occupe. On pourrait ainsi opposer l’affirmation de Pessoa / Soares selon laquelle : « la sincérité d’une affirmation intelligente n’a rien à voir avec le naturel d’une émotion spontanée » avec ce principe inlassablement répété par Epictète : « lorsque quelqu’un te met en colère, sache que c’est ton jugement qui te met en colère ». Mais le désaccord avec les stoïciens ne se limite pas à un point de psychologie il se manifeste également dans la « cosmologie » : on assiste à la fin de l’extrait à une sorte de retournement pessimiste de la providence stoïcienne  :

« Pourtant les choses semblent bien se passer ainsi, l’âme semble bien connaître de ces surprises, simplement pour que la souffrance ne vienne jamais à lui manquer, que l’opprobre ne cesse de la marquer et que le chagrin ne se fasse jamais trop rare, part égalitaire de chacun dans la vie. »

Je ne creuserai pas davantage ce point aujourd’hui car la relation de Pessoa au pessimisme mériterait un article à part entière.

Vertu de réserve

13 lundi Oct 2014

Posted by patertaciturnus in Aphorisme du jour, Perplexités et ratiocinations

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Mots-clés

Epictète, Marcel proust, ostentation, réserve, Urabe Kenkô

« En toutes choses, il est bon de se comporter avec réserve. Un homme raffiné se vantera-t-il de ce qu’il sait puisqu’il le sait?

Ce sont surtout les gens qui viennent de sortir du fond de la campagne dont les réparties nous feraient croire qu’ils sont passés maîtres en tout domaines. Il y a des cas où ils nous persuadent et nous amènent à dire « sans doute. » Ces airs satisfaits qu’ils affichent sont bien vulgaires.

Des domaines qu’on connaît à fond il vaut mieux ne pas parler si personne ne vous pose de questions. »

Urabe Kenkô, Les heures oisives, LXXIX

*

Pourquoi la réserve est-elle distinguée tandis que l’ostentation est vulgaire? Il faut croire qu’en matière de savoir comme en matière de biens matériels l’ostentation atteste le caractère récent des acquisitions. Ainsi, à l’ostentation des nouveaux-riches correspondrait ce que Proust appelle « le ton péremptoire des savants de la veille » :

« Balzac est comme ces gens qui, entendant un Monsieur dire : « le Prince » en parlant du duc d’Aumale, « Madame la duchesse » en parlant d’une duchesse, et le voyant poser son chapeau par terre dans un salon, avant d’apprendre qu’on dit d’un prince : le Prince, qu’il s’appelle le comte de Paris, le prince de Joinville ou le duc de Chartres, et d’autres usages, ont dit « Pourquoi dites-vous : le Prince, puisqu’il est duc? Pourquoi dites-vous Mme la duchesse, comme un domestique, etc. » Mais, depuis qu’ils savent que c’est l’usage ils croient l’avoir toujours su, ou , s’ils se rappellent avoir fait ces objections, n’en font pas moins la leçon aux autres, et prennent plaisir à leur expliquer les usages du grand monde, usages qu’ils connaissent depuis peu de temps. Leur ton péremptoire de savants de la veille est précisément celui de Balzac quand il dit ce qui se fait et ce qui ne se fait pas. »

Marcel Proust, Contre Sainte-Beuve, Folio essais, p. 204 – 205

Le mépris de l’ostentation n’est-t-il rien d’autre que le moyen par lequel les possédants de vieille souche affirme leur supériorité sur les parvenus? Si tel était le cas il ne s’agirait que de la poursuite sous une forme plus subtile de l’effort de distinction dont témoigne l’ostentation même du parvenu.

Mais peut-être y a-t-il des raisons de faire l’éloge de la réserve qui ne la réduise pas à une relance du grand jeu de la distinction. Ainsi on pourrait faire valoir que la réserve nous fait justement sortir du jeu du « faire envie » qui est sous-jacent à l’ostentation. Encore faut-il, cependant, que cette réserve ne soit pas elle-même ostentatoire (il y a des manières de ne pas montrer qui montrent qu’on ne montre pas). De surcroît, quand on considère le cas spécifique du savoir, on peut défendre l’idée que l’ostentation témoigne d’une mauvaise compréhension de la vraie valeur du savoir, qui ne serait pas celle d’un bien positionnel. On pense à ce passage fameux du Manuel d’Épictète :

« Ne te dis jamais philosophe, ne parle pas abondamment, devant les profanes, des principes de la philosophie; mais agis selon ces principes. Par exemple dans un banquet, ne dis pas comment il faut manger, mais mange comme il faut. Souviens-toi en effet que Socrate était à ce point dépouillé de pédantisme que, si des gens venaient à lui pour qu’il les présente à des philosophes, il les conduisait lui-même ; tant il acceptait d’être dédaigné. Et si, dans une réunion de profanes, la conversation tombe sur quelque principe philosophique, garde le silence tant que tu le peux ; car le risque est grand que tu ne recraches trop vite ce que tu n’as pas digéré. Alors si quelqu’un te dit que tu es un ignorant et que tu n’en es pas meurtri, sache que tu commences à être philosophe. Car ce n’est pas en donnant de l’herbe aux bergers que les brebis montrent qu’elles ont bien mangé, mais en digérant leur nourriture au-dedans et en fournissant au-dehors de la laine et du lait. Toi non plus donc, ne montre pas aux gens les principes de la philosophie, mais digère-les et montre les œuvres qu’ils produisent. »

Epictète, Manuel, XLVI

La recommandation de ne pas craindre de passer pour ignorant, complémentaire de celle qui dissuade de s’afficher savant, a d’ailleurs son pendant chez le moine Kenkô :elle est présentée comme la condition du progrès.

« Un homme voulant passer maître dans un art quelconque se dit souvent, semble-t-il? : « Tant que je ne saurai bien faire, je me garderai de laisser connaître mes imperfections. Mais si, en secret, je deviens maître et que je me manifeste devant tous, quel trait d’élégance! »
Or, ceux qui parlent ainsi n’arrivent jamais à la maîtrise.
Par contre, celui qui, lorsqu’il n’es encore qu’un petit apprenti se mêle aux habiles et s’applique à se perfectionner sans souci, ni de honte, ni de médisances, ni de mépris, même s’il manque de dons naturels, mais à condition de ne jamais s’arrêter à mis chemin, de persévérer sans caprice pendant des années, cet homme là arrivera en fin de compte, et mieux que le concurrent doué mais sans application, au rang de maître reconnu dans le monde, célèbre et incomparable. »

Les heures oisives, CL

 

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