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Pater Taciturnus

~ "Ton péché originel c'est d'ouvrir la bouche. Tant que tu écoutes tu restes sans tache"

Pater Taciturnus

Archives de Tag: amour

Celles qui fuient et celles qui lancent des pommes

27 mercredi Juil 2022

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amour, Anne Carson, fuite

Daphné fuyant

« Pursuit and flight are a topos of Greek erotic poetry and iconography from the archaic period onward. It is noteworthy that, within such conventional scenes, the moment of ideal desire on which vase-painters as well as poets are inclined to focus is not the moment of the coup de foudre, not the moment when the beloved’s arms open to the lover, not the moment when the two unite in happiness. What is pictured is the moment when the beloved turns and runs. The verbs pheugein (‘to flee’) and diōkein (‘to pursue’) are a fixed item in the technical erotic vocabulary of the poets, several of whom admit that they prefer pursuit to capture. […]
Lovers who do not wish to run may stand and throw : an apple is the traditional missile in declarations of love (e.g., Ar. Nub. 997) [1]. The lover’s ball, or sphaira, is another conventional mechanism of seduction, so often tossed as a love challenge (e.g., Anakreon 358 PMG; Anth. Pal. 5.214, 6.280) that it came to emblematize the god himself, as Eros Ballplayer, in later verse (Ap. Rhod. 3.132-41).

Anne Carson, Eros the bittersweet

 

[1] Aristophane, Nuées, 997 : « Tu apprendras à détester l’Agora, à t’abstenir des bains, à avoir honte de ce qui est honteux, et, si quelqu’un te raille, à prendre feu ; à te lever de ton siège au passage des vieillards, à ne rien faire de mal à tes parents, à ne commettre aucun acte indécent, car tu dois figurer la statue de la Pudeur ; à ne pas courir après une danseuse, car si tu te mets à cette poursuite, une courtisane te jettera une pomme, et tu seras privé de ta réputation »

*

Add. 03/08/22

Je me dois de signaler une reviviscence de la tradition du jet de fruit dans la poésie amoureuse. Chez Miguel Hernández, le citron a avantageusement remplacé la pomme et l’amoureux s’en trouve tout émoustillé.

Me tiraste un limón, y tan amargo,
con una mano cálida, y tan pura,
que no menoscabó su arquitectura
y probé su amargura sin embargo.

Con el golpe amarillo, de un letargo
dulce pasó a una ansiosa calentura
mi sangre, que sintió la mordedura
de una punta de seno duro y largo.

[…]

Tu m’as lancé un citron tellement
amer, d’une main si chaude et si pure
qui n’en a pas altéré la texture
et dont je goûtai le fiel cependant.

Sous le jaune projectile, mon sang,
d’une torpeur douce à une brûlure
avide est passé, sentant la morsure
de la pointe d’un sein dur s’allongeant.

trad. Monique-Marie Ihry

 

Se sauver du pâtir par l’agir

28 jeudi Oct 2021

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Alain, amour, passion

« Le principal de la souffrance, dans la colère, dans la peur, ou dans l’amour, résulte de cette lutte contre soi et d’une sorte d’indignation contre ce que l’on n’a point permis. Ce drame est en quelque sorte tout nu dans la timidité, où tout le mal vient de ce qu’on s’aperçoit qu’on ne peut faire ce qu’on voudrait ni dire ce qu’on voudrait ; d’où vient une humiliation amère, et bientôt une colère, qui font que l’on est enfin encore plus maladroit qu’on ne craignait. Ce tumulte intérieur et cette crainte de soi sont dans toutes les passions.

Par ces remarques, on arrive à comprendre à peu près ceci, qui est d’opinion commune, c’est que les natures les plus généreuses sont aussi celles qui font voir les plus violentes passions. Qui consent aisément à tout n’aimera guère. Au contraire, dans une nature fière et jalouse de sa liberté, la plus légère atteinte de l’amour sera comme une offense. Le vrai amoureux se reconnaît à ceci qu’il fuit ; mais, comme dit le poète, il emporte avec lui la flèche de Cupidon. C’est un état digne de pitié que celui où l’on s’efforce de ne point penser à quelqu’un ; car c’est y penser encore ; c’est graver en soi-même- la pensée que l’on s’interdit d’avoir. Tout homme est donc maladroit à ce jeu, et s’humilie lui-même, et s’irrite lui-même. D’où cette façon d’aimer, bien plaisante, qui se montre par la mauvaise humeur. Cette part de haine, qui est toujours cachée dans l’amour forcé, éclate dans la vengeance ; et sans doute le jaloux se venge-t-il moins d’avoir été trompé que d’avoir été forcé.

Bref, l’homme a la prétention de se conduire ; il veut vouloir. C’est pourquoi il aime toujours au delà du désir. D’où cette idée de promettre, et enfin de se lier par un serment. Et plus ces contraintes, qui sont de sa propre volonté, sont pénibles, moins il sent les autres. C’est de la même manière que l’on se délivre de la peur par le courage. Aussi voit-on que l’amour est toujours romanesque, et fort subtil là-dessus, cherchant à se sauver du pâtir par l’agir. Ce quelque chose de libre, et cette méditation sur l’épreuve choisie et fidèlement subie, est ce qui fait la ferveur de l’amour. »

Alain, Sentiments, passions et signes

Amour immérité

27 lundi Sep 2021

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amour, Dostoievski, mérite

— Quant à toi, mon cher Arkadi, ne nous en veuille pas ; des gens intelligents, tu en trouveras toujours, mais qui t’aimera, si nous ne sommes pas là ?

— C’est justement pourquoi l’amour des parents est immoral, maman : il est immérité. Et l’amour doit être mérité.

— Tu le mériteras plus tard, en attendant on t’aime gratis.

Dostoïevski, L’adolescent, trad. Pierre Pascal, Folio, p. 284

Faire mal pour ne pas avoir mal ?

05 dimanche Sep 2021

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amour, Dostoievski, souffrance

« Peut-être vaut-il mieux blesser les gens : au moins on est débarrassé du malheur des les aimer. »

Dostoïevski, L’adolescent, trad. Pierre Pascal, Folio, p.76

Il suffirait de presque rien

26 jeudi Août 2021

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amour, Dostoievski, presque, Serge Reggiani

Une des scènes les plus fortes de L’adolescent intervient dans la 3e partie du roman (après plus de 500 pages dans l’édition Folio). Elle met au prise Andreï Petrovitch Versilov le père (biologique mais non légal) du narrateur et Katerina Nikolaevna veuve du général Akhmatov et fille du vieux prince Sokolski, lui-même ami de Versilov. Au moment où intervient cette scène lecteur sait depuis un bon moment qu’il s’est passé quelque chose entre les deux personnages quelques mois avant le début de la narration ; l’énigme de cette relation (pour le lecteur mais d’abord pour le narrateur) a commencé à s’éclaircir une quarantaine de pages auparavant, depuis que les confidences de Versilov à son fils (le narrateur) ont donné un aperçu de sa version des faits.

Un point essentiel à signaler c’est que le narrateur assiste à cette scène caché : les deux protagonistes ne savent pas qu’ils sont écoutés. C’est important, d’une part parce qu’on peut supposer qu’ils ne tiendraient pas les mêmes propos s’ils se savaient écoutés (en particulier par ce personnage en raison de la nature de ses relations avec chacun d’eux) et d’autre part par ce que le fait que le narrateur assiste lui-même à la scène plutôt que d’en avoir des versions rapportées par les protagonistes change la donne par rapport à la situation antérieure.

La scène commence par une « classique » demande d’explication rétrospective formulée par Versilov « m’avez-vous aimé au moins un moment ou bien … me suis-je trompé ». A quoi Katerina Nikolaevna répond « oui je vous ai aimé, mais pas longtemps ». Elle donne au passage un élément d’explication étonnant « il me semble que si vous aviez pu moins m’aimer je vous aurais aimé alors. » Les échanges se poursuivent et intervient ce passage que j’ai souhaité partager (et qui a suscité le titre de cet article) :

— Si je suis venue, c’est que j’ai fait tous  mes efforts pour ne pas vous blesser en quoi que ce soit, ajouta-t-elle soudain. Je suis venue ici pour vous dire que je vous aime presque… pardonnez-moi, je me suis-peut-être mal exprimée, se hâta-t-elle d’ajouter.

— Pourquoi ne savez-vous pas feindre ? Pourquoi êtes vous si simplette, pourquoi n’êtes vous pas comme tout le monde ? … Allons, comment peut-on dire à un homme qu’on met à la porte : « je vous aime presque ».

L’incongruité de l’expression « je vous aime presque » est mise en valeur par la réaction des deux personnages mais ce qui mérite d’être éclairci c’est pourquoi cela ne se dit pas. S’agit-il d’une faute de grammaire du jeu de langage amoureux ? [j’écris cette phrase sans être sûr de ce qu’elle peut elle même signifier !!]. Est ce parce que l’amour (au sens d’être amoureux) exige absolu : on aime ou on n’aime pas, mais on aime pas « presque », de même qu’on ne peut pas être « à moitié enceinte ».  A moins qu’il ne s’agisse d’une sorte d’inconvenance : la phrase a un sens mais elle ne se dit pas parce que son énonciation a des conséquences qui sont à éviter. C’est plutôt en direction de cette interprétation que fait signe la remarque de Versilov concernant le contexte d’énonciation de la phrase. Le problème serait de dire cette phrase « à un homme qu’on met à la porte » parce que dire « je vous aime presque » équivaudrait à « je pourrais vous aimer si … » ce qui d’une part appelle des explications potentiellement embarrassantes sur ce qui manque pour aimer (pour le cas qui nous occupe une part d’explication, a déjà été donnée) et d’autre part semble laisser ouverte des possibilités de réciprocité de l’amour (il y aurait contradiction entre « mettre à la porte » et laisser une porte entr’ouverte). 

Peut-être faut il préciser que la scène entre Versilov et Katerina Nikolaevna se poursuit après cette étonnante réplique mais pour en savoir plus, il vous faudra lire ce livre !

Add. le 28/08/21

Scrupule post-publication de l’article : j’ai emprunté le titre d’une fameuse chanson de Serge Reggiani pour cet article, mais le « presque » du roman et celui de la chanson sont-ils du même ordre? Notons d’abord que la chanson ne dit pas « il suffirait de presque rien pour que je t’aime » mais « il suffirait de presque rien pour que je te dise « je t’aime » ». Mais paradoxalement sa manière de dire qu’il ne peut pas lui dire qu’il l’aime, montre qu’il l’aime. S’il ne l’aimait pas, il ne lui dirait pas que leur relation est impossible à cause de la différence d’âge, il invoquerait un autre motif. C’est justement parce qu’il l’aime qu’il suffirait de presque rien pour qu’il lui dise, ou, pour être plus précis que les « peut-être dix années de moins » peuvent sembler « presque rien ».

 

 

Amour enterré

09 lundi Août 2021

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amour, deuil, Max Jacob

AMOUR ENTERRÉ

Moi, patient sous le fouet de solitude amère,
je me dévêts de l’eau de ton amour, puits caché !
De ta petite oreille j’oublie les longs secrets,
ton sourire d’enfantelet, l’éphémère
qu’on ose pas baiser, tes paupières
aveuglées par mes lèvres, sources claires du destin,
froides, chaudes comme la lune en juin.
Imperturbable oubli, vers une autre penchée
de la même douceur pour le trouble d’un autre,
tu naîtras le matin pour un nouveau péché,
altérée des lèvres salées d’un homme.
Ton miroir est signé par moi et tu le donnes !
Tu me quittes avant que me quitte la vie !
Par moi ton âme était scellée et tu la donnes à la forêt
mais mon lierre s’enlace, où montaient mes suppliques
et tes pas ne pourront jamais que t’égarer…

Je cache hors de ta vue, douce comme la prière,
une vie comme une forte fleur de la mer.
Je serais si petit amant que de me plaindre
que le temps est moins prompt à désunir qu’à joindre ?
Vois ! à travers le monde les Hauts Dieux vont descendre.
La grâce du Seigneur est une ombre chargée.
Une épaule brillante échauffe mes vergers.
Saisi, débarque un ange stalactite
parfait ! il foule à ma mesure une beauté rapide.

Max Jacob, Derniers poèmes

En marge de Bonnard

30 vendredi Juil 2021

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Abel Bonnard, amitié, amour, friendzone, hommes et femmes, jalousie, sexisme

Abel Bonnard - Centre Pompidou

Un élément étonnant du  Savoir aimer d’Abel Bonnard c’est que son analyse de l’amour est complètement hétérocentrée (il n’envisage l’amour que comme relation d’un homme et d’une femme) alors que lui-même était notoirement homosexuel (il dissimulait tellement peu son homosexualité, qu’à l’époque où il était ministre de l’éducation du régime de Vichy  il était surnommé « gestapette »). Quelle vérité objective attendre d’un discours qu’on ne peut même pas créditer d’authenticité subjective ? Peut-être est-il possible de discerner des références cachées à ses amours homosexuelles dans le texte mais je ne dois pas maîtriser suffisamment cet art de lire entre les lignes.

Bonnard traite de la relation entre homme et femme avec la grille de lecture hiérarchique et essentialiste dont j’ai déjà parlé plusieurs fois. Ainsi du paragraphe ci-dessous qui distingue deux types de relation homme/femme selon qu’on se situe dans le registre des amours médiocres ou des amours suprêmes :

« Si ce petit livre a trouvé quelques lecteurs attentifs, l’un d’eux aura peut-être remarqué que, dans sa première partie [consacrée aux amours médiocres], il est surtout parlé des liaisons amoureuses en fonction du personnage masculin, au lieu qu’ici l’on fait le contraire ; c’est qu’en effet il dépend d’un homme qui sait vivre de gouverner les amours médiocres où il se trouve engagé, mais les amours supérieures appartiennent aux femmes qui s’y manifestent. Une femme ordinaire est un instrument dont il faut jouer, mais une femme souveraine est une musicienne qu’on écoute ; tandis que l’homme qui lui est uni se borne à jouir de leur bonheur commun, parce que son œuvre est ailleurs, elle crée et entretient ce bonheur, parce que son œuvre est là. »

Le paternalisme envers les femmes  se manifeste nettement dans la section consacrée à la jalousie : Bonnard y explique qu’il est mauvais d’être jaloux (la jalousie contrevient à l’idéal de magnanimité qui sous-tend le propos de Bonnard) mais qu’il faut savoir feindre la jalousie pour faire plaisir aux femmes.

« Mais alors même qu’un homme se sent fort peu disposé à ce sentiment, il convient qu’il s’en donne parfois les airs. Paraître jaloux de celle qu’on aime est un hommage qu’on lui doit et que la politesse de l’amour impose. Si gênées que les femmes puissent être par les persécutions des jaloux, il faut que ces vexations soient poussées bien loin pour les excé­der, et elles ont pour cette manie une secrète indulgence, parce qu’elles y voient la preuve du prix qu’on leur donne ; il leur paraît très juste qu’un homme perde la tête à la seule idée qu’elles pour­raient détourner de lui la moindre de leurs faveurs et leur satisfaction serait complète, si la jalousie qu’elles nous inspirent était un supplice pour nous, sans être un ennui pour elles. Il faut se souvenir qu’il est dans leur nature enfantine de tout désirer à la fois ; celle qui s’enorgueillit d’être aimée comme aucune autre veut encore l’être comme toutes et fière d’être enveloppée des sentiments les plus délicats, elle prétend exciter de même ceux où se marque la violence des amours vulgaires. Aussi doit-on se souvenir de faire de temps en temps le jaloux, deux ou trois fois par mois, par exemple : comme ce sentiment paraîtra toujours très naturel à celle à qui on le manifeste, on n’aura pas besoin de feintes savantes pour la persuader qu’on l’éprouve. »

L'amitié - Bonnard Abel - 1938 | eBay

Sans prétendre épuiser le sujet du sexisme de Bonnard, il convient aussi de mentionner le chapitre qu’il consacre aux femmes dans son ouvrage sur l’amitié. Bonnard recourt à un procédé qui rappelle un peu celui auquel recours Socrate dans l’Hippias majeur  : il rapporte les propos d’un ami auquel il tente – plutôt vainement – d’apporter la contradiction. Cet ami soutient une thèse radicale ; les femmes ne sont pas capables d’amitié authentiques car elles ne sont pas faites pour ce sentiment (elles sont faites pour l’amour, évidemment). L’ami mystérieux conteste d’abord l’authenticité de l’amitié entre femmes :

« Les femmes qui se croient amies sont des complices ou des victimes ensemble. Ou bien elles se font part de leurs intrigues et de leurs plaisirs et s’y aident mutuellement. Ou bien, également maltraitées par le sort et meurtries par la grossièreté des hommes, elles se blottissent l’une contre l’autre, se choient, se donnent de petits noms, mais il y a dans leurs sentiments quelque chose d’excessif qui en dénonce l’inanité. »

Abel Bonnard, L’amitié, FeniXX réédition numérique, p. 72

puis il conteste la possibilité d’une authentique amitié entre homme et femme. Les arguments sur ce sujet rebattu ne sont pas d’une folle originalité mais cela donne lieu à d’amusantes descriptions de ce qu’on n’appelait pas encore friendzone :

« Considérez d’autre part que rien n’est si utile aux femmes que d’avoir à leurs ordres, sous le nom d’amis, des hommes qui leur sont à la fois commodes et indifférents, qui leur rendent mille services, qui débrouillent pour elles toutes les difficultés pratiques et qu’on paye avec des sourires dont rien de positif ne suit jamais la douceur. Mais venons au principal : ces amitiés caressent l’amour-propre de ceux qui les forment, non seulement des femmes, mais même des hommes. Oui, mon cher, il y a des hommes à la fois si modestes et si vains qu’ils sont flattés d’être les amis des femmes, de se montrer avec elles, de pendre à leur présence comme des breloques : avouez qu’on ne saurait être fat à meilleur marché. Ils endossent la veste grisâtre du confident avec le même orgueil que si c’était l’habit galonné du jeune premier et se pavanent sous cette triste livrée. Quant aux femmes, c’est à très juste titre qu’elles s’enorgueillissent d’avoir beaucoup d’hommes autour d’elles. Ces amis qu’elles rassemblent prouvent à la fois le pouvoir de leurs charmes et la fermeté de leur vertu, car vous n’ignorez pas qu’elles les présentent comme autant d’amoureux domptés, désarmés, aplatis, et réduits à servir sans manifester aucune exigence. […] Ainsi leurs amis servent à leur gloire. Mais ils ont une utilité plus profonde encore. Les femmes ont besoin d’en être entourées pour garder confiance en elles et pour essayer innocemment sur eux les moyens qu’elles exerceront dans l’amour. […]

Voici un soupirant fastidieux, qui ne leur plaît en rien, auxquelles elles sont bien décidées à ne jamais rien accorder. Croyez-vous qu’elles vont le laisser-aller ? Que non ! Elles le conserveront dans la chambre froide de l’amitié. […]

Les femmes estiment leurs amis, cela va de soi. Comment n’apprécierions-nous pas ceux qui nous admirent ? Comment ne trouverions-nous pas qu’ils ont le goût excellent ? En louant les qualités de leur esprit, nous relevons d’autant la valeur du suffrage qu’ils nous donnent. mais qu’au fond d’elles-mêmes, dans les régions sincères et primitives de l’instinct, elles puissent faire vraiment cas de leurs amis, c’est ce que je ne crois pas : elles resteront  toujours surprises et comme déçues de voir qu’ils se contentent de ce qu’elles leur donnent.  Car si les femmes méprisent ostensiblement les hommes qui, dans leurs rapports avec elles, ne pensent qu’au physique, j’ai bien peur qu’elles ne méprisent secrètement ceux qui n’y pensent pas. […] Je crois même […] que ce qui plaît le plus à certaines, dans ces amitiés, c’est la victoire qu’elles remportent sur l’homme et l’humiliation qu’elles lui infligent. […]

Les amis des femmes ressemblent à ces vieux officiers de l’ancien régime à qui les plus longs services ne valaient jamais que des grades subalternes et qui se voyaient toujours supplantés par des colonels qu’improvisait la faveur. Ces hommes assidus et discrets sont nécessaires aux femmes pour leur donner des preuves permanentes de leur pouvoir et les empêcher de douter d’elles. Mais, entourées de leurs soins, de leurs égards et de leurs respects, elles rêvent à toute autre chose : une femme attend, parmi ses amis, un homme qui ne sera pas comme eux. »

ibid. p. 79 – 82

Duo d’amour

23 vendredi Juil 2021

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amour, bonheur, Paul Valéry

DUO D’AMOUR
— Que fais-tu là ? Ton expression est assez douloureuse, et ton regard semble chercher tout autre chose que ce qui est et que moi-même.
— Je travaille à me sentir heureux.

Paul Valéry, Mauvaises pensées

Trop mignons les amoureux !

20 mardi Juil 2021

Posted by patertaciturnus in 7e art

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amour, racisme, sentimentalisme, Spike Lee

S’aimer c’est regarder ensemble dans la même direction, dit-on.

Mais cet amour est-il aussi beau quelle que soit cette direction ?

C’est la question qu’on peut se poser après avoir vu cette étonnante scène de lit dans BlackKklansman de Spike Lee. Felix Kendrickson, militant du Ku Klux Klan et sa femme Connie y parlent de la réalisation d’un attentat comme n’importe quel couple pourrait parler de la réalisation d’un vieux rêve commun.

Felix (Jasper Pääkkönen) et Connie (Ashlie Atkinson)

Connie — Honey.

Felix  — Mm-hmm?

— Do you ever have second thoughts?

— About what?

— Killing ’em.

— Never think twice about killing niggers.

— You won’t be able to take it back, though.

— They’re the first of many niggers that must die, honey bun.

— I know. It’s just becoming so real. I always thought it would be like a dream.

— I know. It’s just so beautiful. We’re cleansing this country of a backwards race of chimpanzees. First the spooks. Then the kikes. Free at last, free at last. Thank God Almighty, free of them niggers at last.

— I love it when you do that, honey. … We’ve talked about killing niggers for so many years, and now it’s really happening.

— My old man always told me good things come to those who wait.

— Thank you for bringing me into your life, for loving me like you do, for giving me a purpose, direction. This could be the new Boston Tea Party.

Le vrai amour est est-il poly ?

07 mercredi Juil 2021

Posted by patertaciturnus in Aphorisme du jour

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amour, partage, perfection, Roland Barthes

« Si je n’accepte pas le partage de l’être aimé, je nie sa perfection, car il appartient à la perfection de se partager. »

Roland Barthes, Fragment d’un discours amoureux, p. 172

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