Le désert se lamente : tu m’apportes tant d’eau, pauvre créature que je suis,
Que puis-je t’offrir en échanger ? Je ne possède rien !
Le nuage répond : Ô désert, je ne te demande rien,
Tu m’accordes le plaisir de te laisser un don.
La inaplacable muerte nos espera como un agua incesante y malparida a la vuelta de cada vidriera.
¡Cuántos amargos tragos es la vida! Bebió él la muerte y tú la saboreas y yo no saboreo otra bebida.
Retírate conmigo hasta que veas con nuestro llanto dar las piedras grama, abandonando el pan que pastoreas.
Levántate: te esperan tus zapatos junto a los suyos muertos en tu cama, y la lluviosa pena en sus retratos desde cuyos presidios te reclama.
Miguel Hernández, Elegía
*
[…]
La mort nous attend, implacable
comme une eau incessante indésirable
derrière chaque fenêtre.
Combien la vie est amère !
Il a bu la mort et tu la savoures
et je ne savoure pas d’autre boisson.
Viens avec moi jusqu’à ce que tu voies
germer les pierres avec nos pleurs,
abandonne le pain dont tu prends soin.
Lève toi car tes souliers t’attendent
près des siens qui sont morts dans ton lit,
et la peine inondée de larmes
dans ses portraits emprisonnés te réclame.
Ausencia en todo aspiro: tu aliento huele a hierba.
Ausencia en todo toco: tu cuerpo se despuebla.
Ausencia en todo pruebo: tu boca me destierra.
Ausencia en todo siento: ausencia, ausencia, ausencia.
Miguel Hernández
L’absence, je vois en chaque chose : ton regard reflète son néant. L’absence j’entends en chaque chose : ta voix sonne l’adieu du temps. En toute chose je respire l’absence : ton souffle a de l’herbe la fragrance. Tout ce que je touche n’est qu’absence : ton corps s’évapore à présent. L’absence j’éprouve en chaque chose : ta bouche n’est que bannissement. L’absence je sens en chaque chose : absence absence absence.
traduction Monique-Marie IHRY, Cap de l’étang éditions
Vous qui voulez, méditez les yeux fermés, assis,
Sur la réalité ou l’irréalité de la création,
Pendant ce temps, assis, les yeux grands ouverts,
Je profite du jour pour contempler l’univers.
Quítame el pan, si quieres, quítame el aire, pero no me quites tu risa.
No me quites la rosa, la lanza que desgranas, el agua que de pronto estalla en tu alegría, la repentina ola de plata que te nace.
Mi lucha es dura y vuelvo con los ojos cansados a veces de haber visto la tierra que no cambia, pero al entrar tu risa sube al cielo buscándome y abre para mi todas las puertas de la vida.
Amor mío, en la hora más oscura desgrana tu risa, y si de pronto ves que mi sangre mancha las piedras de la calle, ríe, porque tu risa será para mis manos como una espada fresca.
Junto al mar en otoño, tu risa debe alzar su cascada de espuma, y en primavera, amor, quiero tu risa como la flor que yo esperaba, la flor azul, la rosa de mi patria sonora.
Ríete de la noche, del día, de la luna, ríete de las calles torcidas de la isla, ríete de este torpe muchacho que te quiere, pero cuando yo abro los ojos y los cierro, cuando mis pasos van, cuando vuelven mis pasos, niégame el pan, el aire, la luz, la primavera, pero tu risa nunca porque me moriría.
Pablo Neruda, Los versos del capitán
Ton rire
Tu peux m’ôter le pain,
m’ôter l’air, si tu veux :
ne m’ôte pas ton rire.
Ne m’ôte pas la rose,
le fer que tu égrènes
ni l’eau qui brusquement
éclate dans ta joie
ni la vague d’argent
qui déferle de toi.
De ma lutte si dure
je rentre les yeux las
quelquefois d’avoir vu
la terre qui ne change
mais, dès le seuil, ton rire
monte au ciel, me cherchant
et ouvrant pour moi toutes
les portes de la vie.
À l’heure la plus sombre
Égrènes, mon amour,
Ton rire, et si tu vois
Mon sang tacher soudain
Les pierres de la rue,
Ris : aussitôt ton rire
Se fera pour tes mains
Fraîche lame d’épée.
Dans l’automne marin
Fais que ton rire dresse
Sa cascade d’écume,
Et au printemps, amour,
Que ton rire soit comme
La fleur que j’attendais,
La fleur guède, la rose
De mon pays sonore.
Moque-toi de la nuit,
Du jour et de la lune,
Moque-toi de ces rues
Divagantes d’île,
Moque-toi de cet homme
Amoureux maladroit,
Mais lorsque j’ouvre, moi,
Les yeux ou les referme,
Lorsque mes pas s’en vont,
Lorsque mes pas s’en viennent,
Refuse-moi le pain,
L’air, l’aube, le printemps,
Mais ton rire jamais
Car alors j’en mourrais.