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Pater Taciturnus

~ "Ton péché originel c'est d'ouvrir la bouche. Tant que tu écoutes tu restes sans tache"

Pater Taciturnus

Archives de Tag: Dostoievski

Anticipation parlementaire du Grand Inquisiteur

30 dimanche Jan 2022

Posted by patertaciturnus in Lectures

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Dostoievski, Jésus

La fable du Grand Inquisiteur est un épisode fameux des Frères Karamazov. Dans le roman précédent de Dostoievski, L’Adolescent, on trouve un bref passage qui semble en constituer comme une prémonition, mais c’est une commission parlementaire anglaise qui se trouve alors jouer le rôle ultérieurement dévolu au Grand Inquisiteur.

« Figure-toi que Piotr Hippolitovitch assurait tout à l’heure à cet autre locataire grêlé que le Parlement anglais avait formé au siècle dernier une commission de juristes pour examiner tout le procès du Christ devant le grand-prêtre et Pilate, uniquement pour savoir comment la chose se passerait aujourd’hui d’après nos lois, et que toute cette histoire fut montée avec toute la solennité voulue, avec avocats, procureurs et le reste… et que les jurés furent obligés de porter un verdict de culpabilité. »

Dostoïevski, L’adolescent, trad. Pierre Pascal, Folio, p.296

Noble insatisfaction

15 mercredi Déc 2021

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Dostoievski, expression, imbécillité, souffrance

— Ah ! et tu souffres quelquefois  de ce que ta pensée ne se plie pas au moule des paroles? Cette noble souffrance, mon ami, n’est donnée qu’aux élus ; l’imbécile est toujours satisfait de ce qu’il a dit et en outre il dit toujours plus qu’il ne faut ; ces gens là aiment le surplus.

Dostoïevski, L’adolescent, trad. Pierre Pascal, Folio, p. 133

Vengeance généreuse et magnanimité ridicule

22 lundi Nov 2021

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Dostoievski, magnanimité, rancune, vengeance

« Je le jure! je ne suis pas rancunier ni vindicatif. Sans doute, j’ai toujours envie, et jusqu’à la douleur, de me venger quand on m’offense, mais, je le jure, c’est seulement par la générosité. Je le lui rendrai en générosité, mais de façon qu’il le sente, qu’il le comprenne, et me voilà vengé! A. ce propos, j’ajouterai : je ne suis pas vindicatif, mais je suis rancunier, quoique généreux : en est-il de même chez les autres? A ce moment, alors, j’étais arrivé avec des sentiments généreux, peut-être ridicules, soit! mais il vaut mieux être ridicule et magnanime que de ne pas être ridicule, mais d’être bas, vulgaire, médiocre! »

Dostoïevski, L’adolescent, trad. Pierre Pascal, Folio, p. 540

Rêve de puissance

16 samedi Oct 2021

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argent, conscience, Dostoievski, puissance

« La puissance! Je suis persuadé que beaucoup riraient énormément s’ils apprenaient qu’une pareille « nullité » vise à la puissance. Mais je les étonnerai encore davan­tage : dès mes premières rêveries peut-être, c’est-à-dire depuis mon enfance ou presque, je n’ai jamais pu me voir autrement qu’au premier rang, partout et en toutes cir­constances. J’ajouterai un aveu singulier : peut-être que cela dure encore. Et je noterai en outre que je ne demande pas pardon.

C’est justement là mon « idée », c’est là sa force, que l’argent est la seule voie capable de conduire au premier rang une nullité. Je ne suis peut-être pas une nullité, mais je sais par exemple, par les miroirs, que mon extérieur me nuit, parce que j’ai le visage ordinaire. Mais si j’étais riche comme Rothschild, qui donc s’inquiéterait de mon visage? Je n’aurais qu’à siffler, et des milliers de femmes courraient à moi avec leurs « beautés ». Je suis même convaincu que, très sincèrement, elles finiraient par me croire beau. Je suis peut-être même intelligent. Mais si j’avais même un front de sept pouces, il s’en trouverait vite un de huit, et je serais perdu. Tandis que, si j’étais Rothschild, est-ce que ce sage de huit pouces aurait la moindre valeur à côté de moi? On ne le laisserait même pas ouvrir la bouche! Je suis peut-être spirituel; oui, mais à côté de moi il y a Talleyrand, Piron, et me voilà éclipsé : tandis que, si j’étais Rothschild, où seraient les Piron et peut-être même les Talleyrand? L’argent, sans doute, et une puissance despotique, mais c’est en même temps la suprême égalité, et là et sa grande force. L’ar­gent nivelle toutes les inégalités. Voilà ce que j’avais décidé, déjà à Moscou.

Vous ne verrez bien sûr dans cette pensée qu’in­solence, violence, triomphe de la nullité sur le talent. D’accord, cette pensée et audacieuse (et par suite volup­tueuse). Soit! Mais vous croyez que je voulais alors la puissance forcément pour opprimer? Pour me venger? C’est ainsi qu’agirait fatalement la médiocrité. Bien mieux, je suis convaincu qu’il y a des milliers de ces talents et de ces intelligences si fiers d’eux-mêmes, qui, si on les chargeait tout à coup de tous les millions de Rothschild, n’y tiendraient pas et se conduiraient en viles médiocrités et seraient les pires des oppresseurs. Mon idée est autre. L’argent ne me fait pas peur; il ne m’op­primera pas et ne me fera pas opprimer les autres.

Je n’ai pas besoin de l’argent, ou plutôt ce n’est pas de l’argent que j’ai besoin ; ce n’est pas même de la puissance ; j’ai besoin seulement de ce qui s’acquiert par la puissance et ne se peut acquérir sans elle : la conscience, calme et solitaire, de sa force! Voilà la plus parfaite défi­nition de la liberté, sur laquelle se bat tant le monde! La liberté! J’ai enfin tracé ce grand mot… Oui, la conscience solitaire de sa force est chose belle et enivrante. J’ai la force, et je suis calme. Les foudres sont entre les mains de Jupiter, et il et calme; l’entendez-vous souvent toni­truer? L’imbécile peut croire qu’il sommeille. Mettez maintenant à la place de Jupiter un vulgaire littérateur ou une bonne femme de la campagne, et vous en enten­drez, du tonnerre!

Si seulement j’avais la puissance, raisonnais-je, je n’en aurais plus besoin; je suis sûr que, de moi-même‘ de mon plein gré, j’occuperais partout la dernière place. Si j’étais Rothschild, je me promènerais en pardessus râpé et un parapluie à la main. Qu’est-ce que cela me ferait, d’être bousculé dans la rue ou obligé de courir dans la boue pour ne pas être écrasé par les fiacres? La conscience que c’est moi qui suis Rothschild suffirait à faire ma joie dans ce moment. Je sais que je puis avoir un festin comme personne n’en a, et le premier cuisinier du monde : il me suffit de le savoir. Je mangerai une tranche de pain et de jambon et je serai rassasié de ma conscience. Encore aujourd’hui, c’est ainsi que je pense. »

Dostoïevski, L’adolescent, trad. Pierre Pascal, Folio, p.94 -95

Amour immérité

27 lundi Sep 2021

Posted by patertaciturnus in Lectures

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amour, Dostoievski, mérite

— Quant à toi, mon cher Arkadi, ne nous en veuille pas ; des gens intelligents, tu en trouveras toujours, mais qui t’aimera, si nous ne sommes pas là ?

— C’est justement pourquoi l’amour des parents est immoral, maman : il est immérité. Et l’amour doit être mérité.

— Tu le mériteras plus tard, en attendant on t’aime gratis.

Dostoïevski, L’adolescent, trad. Pierre Pascal, Folio, p. 284

Tais-toi !

17 vendredi Sep 2021

Posted by patertaciturnus in Lectures

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désir de reconnaissance, Dostoievski, honte, mépris

« Ce n’est pas le méprisable sentiment de faire valoir mon esprit qui m’a amené à briser la glace et à parler, mais c’est aussi une envie de « sauter au cou » des gens. Cette envie de sauter au cou, pour qu’on me trouve bon, pour qu’on se mette à m’embrasser ou je ne sais quoi dans ce goût (une cochonnerie, en un mot), j’estime que c’est le plus infâme de tous mes sujets de honte. »

Dostoïevski, L’adolescent, trad. Pierre Pascal, Folio, p.58

« Oh je sais qu’il me faut être silencieux avec les gens. La plus ignoble de toutes les perversions, c’est de se pendre à leur cou. »

ibid.p.64

*

J’ai naguère cité un extrait des Égarements du cœur et de l’esprit, dans lequel Crébillon fait valoir que le fait que notre désir de reconnaissance soit reconnu par autrui (et plus particulièrement par ceux par lesquels on souhaitait être reconnu) nous vaut le mépris. Ici, le narrateur se méprise en reconnaissant le désir de reconnaissance qui a animé sa conduite sans même qu’intervienne la considération de l’identification de sa motivation par autrui. Il n’a pas besoin de se sentir méprisé pour se sentir méprisable.

Pour un amour méprisant de l’humanité

14 mardi Sep 2021

Posted by patertaciturnus in Lectures

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Dostoievski, mépris, philanthropie

« Mon ami, aimer les hommes comme ils sont est impossible. Et pourtant il le faut. C’est pourquoi fais-leur du bien en refrénant tes sentiments, en te bouchant le nez et en fermant les yeux (cette dernière condition est indispensable). Supporte le mal qu’ils te font, sans leur en vouloir, si possible, « en te souvenant que tu es homme aussi ». Naturellement, tu as le droit d’être sévère avec eux s’il t’a été donné d’être un tant soit peu plus intelligent que la moyenne. Les hommes sont naturellement bas et aiment aimer par peur ; ne te laisse pas prendre à cet amour et ne cesse pas de les mépriser. Quelque part dans le Coran, Allah ordonne à son prophète de regarder les « récalcitrants » comme des souris, de leur faire du bien et de passer son chemin. C’est un peu hautain, mais c’est juste. Sache les mépriser, même quand ils sont bons, car c’est alors surtout qu’ils sont infects. Oh! mon ami, c’est parce que je me connais bien que je parle ainsi ! Quiconque n’est pas trop bête ne peut pas vivre sans se mépriser, honnête ou malhonnête, peu importe. Aime prochain et ne pas le mépriser, c’est impossible. Selon moi, l’homme a été créé physiquement incapable d’aimer son prochain. Il y a là une erreur de langage, dès le début, et « l’amour de l’humanité » doit être compris uniquement de l’humanité que tu te crées à toi-même dans ton cœur (en d’autres termes, je me crée moi-même ainsi que l’amour pour moi), et qui par conséquent n’existera jamais réellement. »

Dostoïevski, L’adolescent, trad. Pierre Pascal, Folio, p.252 – 253

Faire mal pour ne pas avoir mal ?

05 dimanche Sep 2021

Posted by patertaciturnus in Aphorisme du jour, Lectures

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amour, Dostoievski, souffrance

« Peut-être vaut-il mieux blesser les gens : au moins on est débarrassé du malheur des les aimer. »

Dostoïevski, L’adolescent, trad. Pierre Pascal, Folio, p.76

Il suffirait de presque rien

26 jeudi Août 2021

Posted by patertaciturnus in Lectures

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amour, Dostoievski, presque, Serge Reggiani

Une des scènes les plus fortes de L’adolescent intervient dans la 3e partie du roman (après plus de 500 pages dans l’édition Folio). Elle met au prise Andreï Petrovitch Versilov le père (biologique mais non légal) du narrateur et Katerina Nikolaevna veuve du général Akhmatov et fille du vieux prince Sokolski, lui-même ami de Versilov. Au moment où intervient cette scène lecteur sait depuis un bon moment qu’il s’est passé quelque chose entre les deux personnages quelques mois avant le début de la narration ; l’énigme de cette relation (pour le lecteur mais d’abord pour le narrateur) a commencé à s’éclaircir une quarantaine de pages auparavant, depuis que les confidences de Versilov à son fils (le narrateur) ont donné un aperçu de sa version des faits.

Un point essentiel à signaler c’est que le narrateur assiste à cette scène caché : les deux protagonistes ne savent pas qu’ils sont écoutés. C’est important, d’une part parce qu’on peut supposer qu’ils ne tiendraient pas les mêmes propos s’ils se savaient écoutés (en particulier par ce personnage en raison de la nature de ses relations avec chacun d’eux) et d’autre part par ce que le fait que le narrateur assiste lui-même à la scène plutôt que d’en avoir des versions rapportées par les protagonistes change la donne par rapport à la situation antérieure.

La scène commence par une « classique » demande d’explication rétrospective formulée par Versilov « m’avez-vous aimé au moins un moment ou bien … me suis-je trompé ». A quoi Katerina Nikolaevna répond « oui je vous ai aimé, mais pas longtemps ». Elle donne au passage un élément d’explication étonnant « il me semble que si vous aviez pu moins m’aimer je vous aurais aimé alors. » Les échanges se poursuivent et intervient ce passage que j’ai souhaité partager (et qui a suscité le titre de cet article) :

— Si je suis venue, c’est que j’ai fait tous  mes efforts pour ne pas vous blesser en quoi que ce soit, ajouta-t-elle soudain. Je suis venue ici pour vous dire que je vous aime presque… pardonnez-moi, je me suis-peut-être mal exprimée, se hâta-t-elle d’ajouter.

— Pourquoi ne savez-vous pas feindre ? Pourquoi êtes vous si simplette, pourquoi n’êtes vous pas comme tout le monde ? … Allons, comment peut-on dire à un homme qu’on met à la porte : « je vous aime presque ».

L’incongruité de l’expression « je vous aime presque » est mise en valeur par la réaction des deux personnages mais ce qui mérite d’être éclairci c’est pourquoi cela ne se dit pas. S’agit-il d’une faute de grammaire du jeu de langage amoureux ? [j’écris cette phrase sans être sûr de ce qu’elle peut elle même signifier !!]. Est ce parce que l’amour (au sens d’être amoureux) exige absolu : on aime ou on n’aime pas, mais on aime pas « presque », de même qu’on ne peut pas être « à moitié enceinte ».  A moins qu’il ne s’agisse d’une sorte d’inconvenance : la phrase a un sens mais elle ne se dit pas parce que son énonciation a des conséquences qui sont à éviter. C’est plutôt en direction de cette interprétation que fait signe la remarque de Versilov concernant le contexte d’énonciation de la phrase. Le problème serait de dire cette phrase « à un homme qu’on met à la porte » parce que dire « je vous aime presque » équivaudrait à « je pourrais vous aimer si … » ce qui d’une part appelle des explications potentiellement embarrassantes sur ce qui manque pour aimer (pour le cas qui nous occupe une part d’explication, a déjà été donnée) et d’autre part semble laisser ouverte des possibilités de réciprocité de l’amour (il y aurait contradiction entre « mettre à la porte » et laisser une porte entr’ouverte). 

Peut-être faut il préciser que la scène entre Versilov et Katerina Nikolaevna se poursuit après cette étonnante réplique mais pour en savoir plus, il vous faudra lire ce livre !

Add. le 28/08/21

Scrupule post-publication de l’article : j’ai emprunté le titre d’une fameuse chanson de Serge Reggiani pour cet article, mais le « presque » du roman et celui de la chanson sont-ils du même ordre? Notons d’abord que la chanson ne dit pas « il suffirait de presque rien pour que je t’aime » mais « il suffirait de presque rien pour que je te dise « je t’aime » ». Mais paradoxalement sa manière de dire qu’il ne peut pas lui dire qu’il l’aime, montre qu’il l’aime. S’il ne l’aimait pas, il ne lui dirait pas que leur relation est impossible à cause de la différence d’âge, il invoquerait un autre motif. C’est justement parce qu’il l’aime qu’il suffirait de presque rien pour qu’il lui dise, ou, pour être plus précis que les « peut-être dix années de moins » peuvent sembler « presque rien ».

 

 

Examine comment il rit, tu apprendras qui il est.

24 mardi Août 2021

Posted by patertaciturnus in Lectures

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connaissance d'autrui, Dostoievski, rire

Le narrateur de L’adolescent se lance, au cours de la 3e partie dans une tirade sur le rire dont il recommande l’enseignement aux jeunes filles pour l’examen de leurs soupirants et que je me dois de partager. 

« J’ai cette idée que, lorsqu’un homme rit, la plupart du temps il est répugnant à regarder. Le rire manifeste d’ordinaire chez les gens je ne sais quoi de vulgaire et d’avilissant, bien que le rieur presque toujours ne sache rien de l’impression qu’il produit. Il l’ignore, de même qu’on ignore en général la figure qu’on a en dormant. Il est des dormeurs dont le visage reste intelligent, et d’autres, intel­ligents d’ailleurs, dont en dormant le visage devient très bête et partant ridicule. J’ignore d’où cela vient : je veux dire seulement que le rieur, comme le dormeur, le plus souvent ne sait rien de son visage. Il est une multitude extraordinaire d’hommes qui ne savent pas du tout rire. Au fait, il n’y a pas à savoir : c’est un don qui ne s’acquiert pas. Ou bien, pour l’acquérir, il faut refaire son éducation, se rendre meilleur et triompher de ses mauvais instincts : alors le rire d’un pareil homme pourrait très probablement s’améliorer. Il est des gens que leur rire trahit : vous savez aussitôt ce qu’ils ont dans le ventre, Même un rire incontestablement intelligent est parfois repoussant. Le rire exige avant tout la franchise : où trouver la franchise parmi les hommes? Le rire exige la bonté, et les gens rient la plupart du temps méchamment. Le rire franc et sans méchanceté, c’est la gaieté : où trouver la gaieté à notre époque et les gens savent-ils être gais? […] La gaieté de l’homme, c’est son trait le plus révélateur, avec les pieds et les mains. Il est des caractères que vous n’arrivez pas à percer : mais un jour cet homme éclate d’un rire bien franc, et voilà du coup tout son caractère étalé devant vous. Il n’y a que les gens qui jouissent du développement le plus élevé et le plus heureux qui peuvent avoir une gaieté communicative, c’est-à-dire irrésistible et bonne. Je ne veux pas parler du développe­ment intellectuel, mais du caractère, de l’ensemble de l’homme. Ainsi : si vous voulez étudier un homme et connaître son âme, ne faites pas attention à la façon dont il se tait, ou dont il parle, ou dont il pleure, ou même dont il est ému par les plus nobles idées. Regardez-le plutôt quand il rit. S’il rit bien, c’est qu’il est bon. Et remarquez bien toutes les nuances : il faut par exemple que son rire ne vous paraisse bête en aucun cas, si gai et si naïf qu’il soit. Dès que vous noterez le moindre trait de sottise dans son rire, c’est sûrement que cet homme est d’esprit borné, quand même il fourmillerait d’idées. Si son rire n’est pas bête, mais si l’homme, en riant, vous a paru tout à coup ridicule, ne fût-ce qu’un tantinet, sachez alors que cet homme ne possède pas le véritable respect de soi-même, ou du moins ne le possède pas par­faitement. Enfin, si ce rire, quoique communicatif, vous paraît cependant vulgaire, sachez que cet homme a une nature vulgaire, que tout ce que vous aviez remarqué chez lui de noble et d’élevé était ou bien voulu et factice, ou bien emprunté inconsciemment, et que fatalement il tournera mal plus tard, s’occupera de choses « profitables » et rejettera sans pitié ses idées généreuses comme des erreurs et des engouements de jeunesse. »

Dostoïevski, L’adolescent, trad. Pierre Pascal, Folio, p. 382 – 383

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