• À propos

Pater Taciturnus

~ "Ton péché originel c'est d'ouvrir la bouche. Tant que tu écoutes tu restes sans tache"

Pater Taciturnus

Archives de Tag: bonheur

La philosophie ou le bonheur ?

29 mercredi Juin 2022

Posted by patertaciturnus in Lectures, Non classé

≈ 2 Commentaires

Étiquettes

bonheur, Czeslaw Milosz

« Comprenant que tu considères avec trop de sérieux diverses philosophies et que la condition du bonheur, si minime  soit-il, est de se fondre  dans le rythme de l’entourage, tu voudrais retrouver la foi en la valeur de gestes tels que suspendre de nouveaux rideaux ou acheter un réfrigérateur. »

Czeslaw Milosz, L’immoralité de l’art, p. 42

*

L’amusant c’est que pour s’assurer de  » la valeur de gestes tels que suspendre de nouveaux rideaux ou acheter un réfrigérateur », certains éprouvent justement le besoin d’en faire l’expression d’une philosophie ; de là la multiplication des « petites philosophies » du shopping, de la décoration d’intérieur etc. dont il fut question ici.

Sisyphe heureux

18 samedi Sep 2021

Posted by patertaciturnus in Lectures

≈ 1 Commentaire

Étiquettes

bonheur, infini, J. G. Fichte

« Laissez-nous être joyeux au spectacle du vaste champ que nous avons à travailler ! Laissez-nous être joyeux de sentir en nous la force et d’avoir une tâche infinie. »

Fichte, La destination du savant, Ve conférence, Vrin p. 105

*

En lisant ses ceux dernières phrase de la dernière conférence  sur La destination du savant, il est difficile de ne pas penser aux dernières phrases du Mythe de Sisyphe  de Camus.

« La lutte elle-même vers les sommets suffit à remplir un cœur d ‘homme. Il faut imaginer Sisyphe heureux. »

On notera que nos deux auteurs ne se contentent pas de se rejoindre dans l’affirmation positivité de la tâche infinie ; chacun à leur manière ils signifient l’incrédulité dont leur affirmation fait l’objet (à la résistance que suppose l’appel « laissez-nous être joyeux » répond l’effort d’imagination auquel appelle Camus).

Reste que le Sisyphe de Camus a plus de « mérite » à être heureux que le prédicateur dont Fichte a pris l’habit, car le second a affaire à l’infinité d’un progrès, tandis que le premier a affaire à l’infinité d’une répétition.   

 

Duo d’amour

23 vendredi Juil 2021

Posted by patertaciturnus in Lectures

≈ Poster un commentaire

Étiquettes

amour, bonheur, Paul Valéry

DUO D’AMOUR
— Que fais-tu là ? Ton expression est assez douloureuse, et ton regard semble chercher tout autre chose que ce qui est et que moi-même.
— Je travaille à me sentir heureux.

Paul Valéry, Mauvaises pensées

Le stoïcisme remis à sa place

09 dimanche Mai 2021

Posted by patertaciturnus in Lectures

≈ Poster un commentaire

Étiquettes

Abel Bonnard, altérité, amour, bonheur, souffrance, stoïcisme

Comme promis, je présente aujourd’hui quelques textes qui permettent de comprendre en quoi, contrairement à ce que pouvait laisser penser le texte cité dimanche dernier, Bonnard se démarque du stoïcisme. On pourrait dire que le stoïcisme dont nous avons vu des traces dans le précédent extrait est un stoïcisme instrumental : les recommandations stoïciennes ont de la valeur pour nous prémunir de nous perdre dans les amours communes, en revanche elles n’ont plus cours face à ce que Bonnard appelle les « amours suprêmes » qui méritent que nous nous y abandonnions. La distinction de ces deux formes d’amour est pensée – assez classiquement – selon la polarité de la contingence et de la nécessité :

« Pour bien connaître la nature des amours suprêmes, il faut voir par où elles s’opposent catégoriquement aux amours communes : c’est d’abord par le caractère distinctif et absolu du choix qui les a fait naître. Celle-là ou une autre, celle-là ou nulle autre, tels sont les deux pôles entre lesquels se placent toutes les amours possibles. Il n’existe aucun rapport entre les femmes que nous aimons parce qu’il faut bien en aimer une et la femme que nous aimons parce que c’est elle. Les premières ne nous servent qu’à occuper notre cœur, en donnant un emploi à des sentiments qui y existaient avant elles, et nous ne les oublions jamais autant qu’au moment où nous les serrons contre nous ; l’autre tire de nous des sentiments qui n’y auraient pas existé sans elle, et qui sont la réponse que notre nature doit faire à la sienne. »

Abel Bonnard. Savoir aimer

Dans Savoir aimer, Bonnard ne mentionne pas explicitement le stoïcisme, mais, comme on l’a vu la semaine dernière, on le reconnaît sans difficulté dans le contenu de cet « art », dont parle Bonnard ci-dessous, que nous acquerrons en « apprenant à vivre » : art de réduire notre exposition à la souffrance, art de se réfugier dans une citadelle intérieure.

« La condition de tout amour vrai est de croire à l’être qu’on aime. Nous rompons par cette démarche avec toutes les pratiques que nous avons suivies jusque-là, hors de l’amour et dans l’amour même. Nous avions appris à vivre, c’est-à-dire à nous réserver, à nous dédoubler, à n’être jamais trop présents pour n’être jamais trop offerts, à éluder par la politesse toute rencontre réelle avec des gens grossiers, à n’offrir à ceux mêmes pour qui nous éprouvons de la sympathie qu’une surface de notre sensibilité soigneusement mesurée, de façon à ne pas leur donner le pouvoir de nous causer trop de peine. Après avoir d’abord campé en pleins champs, exposés à toutes les surprises, nous avions bâti peu à peu une forteresse à notre cœur : elle est debout sur son plan savant, avec ses ouvrages, ses fossés, ses tours ; de là l’on peut considérer avec assurance quiconque s’approche. Mais voici qu’à la porte de ce château imprenable, nous en offrons les clés à une inconnue qui nous sourit. Sans doute l’imprudence est extrême : nous nous exposons à des chagrins immenses. Le danger d’aimer est de croire, mais le bonheur de l’amour est à ce prix. […]

Il serait trop triste d’apprendre à vivre, si cela nous condamnait à ne plus faire aucune folie : cet art doit seulement nous servir à concentrer les tentatives de notre cœur sur des occasions que notre esprit lui-même a contribué à fixer, et il est bien suffisant s’il fait que nos folies ne soient plus évidemment des sottises. »

ibid.

Si, pour Bonnard, il faut savoir suspendre l’exercice de cet art c’est qu’il ne souscrit pas à la conception stoïcienne du bonheur : non seulement il ne suffit pas de ne pas souffrir pour être heureux, mais de plus, vouloir à tout prix éviter la souffrance ce serait se priver des joies qui font que la vie vaut d’être vécue. A cette recommandation d’Épictète :

« Tu peux être invincible, si tu ne t’engages dans aucune lutte, où il ne dépend pas de toi être vainqueur. »

Manuel, chap. XIX, §.1

on est, en effet, porté à répondre qu’à vaincre sans péril on triomphe sans gloire. Pour Bonnard il n’est certes pas question de s’engager dans n’importe quel combat, en cela les préceptes stoïciens ont leur valeur, mais pour remporter des victoires éclatantes il faut s’exposer au risque de la défaite. Reste à savoir quelle consolation on trouve dans la défaite à se dire qu’il valait la peine de s’y exposer.

Le texte de Savoir aimer (1937) cité ci-dessus a un équivalent dans un ouvrage antérieur L’amitié (1928). On peut notamment y apprécier une critique de l’identification de l’âme à une citadelle :

« Il est un art de vivre et on peut l’apprendre. Mais s’il consistait vraiment à se préserver des déceptions et des peines en se rendant insensible, on aurait horreur de le savoir. En vérité, il ne s’agit pas d’endurcir notre cœur, mais seulement de le protéger. C’est la généreuse étourderie de la jeunesse de se livrer sans réserve et aveuglément à toutes les occasions qui lui sont offertes. Il serait aussi fâcheux de n’avoir pas commencé par là qu’il deviendrait ridicule de continuer de la sorte. Il ne convient pas de laisser aux sots et aux méchants le pouvoir de nous atteindre aisément ; une secrète magie nous permet de les éloigner, et celui même qui se croit aux prises avec nous ne se doute pas qu’il passe à peine à notre horizon, où nous le lorgnons avec une curiosité flegmatique. Qu’un homme qui a appris la vie ait un air de calme et de froideur, qu’il recoure tour à tour, pour écarter le vulgaire, à la politesse ou à l’ironie, il ne fait qu’user de ses droits. Mais prendre pour sa nature ce qui n’en est que les défenses, ce serait la même erreur que de ne pas distinguer une ville de ses remparts. La question n’est pas, pour nous, de ne plus jamais être fous, mais de réserver notre folie pour les occasions qui en sont dignes. Qu’un être paraisse qui, par quelques signes, nous donne à croire qu’il est de la race supérieure, nous déploierons, pour l’accueillir, un enthousiasme qui dépassera infiniment celui de nos premiers temps, car comment comparer la fougue instinctive d’un jeune homme avec la hautaine imprudence d’un homme qui n’ignore rien des dangers auxquels sa folie l’expose et qui trouve sa volupté à les affronter en les connaissant? »

Abel Bonnard, L’amitié

Dans ce même ouvrage Bonnard se livre à une critique explicite du stoïcisme qui a le mérite de montrer que le fond du problème concerne la question du rapport à une altérité qui ne dépend pas de nous dans la réalisation de soi. Pour Bonnard, nous avons besoin d’une altérite qui nous révèle à nous mêmes nos potentialités, l’autre que nous aimons ne saurait se réduire à une occasion, en elle-même indifférente, d’exercer nos vertus.

« Si fort que nous nous appliquions à nous ennoblir et à nous enrichir par nous-mêmes, il y a une douceur, une grâce, une modestie à ne pas refuser, à admettre, à solliciter l’aide du hasard. Cherchons à nous accomplir, sans prétendre nous achever; car nous avons bien le pouvoir de développer à nous seuls ce que nous avons de plus haut, mais non pas celui de vivifier ce que nous avons de plus profond. Il est certains printemps de nous-mêmes que nous ne pouvons connaître que par l’intervention d’un autre être et, autour des palais que nous avons bâtis, il est divin, alors, de voir éclater des jardins qu’il ne dépendait pas de nous de faire fleurir. Qu’un philosophe stoïcien se vante de se suffire : il ne s’aperçoit pas qu’il s’est desséché. La vraie poésie, au contraire, c’est de toujours nous accroître, sans nous suffire jamais, c’est de nous enfoncer en nous sans nous exclure de l’Univers, c’est d’être toujours prêts à recevoir, au bord d’une âme sans cesse agrandie, ceux qui y feront jaillir des sources que nous n’aurions pas pu éveiller. A la volonté de nous ennoblir, nous ajoutons le miracle de les aimer. Après nous être augmentés par notre effort, il est doux de nous enrichir par leur magie. Après nous être retirés aux circonstances, il est doux de rester encore, pour les rencontres que nous espérons, les sujets de la fortune, comme le joueur qui risque tout sur un coup de dés, comme le marin qui a besoin d’un bon vent. Après avoir étendu notre âme jusqu’à en faire un vaste royaume, il est doux de la laisser attendre le lever d’un être, comme les grands pays noyés d’ombre, le soir, attendent la lune. »

Abel Bonnard, L’amitié

Contre la lecture

16 lundi Déc 2019

Posted by patertaciturnus in Lectures

≈ Poster un commentaire

Étiquettes

bonheur, inconscience, lecture, Marina Tsvetaieva

« Chaque livre est un cambriolage de votre vie! plus on lit, moins on sait et on veut vivre soi même.

C’est horrible ! Les livres sont notre perte. Celui qui a beaucoup lu ne peut pas être heureux. Le bonheur en effet est toujours inconscient, le bonheur n’est qu’inconscience.

Lire c’est exactement comme étudier la médecine  et connaître dans le moindre détail la raison de chaque soupir, de chaque sourire et, cela a l’air sentimental – de chaque larme. »

Marina Tsvetaieva, Lettre à Maximilien Volochine, 18 avril 1911
Vivre dans le feu, p 97

En attendant la transfiguration rétrospective

21 jeudi Nov 2019

Posted by patertaciturnus in Lectures

≈ Poster un commentaire

Étiquettes

bonheur, Marina Tsvetaieva

« Et un autre quai me revint en mémoire – neuf ans plus tôt ! – mais il était tard le soir – et nous étions loin – dans la province d’Oufa. Nous attendions un train, Serioja et moi. – L’automne était bien avancé. – je me souviens d’une mélancolie terrible née du sentiment de notre double abandon – vraiment au bout du monde ! -, de l’heure tardive, des sifflets, du quai désert. – Eh bien cet instant m’apparaît  aujourd’hu comme un instant de bonheur. – Qui sait, peut-être que dans neuf ans cet instant -ci de solitude sur le quai de Kountsevo apparaîtra aussi comme un instant de bonheur. »

Marina Tsvetaieva, Vivre dans le feu, p. 153

Ambition ou bonheur ?

27 vendredi Sep 2019

Posted by patertaciturnus in Lectures

≈ Poster un commentaire

Étiquettes

ambition, bonheur, Francis Bacon

« Ceux qui détiennent les grandes charges sont triplement esclaves, esclaves du souverain ou de la république, esclaves de la réputation, esclaves des affaires : ils n’ont donc point de liberté, ni dans leurs personnes, ni dans leurs actions, ni dans leurs loisirs. C’est un désir singulier que de rechercher le pouvoir pour perdre la liberté, ou de rechercher le pouvoir sur autrui en perdant le pouvoir sur soi-même. L’ascension des honneurs est pénible; on se donne beaucoup de peine pour acquérir de plus grandes peines; parfois même elle est avilissante, et on arrive aux dignités par des indignités. S’y maintenir est malaisé, et la descente est soit une chute, soit une éclipse, chose mélancolique : « Quand on n’est plus ce qu’on a été, on perd toute raison de vivre. » Bien plus, les gens ne peuvent se retirer quand ils le voudraient, et ils ne le veulent pas lorsque ce serait raisonnable; mais ils ne sauraient supporter la condition d’hommes privés, même dans la vieillesse et la maladie, qui pourtant réclament l’ombre ; comme ces vieilles gens des villes qui veulent rester assis devant leur porte, bien qu’ils exposent ainsi leur vieillesse au mépris. Certainement, pour se croire heureux, les grands personnages auraient besoin d’emprunter les jugements d’autrui, car, jugeant par leurs propres sentiments, ils ne sauraient l’éprouver; mais s’ils songent à part soi à ce que pensent d’eux les autres, et qu’ils voudraient bien rare à leur place, ils sont heureux en quelque sorte par ouï-dire, tandis qu’intérieurement ils ont le sentiment contraire. Car s’ils sont les derniers à découvrir leurs fautes, il sont les premiers à connaître leurs ennuis. »

Francis Bacon, Essais XI, Les honneurs
trad. Maurice Castelain, Aubier, p. 51-52

Fortification

19 lundi Fév 2018

Posted by patertaciturnus in Divers vers

≈ Poster un commentaire

Étiquettes

bonheur, Jacek Podsiadło, Nietzsche, Simone Weil

Nietzsche : hańbą jest być szczęśliwym !

Doglądam umocnień. Tracę kontakt z nierzeczywistością,
mówię : nie wiem, nie znam, nie oglądam, nie słucham.
Jeszcze gazety. Nigdy nic nie zrobiłem dla torturowanych.
Jakże zazdroszczę tym, co nie wierzą w Oświęcim.
W piętnaście lat po Hitlerze świat podbił rock’n’roll !
Simone Weil miała moje lata, kiedy się zagłodziła.

Historię, biologię, nauki « ścisłe » — wszystko ułożyliśmy sobie tak,
żeby usprawiedliwiało. Orgazm, « mała śmierć ». A przyjemność duża.
Uśmiech pohańbiena na twarzy kobiety, uśmiech oprawcy na twarzy chłopca lub odwrotnie.
— Czy warto rozdrapywać rany ? — A co, zagoiły się ?
Odkąd pamiętam, chciałem wydać tom wierszy pod tytułem « Nie ».
Więc się umacniam. Tu poprawię zapałkę, tam dołożę cierń.

Jacek Podsiadło, Wychwyt Grahama

https://esensja.pl/obrazki/okladkiks/292512_wychwyt-grahama_200.jpg

Nietzsche : c’est une ignominie que d’être heureux !

Je surveille les fortifications. Je perds le contact avec l’irréalité,
je dis : je ne sais pas, je ne connais pas, je ne regarde pas, je n’écoute pas.
Puis les journaux. Je n’ai jamais rien fait pour les torturés.
Comme j’envie ceux qui ne croient pas à Auschwitz.
Quinze ans après Hitler, le rock’n’roll conquit le monde !
Simone Weil avait mon âge quant elle jeûna à mort.

Histoire, biologie, sciences « exactes » — nous avons tout arrangé
de façon à justifier. L’orgasme, « petite mort », mais grande jouissance.
Sourire de déshonneur sur le visage de la femme, sourire de bourreau sur le visage du garçon, ou inversement.
— Faut-il rouvrir les plaies — Pourquoi, elles sont déjà cicatrisées ?
Aussi loin que je me souvienne, j’ai voulu éditer un recueil de poèmes sous le titre « Non ».
Je me fortifie donc. Ici, je rectifie une allumette, là j’ajoute une épine.

trad.Jacques Burko
in 3 poètes polonais, Editions du murmure, 2009

Tu n’auras pas ce que je n’ai pas

24 mardi Jan 2017

Posted by patertaciturnus in Lectures

≈ Poster un commentaire

Étiquettes

bonheur, Lord Dunsany, théologie

Comme je l’ai expliqué naguère, je profite de la lecture vespérale d’histoires à mes enfants pour combler mes propres lacunes ; c’est ainsi que je lis actuellement des contes de Lord Dunsany traduit par Julien Green sous le titre Merveilles et démons. Je m’étais fait offrir ce volume il y a bien vingt ans de cela après avoir appris que Dunsany était cité par Lovecraft comme un de ses inspirateurs mais je m’étais contenté de le ranger scrupuleusement dans ma bibliothèque.

dunsany

Dans Le maelström, Dunsany donne la parole à Nooz Wana le  Naufrageur de vaisseaux qui interdit aux hommes l’accès des Iles heureuses. Nooz Wana explique que les hommes ne peuvent accéder à ces îles qu’un jour tous les cent ans (quand il prend sa pose) et qu’ils ne peuvent  y demeurer plus d’une journée. La chute du récit consiste dans la révélation de la raison de l’action de Nooz Wana :

« … car les dieux jaloux ont peur que trop d’hommes ne passent jusqu’aux Iles Heureuses et ne trouvent le bonheur. Les dieux eux-mêmes ne connaissent pas le bonheur. »

A l’opposé des dieux d’Epicure qui ne se soucient pas des hommes parce qu’ils sont heureux, les dieux ici évoqués par Dunsany se soucient d’empêcher les hommes d’être heureux par ce qu’ils ne le sont pas eux-mêmes. Mais d’où vient alors que les dieux eux-mêmes ne soient pas heureux ? Sont-ils victimes de la jalousie de méta-dieux qui ne sont pas eux-mêmes heureux etc. ?

Bonheur et contrefactuels (2)

27 vendredi Mai 2016

Posted by patertaciturnus in Lectures

≈ Poster un commentaire

Étiquettes

Alison Gopnik, bonheur, contrefactuels, Neil Young

« Lors d’une expérience, le prix Nobel Daniel Kahneman et ses collègues ont demandé aux participants d’imaginer le scénario suivant : Monsieur Tees et Monsieur Crane sont dans un taxi en route pour l’aéroport où leurs avions respectifs sont censés décoller à 6 heure, mais il y a énormément de circulation et le taxi n’avance pas. Ils arrivent à l’aéroport à 6h30, pour apprendre que l’avion de M. Tees a bien décollé à 6h, mais que le vol de M. Crane a été retardé de 25 minutes : l’avion décolle sous leurs yeux. Qui, de M. Tees ou de M. Crane, se trouve dans la situation la plus pénible?

 A peu près tout le monde s’accorde à dire que c’est M. Crane, qui a raté de peu son avion. Mais pourquoi ? Ils ont tous les deux ratés leur vol. Il semblerait que le plus pénible pour M. crane ne soit pas le monde réel mais les mondes contrefactuels, ceux dans lesquels  son  taxi aurait été  un tout petit peu plus rapide ou son vol un tout petit peu plus en retard.

Inutile de recourir à un scénario artificiel comme celui là pour mesurer les effets des contrefactuels. Pensez aux médaillés des Jeux Olympiques : qui est le plus heureux, celui qui a reçu la médaille d’argent ou celui qui a reçu la médaille de bronze? On pourrait penser que la joie du médaillé d’argent est objectivement plus grande puisque son résultat est meilleur. Mais pour les deux athlètes, les contrefactuels applicables sont très différents. Pour le médaillé de bronze, l’alternative aurait été de se retrouver sans médaille du tout :  il y a échappé de peu. Pour le médaillé d’argent, l’alternative aurait été de remporter l’or : il l’a manqué de peu. De fait, quand les psychologues ont analysé les expressions faciales des athlètes  à partir d’enregistrements des cérémonies de remises des médailles, ils ont constaté  que les médaillés  de bronze avaient l’air plus heureux que les médaillés d’argent.  La différence entre ce qui aurait pu advenir, pour l’un et pour l’autre, l’emporte sur la différence entre ce qui est effectivement advenu.

A l’instar de M. Crane et du médaillé d’argent, plus nous sommes passés près de ce que nous désirions, plus nous sommes déçus. Comme l’a chanté Neil Young, adaptant le poète John Greenleaf Whittier « les mots les plus tristes qu’on puisse dire ou écrire sont ces quatre mots là : » Cela aurait pu être » [ “The saddest words of tongue and pen are these four words, ‘it might have been. »]. »

Alison Gopnik, Le bébé philosophe,
trad. Sarah Gurcel, le Pommier, p. 34-35

← Articles Précédents

Archives

  • mars 2023 (5)
  • janvier 2023 (10)
  • décembre 2022 (6)
  • novembre 2022 (7)
  • octobre 2022 (6)
  • septembre 2022 (15)
  • août 2022 (24)
  • juillet 2022 (28)
  • juin 2022 (19)
  • mai 2022 (20)
  • avril 2022 (23)
  • mars 2022 (27)
  • février 2022 (29)
  • janvier 2022 (31)
  • décembre 2021 (25)
  • novembre 2021 (21)
  • octobre 2021 (26)
  • septembre 2021 (30)
  • août 2021 (24)
  • juillet 2021 (28)
  • juin 2021 (24)
  • mai 2021 (31)
  • avril 2021 (16)
  • mars 2021 (7)
  • février 2021 (6)
  • janvier 2021 (13)
  • décembre 2020 (11)
  • novembre 2020 (3)
  • octobre 2020 (3)
  • septembre 2020 (9)
  • août 2020 (18)
  • juillet 2020 (16)
  • juin 2020 (8)
  • mai 2020 (20)
  • avril 2020 (8)
  • mars 2020 (11)
  • février 2020 (18)
  • janvier 2020 (26)
  • décembre 2019 (21)
  • novembre 2019 (25)
  • octobre 2019 (26)
  • septembre 2019 (31)
  • août 2019 (27)
  • juillet 2019 (23)
  • juin 2019 (22)
  • mai 2019 (22)
  • avril 2019 (27)
  • mars 2019 (27)
  • février 2019 (24)
  • janvier 2019 (32)
  • décembre 2018 (13)
  • novembre 2018 (9)
  • octobre 2018 (12)
  • septembre 2018 (9)
  • août 2018 (13)
  • juillet 2018 (9)
  • juin 2018 (8)
  • mai 2018 (21)
  • avril 2018 (25)
  • mars 2018 (26)
  • février 2018 (22)
  • janvier 2018 (27)
  • décembre 2017 (24)
  • novembre 2017 (16)
  • octobre 2017 (19)
  • septembre 2017 (18)
  • août 2017 (21)
  • juillet 2017 (18)
  • juin 2017 (21)
  • mai 2017 (14)
  • avril 2017 (22)
  • mars 2017 (30)
  • février 2017 (12)
  • janvier 2017 (13)
  • décembre 2016 (14)
  • novembre 2016 (15)
  • octobre 2016 (22)
  • septembre 2016 (16)
  • août 2016 (24)
  • juillet 2016 (19)
  • juin 2016 (16)
  • mai 2016 (20)
  • avril 2016 (10)
  • mars 2016 (30)
  • février 2016 (28)
  • janvier 2016 (32)
  • décembre 2015 (27)
  • novembre 2015 (28)
  • octobre 2015 (31)
  • septembre 2015 (30)
  • août 2015 (33)
  • juillet 2015 (32)
  • juin 2015 (33)
  • mai 2015 (34)
  • avril 2015 (31)
  • mars 2015 (35)
  • février 2015 (32)
  • janvier 2015 (33)
  • décembre 2014 (37)
  • novembre 2014 (33)
  • octobre 2014 (33)
  • septembre 2014 (33)
  • août 2014 (33)
  • juillet 2014 (33)
  • juin 2014 (35)
  • mai 2014 (35)
  • avril 2014 (35)
  • mars 2014 (35)
  • février 2014 (30)
  • janvier 2014 (40)

Catégories

  • 7e art
  • Célébrations
  • Choses vues ou entendues
    • confession
    • Mon métier ma passion
  • Divers vers
  • Fantaisie
    • devinette
    • Philémon et Anatole
    • Taciturnus toujours au top
    • Tentatives de dialogues
  • Food for thought
    • Aphorisme du jour
    • Pessoa est grand
  • Insatiable quête de savoir
    • Il suffirait de quelques liens
  • Lectures
  • Mysticismes
  • Non classé
  • Paroles et musiques
    • Au chant de l'alouette
    • Berceuse du mardi
    • Bienvenue aux visiteurs
  • Père castor
  • Perplexités et ratiocinations
  • SIWOTI or elsewhere

Tags

Abel Bonnard alouette amitié amour art Auguste Comte Benjamin Fondane Bertrand Russell bonheur Cesare Pavese correspondance culture Dieu Djalâl ad-Dîn Rûmî Dostoievski Edmond Jabès Elias Canetti Emily Dickinson enseigner et apprendre esthétique Fernando Pessoa Friedrich von Schiller féminisme Gabriel Yacoub Goethe Hegel Hugo von Hofmannstahl humiliation Hâfez de Chiraz Ito Naga Jean-Jacques Rousseau Joseph Joubert Karen Blixen Karl Kraus Kierkegaard Kobayashi Issa Lichtenberg lune Malek Haddad Marina Tsvetaieva Marshall Sahlins mort Mário de Sá-Carneiro Nietzsche Nâzım Hikmet Omar Khayyâm Paul Eluard Paul Valéry perfection et imperfection Philippe Jaccottet philosophie Pier Paolo Pasolini Pierre Reverdy poésie profondeur racisme Ramón Gómez de la Serna Reiner Kunze religion rêve Simone Weil solitude souffrance Stefan George stoïcisme stupidité travail universalisme Urabe Kenkô utilitarisme vertu vie vérité Witold Gombrowicz éthique et esthétique

Créez un site Web ou un blog gratuitement sur WordPress.com.

Confidentialité & Cookies : Ce site utilise des cookies. En continuant à utiliser ce site, vous acceptez leur utilisation.
Pour en savoir davantage, y compris comment contrôler les cookies, voir : Politique relative aux cookies
  • Suivre Abonné∙e
    • Pater Taciturnus
    • Rejoignez 67 autres abonné∙e∙s
    • Vous disposez déjà dʼun compte WordPress ? Connectez-vous maintenant.
    • Pater Taciturnus
    • Personnaliser
    • Suivre Abonné∙e
    • S’inscrire
    • Connexion
    • Signaler ce contenu
    • Voir le site dans le Lecteur
    • Gérer les abonnements
    • Réduire cette barre
 

Chargement des commentaires…