Je crois qu’il faut porter au crédit de Malicorne d’avoir mis à l’honneur un genre qu’on pourrait nommer la chanson sinistre. L’auberge sanglante constitue un digne représentant du genre (quoique l’histoire finisse bien). Elle complète mon top 5 derrière l’indétrônable Écolier assassin, l’incontournable Blanche biche et après Le prince d’Orange et les Tristes noces.
Il serait amusant d’imaginer que le berger évoqué dans la chanson de Malicorne soit le narrateur de la chanson de Tri Yann malheureusement celui-ci nous dit qu’il n’avait rien d’autre à faire « qu’une femme à chercher », ce qui semble difficilement compatible avec le fait de mener des moutons.
Je suis parti ce matin même,
Encor soûl de la nuit mais pris
Comme d’écœurement suprême,
Crachant mes adieux à Paris…
Et me voilà, ma bonne femme,
Oui, foutu comme quatre sous…
Mon linge est sale aussi mon âme…
Me voilà chez nous !
Ma pauvre mère est en lessive… Maman, Maman, Maman, ton mauvais gâs arrive Au bon moment !…
Voici ce linge où goutta maintes Et maintes fois un vin amer, Où des garces aux lèvres peintes Ont torché leurs bouches d’enfer… Et voici mon âme, plus grise Des mêmes souillures – hélas ! Que le plastron de ma chemise Gris, rose et lilas…
Au fond du cuvier, où l’on sème, Parmi l’eau, la cendre du four, Que tout mon linge de bohème Repose durant tout un jour… Et qu’enfin mon âme, pareille A ce déballage attristant, Parmi ton âme – à bonne vieille ! Repose un instant…
Tout comme le linge confie Sa honte à la douceur de l’eau, Quand je t’aurai conté ma vie Malheureuse d’affreux salaud, Ainsi qu’on rince à la fontaine Le linge au sortir du cuvier, Mère, arrose mon âme en peine D’un peu de pitié !
Et, lorsque tu viendras étendre Le linge d’iris parfumé, Tout blanc parmi la blancheur tendre De la haie où fleurit le Mai, Je veux voir mon âme, encor pure En dépit de son long sommeil Dans la douleur et dans l’ordure, Revivre au Soleil !…