Au début de ce mois on a fêté les 50 ans de Harvest. de Neil Young. Aujourd’hui célébrons les 50 ans du concert d’Alan Stivell à l’Olympia.
28 lundi Fév 2022
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inAu début de ce mois on a fêté les 50 ans de Harvest. de Neil Young. Aujourd’hui célébrons les 50 ans du concert d’Alan Stivell à l’Olympia.
27 dimanche Fév 2022
Posted Taciturnus toujours au top
inLe top de cette semaine prendra le contre-pied de celui de la semaine dernière en détaillant les modalités du plus puissant moyen que je connaisse de conjurer l’envie de se foutre en l’air.
Top 6 des activités pratiquées dans la nature avec ma fille
1. Aller voir les étoiles
2. Construire des cabanes
3. Cueillir des fleurs
4. Cueillir des mûres
5. Jouer avec les ombres
6. Jeter des bâtons dans la rivière
26 samedi Fév 2022
Posted Lectures
in« Aucune parole résonnant de façon pontifiante, pas même une parole théologique, ne conserve non transformée un droit après Auschwitz. »
Theodor Adorno, Dialectique négative, p. 288
Cette phrase dit peut-être la vérité, mais j’ai bien peur qu’elle ne porte contre elle-même et contre une bonne part de l’œuvre d’Adorno.
Le style d’Adorno c’est une étrange alternance de punchlines mémorables et de phrases amphigouriques.
23 mercredi Fév 2022
Posted Lectures
inÉtiquettes
« L’esthétique classique […] se trouvait évidemment, dans l’accomplissement de sa prise de conscience intellectuelle, devant une tâche nouvelle et plus difficile puisqu’en dépit de toutes les limitations et restrictions dont l’« imagination » avait été l’objet dans le domaine de la connaissance pure, il aurait été bien contestable et paradoxal au départ de lui interdire le seuil de la théorie de l’art. Un tel ostracisme n’équivaudrait-il pas à une véritable négation de l’art ? Une telle révolution dans la contemplation de l’objet d’art ne détruirait-elle pas cet objet même et ne le dépouillerait-elle pas de son vrai sens ? En vérité, la théorie classique, si nettement qu’elle refusât de fonder l’art sur l’imagination, n’est nullement restée aveugle à la spécificité de l’imaginaire, insensible à son attrait et à son charme. Déjà la tradition, la vénération de l’Antiquité imposaient dès le départ certaines limites. Cette tradition exigeait, pour que l’œuvre d’art s’accomplît, l’union d’une formation pratique sévère et d’une disposition innée, d’un ingenium qui ne se peut acquérir mais doit être présent et actif dès l’origine, comme don de la nature. Ego nec studium sine divite vena nec rude quid possit, video ingenium : alterius sic altera poscit opem res et conjurat amice. C’est sur une paraphrase de ces paroles d’Horace que s’ouvre l’Art poétique de Boileau :
C’est en vain qu’au Parnasse un téméraire auteur
Pense de l’art des vers atteindre la hauteur :
S’il ne sent point du ciel l’influence secrète,
Si son astre en naissant ne l’a formé poète,
Dans son génie étroit il est toujours captif,
Pour lui Phébus est sourd, et Pégase est rétif.
La formule garde ici toute sa force : le vrai poète doit être né poète. Mais ce qui vaut du poète ne vaut pas forcément au plein sens de la poésie. Car une chose est l’ impulsion qui suscite le processus créateur, le soutient sans cesse et lui donne son essor, autre chose est l’œuvre qui en est le fruit. Une œuvre digne de ce nom, créature autonome possédant vérité et perfection objective, doit se dépouiller, dans sa pure essence et sa consistance, des forces subjectives qui étaient indispensables à sa genèse. Il est alors possible et nécessaire de couper tous les ponts qui la ramèneraient au monde où se forgent les fictions, car la loi qui gouverne l’œuvre d’art comme telle n’est pas un produit de l’imagination, c’est une loi effective, que l’artiste n’a pas à inventer mais à découvrir, qu’il doit emprunter de la nature des choses. Le total de ces lois effectives n’est autre, selon Boileau, que la « raison » : c’est en ce sens qu’il ordonne au poète d’aimer la raison. Le poète ne doit rechercher ni la pompe extérieure ni le faux ornement, il doit se contenter de ce que l’objet même lui apporte. Il doit le prendre dans sa simple vérité et se persuader de surplus qu’il accomplit ainsi tous ses devoirs au service suprême de la beauté. Car la beauté ne se laisse approcher que sur la voie de la vérité et cette voie exige qu’on n’en reste pas à l’aspect extérieur des choses, à l’impression qu’elles font sur les sens et la sensibilité, mais qu’on fasse soigneusement la part entre l’« essence » et l’« apparence ». Nous ne saurions connaître l’objet de la nature pour ce qu’il est sans opérer une sélection sévère parmi les phénomènes qui nous assaillent sans cesse, sans distinguer entre le variable et le constant, entre le contingent et le nécessaire, entre ce qui vaut pour nous seuls et ce qui est fondé dans la chose même : il n’en va pas autrement pour l’objet de l’art, il n’est pas davantage donné et connu dans l’absolu, il doit être déterminé et saisi par un processus sélectif du même ordre. L’esthétique classique s’est laissé égarer — par des imitateurs de second ordre, il est vrai, non par des esprits vraiment créateurs — jusqu’à vouloir établir des règles déterminées pour la production d’œuvres d’art. Mais si elle prétend bien diriger ce processus sélectif, le rationaliser et le contrôler en fonction de critères fixes, elle ne songe nullement à enseigner directement la vérité artistique : elle croit pouvoir préserver de l’erreur et établir les critères de l’erreur. Ici encore, elle révèle sa parenté avec la doctrine cartésienne de la connaissance en se gouvernant selon le principe méthodique que nous ne pouvons atteindre à la certitude philosophique que par une vole médiate : en inspectant les diverses sources de l’erreur, afin de les surmonter et de les éliminer. C’est en ce sens que pour Boileau la beauté de l’expression poétique coïncide avec la justesse du terme « propre » ; ce concept de « propriété » est au centre de toute son esthétique. Il combat aussi bien le burlesque que le style précieux et affecté parce qu’ils s’écartent tous les deux, en des sens différents, de cet idéal. Et le mérite suprême, voire le seul, auquel il veuille bien prétendre pour sa propre poésie et qu’elle est constamment restée fidèle à ce principe, qu’elle ne frappe pas le lecteur par des attraits superficiels mais par la simple clarté de la pensée, par l’économie et le choix réfléchi de l’expression :
Rien n’est beau que le vrai, le vrai seul est aimable.
Il doit régner par-tout, et même dans la fable ;
De toute fiction l’adroite fausseté
Ne tend qu’à faire aux yeux briller la vérité.
Sais-tu pourquoi mes vers sont lus dans les provinces ?
Sont recherchés du peuple, et reçus chez les princes ?
Ce n’est pas que leurs sons, agréables, nombreux,
Soient toujours à l’oreille également heureux ;
Qu’en plus d’un lieu le sens n’y gêne la mesure
Et qu’un mot quelquefois n’y brave la césure :
Mais c’est qu’en eux le vrai, du mensonge vainqueur,
Par-tout se montre aux yeux, et va saisir le cœur ;
Que le mal et le bien y sont prisés au juste ;
Que jamais un faquin n’y tint un rang auguste ;
Et que mon cœur, toujours conduisant mon esprit,
Ne dit rien aux lecteurs, qu’à soi-même il n’ait dit.
Ma pensée au grand jour par-tout s’offre et s’expose
Et mon vers, bien ou mal, dit toujours quelque chose.
[…]
Boileau s’efforce, dans l’Art poétique, à une théorie générale des genres poétiques, tout comme le géomètre à une théorie générale des courbes. Il veut mettre sur pied le « possible » à partir de la multiplicité des objets réels, comme le mathématicien veut apercevoir le cercle, l’ellipse, la parabole dans leur « possibilité », à savoir : la loi de construction qui les fonde. Tragédie et comédie, élégie et épopée, satire et épigramme, tous ces genres possèdent leur propre loi de construction bien déterminée, que nulle création individuelle n’est autorisée à bousculer, dont elle ne peut s’écarter sans heurter la « nature » elle-même et perdre ses titres à la vérité artistique. Boileau cherche à dégager ces lois implicites, fondées sur la nature des divers genres poétiques, respectées depuis toujours inconsciemment dans la pratique de l’art, pour les porter à la connaissance claire et distincte. Il veut les énoncer et les formuler explicitement, à la manière de l’analyse mathématique qui permet une telle formulation, une expression du contenu propre et de la structure fondamentale correspondant à telle et telle classe de figures. C’est pourquoi le genre lui-même n’est pas pour lui quelque chose que l’artiste devrait élaborer, pas davantage un moyen et un instrument de création dont il pourrait à son gré se saisir ou se défaire mais au contraire quelque chose de donné comme tel et d’intrinsèquement nécessaire. Les genres et les espèces de l’art ne se comportent pas en cela autrement que les choses de la nature : ils possèdent pareillement immutabilité, stabilité, forme et destination spécifiques, auxquelles rien ne se peut ni ajouter ni retrancher. L’esthéticien n’est pas plus le législateur de l’art que le mathématicien et le physicien ne sont les législateurs de la nature. Ni les uns ni les autres n’ordonnent ni ne régissent : ils ne font qu’établir ce qui « est ». Et ce n’est point un obstacle pour le génie que d’être lié et, en quelque sorte, asservi à cette réalité objective, mais au contraire une garantie contre l’arbitraire et la certitude de s’élever à la seule forme possible et véritable de liberté artistique. Même pour le génie, il existe certaines bornes infranchissables, tant du côté des sujets artistiques que du côté des genres artistiques : il n’est pas question de traiter n’importe quel sujet dans n’importe quel genre ; la structure même du genre accomplit déjà d’elle-même un certain choix dans les matières à traiter, excluant tout ce qui ne se prête pas au seul mode de traitement qu’elle agrée. L’artiste doit donc chercher ailleurs sa liberté de mouvement : non dans le contenu comme tel qui, dans une large mesure, est fixé et organisé d’avance mais dans la direction de l’ expression et de la présentation. C’est dans l’expression seule que se fait connaître ce qu’on nomme communément l’« originalité ». C’est là que l’artiste va mettre en œuvre ses facultés individuelles : parmi les diverses expressions possibles d’un seul et même sujet, l’artiste véritable donnera toujours sa préférence à celle qui surpasse les autres en sûreté et en fidélité, en clarté et en force. Il ne va pourtant pas rechercher la nouveauté pour elle-même et à tout prix mais simplement ce qu’il faut de nouveauté pour répondre au besoin de simplicité, de concision, de frappante brièveté dans une mesure encore jamais atteinte. Une pensée nouvelle, dit Boileau quelque part, n’est nullement une pensée qui n’a encore jamais été pensée : « C’est au contraire une pensée qui a dû venir à tout le monde et que quelqu’un s’avise le premier d’exprimer. » Dans cette formule, il est vrai, se cache un nouvel obstacle : une fois atteinte cette adéquation parfaite entre le sujet et l’expression, l’art est parvenu à un but qu’il n’y a plus nécessité ni possibilité de dépasser. Le progrès n’est pas un progressus in indefinitum, il fait halte à un certain niveau de perfection. Toute perfection artistique signifie du même coup un non plus ultra, une limite de l’art.
Le Siècle de Louis XIV de Voltaire est un nouvel exemple de cette coïncidence classique, dans certaines formes d’art, de la perfection intérieure et de la fin dans le temps. Ici encore se manifeste l’analogie qu’admet la théorie entre les problèmes artistiques et scientifiques et qu’elle tente de poursuivre dans le détail. Condillac voyait le lien unissant l’art et la science dans leur commune relation au langage. Ils sont deux niveaux et deux directions différentes d’une seule et même fonction intellectuelle qui s’exprime dans la création et l’usage des signes. L’art, comme la science, met les « signes » des objets à la place des objets, et il ne se distingue d’elle que par l’usage qu’il en fait’. L’avantage des signes scientifiques, justement, sur ceux du langage usuel, sur les simples mots, est d’être beaucoup mieux définis, de tendre vers une expression parfaite et univoque. C’est bien là leur but ; mais par là même s’introduit une limitation immanente. La théorie scientifique peut bien sans doute désigner un seul et même objet par divers symboles — le géomètre, par exemple, peut exprimer l’équation d’une courbe, d’abord en coordonnées cartésiennes, puis en coordonnées polaires. Mais l’une de ces expressions l’emportera finalement en perfection relative parce qu’elle conduit, pour l’objet dont il s’agit, à la formule la plus simple. Cette même « simplicité » est élevée par la théorie classique au rang d’un idéal : la simplicité vaut comme corollaire de la vraie beauté comme elle est le corollaire et le critère de la vérité.
Ernst Cassirer, La philosophie des Lumières, p. 360 – 368
21 lundi Fév 2022
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inC’est que si, d’aventure, un visiteur passe sa soirée à parcourir mon blog, je peux m’en rendre compte dans les stats de WordPress.
Merci de ta visite, étranger, j’espère que ça t’a plu et que tu reviendras.
20 dimanche Fév 2022
Posted Taciturnus toujours au top
inÉtiquettes
Ce blog n’a pas toujours transpiré la joie de vivre. Parmi les auteurs que j’ai cités, certains ne se sont pas contentés de parler de désespérance, ils ont fini par joindre l’acte aux paroles.
Top 5 des auteurs cités sur ce blog qui se sont suicidés
1. Cesare Pavese
2. Dazaï Osamu
3. Mário de Sá-Carneiro
4. Sadegh Hedayat
5. Heinrich von Kleist
19 samedi Fév 2022
Posted Lectures
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« Le nouvel idéal de savoir institué par Descartes à l’origine de sa philosophie a l’ambition d’embrasser non seulement toutes les parties de la science mais aussi tous les aspects et tous les moments de l’agir. Avec les sciences au sens étroit du terme, avec la logique, les mathématiques, la physique et la psychologie qui vont en recevoir une nouvelle orientation, l’art à son tour est désormais soumis à la même stricte exigence. Il doit être à son tour mesuré à l’aune de la « raison », être éprouvé à ses règles : nul autre moyen de savoir s’il recèle un contenu authentique, durable et essentiel. Un tel contenu n’a rien à voir avec les excitations fugitives du plaisir qu’éveille en nous l’œuvre d’art. Pour être universellement valable, il veut être établi sur un fondement plus ferme, être exempt de la mobilité infinie du plaire et du déplaire, être saisi dans sa réalité et sa nécessité propres. Descartes personnellement n’a joint à sa philosophie aucune esthétique mais dans la structure générale de son œuvre philosophique se trouve déjà impliqué un pareil dessein. Il étend bien en effet au domaine de l’art l’unité absolue qui caractérise selon lui la nature du savoir et qui doit surmonter toutes divisions arbitraires et conventionnelles. Il n’hésite pas à élargir sa conception d’une sapientia universalis jusqu’à recouvrir du postulat universel de la raison l’art dans son ensemble et dans toutes ses formes particulières. Lorsque Descartes, dans les Regulae ad directionem ingenii, nous donne sa première démonstration selon la méthode des idées claires et distinctes de idéal de la mathesis universalis, il ne manque pas de ranger sous l’autorité de cet idéal, se rattachant du reste en cela à la tradition médiévale, non seulement géométrie et l’arithmétique, non seulement l’optique l’astronomie mais également la musique. Et plus se répand l’esprit du cartésianisme, plus la nouvelle loi est étendue énergiquement au domaine de la théorie esthétique. Si cette théorie veut s’affirmer et se justifier, si elle veut être autre chose qu’un conglomérat bariolé d’observations empiriques et de règles entassées vaille que vaille, il faut qu’elle incarne en elle-même le caractère et la mission d’une théorie comme telle, qu’elle soit marquée du sceau de la théorie. Elle ne peut se laisser conduire ni égarer par la diversité des objets ; au contraire elle doit embrasser la nature de la création et du jugement artistique dans son unité et son intégrité. Dans le monde des arts comme dans celui des sciences nous ne jouirons de cette vision synthétique qu’en soumettant à un seul et même principe les formes phénoménales de l’art si diverses et apparemment si hétérogènes de façon à les définir et les déduire à partir de ce principe. La voie où devait s’engager l’esthétique du XVIIe et du XVIIIe siècle était donc tracée d’avance : la nature, dans toutes ses manifestations, est soumise à certains principes que la connaissance a pour tâche dernière de déterminer et d’énoncer en termes clairs et précis ; l’art, rival de la nature, ne peut manquer de tomber sous le coup de la même obligation.
La nature est soumise à des lois universelles et inviolables ; il doit y avoir pour l’« imitation de la nature » des lois de même espèce d’égale dignité. Et toutes ces lois partielles doivent en définitive être accordées et subordonnées à un principe unique et simple, à un axiome de l’imitation en général. C’est cette conviction fondamentale qu’exprime Batteux par le simple titre de son œuvre principale, Les Beaux-Arts réduits à un même principe, qui semble proclamer l’accomplissement de tout l’effort du XVIIe et du XVIIIe siècle en matière de méthode. Ici également règne le grand exemple de Newton : de l’ordre qu’il avait établi dans l’univers physique devait s’ensuivre l’ordre de l’univers intellectuel, éthique et esthétique. A la manière de Kant qui voyait en Rousseau le Newton du monde moral, l’esthétique du XVIIIe siècle recherche et exige un Newton de l’art. Et cette exigence ne semblait nullement creuse ou chimérique depuis que Boileau s’était donné pour le « législateur du Parnasse ». Il semblait que son œuvre eût enfin élevé l’esthétique au rang d’une science exacte en remplaçant des postulats purement abstraits par des applications concrètes et des recherches spéciales. Le parallélisme des arts et des sciences, qui constitue l’une des thèses fondamentales du classicisme français, semble désormais établi dans les faits. Dès avant Boileau, on explique ce parallélisme par l’origine commune des arts et des sciences dans le pouvoir absolument unique et souverain de la « raison ». Or, c’est un pouvoir qui ignore tout compromis et ne souffre aucune déviation. Quiconque ne le reconnaît pas absolument et sans partage, quiconque ne le prend pas sans restriction pour guide commet un crime de lèse-majesté.
« En tout ce qui dépend de la raison et du sens commun, dit d’Aubignac dans sa Pratique du théâtre de 1669, cinq ans avant la parution de l’Art poétique de Boileau, la licence est un crime qui n’est jamais permis. » La « licence poétique » — aussi bien que scientifique — est ainsi repoussée et condamnée. « Les arts ont cela de commun avec les sciences, dit Le Bossu au début de son Traité du poème épique, qu’ils sont comme elles fondés sur la raison, et que l’on doit s’y laisser conduire par les lumières que la nature nous a données. » On voit comment l’esthétique classique conçoit la nature. Tout comme dans les débats touchant la « morale naturelle » ou la « religion naturelle », l’idée de nature a dans le domaine des théories esthétiques une signification plutôt fonctionnelle que substantielle. La norme et le modèle qu’elle propose ne se trouvent pas d’emblée dans une catégorie d’objets, mais dans l’exercice libre et assuré de certaines facultés de connaissance. On peut prendre « nature » comme synonyme de « raison » : tout vient de la nature, tout lui appartient, de ce qui n’est pas le produit fugitif de l’instant, le fruit de l’humeur ou de l’artifice, mais se fonde au contraire sur les lois d’airain de l’ordre éternel. Ce fondement est le même, pour ce que nous appelons « beauté », et pour ce que nous appelons « vérité ». Dès que nous touchons à la couche originelle de la création raisonnée, nous ne pouvons plus croire à une situation particulière, exceptionnelle du beau. L’« exception », comme négation de la loi, ne peut être ni belle ni vraie : Rien n’est beau que le vrai. Vérité et beauté, raison et nature ne sont que des expressions diverses de la même chose : de l’ordre unique et inviolable de l’être qui se découvre de toutes parts, dans la connaissance de la nature comme dans l’œuvre d’art. L’artiste ne peut rivaliser avec les créations de la nature et ne peut insuffler à ses œuvres une vie véritable qu’en se pénétrant des lois de l’ordre naturel. La conviction profonde qui est alors partout vivante éclate dans un poème didactique de M.-J. Chénier :
C’est le bon sens, la raison qui fait tout :
Vertu, génie, esprit. talent et goût.
Qu’est-ce vertu ? raison mise en pratique ;
Talent ? raison produite avec éclat ;
Esprit ? raison qui finement s’exprime.
goût n’est rien qu’un bon sens délicat,
Et le génie est la raison sublime.
Mais on se méprendrait gravement sur le sens de cette réduction du « génie » et du « goût » au bon sens, si l’on n’y voyait qu’un éloge, une glorification du « sens commun ». La théorie du classicisme français n’a rien à voir avec une quelconque philosophie du common sense, car elle ne se réclame nullement de l’usage quotidien et banal de l’entendement mais des facultés suprêmes de la raison savante. Au même titre que les mathématiques et la physique du XVIIIe siècle, elle vise l’idéal de la rigueur qui constitue le corrélat nécessaire et la condition indispensable de son exigence d’universalité. Nous trouvons donc toujours une harmonie profonde, voire une coïncidence parfaite entre les idéaux scientifiques et les idéaux artistiques de cette époque, car la théorie esthétique ne veut ici rien faire d’autre qu’emprunter la voie déjà frayée de part en part par les mathématiques et la physique. »
Ernst Cassirer, La philosophie des Lumières, p. 355 – 358
18 vendredi Fév 2022
Posted Divers vers
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[…]
Fui solo como un túnel. De mí huían los pájaros
y en mí la noche entraba su invasión poderosa.
Para sobrevivirme te forjé como un arma,
como una flecha en mi arco, como una piedra en mi honda.
[…]
Pablo Neruda, Veinte Poemas de Amor y una Canción Desesperada, I
[…]
A nadie te pareces desde que yo te amo.
Déjame tenderte entre guirnaldas amarillas.
Quién escribe tu nombre con letras de humo entre las estrellas del sur?
Ah déjame recordarte como eras entonces cuando aún no existías.
[…]
ibid, XIV
*
Je fus seul comme un tunnel. Les oiseaux me fuyaient,
et en moi la nuit pénétrait de son invasion puissante.
Pour me survivre je t’ai forgée comme une arme,
comme une flèche à mon arc, comme une pierre à ma fronde.
Tu ne ressembles à personne depuis que je t’aime.
Laisse-moi t’étendre parmi les guirlandes jaunes.
Qui inscrit ton nom avec des lettres de fumée parmi les étoiles du sud ?
Ah laisse-moi me souvenir comment tu étais alors, quand tu n’existais pas encore.
trad. C. Couffon C. Rinderknecht
Goya, Pygmalion et Galatée
*
« Certes, en un sens c’est bien toi qui m’a créée, répondit l’Aimée à l’Amant, mais je crains pour toi que tu ne regrettes vite ton empressement à glorifier ton génie. Que tu m’aies créé ne m’empêchera nullement de t’échapper, et lorsque cela arrivera tu te souviendras de ce que tu oublies en ce moment, que tu n’es pas maître de ton pouvoir créateur, et que tu n’es pas libre d’élever à volonté une personne quelconque au rang d’objet d’amour. »
Zosime Korba, Pulsations cadavériques, p.117
17 jeudi Fév 2022
Posted Non classé
in« Most people don’t realize that large pieces of coral
Which have been painted brown and attached to the skull with common wood screws
Can make a child look like a deer »
Kurt Cobain
16 mercredi Fév 2022
Posted Divers vers
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Hérisson, hérisson,
petit frère,
celui qui n’a jamais connu
le velours de ton ventre
ne sait rien de l’univers.
André Rochedy, Le chant de l’oiseleur