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Pater Taciturnus

~ "Ton péché originel c'est d'ouvrir la bouche. Tant que tu écoutes tu restes sans tache"

Pater Taciturnus

Archives de Tag: souffrance

Concomitance

04 jeudi Août 2022

Posted by patertaciturnus in Divers vers

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souffrance, W. H. Auden, William Carlos Williams

Musée des Beaux-Arts

About suffering they were never wrong,
The old Masters: how well they understood
Its human position: how it takes place
While someone else is eating or opening a window or just walking dully along;
How, when the aged are reverently, passionately waiting
For the miraculous birth, there always must be
Children who did not specially want it to happen, skating
On a pond at the edge of the wood:
They never forgot
That even the dreadful martyrdom must run its course
Anyhow in a corner, some untidy spot
Where the dogs go on with their doggy life and the torturer’s horse
Scratches its innocent behind on a tree.

In Breughel’s Icarus, for instance: how everything turns away
Quite leisurely from the disaster; the ploughman may
Have heard the splash, the forsaken cry,
But for him it was not an important failure; the sun shone
As it had to on the white legs disappearing into the green
Water, and the expensive delicate ship that must have seen
Something amazing, a boy falling out of the sky,
Had somewhere to get to and sailed calmly on.

W. H. Auden

Musée des Beaux-Arts

Sur la souffrance, ils ne se trompaient jamais,
Les vieux Maîtres : comme ils comprenaient bien
Sa place dans la vie humaine, et qu’elle se produit
Pendant que quelqu’un d’autre est en train de manger ou d’ouvrir une fenêtre ou bien de passer avec indifférence ;
Et tandis que les vieux attendent pieusement, passionnément,
La naissance miraculeuse, qu’il faut toujours qu’il se trouve
Des enfants qui ne souhaitaient pas spécialement qu’elle arrive, en train de patiner
Sur un étang au bord de la forêt.

Ils n’oubliaient jamais
Que même l’horrible martyre doit suivre son cours
N’importe comment, dans un coin, quelque lieu en désordre où les chiens continuent à mener leur vie de chiens, et le cheval du tortionnaire
Frotte son innocent derrière contre un arbre.

Dans l’Icare de Bruegel, par exemple : comme tout se détourne
De la catastrophe sans se presser ; le laboureur a pu entendre
Le floc dans l’eau, le cri de désespoir,
Mais pour lui ce n’est pas un échec important, le soleil brillait
Comme il devait sur la blancheur des jambes disparaissant dans l’eau verte,
Et le coûteux, le délicat navire qui avait dû voir
Quelque chose de stupéfiant, un garçon précipité du ciel,
Avait quelque part où aller et poursuivait tranquillement sa course.

trad. Jean Lambert, ed. Gallimard

*

Landscape with the Fall of Icarus

According to Brueghel
when Icarus fell
it was spring

a farmer was ploughing
his field
the whole pageantry

of the year was
awake tingling
with itself

sweating in the sun
that melted
the wings’ wax

unsignificantly
off the coast
there was

a splash quite unnoticed
this was
Icarus drowning

William Carlos Williams

Noble insatisfaction

15 mercredi Déc 2021

Posted by patertaciturnus in Lectures

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Dostoievski, expression, imbécillité, souffrance

— Ah ! et tu souffres quelquefois  de ce que ta pensée ne se plie pas au moule des paroles? Cette noble souffrance, mon ami, n’est donnée qu’aux élus ; l’imbécile est toujours satisfait de ce qu’il a dit et en outre il dit toujours plus qu’il ne faut ; ces gens là aiment le surplus.

Dostoïevski, L’adolescent, trad. Pierre Pascal, Folio, p. 133

Pourquoi ?

05 dimanche Déc 2021

Posted by patertaciturnus in Divers vers

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Idea Vilariño, souffrance

POR QUÉ

Por qué
aún
de nuevo
vuelve el viejo dolor
me rompe el pecho
me parte en dos
me cubre de amargura.
Por qué
hoy todavía.

Idea Vilariño, Última Antología

Pourquoi

Pourquoi
toujours
à nouveau
revient la vieille douleur
elle me rompt la poitrine
me coupe en deux
me couvre de nausée.
Pourquoi
aujourd’hui
encore.

trad. Eric Sarner

Que mon malheur soit une injustice !

04 samedi Déc 2021

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Cesare Pavese, injustice, Nietzsche, ressentiment, souffrance

Les livres qu’on a l’habitude de feuilleter, on néglige parfois de les reprendre  depuis le début, c’est ainsi que j’ai véritablement redécouvert ce texte poignant de Pavese dans Le métier de vivre :

« Subir une injustice est d’une désolation tonifiante – comme un matin d’hiver. Cela remet en vigueur, selon nos plus jaloux désirs, la séduction de la vie ; cela nous redonne le sentiment de notre valeur par rapport aux choses ; cela flatte. Tandis que souffrir à cause d’un pur hasard, à cause d’un malheur, c’est avilissant. Je l’ai éprouvé et je voudrais que l’injustice, l’ingratitude eussent été encore plus grandes. C’est cela qui s’appelle vivre et, à vingt-huit ans, ne pas être précoce.

Quant à l’humilité. Il est si rare pourtant de souffrir une belle et totale injustice. Nos actes sont tellement tortueux. En général, on trouve toujours que nous aussi nous sommes un peu fautifs et adieu le matin d’hiver.

Non pas un peu de faute, mais toute la faute, on n’en sort pas. Jamais.

Que le coup de couteau soit donné par jeu, par désœuvrement, par une personne sotte, ne diminue pas les élancements de douleur mais les rend plus atroces, car cela incite à méditer sur le caractère fortuit de la chose et sur sa propre responsabilité de n’avoir pas su prévoir la chute.

J’imagine que ce serait un réconfort de savoir que la personne qui vous a blessé se consume de remords, attache de l’importance à la chose ? Ce réconfort ne peut naître que du besoin de ne pas être seul, de resserrer les liens entre son propre moi et les autres. En outre, si cette personne souffrait du remords d’avoir blessé non pas moi en particulier mais seulement un homme en tant que créature, est-ce que je désirerais ces remords chez elle ? Il faut donc que ce soit moi précisément, et non l’homme qui est en moi, qui sois reconnu, regretté et aimé.

Et est-ce que le champ ne s’ouvre pas à une autre et durable torture, si l’on se rappelle que la personne qui vous a blessé n’est pas sotte, désœuvrée et légère ? Si l’on se rappelle qu’elle est habituellement sérieuse, compréhensive, crispée, et que ce n’est que dans mon cas qu’elle a plaisanté ? »

Cesare Pavese, Le métier de vivre, 24 avril 1936

*

L’analyse proposée dans le premier paragraphe ressemble étonnamment à celle que propose Nietzsche dans le passage de la Généalogie de la morale consacrée au prêtre ascétique. »

Celui qui souffre cherche instinctivement à sa souffrance une cause; plus précisément, il lui cherche un auteur; plus exactement encore, un coupable lui-même susceptible de souffrance – bref, un être vivant quelconque sur lequel il puisse, réellement ou en effigie, et sous n’importe quel prétexte, décharger ses passions : car la décharge des passions est, pour celui qui souffre, la meilleure façon de chercher un soulagement, un engourdissement, c’est là le narcotique qu’il recherche inconsciemment contre toute espèce de tourment. Voilà, à mon sens, où se trouve la seule véritable cause physiologique du ressentiment, de la vengeance et de tout ce qui lui est apparenté, à savoir dans le désir d’étourdir la douleur par la passion : il me semble qu’on a tort de chercher d’ordinaire cette cause dans un contre-coup défensif, une simple mesure de protection, ou un « mouvement réflexe » en réponse à une agression ou à une menace soudaine, comme même une grenouille sans tête est encore capable d’en avoir, pour se débarrasser d’un acide caustique. La différence est pourtant fondamentale : dans un cas on veut empêcher l’extension des dégâts, dans l’autre, on veut, au moyen d’une quelconque émotion plus violente qu’elle, étourdir une douleur torturante, secrète, et qui devient intolérable, et la chasser momentanément au moins de la conscience, – on a besoin à cet effet d’une passion aussi sauvage que possible et, pour l’exciter, d’un bon prétexte quelconque: « Quelqu’un doit être coupable de ce que je me sente mal », cette manière de conclure est propre à tous les êtres maladifs, et cela à proportion qu’ils ignorent la cause véritable de leur malaise, je veux dire la cause physiologique […] Ceux qui souffrent ont tous une effrayante disposition à inventer des prétextes à leurs passions douloureuses; ils jouissent même de leurs soupçons, de leurs ratiocinations moroses sur les bassesses et les préjudices dont ils se croient victimes, ils scrutent les entrailles de leur passé et de leur présent pour y chercher des histoires obscures et douteuses, où ils sont libres de se griser de soupçons torturants et de s’enivrer du poison de leur propre méchanceté – ils rouvrent violemment leurs plus vieilles blessures, ils saignent de plaies depuis longtemps cicatrisées, ils transforment en malfaiteurs ami, femme, enfant et tous leurs proches. « Je souffre : quelqu’un doit en être coupable », ainsi pense toute brebis maladive. »

Friedrich Nietzsche, Généalogie de la morale, III, §.15

Faire mal pour ne pas avoir mal ?

05 dimanche Sep 2021

Posted by patertaciturnus in Aphorisme du jour, Lectures

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amour, Dostoievski, souffrance

« Peut-être vaut-il mieux blesser les gens : au moins on est débarrassé du malheur des les aimer. »

Dostoïevski, L’adolescent, trad. Pierre Pascal, Folio, p.76

Ni la joie ni la peine

04 vendredi Juin 2021

Posted by patertaciturnus in Aphorisme du jour

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art de vivre, Cesare Pavese, expression, Joie, souffrance

« Ma questa è la piu atroce: l’arte della vita consiste nel nascon dere alle persone piu care la propria gioia di esser con loro, altri menti si pèrdono. »

« Mais voici le plus atroce : l’art de la vie consiste à cacher aux personnes les plus chères la joie qu’on a à être avec elles, sinon on les perd. »

Cesare Pavese, Le métier de vivre, 30 septembre 1937

 » Si cessa di essere giovani quando si capisce che dire un dolore lascia il tempo che trova. »

« On cesse d’être jeune quand on comprend qu’il ne sert à rien de dire une douleur. »

ibid. 31 octobre 1937

Le stoïcisme remis à sa place

09 dimanche Mai 2021

Posted by patertaciturnus in Lectures

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Abel Bonnard, altérité, amour, bonheur, souffrance, stoïcisme

Comme promis, je présente aujourd’hui quelques textes qui permettent de comprendre en quoi, contrairement à ce que pouvait laisser penser le texte cité dimanche dernier, Bonnard se démarque du stoïcisme. On pourrait dire que le stoïcisme dont nous avons vu des traces dans le précédent extrait est un stoïcisme instrumental : les recommandations stoïciennes ont de la valeur pour nous prémunir de nous perdre dans les amours communes, en revanche elles n’ont plus cours face à ce que Bonnard appelle les « amours suprêmes » qui méritent que nous nous y abandonnions. La distinction de ces deux formes d’amour est pensée – assez classiquement – selon la polarité de la contingence et de la nécessité :

« Pour bien connaître la nature des amours suprêmes, il faut voir par où elles s’opposent catégoriquement aux amours communes : c’est d’abord par le caractère distinctif et absolu du choix qui les a fait naître. Celle-là ou une autre, celle-là ou nulle autre, tels sont les deux pôles entre lesquels se placent toutes les amours possibles. Il n’existe aucun rapport entre les femmes que nous aimons parce qu’il faut bien en aimer une et la femme que nous aimons parce que c’est elle. Les premières ne nous servent qu’à occuper notre cœur, en donnant un emploi à des sentiments qui y existaient avant elles, et nous ne les oublions jamais autant qu’au moment où nous les serrons contre nous ; l’autre tire de nous des sentiments qui n’y auraient pas existé sans elle, et qui sont la réponse que notre nature doit faire à la sienne. »

Abel Bonnard. Savoir aimer

Dans Savoir aimer, Bonnard ne mentionne pas explicitement le stoïcisme, mais, comme on l’a vu la semaine dernière, on le reconnaît sans difficulté dans le contenu de cet « art », dont parle Bonnard ci-dessous, que nous acquerrons en « apprenant à vivre » : art de réduire notre exposition à la souffrance, art de se réfugier dans une citadelle intérieure.

« La condition de tout amour vrai est de croire à l’être qu’on aime. Nous rompons par cette démarche avec toutes les pratiques que nous avons suivies jusque-là, hors de l’amour et dans l’amour même. Nous avions appris à vivre, c’est-à-dire à nous réserver, à nous dédoubler, à n’être jamais trop présents pour n’être jamais trop offerts, à éluder par la politesse toute rencontre réelle avec des gens grossiers, à n’offrir à ceux mêmes pour qui nous éprouvons de la sympathie qu’une surface de notre sensibilité soigneusement mesurée, de façon à ne pas leur donner le pouvoir de nous causer trop de peine. Après avoir d’abord campé en pleins champs, exposés à toutes les surprises, nous avions bâti peu à peu une forteresse à notre cœur : elle est debout sur son plan savant, avec ses ouvrages, ses fossés, ses tours ; de là l’on peut considérer avec assurance quiconque s’approche. Mais voici qu’à la porte de ce château imprenable, nous en offrons les clés à une inconnue qui nous sourit. Sans doute l’imprudence est extrême : nous nous exposons à des chagrins immenses. Le danger d’aimer est de croire, mais le bonheur de l’amour est à ce prix. […]

Il serait trop triste d’apprendre à vivre, si cela nous condamnait à ne plus faire aucune folie : cet art doit seulement nous servir à concentrer les tentatives de notre cœur sur des occasions que notre esprit lui-même a contribué à fixer, et il est bien suffisant s’il fait que nos folies ne soient plus évidemment des sottises. »

ibid.

Si, pour Bonnard, il faut savoir suspendre l’exercice de cet art c’est qu’il ne souscrit pas à la conception stoïcienne du bonheur : non seulement il ne suffit pas de ne pas souffrir pour être heureux, mais de plus, vouloir à tout prix éviter la souffrance ce serait se priver des joies qui font que la vie vaut d’être vécue. A cette recommandation d’Épictète :

« Tu peux être invincible, si tu ne t’engages dans aucune lutte, où il ne dépend pas de toi être vainqueur. »

Manuel, chap. XIX, §.1

on est, en effet, porté à répondre qu’à vaincre sans péril on triomphe sans gloire. Pour Bonnard il n’est certes pas question de s’engager dans n’importe quel combat, en cela les préceptes stoïciens ont leur valeur, mais pour remporter des victoires éclatantes il faut s’exposer au risque de la défaite. Reste à savoir quelle consolation on trouve dans la défaite à se dire qu’il valait la peine de s’y exposer.

Le texte de Savoir aimer (1937) cité ci-dessus a un équivalent dans un ouvrage antérieur L’amitié (1928). On peut notamment y apprécier une critique de l’identification de l’âme à une citadelle :

« Il est un art de vivre et on peut l’apprendre. Mais s’il consistait vraiment à se préserver des déceptions et des peines en se rendant insensible, on aurait horreur de le savoir. En vérité, il ne s’agit pas d’endurcir notre cœur, mais seulement de le protéger. C’est la généreuse étourderie de la jeunesse de se livrer sans réserve et aveuglément à toutes les occasions qui lui sont offertes. Il serait aussi fâcheux de n’avoir pas commencé par là qu’il deviendrait ridicule de continuer de la sorte. Il ne convient pas de laisser aux sots et aux méchants le pouvoir de nous atteindre aisément ; une secrète magie nous permet de les éloigner, et celui même qui se croit aux prises avec nous ne se doute pas qu’il passe à peine à notre horizon, où nous le lorgnons avec une curiosité flegmatique. Qu’un homme qui a appris la vie ait un air de calme et de froideur, qu’il recoure tour à tour, pour écarter le vulgaire, à la politesse ou à l’ironie, il ne fait qu’user de ses droits. Mais prendre pour sa nature ce qui n’en est que les défenses, ce serait la même erreur que de ne pas distinguer une ville de ses remparts. La question n’est pas, pour nous, de ne plus jamais être fous, mais de réserver notre folie pour les occasions qui en sont dignes. Qu’un être paraisse qui, par quelques signes, nous donne à croire qu’il est de la race supérieure, nous déploierons, pour l’accueillir, un enthousiasme qui dépassera infiniment celui de nos premiers temps, car comment comparer la fougue instinctive d’un jeune homme avec la hautaine imprudence d’un homme qui n’ignore rien des dangers auxquels sa folie l’expose et qui trouve sa volupté à les affronter en les connaissant? »

Abel Bonnard, L’amitié

Dans ce même ouvrage Bonnard se livre à une critique explicite du stoïcisme qui a le mérite de montrer que le fond du problème concerne la question du rapport à une altérité qui ne dépend pas de nous dans la réalisation de soi. Pour Bonnard, nous avons besoin d’une altérite qui nous révèle à nous mêmes nos potentialités, l’autre que nous aimons ne saurait se réduire à une occasion, en elle-même indifférente, d’exercer nos vertus.

« Si fort que nous nous appliquions à nous ennoblir et à nous enrichir par nous-mêmes, il y a une douceur, une grâce, une modestie à ne pas refuser, à admettre, à solliciter l’aide du hasard. Cherchons à nous accomplir, sans prétendre nous achever; car nous avons bien le pouvoir de développer à nous seuls ce que nous avons de plus haut, mais non pas celui de vivifier ce que nous avons de plus profond. Il est certains printemps de nous-mêmes que nous ne pouvons connaître que par l’intervention d’un autre être et, autour des palais que nous avons bâtis, il est divin, alors, de voir éclater des jardins qu’il ne dépendait pas de nous de faire fleurir. Qu’un philosophe stoïcien se vante de se suffire : il ne s’aperçoit pas qu’il s’est desséché. La vraie poésie, au contraire, c’est de toujours nous accroître, sans nous suffire jamais, c’est de nous enfoncer en nous sans nous exclure de l’Univers, c’est d’être toujours prêts à recevoir, au bord d’une âme sans cesse agrandie, ceux qui y feront jaillir des sources que nous n’aurions pas pu éveiller. A la volonté de nous ennoblir, nous ajoutons le miracle de les aimer. Après nous être augmentés par notre effort, il est doux de nous enrichir par leur magie. Après nous être retirés aux circonstances, il est doux de rester encore, pour les rencontres que nous espérons, les sujets de la fortune, comme le joueur qui risque tout sur un coup de dés, comme le marin qui a besoin d’un bon vent. Après avoir étendu notre âme jusqu’à en faire un vaste royaume, il est doux de la laisser attendre le lever d’un être, comme les grands pays noyés d’ombre, le soir, attendent la lune. »

Abel Bonnard, L’amitié

L’ami qui dort

19 jeudi Sep 2019

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amitié, Cesare Pavese, souffrance

L’amico che dorme

Che diremo stanotte all’amico che dorme?
La parola più tenue ci sale alle labbra
dalla pena più atroce. Guarderemo l’amico,
le sue inutili labbra che non dicono nulla,
parleremo sommesso.
La notte avrà il volto
dell’antico dolore che riemerge ogni sera
impassibile e vivo. Il remoto silenzio
soffrirà come un’anima, muto, nel buio.
Parleremo alla notte che fiata sommessa.
Udiremo gli istanti stillare nel buio
al di là delle cose, nell’ansia dell’alba,
che verrà d’improvviso incidendo le cose
contro il morto silenzio. L’inutile luce
svelerà il volto assorto del giorno. Gli istanti
taceranno. E le cose parleranno sommesso.

Cesare Pavese, Poesie del disamore

 

L’ami qui dort

Qu’allons nous cette nuit dire à l’ami qui dort ?
Des mots inconsistants montent jusqu’à nos lèvres
d’une atroce souffrance. Nous le regarderons,
ses lèvres inutiles qui restent silencieuses,
nous parlerons doucement.

La nuit aura les traits
de l’antique douleur qui renaît chaque soir
impassible et vivante. Le silence lointain
souffrira comme une âme, muet, dans le noir.
Nous parlerons la nuit qui respire doucement.

Nous entendrons les instants s’égrener dans le noir
au delà des choses, dans l’attente anxieuse de l’aube,
qui viendra tout à coup et gravera les choses
sur le silence mort. L’inutile lumière
dévoilera du jour le visage pensif. Les instants
se tairont. Et les choses parlerons doucement.

Cesare Pavese, Poésie du désamour, trad Gilles de Van

Anesthésie

13 dimanche Jan 2019

Posted by patertaciturnus in Aphorisme du jour, Lectures

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amour, Cesare Pavese, souffrance

« Pourquoi celui qui est vraiment amoureux demande-t-il la continuité, la durée (lifelongness) des rapports? Parce que la vie est douleur et l’amour partagé un anesthésique, et qui est-ce qui voudrait se réveiller au beau milieu d’une opération. »

Cesare Pavese, Le métier de vivre, 19 janvier 1938

*

L’amusant est que la quête de l’anesthésique est elle-même une source non négligeable de souffrance.

Pitié frustrée

30 jeudi Août 2018

Posted by patertaciturnus in Lectures

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Akutagwa, pitié, souffrance

« Le cœur humain est partagé par deux sentiments contradictoires. Nous éprouvons, certes, de la compassion pour le malheur d’autrui. mais si notre prochain s’en tire tant bien que mal, nous ne pouvons nous empêcher d’éprouver quelque mécontentement. Nous pouvons même aller parfois jusqu’au désir de le voir retomber dans le même malheur. Et insensiblement, un sentiment d’hostilité, bien faible il est vrai, en vient à germer dans notre cœur. »

Akutagawa Ryûnosuke, Le nez, in Rashômon et autres contes, Le livre de poche, 1965, p.64

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