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Pour une approche spinoziste du genre
31 jeudi Déc 2020
Posted Fantaisie
in31 jeudi Déc 2020
Posted Fantaisie
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30 mercredi Déc 2020
Posted Lectures
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« Reculons d’un degré encore et quittons cette civilisation exemplaire. Les stades inférieurs de la barbarie ne présentent plus de classe oisive accomplie, mais nous offrent les usages, les motifs et les conditions dont l’institution est sortie, et nous indiquent les premiers degrés de sa croissance. Dans diverses parties du monde, nous trouvons l’exemple de ces phases plus primitives de la différenciation. L’une quelconque des tribus de chasseurs nomades de l’Amérique du Nord peut servir d’illustration convenable. C’est à peine si l’on peut dire qu’une classe désœuvrée y existe. On y voit des différences de fonction et une distinction des classes fondée sur ces différences, mais l’exemption du travail n’est pas assez poussée pour qu’on puisse dire de la haute classe qu’elle mérite le nom de « classe d’oisifs ». A ce niveau, la différenciation économique en est au point où l’on distingue nettement les activités de l’homme et, celles de la femme, à qui cette distinction est défavorable. Dans presque toutes ces tribus, un usage tourné en coutume maintient les femmes dans les rôles d’où proviennent, au stade suivant, les métiers d’industrie proprement dits. Les hommes, dispensés de ces tâches vulgaires, se réservent pour la guerre, la chasse, les sports et la pratique religieuse. Dans ces domaines, la discrimination est ordinairement très méticuleuse.
Cette division du travail coïncide avec la distinction de la classe travailleuse et de la classe oisive, telle qu’elle apparaît dans la haute civilisation barbare. Au fur et à mesure que les travaux se diversifient et se spécialisent, la ligne de démarcation ainsi tracée en vient à séparer les fonctions industrielles des non industrielles. L’activité de l’homme, telle qu’elle se présente au stade précédent de l’état barbare, n’est pas l’origine dont est provenue une part appréciable de l’industrie ultérieure. Cette activité masculine survivra dans les seules fonctions qui ne sont pas classées comme industrielles, comme la guerre, la politique, les sports, l’étude, le sacerdoce. Seules exceptions remarquables : la pêche, dans une certaine mesure, et quelques travaux mineurs que l’on hésite à ranger parmi les industries, comme la fabrication des armes, des jouets et des accessoires sportifs. Virtuellement, le domaine entier des métiers d’industrie est une suite naturelle des travaux que la communauté barbare primitive classe comme féminins.
Dans cette barbarie inférieure, le travail des hommes n’est pas moins indispensable à la vie du groupe que celui des femmes. Il peut même se faire que l’ouvrage des hommes contribue tout autant à la nourriture et aux autres fournitures indispensables. L’aspect « productif » du travail masculin est même si évident que dans les écrits des économistes classiques, la peine du chasseur est présentée comme le type de l’industrie primitive. Tel n’est pourtant pas le sentiment du barbare. Il ne se tient pas pour un travailleur, et à ce point de vue on ne saurait le ranger avec les femmes ; il ne faut, pas, sous peine de confusion, classer son effort avec l’ingrate besogne des femmes, comme travail ou industrie ; ainsi, dans toutes les communautés barbares, on ressent profondément l’inégalité des travaux masculins et féminins. Le travail de l’homme peut contribuer à la maintenance du groupe ; mais l’on sent bien qu’il le fait grâce à une excellence, une efficacité particulières, que l’on ne saurait, sans les déprécier, comparer avec l’uniforme assiduité féminine. »
Thorstein Vleben, Théorie de la classe de loisir, Gallimard Tel, p . 4 – 6
26 samedi Déc 2020
Posted Divers vers
in24 jeudi Déc 2020
Posted Aphorisme du jour
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Emportez les images saintes et le temple n’est plus un temple, mais l’habitacle des chauves-souris- et des esprits malins.
Gogol, Rome, in Nouvelles complètes, Gallimard Quarto, p. 800
23 mercredi Déc 2020
Posted SIWOTI or elsewhere
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Je ne suis pas particulièrement friand des mèmes « le monde vu par… », mais celui-ci m’amuse par son comique involontaire. Cette carte qui prétend faire rire du franco-centrisme fait plutôt rire de l’anglo-centrisme de son auteur. Qui d’autre qu’un britannique peut s’imaginer que lorsqu’un français pense au Portugal, il pense – ne serait-ce qu’un instant – à un allié des anglais ? Les commentaires sur la Russie et l’Autriche témoignent d’ailleurs de la même projection de la grille de lecture de la rivalité historique franco-britannique sur la relation de la France aux autres pays européens. Dans d’autres cas (Allemagne, république tchèque, Turquie) ce sont les obsessions britanniques autour de l’UE qui sont projetées sur le point de vue français.
Le mème « le monde vu part » peut avantageusement être renouvelé en passant au niveau méta (évidemment on ne m’a pas attendu pour cela). On peut envisager deux exercices :
– sur les cartes existantes jouer à identifier les biais liés au pays d’origine de l’auteur de la carte comme je viens de le faire avec cet exemple particulièrement simplet.
– imaginer de nouvelles des cartes « le monde vu par X – vu par Y ». (quand on aura épuisé toutes les combinaisons on pourra passer au rang suivant).
23 mercredi Déc 2020
Posted Divers vers
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Ne supportant d’aimer si fort
je mourrai
Un être qui me paraissait étranger
est devenu ma propre vie
Izumi Shikibu, Poèmes de cour, trad. Fumi Yosano
20 dimanche Déc 2020
Posted Non classé
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19 samedi Déc 2020
Posted Lectures
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« Peut-être l’immense péché », — le péché métaphysique par excellence, que les théologiens ont nommé du beau nom d’orgueil,— a-t-il pour racine dans l’être cette irritabilité du besoin d’être unique? Mais encore, en poussant plus réflexion, en la conduisant un peu trop loin, sans doute, sur le chemin des sentiments simples, trouverait-on, au fond de l’orgueil, seulement l’horreur de la mort, car nous ne connaissons la mort seulement que par les autres qui meurent, et si nous sommes réellement leur semblable, nous mourrons aussi. Et donc, cette horreur de la mort développe de ses ténèbres je ne sais quelle volonté forcenée d’être non-semblable, d’être même et le singulier par excellence, d’être un dieu. Refuser d’être semblable, refuser d’avoir des semblables, refuser l’être à ceux qui sont apparemment et raisonnablement nos semblables, c’est refuser d’être mortel, et vouloir aveuglément ne pas être de la même essence que ces gens qui passent et fondent l’un après l’autre autour de nous. »
Paul Valéry, Stendhal, in Variétés II, Gallimard Folio essais, p 201
17 jeudi Déc 2020
Posted Lectures
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Il y a dix ans Mohammed Bouazizi vendeur ambulant à Sidi Bouzid s’immolait par le feu. On connaît les conséquences de cet événements : la révolution tunisienne et les printemps arabes ; on connaît aussi sa cause :
« Le , on lui confisque encore une fois son outil de travail (une charrette et une balance). Essayant de plaider sa cause et d’obtenir une autorisation et la restitution de son stock auprès de la municipalité et du gouvernorat provincial, il y est bousculé et se fait expulser des bureaux où il est venu se plaindre. Sa sœur Leïla explique : « Ce jour-là, les agents municipaux lui avaient confisqué son outil de travail et l’un d’eux l’avait giflé. Il s’est alors rendu à la municipalité, puis au gouvernorat pour se plaindre, mais ici, à Sidi Bouzid, il n’y a personne pour nous écouter. Ils marchent à la corruption et ne travaillent que pour leurs intérêts. »
Vingt ans plus tôt les révoltes dans les pays communistes avaient inspiré à Francis Fukuyama cette analyse qui s’applique plutôt bien à l’événement déclencheur de la révolution tunisienne :
« C’est une caractéristique, curieuse des situations révolutionnaires, que les événements qui poussent les gens à prendre les plus grands risques et à saper les bases des gouvernements sont rarement les grands faits que les historien décrivent plus tard comme causes fondamentales, mais plutôt de petits faits, apparemment accidentels. Le peuple n’est pas descendu dans les rues de Leipzig, de Prague, de Timisoara, de Pékin ou de Moscou pour demander que le gouvernement leur donne une « économie postindustrielle », ou même que les supermarchés soient approvisionnés en nourriture. Leur colère la plus ardente fut provoquée par leur perception d’injustices relativement « secondaires » : emprisonnement ou meurtre d’un prêtre, révélation de la corruption d’un apparatchik local, martyre d’un manifestant devant une police à la détente facile, fermeture d’un journal, ou refus des dignitaires de recevoir une liste de doléances. Les historiens interprètent plus tard tous ces faits comme des causes secondaires ou annexes, ce qu’ils sont en effet ; mais cela ne les rend pas moins nécessaires a la mise en place de l’enchaînement qui aboutit finalement à la révolution. »
Francis Fukuyama, La fin de l’histoire ou le denier homme, Champs essais , p.212-213
13 dimanche Déc 2020
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Pour Bloyt, l’homme qui cherchait des prêtres
« Il y a un mystère du prêtre aux yeux de l’indifférent en matière de religion. Le problème existe, précisément lié à l’existence de ces observateurs extérieurs à la religion. L’incrédule intelligent lient nécessairement le prêtre pour une énigme, pour un monstre, mi-homme, mi-ange, dont il s’étonne, dont il sourit, dont il s’inquiète assez souvent. Il se demande : Comment peut-on être prêtre? […]
Le problème du prêtre, — c’est-à-dire du croyant professionnel, — n’est qu’un cas particulier du problème de la croyance. La sincérité ou l’intelligence du croyant est toujours incertaine aux yeux de l’incroyant; et la réciproque est parfois vraie. Il est presque inconcevable à l’incrédule qu’un homme instruit, calmement attentif, capable de s’abstraire de ses désirs ou de ses craintes imprécises (ou qui ne leur attribue de signification qu’individuelle, organique et presque morbide), capable aussi de s’entretenir avec soi-même, et de bien séparer les domaines et les valeurs, ne rejette pas aux fables tous ces récits de bizarres événements immémoriaux ou improbables qui sont essentiels à l’autorité de toute religion, ne s’avise de la fragilité des preuves et des raisonnements sur quoi les dogmes se fondent, ne s’étonne jusqu’à la négation, en constatant que des révélations, des avis d’importance littéralement infinie pour l’homme, lui soient offerts comme des énigmes dangereuses à la manière du Sphinx, avec de si faibles garanties et dans des formes si éloignées de celles qu’il a coutume d’exiger des choses vraies. Rien de plus difficile à attribuer sans réserves à quelqu’un de pareil à nous. Il n’y a point de doute que la foi existe; mais on se demande avec quoi elle coexiste dans ceux chez qui elle existe. Un incrédule y voit une singularité, quoique contagieuse, estime qu’un croyant d’esprit distingué ou supérieur, un homme comme Faraday, chef de la secte des Sandemaniens, ou Pasteur, porte véritablement deux hommes en lui.
La difficulté est plus grave encore quand il s’agit de la continuité de la foi et de son action permanente. L’incrédule ne consent pas facilement que la foi sincère puisse coexister avec une conduite non irréprochable, pas plus qu’il ne conçoit qu’elle se puisse accorder avec la rigueur et la lucidité de l’esprit. Si donc il observe dans un croyant des fautes ou des vices, il sera toujours tenté d’en conclure que la foi de ce pécheur est pure simulation. le péché du croyant tente en quelque sorte l’incroyant . C’est là une manière de piège que la « psychologie » de l’un tend à la psychologie de l’autre. »
Paul Valéry, Stendhal, in Variétés II, Gallimard Folio essais, p 220 – 222