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La frontière entre ce qui est précis et ce qui est vague est elle vague ou précise?
31 vendredi Jan 2014
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La frontière entre ce qui est précis et ce qui est vague est elle vague ou précise?
30 jeudi Jan 2014
Posted Paroles et musiques
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Claude François, Guantanamera, If i had a hammer, Joe Dassin, Pete Seeger
L’avantage de connaître son public c’est de savoir comment susciter son intérêt. Ainsi, je sais qu’il est des personnes qu’on ne convaincra pas de s’intéresser au récemment disparu Pete Seeger en faisant valoir son influence sur Bob Dylan. En revanche peut être seront-elles surprises de découvrir ses liens avec les deux gloires de la chanson française sus-mentionnées.
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Guantanamera est une chanson cubaine écrite en 1929 par José Fernández Diaz et inspirée d’un poème de José Marti. Seeger en enregistre semble-t-il une version dès 1963 sur l’album We shall overcome. La version de Joe Dassin date de 1966, peut-être fut-elle inspirée – hypothèse personnelle – par le succès, la même année, de la reprise des Sandpipers elle-même basée sur les arrangements de Seeger.
J’espère que le côté éduc-pop de Seeger qui donne des explications au cours de la chanson sera apprécié par qui de droit.
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La version orginale de Si j’avais un marteau, If I had a hammer a été écrite en 1949 par Seeger et Lee Hays. C’est une chanson militante qui ne rencontre pas à l’origine un grand succès. La version française de Claude François date de 1963, elle fait suite, comme par hasard, au succès de la version de Trini Lopez la même année.
La dimension militante de la chanson originale est absente de la version française. Certes, avec un peu de sur-interprétation, on y discernerait une préoccupation pour la crise du logement, puisque Cloclo semble soucieux de loger son père, sa mère, ses frères et ses sœurs ; cependant le « It’s a hammer of justice, it’s a bell of freedom » de la version originale n’a pas d’équivalent dans la version française. Pour être juste il faut aussi reconnaître que, si Trini Lopez conserve les paroles originales, sa manière d’interpréter la chanson ne lui donne pas vraiment une allure contestataire .
Ajout le 31/01/14
Petite précision, suite au commentaire, à propos de la différence entre la version originale et la version française.
Le remplacement du « It’s a hammer of justice, it’s a bell of freedom » par « C’est le marteau du courage. C’est la cloche de la liberté » et donc la substitution du courage à la justice est la conséquence de la transformation d’une chanson politique en chanson familiale.
Dans la version originale il s’agit d’avertir la communauté.
« I’d hammer out danger,
I’d hammer out a warning »
Dans le contexte « my brothers and my sisters » est à interpréter de manière métaphorique et large, il ne s’agit pas de la famille propre du chanteur (d’ailleurs à la différence de la version française il n’est pas question de « my father and my mother »). C’est pourquoi il s’agit de parcourir le pays :
And I got a song to sing, all over this land.
Dans la version française il s’agit de loger sa propre famille.
« Je bâtirais une ferme
Une grange et une barrière
Et j’y mettrais mon père
Ma mère, mes frères et mes sœurs »
Le « bonheur » (personnel et familial) remplace le « all over this land » à la fin de chaque couplet.
La cloche est toujours là, mais elle devient le moyen de sonner l’heure du repas familial
Et le soir pour la soupe
J’appellerais mon père
Ma mère, mes frères et mes sœurs
Cependant la cloche a un peu de mal à passer l’épreuve de la transposition : on ne voit pas bien ce que « la cloche de la liberté » vient faire à la fin de la chanson de Cloclo, alors que « bell of freedom » dans la version originale est, je suppose, une référence à la Liberty Bell de la révolution américaine (d’ailleurs le « all over this land » de la chanson de Seeger fait écho au « Proclaim LIBERTY throughout all the land » inscrit sur la cloche de Philadelphie).
30 jeudi Jan 2014
Posted Pessoa est grand
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« Je ne te veux qu’en rêve » disent à la femme aimée, en vers qu’ils ne lui envoient jamais, ceux qui n’osent jamais rien lui dire.
F.Pessoa, Le livre de l’intranquillité, p.135
29 mercredi Jan 2014
Posted Mysticismes
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« Denn wir sind mächtig; nur die Bösen bestehen durch ihren Gott, aber die Gerechten – da besteht Gott durch sie, und in ihre Hände ist die Heiligung des Namens, ist Gottes Ernennung selber gegeben, der in uns rürht und treibt, geahntes Tor, dunkelste Frage, überschwänglisches Innen, der kein Faktum ist, sondern ein Problem, in die Hände unserer gottbeschwörenden Philosophie und der Warheit als Gebet. »
Ernst Bloch, Geist der utopie
« Car nous sommes puissants; seuls les méchants subsistent grâce à leur dieu, mais les justes – Dieu subsiste grâce à eux; et c’est entre leurs mains qu’est déposé la sanctification du Nom, la nomination même de Dieu, Dieu qui en nous frémit et progresse, qui est le porche pressenti, la question la plus obscure, l’intériorité débordante ; Dieu qui n’est pas un fait mais au contraire un problème entre les mains de notre philosophie qui le conjure et de la vérité en tant que prière. »
traduction Anne-marie Lang et Catherine Piron Audard
Gallimard 1977, p. 344
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Il s’agit du dernier paragraphe de L’Esprit de l’utopie, le premier ouvrage d’Ernst Bloch, écrit pendant la guerre et publié en 1918.
Pour des raisons que j’ai complètement oubliées je m’étais fait offrir ce livre étant étudiant. Je l’ai commencé et jamais terminé, mais le dernier paragraphe m’avait tellement frappé que j’en avais cherché la version originale que j’ai même tenté d’apprendre par cœur.
28 mardi Jan 2014
Posted Paroles et musiques
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27 lundi Jan 2014
Posted Pessoa est grand
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« J’ai fait naufrage sans la moindre tempête, dans une mer où j’avais pied »
F. Pessoa, Le livre de l’intranquillité, p. 420
26 dimanche Jan 2014
Posted Fantaisie
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« L’enseignement philosophique fait boire à la jeunesse du fiel de dragon dans le calice de Babylone »
Pie IX, Manifeste, 1847 [cité par Carrière et Bechtel dans leur Dictionnaire de la bêtise, article philosophie]
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Ah si cela pouvait être vrai !
On imagine les discussions à la rentrée scolaire …
« – T’ as qui en philo?
– Mr Sauron
– T’as du bol, moi j’ai Mr Voldemort, il paraît qu’il est terrible. »
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Puisque aujourd’hui chaque série, voire chaque matière du lycée, doit faire sa promotion commerciale auprès des élèves, je pense qu’on pourrait utiliser la citation du bon pape Pie IX pour attirer les amateurs d’heroic fantasy et de jeu de rôle en série L.
Si l’ancien adversaire apparaît maintenant comme un fournisseur d’arguments publicitaires, c’est que pour continuer de se rêver en héritier de Socrate, on en viendrait paradoxalement à revendiquer de corrompre la jeunesse. Oui, si seulement on corrompait réellement la jeunesse, cela signifierait, qu’au moins on ne se contente pas de l’ennuyer!
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Pour ceux qui se soucient de rigueur historique et qui aimeraient connaître le contexte de la citation de Pie IX pour comprendre quel enseignement il vise (on se doute qu’il ne s’agit pas de la pieuse étude de Thomas d’Aquin), un extrait plus large est cité ici.
25 samedi Jan 2014
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Elias Canetti, Lichtenberg, Merleau-Ponty, Ramón Gómez de la Serna
Me voyant reprocher à juste titre l’intitulé dont mon enthousiasme m’a fait chapeauter un aphorisme de Ramón Gómez de la Serna, je me dois de faire pénitence en relativisant la portée de la citation initiale avec moult aphorismes fournis par d’autres fournisseurs officiels de ce blog.
Si en lisant ceci :
Lis et réfléchis, car tu auras des siècles pour ne pas le faire.
vous vous apprêtiez à conclure qu’il faut passer sa vie à lire et réfléchir, n’oubliez pas de prendre en compte ce qui suit.
« L’abondance de lecture a attiré sur nous une érudite barbarie »
Lichtenberg, Le miroir de l’âme p.325
« plus je pense à des objets différents et cherche à les mettre en rapport avec mon expérience et ma philosophie, plus je gagne en force. Avec la lecture, il en va autrement : je m’étends sans me renforcer. […] » ibid. p.359
« L’abondance de lecture fait le prétentieux et le pédant ; voir beaucoup de choses rend sage conciliant et utile.[…] » ibid. p369
« Je crois que certains des plus grands esprits ayant jamais vécu n’avaient lu que les moitiés des livres et savait bien moins de choses que plusieurs de nos érudits moyens. Et bon nombre de nos très médiocres érudits eussent pu devenir de grands hommes, s’ils avaient moins lu. » ibid. p.505
« C’est un art que de lire suffisamment peu. »
Elias Canetti, Le collier de mouches
Albin Michel 1995, p.34
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On pourrait multiplier les citations en ce sens, si bien qu’on peut affirmer que le lecteur boulimique devrait fatalement finir par tomber sur un auteur qui le met en garde contre l’excès de lecture ou contre le mauvais rapport à la lecture. Ainsi, le problème de madame Bovary ce n’est pas d’avoir trop lu, c’est de ne pas avoir pu lire Flaubert.
De même que nombre de lectures nous préviennent contre la lecture, nombre de réflexions nous incitent – au nom de divers motifs – à limiter la place de la réflexion. Pour citer encore mon cher Canetti :
« On devrait s’obliger à ne plus penser pendant des années pour permettre à toutes les parties de soi-même laissées à la traîne de rattraper l’avant-garde. »
Le collier de mouches p.45
Le topos philosophique du remède dans le poison, se décline ici dans l’idée que la réflexion trouve son achèvement dans la reconnaissance de ses propres limites et de son enracinement dans autre chose qu’elle même :
« La réflexion ne peut être pleine, elle ne peut être un éclaircissement total de son objet, si elle ne prend pas conscience d’elle-même en même temps que de ses résultats. Il nous faut non seulement nous installer dans une attitude réflexive, dans un Cogito inattaquable, mais encore réfléchir sur cette réflexion, comprendre la situation naturelle à laquelle elle a conscience de succéder et qui fait donc partie de sa définition […] »
Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, p.75
Je terminerai cet article déjà trop long sur un de ces simili-paradoxes auquel le sujet s’est déjà si bien prêté, en posant la question suivante : la recommandation suprême est elle de ne pas croire qu’il puisse y avoir une recommandation suprême?
24 vendredi Jan 2014
Posted Pessoa est grand
in« Joins les mains, place les entre les miennes et écoute-moi, ô mon amour.
Ce que je veux te dire, c’est, d’une voix douce et berceuse comme celle d’un confesseur distillant ses conseils, combien le désir d’obtenir est en deçà de ce que nous obtenons.
Je veux réciter, ma voix mêlée à ton esprit attentif, la litanie de la désespérance.
Il n’est aucune œuvre, d’aucun artiste, qui n’aurait pu être plus parfaite. Lu vers par vers, le plus grand des poèmes contient bien peu de vers qui ne pourraient être meilleurs, bien peu d’épisodes qui ne pourraient connaître une plus grande intensité, et l’ensemble n’atteint jamais à une perfection telle que celle-ci n’ait pu être encore bien supérieure.
Malheur à l’artiste qui s’en aperçoit ! qui, un beau jour, se met à y réfléchir ! Il n’aura plus jamais de joie dans son travail, ni de repos dans son sommeil Il traverse la jeunesse sans jamais être jeune, et vieillit insatisfait.
Et puis, pourquoi exprimer ? Le peu de chose que l’on dit se trouverait bien mieux de n’avoir jamais été dit.
Si seulement je pouvais me persuader de la beauté du renoncement, comme je serais, à tout jamais, douloureusement heureux !
Car tu n’aimes pas ce que je dis avec les oreilles dont je m’entends moi-même le dire. Si je m’écoute parler tout haut, les oreilles dont je m’entends parler ne m’écoutent pas de la même façon que cette oreille intime dont je m’entends penser les mots. Si je me trompe sur moi-même en m’écoutant, au point de me demander souvent ce que j’ai bien pu vouloir dire, combien plus éloignés seront les autres de me comprendre !
De quelles complexes mésintelligences n’est pas faite la compréhension que les autres ont de nous !
Le plaisir délicieux de se voir compris reste interdit à ceux qui, précisément, ne veulent pas l’être — ce qui est le propre des êtres complexes et incompris ; quant aux autres, ces gens simples que tout le monde peut comprendre — ceux-là n’éprouvent jamais le besoin d’être compris… »
Fernando Pessoa, Le livre de l’intranquillité,
Christian Bourgois 1999, traduit du portugais par François Laye
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J’ai reproduit l’intégralité du fragment 328 (p. 325 – 326 ) de la traduction de 1999 et j’ai l’intention de redonner souvent la parole à Pessoa. D’ailleurs le seul suspense concernant ce blog concerne la question de savoir qui de Canetti ou de Pessoa y sera le plus présent.
23 jeudi Jan 2014
Posted Fantaisie
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Lichtenberg rapporte une amusante classification des sciences en fonction de leurs débouchés qui nous montre que le rapport instrumental aux études universitaires n’est pas spécialement nouveau.
Comme la traduction du Miroir de l’âme chez José Corti (la classification est exposée p. 140) ne donne que des extraits, je sais seulement que Lichtenberg reprend cette classification à un autre auteur mais je ne sais pas à qui et je ne sais pas non plus dans quel esprit elle a été initialement proposée.
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La répartition mériterait d’être revue (je m’inquiète un peu pour la théologie) mais le concept me semble toujours intéressant …