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Pater Taciturnus

~ "Ton péché originel c'est d'ouvrir la bouche. Tant que tu écoutes tu restes sans tache"

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Le défi d’Emmanuel

09 samedi Avr 2022

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mépris

Comme le rappelait une étude de la Fondation Jean Jaurès publiée l’année dernière, Lionel Jospin avait réussi la performance de diviser par deux son score chez les enseignants entre 1995 et 2002.

« Au premier tour de l’élection présidentielle de 1995, soit quelques années seulement après l’implosion de la FEN et la disparition des écoles normales, Lionel Jospin recueillait 40% des voix des professeurs et instituteurs (d’après un sondage de la Sofres), mais son score fut divisé par deux (19%) au premier tour de l’élection présidentielle de 2002.[…] La déception concernant le bilan du gouvernement Jospin et le projet porté par le candidat expliquent sans doute, comme auprès d’autres composantes de l’électorat socialiste, ce désamour. Mais il fut sans doute renforcé chez les enseignants par les mauvais souvenirs laissés par le passage de Claude Allègre au ministère de l’Éducation. »

Étonnamment, le score réalisé par Emmanuel Macron chez les enseignants au premier tour de l’élection de 2017 est assez proche de celui qu’avait obtenu Lionel Jospin en 1995 : 38% (40% pour Jospin en 95, 19% pour le même Jospin en 2002, 31% pour Ségolène Royal en 2007 et 46%, pour Hollande en 2012). En ayant maintenu pendant 5 ans le ministre de l’éducation nationale vraisemblablement le plus impopulaire chez les enseignants depuis Claude Allègre, Emmanuel Macron espérait bien battre le record de Lionel Jospin en matière de perte du vote enseignant. Quelle ne fut pas sa consternation de constater qu’un sondage réalisé en janvier dernier le créditait encore de 23% d’intention de vote dans cette corporation.

Pour le président sortant, sa base électorale reste pourtant forte : 23% des professeurs déclarent qu’ils pourraient voter pour lui au premier tour, selon une enquête électorale Cevipof menée par Luc Rouban (2). Emmanuel Macron fait la course en tête dans les intentions de votes des enseignants, loin devant Yannick Jadot et Valérie Pécresse (12,1%). D’ailleurs, 69% des enseignants ayant voté pour le président de la République en 2017 se disent prêts à le faire de nouveau en avril prochain, confirme le chercheur.

Source

Il fallait réagir d’urgence et c’est ce qu’il fit avec ses annonces concernant l’éducation pour son 2e quinquennat. Pour être sûr d’atteindre son objectif il a même jugé bon de lâcher, dans la dernière ligne droite de la campagne, une de ces petites phrases méprisantes dont il a le secret.

Screenshot 2022-04-09 at 20-46-18 M-C Corbier sur Twitter

Jérome, veux-tu m’épouser ?

01 samedi Mai 2021

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chronique de la haine ordinaire

L’humanité ne sera adulte que le soir où le dernier auteur de BD militante aura été pendu avec les tripes du dernier producteur de films de super-héros.

Il est réconfortant de ne pas se sentir seul dans ses détestations.

contre les bd militantes 2

 

contre les bd militantes 1

Méta-ethnocentrisme

23 mercredi Déc 2020

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ethnocentrisme, France vs Angleterre, mèmes

Je ne suis pas particulièrement friand des mèmes « le monde vu par… », mais celui-ci m’amuse par son comique involontaire. Cette carte qui prétend faire rire du franco-centrisme fait plutôt rire de l’anglo-centrisme de son auteur. Qui d’autre qu’un britannique  peut s’imaginer que lorsqu’un français pense au Portugal, il pense – ne serait-ce qu’un instant – à un allié des anglais ? Les commentaires sur la Russie et l’Autriche témoignent d’ailleurs de la même projection de la grille de lecture de la rivalité historique franco-britannique sur la relation de la France aux autres pays européens. Dans d’autres cas (Allemagne, république tchèque, Turquie) ce sont les obsessions britanniques autour de l’UE qui sont projetées sur le point de vue français. 

Le mème « le monde vu part » peut avantageusement être renouvelé en passant au niveau méta (évidemment on ne m’a pas attendu pour cela). On peut envisager deux exercices :

– sur les cartes existantes jouer à identifier les biais liés au pays d’origine de l’auteur de la carte comme je viens de le faire avec cet exemple particulièrement simplet.

–  imaginer de nouvelles des cartes « le monde vu par X – vu par Y ». (quand on aura épuisé toutes les combinaisons on pourra passer au rang suivant).

Autoérotisme

04 dimanche Oct 2020

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masturbation, philosophie

Depuis Diogène rares sont les philosophes à avoir fait le choix de vivre dans un tonneau. La pratique de la masturbation en public est en revanche couramment perpétuée, comme l’illustre encore un tout récent exemple. 

Que périsse le monde pourvu que j’ai raison

19 samedi Sep 2020

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prophètes de malheur

A l’affût du moindre motif me permettant de satisfaire mes tendances procrastinatrices je perds beaucoup de temps à suivre l’évolution de la pandémie de COVID ainsi que les débats entre demi-savants sur la deuxième vague, l’immunité de groupe etc. C’est l’occasion de trouver des confirmations de cette observation faire quelque part par Canetti (je n’ai pas retrouvé la référence) : le prophètes de malheur en vienne à souhaiter l’arrivée des malheurs qu’ils annoncent. Je suis plutôt convaincu par ceux qui annoncent la venue d’une « deuxième vague », mais j’ai parfois l’impression que certains sont pressés qu’elle arrive pour donner tort à leurs contradicteurs. Dans le camp des partisans de l’immunité de groupe on observe des attitudes semblables  : ces coréens qui ont contenu l’épidémie sont bien embarrassants pour ceux qui ne jurent plus que par la stratégie suédoise ; on guette alors l’annonce d’un nouveau cluster au Pays du matin calme et la possibilité d’une perte de contrôle pour se sentir justifié dans son fatalisme.

Méta-cookie

08 dimanche Mar 2020

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virtue signalling

Le 8 mars est une excellente journée pour faire quelques remarques sur le virtue signalling.

Il est bien certain que la suspicion de virtue signalling est une des accusations favorites des adversaires – plus ou moins réactionnaires – de la gauche woke. Mais le tweet ci-dessus illustre que ce type de reproche a cours au sein de la wokosphère. Pour les non-initiés, expliquons de quoi il s’agit dans cette histoire de « fête des cookies ». L’auteur du tweet fait la leçon aux hommes qui profitent de 8 mars pour afficher leurs bonnes actions féministes afin d’être complimentés (obtenir des « cookies »). Un bon homme-féministe, devons nous comprendre, n’affiche pas sa vertu féministe pour se faire valoir mais laisse la parole aux personnes concernées en cette journée blablabla … Évidemment, il est très tentant de soupçonner l’auteur du tweet de faire exactement ce qu’il reproche aux autres de faire, quoique de manière détournée : montrer qu’il est un bon féministe en se démarquant des autres hommes. Ainsi on affiche son accès au rang n+1 de la wokeness en critiquant le virtue signalling des personnes de rang n. On devine que peut s’amorcer ici une régression à l’infini de l’accusation d’affichage de vertu. Ma propre analyse de ce tweet s’expose elle-même à cette accusation avec cette nuance que ce n’est pas mon féminisme que j’afficherais ici mais un autre type de vertu (regardez ma belle lucidité désabusée !). Cette dernière remarque, évidemment, est redevable de la même suspicion (regardez comme je suis lucide sur moi-même !).

 

 

Pop philosophie partout, classiques nulle part

01 samedi Déc 2018

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pop'philosophie

La pop’philosophie ce n’est pas seulement la cohorte des Petites philosophies de la trottinette, du smoothie ou de l’aquabike, c’est aussi la ribambelle des  « Ironman  philosophe », « Harry Potter et la philosophie »,  « Philosophie de Game of thrones » etc. qui après avoir envahi les rayonnages des librairies gagnent, semble-t-il, aussi les programmes de cours :

*

Mon légitimisme culturel foncier me porte  à la méfiance envers cette prolifération d’ouvrages faisant l’éloge de la profondeur philosophique des diverses productions de la pop-culture, mais je dois reconnaitre que pour apprécier le phénomène en toute rigueur il faudrait connaître le poids respectif de ceux à qui ces ouvrages donnent accès à une culture philosophique qu’ils n’auraient pas eu sans cela, et de ceux que les offres « faciles » détournent des ouvrages plus « sérieux ».

*

J’en profite pour signaler cette stimulante philosophie de La soupe au chou esquissée par un collègue que la pop’philosophie agace.

Convergence des légendes urbaines

26 dimanche Août 2018

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énurésie attention danger, hypothèse Sapir Whorf, légende urbaine

Le hasard fait étrangement les choses : deux heures après avoir lu les quelques lignes qui suivent :

« Il y a des années, le linguiste Benjamin Lee Whorf suggérait que la grammaire de notre langue déterminait en partie notre manière de penser. L’ «hypothèse de Whorf », comme on l’appelle, a très vite été infirmée scientifiquement. (Mais elle continue à marquer l’imaginaire populaire. Ainsi, dans les années 1980, un haut responsable américain a déclaré que les Russes ne négocieraient jamais vraiment la paix parce que le mot «détente » [en français dans le texte] n’existait pas dans leur champ lexical. Le fait que «détente » soit un mot français ne l’a pas dérangé). »

A. Gopnik, A. Meltzoff, P. Kuhl, Comment pensent les bébés?, p. 123

Je suis tombé sur le tweet  ci-dessous :

L’hypothèse Sapir-Whorf est elle une légende urbaine ? demandait naguère Hady Ba. Je ne me risquerai pas à me prononcer sur l’hypothèse elle-même (plus exactement sur les différentes versions plus ou moins fortes de l’hypothèse), mais il est certain que beaucoup des « faits » invoqués pour l’illustrer sont eux des légendes urbaines.

Je me demande combien de peuples ont été soupçonnés d’être incapables de faire la paix faute d’avoir le mot pour le dire ? De manière plus générale il serait intéressant de faire un relevé des préjugés sur les peuples qui s’expriment au travers de phrases de la forme « les X n’ont pas de mot pour dire Y ».

Soit dit en passant, sans la « corroboration » inattendue de la deuxième anecdote (dont je n’ai pas de raison de mettre en cause la véracité) j’aurais peut être pensé que la première était elle-même une légende urbaine ( plus exactement une méta-légende urbaine : une légende urbaine attribuant à un responsable américain la diffusion d’une légende urbaine sur la langue russe), car cette première anecdote n’est pas sans faire penser à l’histoire de G.W Bush déclarant : “The problem with the French is that they don’t have a word for entrepreneur.” qui, elle, est bien une (méta)légende urbaine.

*

Ma deuxième histoire du soir commence aussi sur Twitter.

Source

Il se trouve que j’ai entendu de la bouche de ma grand-mère (oui, la même que celle qui me parlait des bombardements) une histoire dont je commence à penser qu’elle a peut-être pour origine ce fait divers suisse du XVIe siècle. Dans la version de ma grand-mère : l’histoire s’arrête  au moment où  la petite fille mutile son frère ( pas de décapitation par sa mère ni de suicide de celle-ci …) mais le début est très proche : une mère lasse de laver le linge souillé d’urine de son fils (un très jeune enfant) plaisante en disant « il faudrait lui couper le zizi » ; un jour que la mère a laissé l’enfant avec sa sœur ainée, celle-ci passe à l’action… La morale qu’en tirait ma grand-mère c’était non pas qu’il ne faut pas laisser un enfant sous la garde d’un autre enfant, mais qu’il fallait éviter de faire devant les enfants des plaisanteries qu’ils risquaient de prendre au pied de la lettre. La première fois que cette histoire m’a été racontée je l’ai tenue pour vraie  mais par la suite je me suis convaincu que c’était une légende urbaine (un élément qui allait dans ce sens c’est qu’aucun élément de contexte identifiable et vérifiable n’était mentionné, mais l’histoire n’était pas non plus présentée comme remontant à un passé lointain) ou quelque chose de comparable à la fable du petit garçon qui criait au loup.

Aujourd’hui, je ne sais pas ce qui me paraît le plus crédible, qu’il y ait continuité entre un fait divers suisse oublié du XVIe siècle et une histoire racontée dans le Berry  au XXe siècle ou qu’une fiction ressemblant à l’histoire vraie ait été inventée indépendamment ? Je suppose qu’on pourrait invoquer l’universalité des fantasmes de castration à l’appui de cette 2e hypothèse. On notera d’ailleurs que celle-ci impliquerait que la fiction ait été dépassée par la réalité pour ce qui est des prolongements grands-guignolesques. Une troisième possibilité serait qu’il y ait  plusieurs histoires vraies de petites filles coupant des zizis et que ce ne soit pas le fait divers suisse mais un autre qui ait inspiré le racontar de ma grand-mère.

Dommages collatéraux

25 samedi Août 2018

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dommages collatéraux, mes erreurs

Il y a un détail qui m’a marqué dans ce que me racontait ma grand-mère sur les bombardements alliés pendant l’occupation : c’est que les Américains avaient la réputation de bombarder à plus haute altitude que les Anglais. J’ai longtemps pensé que cela étayait l’idée que les britanniques avaient un plus grand souci   d’éviter de frapper par accident les populations civiles (je ne saurais dire  si c’est ce que ma grand mère elle même avait suggéré, ou si c’était une conclusion strictement personnelle). La récente lecture d’un ouvrage sur la bataille de Normandie me permet de prendre conscience de mon erreur d’interprétation : s’il est vrai que les Anglais bombardaient à plus basse altitude que les Américains, ce n’est pas pour les raisons que je pensais :

  « La méthode de bombardement des Britanniques, mise au point sur les villes allemandes, le carpet bombing, est particulièrement redoutable. Les Américains agissent tra­ditionnellement de jour, d’assez haut et égrènent leurs bombes au passage sur l’objectif. Le Bomber Command, lui, attaque de nuit, à faible altitude et reste au-dessus de la cible, en tournant. On conçoit aisément que les dégâts sont beaucoup plus considérables, encore aggravés par l’utilisation massive de bombes incendiaires. »

Jean Quellien, La bataille de Normandie, Tallandier 2014, p. 64

Très clairement, dans le cas de la Normandie, ce ne sont pas les Britanniques qui ont eu le plus grand souci des pertes civiles dans les bombardements :

« Obnubilé par l’idée d’empêcher l’arrivée rapide de renforts adverses, l’état-major allié a décidé d’anéantir une dizaine de villes bas-normandes situées en arrière des côtes, sur un arc de cercle allant de Pont-l’Évêque à Coutances. En les réduisant en ruines, les Alliés entendent ainsi broyer les nœuds de communication qu’elles consti­tuent et paralyser — ou du moins ralentir considérable­ment — la montée des colonnes blindées allemandes vers la tête de pont. Aux yeux des chefs militaires, l’enjeu est essentiel. La destruction des villes normandes a donc été programmée, quel qu’en soit le prix à payer. Nul n’ignore le carnage que ces pilonnages massifs vont provoquer. Les généraux américains, plus sensibles au sort des popula­tions civiles que leurs homologues britanniques, ont fait valoir que le bombardement de cités françaises dépour­vues d’installations militaires allemandes était « détestable ». Mais en définitive, ‘ils ont dû s’incliner, non sans avoir pourtant obtenu que des tracts soient massivement lancés dès l’aube du 6 juin pour alerter les habitants et les inciter à quitter, les villes au plus tôt. Malheureusement, largués de trop haut, la plupart de ces avertissements se sont égarés loin de leurs objectifs. Les quelques personnes qui les eurent finalement entre les mains, incrédules, les prirent rarement au sérieux.

ibid, p. 62

La  destruction des villes normandes ne semble pas avoir été très efficace pour retarder l’acheminement des renforts allemands. Pour ce qui est des dégâts collatéraux :

« Au total, les bombardements aériens ont été responsables de la mort des deux tiers environ des 20 000 civils normands tués au cours de l’été 1944. »

ibid, p. 65

*

Il se trouve que la même confusion qui faussait mon interprétation des méthodes de bombardements britanniques (croire que le but est de préserver les civils alors qu’il est d’être plus efficace dans la destruction des objectifs) est à la base de l’escroquerie intellectuelle des frappes chirurgicales.

Sabotage !

02 lundi Avr 2018

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Emile Pouget, sabotage, saloperie

Rousseau recommandait aux républicains de lire Le Prince ; je ne sais s’il s’est trouvé quelqu’un pour recommander aux managers de lire Le sabotage d’Émile Pouget.

Source

En tous cas, si les auteurs de la saloperie ci-dessus avaient lu le passage suivant, ils auraient découvert le genre de recommandations que certains de leurs salariés allaient mettre en pratique.

« Et s’il y a un regret à formuler c’est que ce sabotage ne soit pas davantage entré dans les mœurs ouvrières. Il est triste, en effet, de constater que, trop souvent, des travailleurs s’associent aux Plus abominables frelatages qu’il soit, au détriment de la santé publique ; et cela, sans envisager la part de responsabilité qui leur incombe dans des agissements que le Code peut excuser, mais qui n’en sont pas moins des crimes.

Un appel à la population parisienne — dont ci-dessous est reproduit l’essentiel, — lancé en 1908 par le syndicat des Cuisiniers, en dit plus long sur ce sujet que bien des commentaires :

Le 1er juin dernier, un chef cuisinier, arrivé du matin même dans un restaurant populaire, constatait que la viande qui lui était confiée s’était tellement avariée, que la servir eût été un danger pour les consommateurs ; il en fit part au patron qui exigea qu’elle soit quand même servie ; l’ouvrier, révolté de la besogne qu’on voulait de lui, refusa de se faire complice de l’empoisonnement de la clientèle.

[…]

De tout ceci il résulte donc, que, pour les ouvriers de cuisine, le sabotage s’identifie avec l’intérêt des consommateurs, soit qu’ils s’avisent d’être de parfaits maîtres-queux, soit qu’ils nous initient aux arcanes peu ragoûtantes de leurs officines. Certains objecteront peut-être que, dans ce der-nier cas, les cuisiniers font, non pas acte de sabotage, mais donnent un exemple d’intégrité et de loyauté professionnelle digne d’encouragement. Qu’ils prennent garde ! Ils s’engagent sur une pente très savonnée, très glissante et ils risquent de rouler à l’abîme … c’est-à-dire à la condamnation formelle de la société actuelle.

En effet, la falsification, la sophistication, la tromperie, le mensonge, le vol, l’escroquerie sont la trame de la société capitaliste; les supprimer équivaudrait à la tuer…. Il ne faut pas s’illusionner le jour où on tenterait d’introduire dans les rapports sociaux, à tous les degrés et dans tous les plans, une stricte loyauté, une scrupuleuse bonne foi, plus rien ne resterait debout, ni industrie ni commerce, ni banque…, rien! rien!

Or, il est évident que, pour mener à bien toutes les opérations louches auxquelles il se livre, le patron ne peut agir seul ; il lui faut des aides, des complices… il les trouve dans ses ouvriers, ses employés. Il s’en suit logiquement qu’en associant ses employés à ses manœuvres — mais non à ses bénéfices — le patron, dans n’importe quelle branche de l’activité, exige d’eux une soumission complète à ses intérêts et leur interdit d’apprécier et de juger les opérations et les agissements de sa maison; s’il en est qui’ ont un caractère frauduleux, voire criminel, cela ne les regarde point.

[…] En vertu de tels sophismes, le travailleur doit faire litière de sa personnalité, étouffer ses sentiments et agir en inconscient; toute désobéissance aux ordres donnés, toute violation des secrets professionnels, toute divulgation des pratiques, pour le moins malhonnêtes, auxquelles il est astreint, constitue de sa part un acte de félonie à l’égard du patron. »

Emile Pouget, Le sabotage, chap. IV

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