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Pater Taciturnus

~ "Ton péché originel c'est d'ouvrir la bouche. Tant que tu écoutes tu restes sans tache"

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Archives de Tag: Kierkegaard

Philosophie des fragments posthumes

22 vendredi Juil 2022

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écrire, Kierkegaard, style

« Donnons donc à notre tendance la marque d’un essai dans l’effort fragmentaire ou dans l’art d’écrire des papiers posthumes. Un travail complètement terminé ne garde aucun contact avec la personnalité du poète ; lorsqu’il s’agit de papiers posthumes on sent toujours dans leur discontinu, leur décousu un grand besoin d’imaginer poétiquement cette personnalité. Des papiers posthumes sont semblables à une ruine, et quel refuge pourrait être plus naturel à des inhumés? L’art est donc de produire artistiquement la même impression, le même laisser-aller et le même effet du hasard, le même raisonnement anacoluthe, l’art est de produire une jouissance qui ne soit jamais tout à fait du moment présent mais possède toujours en elle-même un élément du passé, de manière à être présente dans le temps passé. Ceci est exprimé dans le mot : posthume. Tout ce qu’un poète a produit est posthume dans un sens ; mais même s’il possédait la qualité purement fortuite de n’avoir pas été publié du vivant de son auteur, on n’appellerait jamais posthume un travail entièrement terminé. Je pense que c’est là encore une propriété de toute création humaine d’être, dans sa vérité, ainsi que nous l’avons comprise, une chose posthume puisqu’il n’est pas donné aux hommes de vivre, comme les dieux, dans la contemplation éternelle. « 

Søren Kierkegaard, Ou bien … ou bien …, Tel p. 119

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Les œuvres vraiment posthumes de Kierkegaard

Es-tu prêt à comprendre ce que tu as aimé ?

17 dimanche Juil 2022

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désillusion, Kierkegaard

« C’est toujours avec des sentiments mélangés et une certaine timidité qu’on approche ce qu’on a aimé avec une extase juvénile, ce qu’on a admiré avec un enthousiasme juvénile, ce avec quoi on a, dans l’intimité de l’âme, nourri des rapports mystérieux et énigmatiques, ce qu’on a caché dans son cœur :  lorsqu’on vient avec la volonté de le comprendre. Ce qu’on a appris à connaître brin par brin, comme l’oiseau qui ramasse chaque tige séparément et se sent plus heureux de chaque parcelle qu’il ramasse ainsi que de tout le reste du monde ; ce dont l’oreille s’est imprégnée, amoureuse dans sa solitude, isolée dans la grande foule, inaperçue dans sa cachette clandestine ; ce que l’oreille vorace, jamais satisfaite, a saisi ; ce que l’oreille avare, jamais confiante, a caché ; ce dont l’écho le plus faible n’a jamais trompé l’attention toujours éveillée de l’oreille au guet; ce dont on s’est occupé le jour, ce qui la nuit est revenu à l’esprit, ce qui a chassé le sommeil et l’a rendu fiévreux, ce dont on a rêvé la nuit, ce pour quoi on s’est réveillé afin d’en rêver encore les yeux ouverts, ce pour quoi on a sauté du lit au milieu de la nuit de peur de l’oublier ; ce qui s’est révélé dans les instants les plus enthousiastes ; ce qu’on sentait toujours à portée de la main, comme les ouvrages de femme ; ce dont on était hanté par les claires nuits de lune, dans les forêts solitaires, près des rives du lac, dans les sombres rues, au milieu de la nuit, à la pointe du jour ; ce qu’on emportait à cheval, ce qui a tenu compagnie dans la voiture, ce dont la maison a été pénétrée, ce dont la chambre a été témoin ; ce qui a résonné dans l’oreille, ce qui a rempli l’âme de sons ; ce que l’âme a entouré de son tissu le plus fin ; — tout cela apparaît à présent devant la pensée. Comme du fond de la mer montent ces êtres des contes du passé, revêtus de varech et mystérieux, ainsi, enchevêtré de souvenirs, tout cela s’élève de la mer de la mémoire. L’âme s’attriste et le cœur s’amollit; c’est comme si on prenait congé de tout cela, comme si on s’en séparait pour ne jamais plus le rencontrer à nouveau, ni dans la durée, ni dans l’éternité. On a l’impression d’être infidèle, d’avoir manqué à son pacte; on sent qu’on n’est plus le même, qu’on n’est plus si jeune, ni si enfant ; on craint de perdre ce qui rendit joyeux, heureux et riche ; on tremble que ce qu’on aime ne soit éprouvé par cette transformation, et paraisse peut-être moins parfait, ou qu’il ne sache peut-être plus répondre aux nombreuses questions, — hélas, tout alors serait perdu, l’enchantement disparu, et jamais plus il ne ressusciterait. Mais, pour la musique de Mozart, mon âme n’a aucune crainte et ma confiance aucune limite. Car ce que j’ai compris jusqu’ici n’est que très peu, et dans les ombres du pressentiment se cachent beaucoup de choses encore. De plus, je suis convaincu que, si jamais Mozart me devenait tout à fait compréhensible, il me deviendrait en même temps, et seulement alors, parfaitement incompréhensible. »

Sören Kierkegaard, Ou bien … ou bien, Tel p. 50 – 51

Sens d’un silence

29 mercredi Sep 2021

Posted by patertaciturnus in Lectures

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Kierkegaard, silence

https://nospensees.fr/wp-content/uploads/2019/02/kierkegaard.jpg

« Que le secret et le silence, qui est la voix du secret, aient lourde­ment hanté Kierkegaard, c’est une évidence. Des pseudonymes tels que Frater Taciturnus et Johannes de Silentio contiennent à eux seuls toute une psychologie de l’autoclaustration et du masque. Il est un sens dans lequel la prolixité des écrits publiés par Kierkegaard exprime authentiquement une volonté de pré­server l’inviolabilité d’une zone de secret muet. Il est tout aussi évident que Kierkegaard s’identifie intensément et concrètement avec ces « fiancées du silence » que sont Antigone et Cordélia. Le rapprochement de ces deux personnages dans L’Alternative, où Cordélia est la proie du séducteur, suggère que Kierkegaard a pu percevoir intuitivement les affinités troublantes entre la figure d’Œdipe et celle de Lear. Et, de fait, il considère bien que sa rupture tragique avec Régine Olsen était la conséquence d’un absolu et de la nécessité compulsive à protéger un secret innommable. Mais la façon dont Kierkegaard traite ce thème n’est pas moins délicate ni obsédante que celle des autres romantiques. C’est pré­cisément le pivot des récits et des drames de Kleist : Alkmene, Kätchen, Penthesilea, la marquise d’O., toutes sont les porteuses tourmentées mais sanctifiées d’un secret qui les domine. Par conséquent, l’Antigone de Kierkegaard, tout comme ses sœurs romantiques en silence, exprime bien plus qu’un étouffement intime.

Elles s’intègrent très probablement dans une critique éloquem­ment et fréquemment formulée dans les premières décennies du XIXe siècle contre les nouvelles menaces que la technologie et le journalisme font peser sur l’autonomie spirituelle de l’individu. Comment faire pour demeurer hin enkelte (« cet individu »), cette présence singulière sans laquelle il ne peut pas y avoir d’intégrité spirituelle ni de conscience de l’identité à ce niveau, face aux pré­tentions bruyantes de la culture de masse ? Cette question n’a pas plus d’urgence pour Kierkegaard qu’elle n’en a, par exemple, pour Carlyle ou pour Emerson. Une des réponses qu’on peut lui donner réside dans la garde d’un secret, secret assez lourd et assez vaste pour protéger l’âme contre la dispersion. »

George Steiner, Les Antigones, Folio essais, p. 72

Divergence sur les coquilles

31 jeudi Jan 2019

Posted by patertaciturnus in Aphorisme du jour

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coquilles, hasard, Karl Kraus, Kierkegaard

« Si, dans une phrase, il est resté une coquille et qu’elle donne malgré tout un sens, la phrase n’était pas une pensée. »

Karl Kraus, Pro domo et mundo, p.96

« On jette négligemment sur le papier ses propres pensées, on les fait imprimer et plus tard, en corrigeant les épreuves successives, des idées excellentes en nombre, une à une , surgissent à l’esprit. Prenez courage, vous qui n’avez pas encore osé faire imprimer, les fautes d’impression mêmes ne sont pas à dédaigner, et avoir de l’esprit grâce à des coquilles est encore une façon décente d’être spirituel. »

S. Kierkegaard, Diapsalmata, in Ou bien … ou bien …, Tel gallimard, p.18

Par où es-tu malheureux ?

28 mardi Août 2018

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espoir, Kierkegaard, malheur, souvenir

« Les être malheureux par l’espoir ne portent jamais, comme les êtres malheureux par le souvenir, cette empreinte douloureuse. Les êtres qui vivent dans l’espoir ressentent toujours une déception moins cruelle. c’est pourquoi le plus malheureux sera toujours à rechercher parmi les êtres malheureux par souvenir. »

S. Kierkegaard, Ou bien … ou bien …, Tel, p. 175

Formule de l’amour

04 dimanche Fév 2018

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amour, Kierkegaard, pardon

« Aimer celui qui, par amour mal compris, mais par amour pourtant, a fait votre malheur, c’est là autant que je sache la formule réfléchie que l’on n’a jamais donnée, mais pourtant normale, de l’amour. »

Søren Kierkegaard, Point de vue explicatif de mon œuvre
in École du christianisme
cité par A. Vergez dans Faute et liberté

Aime ton juge (4)

27 samedi Jan 2018

Posted by patertaciturnus in Lectures

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amour, André Vergez, culpabilité, Kierkegaard

André Vergez suggère que la biographie de Kierkegaard donne la clé de sa conception de l’amour pour Dieu culminant dans l’accusation de soi. En dépit de mon peu d’inclination pour le biographisme (la conception de Kierkegaard est de toute façon compréhensible par des personnes qui n’ont pas eu la même enfance que lui), je trouve cette interprétation éclairante en ce qu’elle fait ressortir ce que la conception kierkegaardienne peut avoir de « pathologique » (elle semble relever de la réduction de dissonance cognitive ou cognitvo-affective).

« Si nous regardons de très près les textes, nous voyons fort clairement qu’ici encore Kierkegaard transpose sa propre situation psychologique à l’égard de son père. La terrible éducation paternelle qui, « par amour mal compris, mais par amour pourtant », a fait le malheur de Kierkegaard, est la clef de sa conception de l’existence. Kierkegaard enfant, gravement mutilé dans le développement de sa sensualité et de son affectivité, ne peut pas accepter que le pire bien-aimé ait tort. « Si tu ne pouvais conclure autre chose que le tort de l’être aimé, cette certitude t’inquiéterait ; tu voudrais être toi-même le fautif ; tu chercherais en sa faveur une excuse, faute de laquelle tu n’aurais de repos que dans la pensée d’avoir été toi-même injuste. » Pourrais-tu trouver le repos dans le sentiment que tu es une victime innocente ? « Oh non, si tu l’aimes cette pensée ne t’apporterait que de l’angoisse, tu rechercherais toute apparence de justification en sa faveur. » Abraham en face de Dieu, c’est Kierkegaard en face de son père. Abraham — pour exécuter l’ordre du Seigneur — envisage de « faire semblant d’être devenu criminel… son œil sauvage, ses mèches vénérables dressées en furie sur sa tête », car ainsi Isaac ne sera pas tenté de maudire Dieu lui-même et l’implorera au contraire comme son unique secours, et l’innocence de Dieu sera préservée à ses yeux. « Expliquer cette énigme, dit Kierkegaard, c’est expliquer ma vie. » L’enfant généreux, anéanti par une éducation brutalement culpabilisante, ne veut pas que ses parents aient tort : « par amour pour ses parents, afin que leur maladresse ne pût les écraser par sa reine, il chercherait à tenir aussi longtemps que possible ». Il faut que je sois coupable, il faut que le parent-juge ait toujours raison : Ce raisonnement qui est celui de Kierkegaard enfant, et qu’il transpose plus tard dans sa conception de la créature devant Dieu, est d’ailleurs profondément contradictoire. L’enfant renonce littéralement à exister : il renonce à sa spontanéité, à ses désirs qu’il sacrifie sur l’autel de la tyrannie paternelle ; mais s’il fait cela, c’est d’une certaine façon pour exister encore, parce que l’amour pour le parent-juge est la condition indispensable — payable n’importe quel prix — d’une existence possible. »

André Vergez, Faute et liberté
ed. Les Belles Lettres 1969, p. 396 – 397

Aime ton juge (3)

25 jeudi Jan 2018

Posted by patertaciturnus in Lectures

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amour, André Vergez, Kierkegaard, mysticisme

J’ai fait quelques recherches complémentaires sur le texte de Kierkegaard que j’ai commencé à commenter ici.

L’idée que que l’amour pour Dieu s’accomplit dans l’accusation de soi face à Dieu peut sembler paradoxal dans le cadre même de la perspective religieuse chrétienne, puisqu’on présente généralement le Dieu d’amour comme une figure plus élevée que le Dieu juge (de même que le commandement d’aimer son prochain comme soi-même constituerait l’Aufhebung de la loi et des prophètes). André Vergez fait à ce sujet des observations que je trouve éclairantes :

« Certes Kierkegaard n’ignore pas la conversion paulienne de la Loi à l’amour. Mais loin de l’interpréter (ainsi que Spinoza et Nietzsche) comme le passage de la transcendance à l’immanence, comme le passage de la servitude légaliste à la liberté de délivrance (la « liberté chrétienne », la « liberté des enfants de Dieu »), il y voit le passage d’une transcendance à une autre. On pourrait dire que pour Kierkegaard l’amour tout comme la Loi, fait abonder le péché :  « La loi fait de l’homme un pécheur, mais l’amour un plus grand pêcheur. »

Pour comprendre ce point, il faut expliquer comment la transcendance de l’Amour créateur condamne l’homme au péché plus radicalement, mais dans le même sens que la transcendance de la Loi le condamne à la faute. La faute n’est sans doute pas inévitable […] toutefois l’extrême probabilité de la faute est déjà inscrite dans le rapport entre l’ordre moral et la nature sensuelle de la créature, rapport qui se manifeste par l’angoisse, source de défaillance et d’effondrement. Être soi-même, suivre sa nature, c’est déjà, sur le plan moral, être coupable. Sur le plan religieux, c’est la situation existentielle même de la créature, s’affirmant, posant sa propre existence, qui représente une culpabilité originaire, ontologique. Être soi-même, c’est perdre Dieu, se vouloir soi-même, c’est nier Dieu. « Il n’y a qu’un seul vrai rapport au christianisme : se haïr soi-même en aimant Dieu ; toute affirmation de soi est coulpe ». La sphère du religieux tend à s’identifier à la conscience de la faute totale en l’individu particulier devant Dieu. […] La conscience du péché est bien, il est vrai, le signe de sa rédemption, mais c’est parce que l’aveu par la créature de sa culpabilité totale est, en quelque sorte, le dévalorisation radicale de sa propre existence qui fait valoir l’existence de Dieu. Nous sommes ici tout près des systèmes gnostiques pour lesquels le péché de la créature se confond avec sa venue au monde, pour lesquels le chute ne se distingue pas de la création. […] Nous devenons chrétiens lorsque nous nous voyons péchant nécessairement. Il est vrai que l’amour du chrétien pour Dieu le rachète. Mais cet amour n’abolit pas comme chez Spinoza toute distance entre l’homme et Dieu. Il le souligne au contraire puisque « aimer Dieu, c’est se haïr », puisque être racheté, c’est se renoncer. L’amour pour Dieu « n’a qu’une seule expression dans la langue, le repentir ». Il s’agit ici d’un repentir littéralement ontologique. Le pécheur kierkegaardien se repent moins de ses actes que de son être. Il a tort d’exister. « Nous avons toujours tort devant Dieu ». La transcendance de la loi me mutilait, la transcendance de l’amour m’anéantit. »

André Vergez, Faute et liberté
ed. Les Belles Lettres 1969, p. 396 – 397

Aime ton juge ! (2)

21 dimanche Jan 2018

Posted by patertaciturnus in Perplexités et ratiocinations

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amour, culpabilité, Djalâl ad-Dîn Rûmî, Kierkegaard, Nietzsche

On a vu mardi dernier de quelle étrange façon Kierkegaard résout le problème que Nietzsche devait formuler en ces termes :

« Si Dieu avait voulu devenir un objet d’amour, il aurait dû commencer par renoncer à rendre la justice : – un juge, et même un juge clément, n’est pas un objet d’amour. »

Nietzsche, Le gai savoir §. 140

Peut-être vaudrait il mieux dire que ce qui était un problème pour Nietzsche n’en était pas un pour Kierkegaard. Alors que Nietzsche se demande comment on peut aimer son juge, même clément ; Kierkegaard semble considérer que l’amour se réalise dans le sentiment d’avoir tort face à l’autre. Pour le penseur danois, il ne faudrait pas dire qu’on aime Dieu bien qu‘il nous juge, il faudrait plutôt dire qu’on en fait notre juge – un juge devant lequel on ne peut que plaider coupable – parce qu’on l’aime. On notera que dans cette perspective la miséricorde de Dieu apparaît comme un motif d’amour second. On peut aussi souligner que l’option kierkegaardienne va « plus loin » que celle que j’avais évoquée à propos d’un texte de Rûmî  : chez Rûmî l’amour d’Adam le retenait seulement de se défendre et d’accuser son juge (qui est aussi celui qui l’a laissé fauter), chez Kierkegaard l’amour va jusqu’à nous porter à nous accuser nous-mêmes.

Cette idée que l’amour s’accomplit dans l’accusation de soi se comprend indépendamment du contexte théologique, d’ailleurs Kierkegaard l’introduit à partir de l’amour pour un être humain. Mais c’est une idée bien particulière de l’amour qui nous ferait dire : « si je t’aime vraiment, je dois penser que tout est de ma faute » ; on peut l’opposer à la conception selon laquelle l’amour se réalise dans la jalousie  (ici, c’est par amour que je te demande de te justifier). La première peut nous paraître plus « pure »  et altruiste que la seconde mais elle n’est peut être pas moins pathologique ( ce qui apparaît quand elle est formulée en 2e personne : « si tu m’aimes, tu dois t’accuser … »)  ; on peut d’ailleurs concevoir que les deux fassent système : celui qui aime-en-s’accusant cherchant un jaloux et le jaloux ayant besoin d’un coupable pathologique pour exercer pleinement son emprise.

Aime ton juge !

16 mardi Jan 2018

Posted by patertaciturnus in Lectures

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amour, Dieu, Kierkegaard, théologie

A deux reprises j’ai évoqué le problème de l’unité du Dieu juge et du Dieu objet d’amour. Je viens de tomber sur un texte de Kierkegaard qui pourrait aider à comprendre comment l’amour peut susciter le juge.

« Pourquoi as-tu désiré avoir tort envers un être humain ? Parce que tu aimais ; pourquoi y as-tu trouvé de l’édification ? Parce que tu aimais. Plus ton amour a été fort, moins aussi tu as eu le temps d’examiner si tu avais raison ou non ; le seul et unique désir de ton amour, c’était d’avoir toi-même tort constamment. De même dans ton rapport avec Dieu. Tu l’aimais ; aussi ton âme ne pouvait-elle trouver de repos ni de joie que dans le sentiment d’avoir toi-même toujours tort. Tu n’en es pas venu à cet aveu en partant des embarras de la pensée ; tu n’y étais pas obligé, car lorsque tu es dans l’amour, tu es aussi dans la liberté. Quand donc la pensée ta donné l’assurance qu’il en était bien ainsi, qu’il te fallait toujours avoir tort, ou qu’il fallait toujours que Dieu eût raison, et qu’il ne pouvait en être autrement, cette assurance t’est venue après coup ; et si tu en es venu à la certitude d’avoir tort, ce n’est pas en partant de la connaissance que Dieu avait raison ; mais, partant de l’unique et suprême désir, inspiré par l’amour, qu’il te fallait toujours avoir tort, tu en es venu à connaître que Dieu avait toujours raison. Mais ce désir est caractéristique de l’amour et relève ainsi de la liberté ; et tu n’étais alors nullement obligé de reconnaître que tu avais tort. Tu n’as donc pas acquis la certitude d’avoir toujours eu tort par le raisonnement ; cette certitude tenait à l’édification que tu trouvais dans ton désir d’avoir tort.

Søren Kierkegaard, L’alternative (OC, IV, 312-313)
« L’édification apportée par la pensée qu’envers Dieu nous avons toujours tort »
cité par B. Sève dans La question philosophique de l’existence de Dieu

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