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~ "Ton péché originel c'est d'ouvrir la bouche. Tant que tu écoutes tu restes sans tache"

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Ethnocentrismes

16 jeudi Mai 2019

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ethnocentrisme, Marshall Sahlins

Il n’est guère d’élèves de terminale qui échappent à ce célèbre passage de Race et histoire où Lévi-Strauss met en lumière les paradoxes qui résultent de l’universalité de l’ethnocentrisme :

« Ainsi se réalisent de curieuses situations où deux interlocuteurs se donnent cruellement la réplique. Dans les Grandes Antilles, quelques années après la découverte de l’Amérique, pendant que les Espagnols envoyaient des commissions d’enquête pour rechercher si les indigènes possédaient ou non une âme, ces derniers s’employaient à immerger des blancs prisonniers afin de vérifier par une surveillance prolongée si leur cadavre était ou non, sujet à la putréfaction.

Cette anecdote à la fois baroque et tragique illustre bien le paradoxe du relativisme culturel … »

Il n’est pas sûr que parler de « commissions d’enquête [envoyées] pour rechercher si les indigènes possédaient ou non une âme » rende compte adéquatement de la Controverse de Valladolid (la vraie, pas la pièce de Jean-claude Carrière). Quant aux intéressantes expériences menées par les indiens j’ignore quelles sont les sources à ce sujet.

Aux collègues qui voudraient renouveler leurs exemples pour illustrer l’idée d’une symétrie des ethnocentrismes, je recommande cette anecdote, aussi baroque mais moins tragique que celle de Levi-Strauss, que rapporte Marshall Sahlins :

« En septembre 1793, le lord et vicomte George Macartney, l’envoyé du souverain barbare de l’océan de l’Ouest, George III, était reçu à la cour chinoise pour payer tribut à l’Empereur Céleste et être « amené à la civilisation par la vertu impériale. De son point de vue, il se considérait plutôt comme ambassadeur plénipotentiaire et extraordinaire de sa Majesté britannique, chargé d’établir des relations diplomatiques avec la Chine en vue d’une libéralisation du commerce avec Canton. Il avait aussi pour tâche d’ouvrir de nouveaux marchés pour les produits de l’industrie britannique, dont il apportait quelques magnifiques exemples, cadeaux pour l’empereur Ch’ien-lung à l’occasion de son quatre-vingt-troisième anniversaire. Quoi qu’il en soit, en septembre 1793, donc, Macartney recevait la réponse impériale au message de son roi. Adressé à un seigneur vassal, cet édit célèbre était ainsi rédigé :

« Nous, par la Grâce du Ciel, Empereur, enjoignons le Roi d’Angleterre à prendre note de cet arrêt.

Bien que votre pays, O Roi, soit situé dans les océans lointains, vous avez, inclinant votre cœur vers la civilisation, respectueusement envoyé un émissaire nous présenter votre message officiel, et traversant les mers il est venu à notre cour pour se prosterner, apporter ses félicitations à l’occasion de l’anniversaire impérial, et offrir en gage de sincérité des produits de votre pays.

Nous avons lu attentivement le texte de votre message et sa formulation exprime votre ferveur. On peut y voir que votre humilité et votre soumission sont bien réelles […]

L’Empire Céleste, qui gouverne tout à l’intérieur des quatre mers [ le monde], ne se préoccupe que de mener à bien les affaires du Gouvernement et n’accorde pas de valeur aux choses rares et précieuses [ En fait, la vertu et le pouvoir de la Dynastie Céleste ont pénétré au loin d’innombrables royaumes, qui sont venus rendre hommage et, ainsi, toutes sortes de choses précieuses venues « de l’autre côté de la montagne et de la mer » ont été rassemblées ici, que le chef de votre délégation et les autres ont vues par eux-mêmes. Néanmoins, nous n’avons jamais accordé la moindre valeur aux articles ingénieux, ni n’avons le moindre besoin des produits de l’industrie de votre pays. »

Il a été dit de cet édit de Ch’ien-lung (et par nul autre que Bertrand Russell) que la Chine demeurerait incomprise tant que ce document n’aurait pas cessé de paraître absurde.  […]

Les tributs dont devaient s’acquitter les barbares se composaient obligatoirement de produits remarquables de leur pays. Donc, à certains égards symboliques, plus ils étaient bizarres, mieux c’était : ils n’en étaient que plus aptes à signifier tout à la fois la capacité englobante de la vertu impériale, son aptitude à embrasser une diversité universelle et la faculté de l’Empereur d’ordonner les fluctuations du monde au-delà des bornes chinoises, en en contrôlant les monstres et les merveilles. […]

Les tributs des barbares étaient surtout rendus au solstice d’hiver et pour l’anniversaire de l’Empereur ; ils étaient, de ce fait, liés aux renaissances du monde et assuraient aux tributaires les bénéfices matériels de l’intercession du Souverain auprès du Ciel. Les présents de valeur, offerts par l’Empereur à l’émissaire du tribut, étaient aussi des gages de prospérité, prouvant que le Fils du Ciel savait « chérir les hommes du lointain ». Le commerce était partie intégrante de cet ensemble de représentations : officiellement considéré, […] comme une « faveur » accordée aux barbares en tant que « moyen nécessaire pour qu’ils puissent avoir part à la libéralité de la Chine ». Dans un tel contexte, l’intention de lord Macartney de libéraliser les échanges en offrant des cadeaux d’anniversaire à l’Empereur n’était donc pas incompréhensible aux Chinois, du moins menait-elle à un malentendu productif. En effet, les conceptions chinoises du commerce n’impliquaient aucun désintérêt pour celui-ci, pas plus qu’elles n’empêchaient ses usages fonctionnels dans le domaine politique ou financier. Au cours de la longue histoire des frontières chinoises, plus notoirement au nord, le commerce servit souvent d’instrument à la politique — qu’il fût encouragé dans le cadre d’une politique extérieure expansionniste, ou seulement toléré pour tenter de neutraliser une menace barbare.

[…] Je me contenterai d’évoquer ici, à titre d’exemple, le refus du lord de faire le ko-teou, la triple prosternation devant l’Empereur, incident peut-être déjà trop glosé par les orientalistes. Remarquons seulement que Macartney, insistant pour que l’on fasse la distinction entre les respects présentés par un « grand souverain indépendant » comme le sien et les hommages rendus par les princes tributaires, proposa d’en passer par le ko-teou à la condition qu’un fonctionnaire chinois d’égal rang se prosternât de même devant le portrait de George III. Cette proposition, commentaient les documents de la Cour impériale, « dénotait l’ignorance ». Soulignons encore le désir obstiné de Macartney d’en arriver aux choses sérieuses, à la négociation proprement dite, après que l’ambassade eut été reçue cérémonieusement par l’Empereur et les cadeaux échangés. Ce souhait ne fut jamais satisfait, puisque, en ce qui concernait les Chinois, les choses sérieuses étaient déjà accomplies — les cérémonies étaient les choses sérieuses. […]

Pourtant, lord Macartney savait bien que les banderoles flottant au-dessus des jonques chinoises qui l’amenaient vers Pékin annonçaient « l’Ambassadeur anglais apportant son tribut à l’Empereur de Chine ». Il le savait, mais il choisit diplomatiquement de ne n’en pas faire cas, privilégiant tactiquement le langage des marchandises, persuadé d’y trouver la plus efficace des contre-argumentations. Pour les Anglais, les prétendus tributs étaient « des échantillons de la meilleure production britannique, et les toutes dernières inventions ajoutant à la commodité et au confort de la vie sociale », soigneusement sélectionnés dans « le double but de satisfaire ceux à qui ils seraient remis, et de susciter une demande plus générale d’achat d’articles similaires ». De telle sorte que, dans les différents incidents où la distinction était explicitement faite entre les « présents » (tels que les appelaient les Britanniques) et les « tributs » (comme les nommaient les Chinois), bien malin qui aurait pu deviner ce que pensaient vraiment les roués Occidentaux. Leurs « présents » étaient réellement des échantillons de leurs marchandises ; mais, au-delà, ils étaient des exemples d’ingéniosité industrielle, destinés à signifier la « supériorité » de la civilisation britannique et la majesté de George III. Comprenant des instruments d’expérimentation scientifique, un globe terrestre avec les itinéraires des découvertes du capitaine Cook, de majestueux carrosses et des lames d’épée capables de transpercer le fer sans perdre leur tranchant, ces présents, comme le disait sir George Staunton, avaient été soigneusement choisis pour « signifier » le progrès de la science occidentale et « en transmettre l’information » à l’Empereur. […] Pour les Britanniques enfin, leurs présents étaient les signes évidents d’une logique industrielle du concret les signes de leur prééminence. Ils étaient supposés communiquer l’ensemble d’une culture, politique, intellectuelle et morale. Mais si quelqu’un s’avisa un jour d’apporter de l’eau à la rivière, ce furent bien les Britanniques apportant aux Chinois l’annonce de la civilisation.

Dans son journal, Macartney s’indigne à plusieurs reprises de l’indifférence des mandarins. Mais, de leur point de vue, si les « présents » étaient vraiment des « tributs » exprimant le désir sincère des barbares de s’ouvrir à civilisation, ils ne pouvaient évidemment pas être supérieurs aux productions chinoises. Au mieux, ils étaient qu’ils devaient être : des produits exotiques rares et étranges, provenant d’un monde extérieur où les catégories étaient brouillées, indistinctes inversées et confuses. […]

Dans un très beau texte, écrit près d’un demi-siècle plus tard, le sinologue anglais Thomas Meadows explique que le peuple chinois, devant la merveille technique qu’était un bateau anglais, ne saisissait tout simplement pas le message qui lui était délivré : que le pays qui l’avait produit « devait » être habité par une population riche et dynamique, « libre de jouir des fruits de son travail », qu’il « devait » avoir un gouvernement puissant et de bonnes lois « et être parvenu, toutes choses étant considérées, à un haut degré de civilisation ». Les Chinois concéderont, ajoute-t-il, que les Anglais peuvent faire des choses extraordinaires, mais ni plus ni moins que les éléphants et les autres bêtes sauvages. De fait, Dinwiddie, à l’époque, rapportait précisément ce genre de réaction et soulignait lui-même l’incapacité chinoise à comprendre la théorie indigène occidentale selon laquelle il existerait une relation systématique entre technologie et civilisation:

Leurs préjugés sont irréductibles Demandez-leur si les inventeurs et les fabriquants de machines aussi curieuses et élégantes ne sont pas des hommes de savoir et des personnes supérieures. Ils vous répondront : « Ce sont certes de curieux objets, mais à quoi servent-ils ? Les Européens manient-ils l’art du Gouvernement de façon aussi raffinée ? ».

Tout cela contribue à expliquer pourquoi lord Macartney échoua à susciter, chez les Chinois, une demande massive de produits britanniques — pourquoi, par exemple, il ne parvint pas à leur faire jeter leurs baguettes, comme il était persuadé qu’ils le feraient après qu’il leur aurait démontré la « commodité » des couteaux, fourchettes et cuillères de Scheffield.

Marshall SAHLINS, La découverte du vrai sauvage, Gallimard 2007, p. 214 – 228

 

Généalogie de l’homme loup

11 samedi Mai 2019

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Marshall Sahlins, nature humaine

« Depuis plus de deux mille ans, ceux qu’on appelle les «Occidentaux » ont toujours été hantés par le spectre de leur nature : à moins de la soumettre à quelque gouvernement, la résurgence de cette nature humaine cupide et violente livrerait la société à l’anarchie. La théorie politique de l’animal sans foi ni loi a souvent pris deux partis opposés : ou bien la hiérarchie, ou bien l’égalité ; ou bien l’autorité monarchique, ou bien l’équilibre républicain; ou bien un système de domination idéalement capable de mettre un frein à l’égoïsme naturel des hommes grâce à l’action d’un pouvoir extérieur, ou bien un système auto-régulé ou le partage égal des pouvoirs et leur libre exercice parviendraient à concilier les intérêts particuliers avec l’intérêt commun. Au-delà du politique nous trouvons là un système métaphysique totalisant qui décrit un ordre naturel des choses : on retrouve en effet une même structure anarchique originaire entre des éléments qu’on ordonne soit à l’aide d’une hiérarchie, soit par l’égalité ; ce système vaut aussi bien pour l’organisation de l’univers, que pour celle de la cité, et intervient même dans la conception de la santé du corps humain. Il s’agit d’une métaphysique propre à l’Occident car la distinction entre nature et culture qu’elle suppose définit une tradition qui nous est propre, nous démarquant de tous les peuples qui considèrent que les bêtes sont au fond des êtres humains, et non que les humains sont au fond des bêtes. Pour ces derniers, il n’est pas de « nature animale » que nous devrions maîtriser. Et ils ont raison car l’espèce humaine telle que nous la connaissons, l’homo sapiens, est née il y a relativement peu de temps dans une histoire culturelle de l’homme beaucoup plus ancienne. La paléontologie en témoigne : nous sommes, nous aussi, des animaux de culture ; notre patrimoine biologique est déterminé par notre pouvoir symbolique. Notre esclavage involontaire aux penchants animaux  est une illusion ancrée dans la culture.

Je m’inscris en faux contre le déterminisme génétique, si en vogue aux Etats-Unis aujourd’hui, et qui prétend expliquer la culture par une disposition innée de l’homme à rechercher son intérêt personnel dans un milieu compétitif. Cette idée est soutenue par les « sciences économiques » qui considèrent que les individus ne cherchent qu’à assouvir leurs désirs par un « choix rationnel », sans parler des sciences du même acabit, et pourtant si populaires, comme la psychologie évolutionniste et la sociobiologie qui font du « gène égoïste »[1] le concept fourre-tout de la science sociale. Mais, comme Oscar Wilde le disait à propos des professeurs, l’ignorance est le fruit d’une longue étude. Oubliant l’histoire et la diversité des cultures, ces fanatiques de l’égoïsme évolutionniste ne remarquent même pas que derrière ce qu’ils appellent la nature humaine se cache la figure du bourgeois. A moins qu’ils ne célèbrent leur ethnocentrisme en prenant nos us et coutumes pour des preuves de leurs théories du comportement humain. Pour ces sciences là, l’espèce c’est moi.

Prétendre que la méchanceté innée de l’homme est propre à la pensée occidentale […] Cette affirmation doit être nuancée. On pourrait tout aussi bien trouver des idées similaires dans d’autres systèmes étatiques qui aspirent à contrôler leurs populations, par exemple dans la pensée confucéenne où l’hypothèse selon laquelle l’homme est bon par nature (Mencius) ou capable par nature de faire le bien (Confucius) côtoie l’hypothèse inverse, celle de la méchanceté naturelle de l’homme (Hsün Tzu). Et pourtant, je pense que de toutes les traditions, pensée chinoise incluse, la tradition occidentale est celle qui méprise le plus l’humanité et la misérable cupidité originelle de notre nature, en soutenant que la nature s’oppose à la culture.

Cependant, nous n’avons pas toujours été si certains de notre corruption. Il y a d’autres façons de considérer l’humain, par exemple à travers nos relations de parenté, et certaines théories philosophiques en ont fait état. »

Marshall Sahlins, La nature humaine, une illusion occidentale
trad. Olivier Renaut, Editions de l’éclat 2009, p. 7-9

[1] Olivier Renaut traduisait ici « selfish gene » par « gène de l’égoïsme » ce qui est à mon avis une erreur, Sahlins faisant évidemment ici référence à l’ouvrage publié par Dawkins en 1976. L’expression « gène égoïste » n’équivaut nullement à l’expression « gène de l’égoïsme » puisque la théorie du gène égoïste explique notamment que les gènes peuvent se reproduire au détriment de l’organisme.

Pouvoir égalisateur du mousquet

12 mardi Mai 2015

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armes à feu, Cervantes, Marshall Sahlins, valeurs aristocratiques

« Heureux les siècles qui n’ont pas connu ces diaboliques et furieux engins d’artillerie! J’espère que l’enfer a récompensé l’auteur de cette invention démoniaque, qui permet à un bras infâme et lâche d’ôter la vie à un vaillant chevalier. Sans que l’on sache comment ni par quel côté, au milieu de l’ardeur qui anime les cœurs valeureux, arrive une balle insolente, tirée par un soldat qui peut-être a fui, épouvanté par la flamme qui jaillit de cette maudite machine au moment de l’explosion; et cette balle, en un instant, interrompt les pensées et met un terme à la vie de quelqu’un qui méritait d’en jouir encore pendant de longues années. Lorsque j’y pense, je dirais presque que je regrette d’avoir choisi la profession de chevalier errant en cette époque détestable où nous vivons. Certes, aucun danger ne m’effraie ; toutefois, je ne veux pas qu’un peu de poudre et de plomb m’empêche de devenir célèbre et reconnu sur toute la surface de la terre pour la valeur de mon bras et le tranchant de mon épée. Mais que le ciel en décide comme il lui plaira : si je réussis ce que j’entreprends, je serai d’autant plus digne d’estime que je me serai volontairement exposé à des dangers plus grands que les chevaliers errants de jadis. »

Don Quichotte, I, XXXVIII trad. A. Schulman

 *

« Quoi qu’on ait pu dire de la présupposée dépendance du grand Cakobau par rapport aux mousquets, il est certain qu’il rêvait de s’en débarrasser et de revenir aux batailles traditionnelles avec massues et lances — qui lui semblaient beaucoup plus sûres, tout au moins pour lui-même. « Lorsque nous nous battions avec des massues et des lances, expliqua-t-il à un missionnaire, je pouvais courir droit sur les défenses de l’ennemi ; comme je suis un grand chef, personne n’aurait pensé à me tuer, mais de ces mousquets, les balles sortent en sifflant et ne demandent jamais si vous êtes un grand chef ou un homme comme les autres ». Cakobau ne parvint pas à revenir en arrière. Mais on se souvient du remarquable succès des shogun de l’ère Tokugawa qui bannirent les armes à feu occidentales de l’arsenal japonais pendant plus de deux cents ans, bien qu’elles eussent été, au XVIe siècle, aussi répandues au Japon qu’en Europe. L’analogie est frappante dans la mesure où l’interdiction des shogun cherchait à protéger la classe des samouraïs et son éthique bushido tout autant que l’existence du shogunat. Une opposition similaire, entre armes occidentales et coutumes aristocratiques, apparaît dans plusieurs comptes rendus posant le problème de l’utilisation des fusils au XIXe siècle aux Fidji. Ceux-ci méritent — de même que les « dissonances dans le discours de compréhension » qui leur sont liées — qu’on s’y attarde un instant, dans la mesure où ils aident à mieux cerner la puissance politique attachée aux diverses armes et biens économiques historiques.

[…]

Considérons tout d’abord la valeur relative des mousquets et des massues de guerre en tant que technologies de pouvoir : le rôle très différent que jouèrent ces armes dans l’histoire fidjienne ne dépend pas tant de leur efficacité technique que du type de relations sociales qu’impliquait leur façon de donner la mort. En dépersonnalisant l’acte de tuer, le mousquet effaçait le fait que les hommes fussent socialement liés jusque sur le champ de bataille. Et, comme le déplorait Cakobau, la conséquence fâcheuse pour des hommes tels que lui, chefs à l’autorité établie ou guerriers de grande renommée, était la disparition d’une certaine immunité dont ils avaient bénéficié dans les guerres traditionnelles. Le missionnaire Thomas Williams rappelle les raisons d’une telle déférence :

Les chefs guerriers devaient souvent leur salut dans la bataille au fait que leurs inférieurs — même lorsqu’il s’agissait d’ennemis — avaient peur de les frapper. Cette crainte venait en partie du fait que les chefs étaient confondus avec des divinités et en partie de la certitude que leur mort serait vengée sur l’homme qui les avait tués.

[…]

Les observateurs contemporains — y compris les premiers intéressés comme Cakobau — avaient donc des idées bien précises sur les liens entre les armes à feu et la hiérarchie ; et elles allaient totalement à l’encontre des thèses ultérieurement défendues par les historiens sur les effets politiques des mousquets dans les îles. Le mousquet sapa l’autorité des chefs plus qu’il ne la renforça : « leur foi dans les qualités divines de ceux qui les commandent est grandement perturbée » — phénomène quelque peu semblable aux effets démocratiques attribués à l’introduction des armes à feu dans l’Europe féodale. Technique incapable de reconnaître la divinité, le mousquet était perçu comme une menace contre l’autorité établie — mais, je m’empresse de le souligner, l’« autorité établie » telle que la conféraient les titres dus à la supériorité généalogique. […] L’indétermination des victimes des mousquets était encore assortie de l’anonymat du meurtrier, au moins dans les actions de groupe. On comprend mieux dès lors pourquoi la massue de guerre demeurait l’arme privilégiée lorsqu’il s’agissait de tuer un ennemi — et ce d’autant plus que la victime devenait une offrande sacrificielle hautement valorisée, valeur qui, à son tour, retombait sur le tueur et sa massue, leur conférant une certaine spiritualité »

Marshall Sahlins, La découverte du vrai Sauvage, p. 157 – 159

*

Éducation bienveillante?

02 mardi Déc 2014

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éducation bienveillante, égoïsme et altruisme, Marshall Sahlins, violence

La violence serait-elle acte d’agression, la générosité est-elle signe d’ « altruisme »? Les ethnographes de la Mélanésie, autant que les psychanalystes d’Amérique attesteront sans difficulté que l’agression trouve souvent à s’assouvir dans des dons somptueux, et sans espoir de réciprocité. Car, ainsi que nous l’indique encore le dicton esquimau : « les dons font les esclaves, comme les fouets font les chiens. » A l’inverse, un individu peut fort bien en frapper un autre par authentique sollicitude pour son bien. L’altruisme de l’homme sera cuisant pour le derrière de l’enfant ; et « Crois-moi, c’est pour ton bien que je le fais. J’en souffre plus que toi. »

Marshall Sahlins, Critique de la sociobiologie, p. 36

Métaphores aviaires

21 dimanche Sep 2014

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analogie et métaphore, herméneutique mon amour, Marshall Sahlins

« Mon analyse pourrait être décrite comme une « archéologie » du « discours » dominant de la science sociale. Il serait donc plaisant de l’aborder en pensant à la chouette de Minerve, prenant son envol au crépuscule d’une ère intellectuelle. Son organisation, pourtant, la rend plutôt semblable au vol du wifflebird post-moderne, cet oiseau mythique qui tourne en cercles herméneutiques toujours plus réduits jusqu’à percuter son propre croupion. »

Marshall Sahlins, La découverte du vrai Sauvage, p. 336

*

Qu’est-ce donc qu’un wifflebird, me direz vous? Et bien, les oracles de Saint Google nous renvoient soit à un pseudonyme (peut-être utilisé par plusieurs personnes) soit à un épisode de Popeye : The wiffle bird’s revenge qui est disponible en ligne. Si quelqu’un voit le rapport avec l’image poétique du texte ci-dessus, je suis preneur de toute explication.

Renversement de situation (2)

15 lundi Sep 2014

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authenticité, culture, Marshall Sahlins, renversement de situation

Un des thèmes récurrents de La découverte du vrai Sauvage de Marshall Sahlins est que l’intégration des peuples indigènes au système du monde du capitalisme ne signifie pas nécessairement le dépérissement de leur culture. Sahlins se veut optimiste (j’ai déjà  cité un passage qui en témoigne) : la culture n’est pas en voie de disparition ; un des chapitres s’intitule d’ailleurs Adieu aux Tristes tropiques. Corrélativement il met l’accent sur le fait que l’hybridation des cultures traditionnelles avec des traits de la culture des colonisateurs ne doit pas être interprétée comme une perte d’authenticité. Ses arguments à ce sujet me semblent plutôt convaincants :

« Paradoxalement presque toutes les cultures « traditionnelles » étudiées par les anthropologues, et décrites comme telles, étaient en fait néo-traditionnelles, c’est-à-dire déjà transformées par l’expansion occidentale. Dans certains cas le phénomène est si ancien que plus personne, pas même les anthropologues, n’auraient l’idée de contester leur authenticité culturelle. [Sahlins illustre ce point avec l’exemple des cultures des indiens des plaines  : qui dirait qu’elles ont perdu leur authenticité avec l’arrivée du cheval ?] Si les peuples du Pacifique glissent sur la distinction – si importante pour notre sensibilité historique – entre le passé colonial et pré-colonial, c’est  parce qu’ils acceptent mieux que nous que des éléments à la fois indigène et exogènes puissent être constitutifs de leur culture. Dans la mesure où les éléments exogènes sont indigénisés, il n’y a pas là pour le peuple en question, de dysharmonie radicale, encore moins d’inauthenticité. » p.320

Sahlins utilise également le procédé argumentatif qu’on avait vu appliqué au cas de la Renaissance : présenter notre tradition comme une culture indigène pour nous convaincre de transposer aux cultures indigènes ce que nous attribuons à la nôtre (ici l’authenticité par delà les emprunts).

« Nous devrions au moins nous souvenir de la routine indigène quotidienne de l’Américain moyen décrite il y a quelques décennies par Ralph Linton. Après le petit-déjeuner, notre brave homme s’installe pour lire les nouvelles du jour « imprimées en caractères inventés par les anciens Sémites, sur un matériau inventé en Chine, par un procédé inventé en Allemagne. En dévorant les comptes rendus des troubles extérieurs, s’il est un bon citoyen conservateur, il remerciera un dieu hébreu dans un langage indo-européen d’avoir fait de lui un Américain  cent pour cent. » p. 321

*

L’analyse que fait Sahlins de divers exemples d’indigénisation d’éléments exogènes lui donne l’occasion d’évoquer des renversements de situations assez savoureux.

Le premier exemple concerne des peuples de Nouvelle-Guinée. Sahlins explique d’abord comment leur rencontre avec les « forces internationales capitalistes »  leur a cependant permis de « développer » leurs ordres culturels :

« Profitant des bénéfices tirés du travail migratoire, de la production de café et autres mannes financières, les grands échanges cérémoniels entre les clans – institution caractéristique de la culture montagnarde  – ont prospéré ces dernières décennies comme jamais auparavant. […] Aujourd’hui, les gros billets de banque remplacent les coquillages de nacre comme valeurs d’échange fondamentale, tandis que les land cruisers Toyota complètent les dons habituels de cochons[…]. Pris dans les transactions liées aux circulations réciproques et aux paiements des épouses, l’argent qui circule dans les échanges n’est généralement pas du tout « dépensé », mais, […] reste en circulation porté par l’élan de la dette et de l’investissement. »  p. 318 – 319

L’exposé du cas se conclut par ce surprenant renversement :

 » Aussi les Mendi assurent-ils qu’ils pratiquent la véritable économie d’échange, au contraire de la simple « économie de subsistance » des Blancs ». p.319

et Sahlins de conclure : « Nous voilà bien! »

Le deuxième exemple concerne les Fidji. Pour illustrer le fait qu' »aujourd’hui, aux Fidji, le christianisme méthodiste est considéré comme « coutume de la terre » », Sahlins ajoute en note cette anecdote plaisante :

« Dans un article récent d’un journal de Suva, des passants étaient interviewés et une matrone fidjienne choquée par les touristes se baignant nus demandait : « Comment voulez-vous que nous gardions nos coutumes traditionnelles si les gens se baladent comme ça? » » p. 320

Un « regard éloigné » porté sur la Renaissance

04 jeudi Sep 2014

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Marshall Sahlins, regard éloigné, Renaissance

« Aux XVe et XVIe siècles, en Europe, un groupe d’intellectuels et d’artistes indigènes se rassembla et commença à s’inventer des traditions en tentant de faire revivre les enseignements d’une antique culture. Quoique ne la comprenant pas tout à fait, cette culture ayant été perdue pendant des siècles et ses langues altérées et oubliées, ils proclamaient qu’elle avait été l’oeuvre de leurs ancêtres. Depuis des siècles également, les Européens avaient été convertis au christianisme, ce qui ne les empêchait pas d’appeler à la restauration de leur héritage païen. Ils voulaient suivre à nouveau le chemin des vertus classiques, voire invoquer les anciens dieux. Pourtant, il faut bien le reconnaître, dans ces circonstances — cet abîme qui séparait ces intellectuels acculturés d’un passé de fait irrémédiablement perdu — la nostalgie n’était plus ce qu’elle avait été. Les textes et les monuments qu’ils créèrent ne furent souvent que des reproductions expurgées de modèles classiques. Ils conçurent délibérément une tradition à partir de canons figés et essentialisés. Ils écrivirent l’histoire dans le style de Tite-Live, les vers à la manière latine, la tragédie selon Sénèque et la comédie à la façon de Térence ; ils dotèrent les églises chrétiennes de façades de temples classiques et de façon générale suivirent les préceptes de l’architecture romaine redéfinis par Vitruve sans même se rendre compte de leur origine grecque. Comme ce mouvement donna naissance à la « civilisation moderne », on finit, dans l’histoire européenne, par lui donner le nom de Renaissance. »

Marshall Sahlins, La découverte du vrai sauvage, p.274 – 275

Contrairement à ce qu’on pourrait croire le propos de ce texte n’est pas de démystifier  la Renaissance en portant sur elle le regard que l’anthropologue porte sur les revival de traditions culturelles qui nous sont étrangères. En fait le propos est plutôt de démystifier le regard démystificateur  : non pas démystifier la Renaissance comme nous démystifions les revivals indigènes, mais accepter de faire crédit à ceux-ci comme nous faisons crédit à celle-là. C’est ce qui apparait clairement dans le paragraphe suivant.

« Que dire d’autre, sinon que certains peuples ont toutes les chances historiques ? Quand les Européens inventent leurs traditions — avec les Turcs à leur porte —, on y voit une authentique renaissance culturelle, l’avènement d’un futur en progrès. Quand d’autres peuples font de même, on l’interprète comme un signe de décadence culturelle, une récupération factice qui ne peut donner naissance qu’au simulacre d’un passé mort.
Mais on peut aussi en tirer une autre leçon historique, plus optimiste, et conclure que tout n’est peut-être pas perdu. »

A la suite de ce passage, Sahlins illustre l’approche qu’il prône en prenant l’exemple du hula hawaïen dont il restitue l’histoire.

Je présume que l’incise « avec les Turcs à leur porte » vise à établir un parallèle entre la situation de la Renaissance européenne et celle des renaissances indigènes qui sont soupçonnées d’inauthenticité parce qu’elles ne seraient que des réactions dérisoires face à l’emprise grandissante du capitalisme occidental. Ceci nous renvoie à un autre thème important du livre dont je parlerai une autre fois.

Renversement de situation

02 mardi Sep 2014

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Marshall Sahlins

« Si l’industrie vestimentaire fut autrefois le fer de lance du militantisme syndical, c’est aujourd’hui à l’université que l’on s’initie à Marx. Et si l’Université était auparavant le bastion de la structure établie, c’est maintenant dans l’industrie du vêtement que l’on a le plus de chances de trouver des Levi-Strauss. »

Marshall Sahlins, La découverte du vrai sauvage, p. 55

*

Un de ces jours peut-être je ne me contenterai pas de citer les petites blagues de Sahlins et je donnerai un aperçu plus substantiel de l’ouvrage.

Marx himself

01 lundi Sep 2014

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herméneutique mon amour, Karl Marx, Marshall Sahlins

« C’étaient en effet les jours heureux de la « découverte du vrai Marx », de ce que Marx avait réellement dit, et qui prenait le contrepied des objections opposées à la formulation marxiste originale accusée de trop grande simplicité ou d’inadéquation historique. On découvrait ainsi « Marx lui-même ». « Lui-même était apparemment le nom de famille du type dont la théorie venait apporter tous ces amendements. L’auteur de l’analyse qui révéla son existence était à l’évidence un de ses familiers, contrairement à de nombreux auteurs qui connaissait bien Marx mais pas Lui-même. »

Marshall Sahlins, La découverte du vrai sauvage, p.21 note1

Licence to kill

31 dimanche Août 2014

Posted by patertaciturnus in Fantaisie, Lectures

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Fidji, Marshall Sahlins

« Alan Tipett observait également que même quand les armes à feu étaient très répandues, « les guerriers [fidjiens]  combattaient toujours avec des massues, et le désir de tout jeune guerrier n’était pas de tuer avec un fusil mais avec une massue afin de devenir un Koroi, un Visa ou peut-être un Waqa« , termes retraçant les étapes d’une hiérarchie guerrière dans laquelle les hommes étaient supposés progresser en fonction du nombre d’ennemis tués – aujourd’hui le plus courant de ces titres de tueur, koroi, désigne un titre universitaire. »

Marshall Sahlins, La découverte du vrai sauvage,
Gallimard, p. 160

 *

Après s’être extasié sur le délicieux exotisme des titres universitaires fidjiens, on se rappellera qu’un bachelier était au Moyen-Age un aspirant chevalier.

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