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Pater Taciturnus

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Archives de Tag: Victor Goldschmidt

Limites d’une métaphore

14 mardi Juil 2020

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acteur, stoïcisme, Victor Goldschmidt

En complément des analyses de Claude Romano sur les variations autour de la métaphore stoïcienne de l’acteur, il vaut la peine de signaler l’analyse que Victor Goldschmidt proposait des limites de cette métaphore.

« Il reste à préciser et à restreindre sur deux points la portée de la métaphore de l’acteur.

Il est clair, tout d’abord, que la personnalité de l’acteur ne se dissout nullement en un « faisceau » ou une « série » de personnages. « Si on enlève à l’acteur à la fois ses brodequins et son masque, et si on le produit à la manière d’une ombre, l’acteur a-t-il disparu ou subsiste-t-il ? S’il a sa voix, il subsiste ». « Sa voix », c’est ce qu’Épictète, ailleurs, appelle « la personne morale » ; c’est la faculté d’incarner tous les rôles, c’est-à-dire, ici encore, la puissance supérieure à tous les actes possibles qu’elle peut produire. Et cette puissance, il s’en faut qu’elle soit la même chez tous ; tous ne sont pas capables de jouer tous les rôles ; aussi faut-il avoir et prendre « conscience » de la « force » qui nous a été imparties. Epictète, ici, vient très près de ce que Schopenhauer appellera le « caractère acquis », c’est-à-dire la connaissance exacte de ce que vaut et de ce que peut notre « caractère empirique ». Il faut s’accommoder de n’importe quel rôle ; car le moindre nous permet encore de montrer « qu’il m’a été donné de déployer une belle voix ». Mais le sage seul peut tenir tous les rôles et il en est même, tels la royauté et le rôle de chefs, que lui seul sait jouer convenablement.

Par où l’on voit déjà que, malgré leur « indifférence », les rôles-matières, non seulement ne sont pas sans « différence », mais que certains, plus que d’autres, conviennent au sage. A l’inverse, il en est qui ne lui conviennent pas du tout. Il est vrai que certains rôles n’ont guère coutume de lui échoira ; il en est d’autres qui menacent d’imprégner de leur indignité la « dignité morale » de l’acteur ; dans un tel cas de conflit, c’est la « conscience » du « caractère acquis », c’est-à-dire de notre « dignité » et « valeur », qui devra nous déterminer à la modestie et à l’acceptation de ce rôle, mais qui pourra autoriser le sage à le refuser et, s’il n’y a pas d’autre issue, à recourir au suicide. — La métaphore de l’acteur ne peut pas être maintenue jusqu’au bout. Il faut préciser que si le sage a le droit d’en suspendre l’exigence, c’est justement au sujet des situations et des « rôles » que le vulgaire n’a pas le courage (ni, par conséquent, le droit) de refuser. Il faut ajouter encore qu’ici, comme d’une manière générale dans l’autorisation du suicide, le stoïcisme témoigne que son idéal du sage ne ressortit pas à « l’imagination », puisqu’il ouvre une « issue » là où les limites des forces humaines rendraient l’exigence insupportables. Et il faut dire surtout que, si la personne du sage dépasse les rôles et en fixe la « valeur », c’est parce qu’elle-même est au-dessus de toute valeur ; mais cette dignité éminente, elle ne la tient pas de son statut de « personne », au sens moderne et romantique du mot, mais de la sagesse qui « est elle-même identique à l’être universel ». »

Victor Goldschmidt, Le système stoïcien et l’idée de temps, Vrin p. 184 – 186

Les occasions ne manquent pas

04 mercredi Mar 2020

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stoïcisme, vertu, Victor Goldschmidt

« Placer la vertu uniquement dans « ce qui dépend de nous » (or, ni la réussite de nos projets, ni ces buts mêmes, imposés par les circonstances, n’en dépendent), mais affirmer cepen­dant que la vertu est activité, et activité pratique, — c’est, semble-t-il, se contredire. Ici encore, c’est Plotin qui se charge de souligner la contradiction apparente : « Je demande (encore) comment l’acte courageux dépend de nous, parce que, s’il n’y avait la guerre, nous n’aurions pas à l’accomplir. Il en est de même de toutes les actions vertueuses ; la vertu est toujours forcée d’attendre des circonstances accidentelles pour agir selon l’occurrence. Si on donnait le choix à la vertu, en lui demandant si elle préfère qu’il y ait des guerres, afin de s’exercer, et des injustices pour définir et organiser les droits, ou si elle aime mieux rester tranquille parce que tout est dans l’ordre, elle préférera l’inaction à l’action, et elle aimera mieux que personne n’ait besoin de ses soins ». — A cette hypothèse optimiste, proposée au « choix » de la vertu, Epictète avait répondu par avance, répliquant à cette question d’un élève : « Héraclès, devait-il donc se préparer ces occasions et chercher le moyen d’introduire dans son pays un lion, un sanglier et une hydre ? », — « Sottise que cela et folie ! Mais puisqu’ils existaient et qu’ils étaient tout trouvés, ils étaient d’utiles instruments pour révéler et exercer Héraclès ».
Autrement dit, l’hypothèse est purement académique ; en maintenant l’exigence de l’action, les Stoïciens se conforment à l’ordre des choses, telles qu’elles sont, et telles qu’elles sont actuellement. Sur ce point, ils s’apparentent décidément à Socrate et s’opposent au platonisme. Socrate avait cru devoir remplir sa mission « politique » dans l’Athènes de son temps, au lieu de déplorer les circonstances défavorables par où la démocratie existante interdisait toute tentative de réforme, et au lieu d’attendre d’un avenir béni et imprévisible les conditions enfin propices à la construction d’une Cité idéales. En quoi il acceptait, comme les Stoïciens, le réel en même temps que le présent, ce même réel et ce même présent dont s’évade la vertu (néo-)platonicienne vers l’éternité des Idées. »

Victor Goldschmidt, Le système stoïcien et l’idée de temps, p. 151 – 152

Naturalisme artificiel

27 jeudi Fév 2020

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naturalisme, stoïcisme, Victor Goldschmidt

C’est très improprement, en effet, que le stoïcisme peut être rangé dans les naturalismes. L’exigence de « vivre conformément à la nature » avait sans doute un sens natu­raliste chez Théophraste et, surtout, chez le platonicien Polémon. Mais quand Zénon s’empare de cette formule, elle change entièrement de signification. « Il est très arti­ficiel », a-t-on pu dire, « de poser en télos la vie conforme à la nature, puis, d’entendre par télos, lorsqu’il s’agit de l’homme, seulement la vie raisonnable». — Tout le stoïcisme est dans cet « artifice » ou, dirions-nous plus volontiers, dans ce pas­sage. Afin de parvenir à cette volonté tendue que réclame la sagesse, on part de ce mouvement « naturel », élémentaire et facile (si facile que même l’animal en est capable), qu’est la tendance. — La logique, qui devra nous porter aux som­mets de la dialectique et nous mettre en possession du critère, dont la juste application définit toute la vie du sage, part de cette connaissance aisée parce qu’elle n’est qu’un « état passif » — qu’est la représentation. Voilà certes un « point de départ » sensualiste, et donc « nettement sophistique ». Mais, ajoute avec raison E. Bréhier, « le point de départ seule­ment : ce qu’ils acceptent, c’est la méthode ; mais ils pré­tendent, par cette méthode, aboutir à des résultats tout autres … Ainsi le problème qu’ils ont à résoudre (et c’est ce qui fait le paradoxe de cette théorie) est le suivant : En se plaçant sur le terrain des sophistes, atteindre un critère de la vérité stable, immuable », le « paradoxe », ici, n’est autre que ce mouvement de passage. — Enfin la physique, qui nous enseignera l’ensemble de la vie cosmique et nous fera connaître les dieux, pourtant invisibles, prend son départ dans la réalité la plus immédiate et la plus facile à connaître, les corps ; de ce « matérialisme », on va vers une conception du corps entièrement pénétrée du Logos.

Il est clair qu’aucun de ces trois mouvements ne tend à ramener le supérieur à l’inférieur. Mais il y a conformité, cependant, conuenientia entre l’un et l’autre ; l’aboutissement est comme préfiguré dans le départ et, à l’inverse, la fin doit être « référée » au débuts.

Victor Goldschmidt, Le système stoïcien et l’idée de temps, Vrin, p. 56 – 57

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