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Sou vil, sou reles, como toda a gente
Não tenho ideais, mas não os tem ninguém.
Quem diz que os tem é como eu, mas mente.
Quem diz que busca é porque não os tem.
É com a imaginação que eu amo o bem.
Meu baixo ser porém não mo consente.
Passo, fantasma do meu ser presente,
Ébrio, por intervalos, de um Além.
Como todos não creio no que creio.
Talvez possa morrer por esse ideal.
Mas, enquanto não morro, falo e leio.
Justificar-me? Sou quem todos são…
Modificar-me? Para meu igual?…
— Acaba já com isso, ó coração!
Fernando Pessoa (Alvaro de Campos), Barrow on furness, I
*
Je suis vil, je suis bas, comme tout le monde,
Je n’ai pas d’idéal, mais personne n’en a.
Celui qui prétend en avoir est comme moi : il ment.
Celui qui prétend le chercher à plus forte raison n’en a pas.
C’est par l’imagination que j’aime le bien,
Mais la bassesse de mon être s’y refuse.
Je passe, fantôme de mon être présent,
Ivre, par instants, d’un Au-delà.
Comme tous je ne crois pas à ce que je crois.
Peut-être pourrai-je mourir pour un tel idéal.
Mais, tant que je ne meurs pas, je parle et je lis.
Me justifier? Je suis celui que tout le monde est …
Me changer ? Pour mon pareil ? …
Arrête ; ça suffit ô mon cœur !
trad. Michel Chandeigne et Pierre Léglise-Costa
*
Tout le problème est bien sûr de savoir de quel droit l’auteur (plus exactement l’hétéronyme auquel il donne la parole) affirme que tout le monde est comme lui. Comment peut-il bien le savoir ?
Et quand bien même tout le monde serait vil? Pourquoi sont-ils si rares ceux qui tiennent le discours qui nous est ici tenu ? Serait-ce que la plupart ne sont pas sincères ni même lucides quant à leur propre bassesse ? Mais alors peut-être y aurait-il bien, en dépit du contenu des énoncés, un idéal sous-jacent à leur énonciation : celui de la lucidité et de la sincérité.
A l’inverse, on pourrait faire valoir que l’incapacité à concevoir que d’autres hommes aient vraiment un idéal au motif qu’on est soi-même incapable d’en avoir un, est justement une forme suprême de bassesse. Ne serait-il pas plus digne de reconnaître sa propre bassesse sans chercher à s’en justifier en entraînant tout le monde au fond de son trou ? Cette hypothèse justifierait l’appel au silence qui clôt le poème.