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Pater Taciturnus

~ "Ton péché originel c'est d'ouvrir la bouche. Tant que tu écoutes tu restes sans tache"

Pater Taciturnus

Archives de Tag: trahison

Les trahisons amicales sont elles pardonnables ?

12 dimanche Déc 2021

Posted by patertaciturnus in Lectures, Perplexités et ratiocinations

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amitié, fidélité et trahison, Francis Bacon, héroïsme moral, pardon, trahison

« Cosme de Médicis, duc de Florence, eut un mot terrible contre les amis perfides et négligents, comme si c’étaient là des fautes impardonnables : « On lit, disait-il, qu’il nous est ordonné de pardonner à nos ennemis, mais il n’est écrit nulle part  que nous ayons l’ordre de pardonner à nos amis. » Néanmoins l’âme de Job était à un meilleur diapason lorsqu’il disait  : « Si l’on accepte le bien de la main de Dieu, ne doit on pas consentir à en accepter le malheur? » Il en va de même, proportions gardées, de nos amis. »

Francis Bacon, De la vengeance in Essais, Aubier Montaigne, p. 21

Cosme 1er de Médicis
(l’auteur de la citation rapportée par Bacon pourrait être Cosme II qui était son contemporain, mais j’ai choisi le plus beau gosse des deux pour illustrer cet article)

Il est un point sur lequel le mot de Cosme de Médicis touche juste : un mal donné est plus facile à pardonner quand il nous est infligé par une personne dont nous n’attendions aucun bien que lorsque nous le subissons du fait d’une personne dans laquelle nous avions placé notre confiance. Cependant cela ne suffit pas à trancher la question car ce n’est pas parce que c’est plus difficile à pardonner qu’il ne le faut pas (l’attitude de  l' »ami » après sa trahison étant vraisemblablement un élément à prendre en compte).

Job par Léon Bonnat

La transposition de la citation de Job proposée par Bacon  me laisse circonspect ; tout le problème réside en effet dans la clause de réserve « proportions gardées ». Dans le cas de Dieu,  c’est la référence à l’insondabilité de ses desseins qui permet de réduire la dissonance cognitive et de continuer à croire à sa bienveillance en dépit du mal subi. Soit dit en passant, s’il est bien question ici d’accepter le malheur que nous subissons de son fait, il n’y a pas lieu me semble-t-il de parler de pardon puisque le mal subi n’est pas compris comme l’effet d’une faute commise. Les desseins de nos amis ne sont pas aussi insondables que ceux de Dieu et il n’est pas toujours possible de continuer à croire en leur bienveillance quand nous avons subi un mal de leur fait. Inversement l’ami peut avoir une excuse dont ne dispose pas Dieu : n’étant pas omniscient il a pu nous faire du mal en voulant nous faire du bien. Si Bacon veut simplement nous signifier que l’ami peut n’être pas fautif du mal que nous subissons de son fait, il a  raison mais la comparaison avec Job ne nous éclaire guère sur l’identification des conditions dans lesquelles c’est le cas. Par ailleurs la référence à Job ne nous dit rien de l’attitude à adopter quand ce n’est pas la cas, c’est à dire lorsqu’il y a effectivement eu trahison. L’héroïsme moral de Job qui continue à faire confiance malgré tout pourrait cependant être défendue même dans ce cas (c’est-à-dire, même « proportions non gardées »). Qu’est ce qui peut pousser à rester fidèle à une amitié que l’autre a trahie, si ce n’est la sunk cost fallacy ? demandera-t-on.  L’héroïsme moral, ici comme ailleurs (par exemple dans la fable du colibri), repose sur le pari de sa valeur performative : afficher son héroïsme moral c’est faire appel à la moralité de l’autre : « regarde la confiance que je te fais malgré tout, comment ne désirerais tu pas la mériter ? ». Pari risqué !   

Après la trahison

25 samedi Juil 2015

Posted by patertaciturnus in Perplexités et ratiocinations

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amitié, compassion, La Rochefoucauld, trahison, tromperie

434. Quand nos amis nous ont trompés, on ne doit que de l’indifférence aux marques de leur amitié, mais on doit toujours de la sensibilité à leurs malheurs.

La Rochefoucauld, Maximes

*

Le registre prescriptif de cette maxime la distingue au sein d’un recueil où la tonalité dominante est descriptive. Les explications qui ne sont pas nécessaires lorsqu’il s’agit d’attirer notre attention sur des faits que chacun peut observer,  seraient ici bien utiles pour éclairer la raison d’être des normes énoncées. Il faut se risquer à interpréter.

La maxime contient deux prescriptions qu’on peut mettre en perspective ainsi : la première énonce qu’on ne peut (en droit) pas faire comme s’il n’y avait pas eu trahison, la seconde qu’on ne peut pas faire comme s’il n’y avait pas eu amitié avant la trahison.

La première prescription pourrait paraître inutile : on pourrait, en effet, faire valoir que lorsque notre confiance a été trompée il n’est pas en notre pouvoir de faire de nouveau confiance aux marques d’amitié même quand on voudrait le faire. Le propos de La Rochefoucauld n’est pas tant ici d’énoncer un objectif qu’il faudrait s’efforcer d’atteindre que d’énoncer une limite à nos obligations : on n’a pas à se faire violence pour donner davantage que de l’indifférence aux marques d’amitié. La tromperie a suspendu des obligations préexistantes.  Considérée sous un autre angle, cette première prescription peut paraître sévère si les marques d’amitié dont il est question reflètent un effort pour se faire pardonner et non pour faire comme si rien ne s’était passé. A-t-on le droit d’être indifférent à une volonté de rachat ? Le pardon est-il purement surérogatoire?

Mon interprétation spontanée de la deuxième prescription suppose qu’en conservant une sensibilité aux malheurs de celui qui a trahi on lui doit encore davantage qu’à un simple inconnu ; dans cette interprétation les obligations créées par l’amitié ne seraient pas complètement supprimées par la tromperie. On pourrait soutenir une autre interprétation dans laquelle devoir être sensible aux malheurs de l’autre c’est lui en devoir autant (mais pas moins) qu’à n’importe qui.   Quoiqu’il en soit c’est à la dé-liaison des obligations qu’il s’agit de mettre des limites : il s’agit de ne pas se laisser aller au ressentiment et à la Schadenfreude vengeresse. Reste à savoir, cette fois encore, dans quelle mesure cela dépend de nous.

Judéité

04 mercredi Mar 2015

Posted by patertaciturnus in Lectures

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Edmond Jabès, fidélité, judéité, trahison, universalisme

jabes3

Edmond Jabès (source de l’image)

 

«J’ai fait le tour.
J’ai tourné sur moi-même sans trouver le repos.

S’adressant à moi, mes frères de race ont dit :
« Tu n’es pas Juif. Tu ne fréquentes pas la synagogue. »

M’adressant à mes frères de race, j’ai répondu:
« Je porte la synagogue dans mon sein. »

S’adressant à moi, mes frères de race ont dit:
« Tu n’es pas juif. Tu ne pries plus. »

M’adressant à mes frères de race, j’ai répondu
« La prière est ma colonne vertébrale et mon sang. »

S’adressant à moi, mes frères de race ont dit
« Les rabbins dont tu cites les paroles sont des charlatans. Ont-ils jamais existé? Et tu t’es nourri de leurs paroles impies. »

M’adressant à mes frères de race, j’ai répondu
« Les rabbins dont je cite les paroles sont les phares de ma mémoire. — On ne se souvient que de soi. — Et vous savez que l’âme a, pour pétale, une parole. »

S’adressant à moi, le plus ancien de mes frères m’a dit:
« Nos fêtes de Pourim ne sont plus les fêtes de ton carnaval et de tes douceurs. Pâque n’est plus l’anniversaire de ta halte dans le désert et de ton passage dans la mer. Yom Kippour n’est plus la journée de ton jeûne.
Et quelles significations ont, maintenant, pour toi, ces dates cochées dans notre calendrier?
Renié des tiens, volé de ton héritage, qui es-tu?
Tu es Juif pour les autres et si peu pour nous. »

M’adressant au plus ancien de mes frères de race, j’ai répondu:
« J’ai, du Juif, la blessure. J’ai été, comme toi, circoncis le huitième jour de ma naissance. Je suis Juif, comme toi, par chacune de mes blessures.
Mais un homme ne vaut pas un homme? »

S’adressant à moi, le plus pondéré de mes frères de race m’a dit:
« Ne faire aucune différence entre un Juif et celui qui ne l’est pas, n’est-ce pas déjà ne plus être Juif? »

S’adressant à moi, mes frères de race ont poursuivi:
« La fraternité ne consiste pas à se mettre dans la peau de son voisin; mais, à partir de ce qu’il est, le vouloir tel qu’il devrait être, tel que les textes saints exigent qu’il soit, même au risque de lui nuire.
Le critère est le but. Les plus imaginatifs sont les plus fraternels.
L’intransigeance du croyant est pareille à une lame de rasoir dont le souci est d’être tranchante. »

Et ils ont ajouté:
« La fraternité, c’est donner, donner, donner et tu ne pourras jamais donner que ce que tu es. »

Me frappant la poitrine avec mon poing, j’ai pensé
« Je ne suis rien.
J’ai la tête tranchée.
Mais un homme ne vaut pas un homme?
Et le décapité, le croyant? »»

Edmond Jabès, Le livre des questions, Gallimard L’imaginaire, p. 67 – 69

Pas de jaloux

05 mercredi Fév 2014

Posted by patertaciturnus in Pessoa est grand

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Fernando Pessoa, rêve, trahison

« Certains ont dans leur vie un grand rêve, et ils le trahissent. D’autres n’ont pas dans leur vie le moindre rêve – et ils le trahissent tout autant. »

Pessoa, Le livre de l’intranquillité, p. 168

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