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Pater Taciturnus

~ "Ton péché originel c'est d'ouvrir la bouche. Tant que tu écoutes tu restes sans tache"

Pater Taciturnus

Archives de Tag: théodicée

Deux versions de la Chute

20 dimanche Juin 2021

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Blaise Pascal, Chute, Ernst Cassirer, Jean-Jacques Rousseau, théodicée

« Tous ces biens que l’humanité s’imagine avoir acquis dans le cours de son évolution, ces trésors préten­dument amassés, ceux de la science, de l’art, les joies d’une existence relevée et raffinée, sont réduits à rien par l’inexorable critique de Rousseau. Loin que ces biens aient pu renouveler la valeur et le contenu de la vie, ils n’ont fait que l’éloigner toujours davantage de sa source première et, en définitive, l’aliéner entièrement de son sens authentique. De ce point de vue, dans le tableau qu’il trace des formes de vie traditionnelles et conven­tionnelles, de l’existence de l’homme dans la société, Rousseau s’accorde étonnamment avec Pascal. Il est le premier penseur du XVIIIe siècle qui, de nouveau, prenne au sérieux les accusations pascaliennes, qui en sente tout le poids. Au lieu de les affaiblir, de les mettre au compte, comme fait Voltaire, de l’humeur masochiste d’un misanthrope irréaliste, il revient au cœur de la question. La description que donnaient les Pensées de Pascal de la grandeur et de la misère de l’homme se retrouve trait pour trait dans les premières œuvres de Rousseau, dans le Discours sur les arts et les sciences et le Discours sur l’inégalité. Comme Pascal, Rousseau ne voit dans les colifichets dont la civilisation a pourvu les hommes qu’illusion et futilité. Comme lui, il insiste sur le fait que toute cette richesse n’a d’autre rôle que d’aveugler l’homme sur sa pauvreté intérieure. L’homme ne se fuit lui-même dans le monde, dans la société, dans une foule d’occupations et de divertissements disparates que parce qu’il ne supporte pas sa propre présence, parce qu’il appréhende sa propre vue. Toute cette agitation inces­sante et vaine ne vient que de la peur du repos. Car s’il pouvait rester en place un seul instant afin de prendre véritablement conscience de lui-même, de reconnaître tout ce qu’il est, l’homme s’abandonnerait au plus profond désespoir. Quant aux forces qui, dans l’état présent, empirique de la société, rapprochent et unissent les hommes, le jugement de Rousseau n’est pas non plus différent de celui de Pascal. Il ne cesse d’insister sur ce point : il n’y a nulle part un éthos primitif, une volonté de vivre en commun dans une unité véritable, aucune sympathie naturelle n’unit les hommes les uns aux autres. Tous les liens sociaux ne sont que leurres. Amour-propre et vanité, volonté de dominer autrui et de se mettre en avant : telles sont les véritables chaînes qui retiennent la société humaine.

Tous, avec un beau vernis de paroles, tâchent en vain de donner le change sur leur vrai but ; aucun ne s’y trompe, et pas un n’est la dupe des autres, quoique tous parlent comme lui. Tous cherchent leur bonheur dans l’apparence, nul ne se soucie de la réalité. Tous mettent leur être dans le paraître : tous, esclaves et dupes de l’amour-propre, ne vivent point pour vivre mais pour faire croire qu’ils ont vécu[1].

Rousseau accorde donc à Pascal toutes les prémisses sur lesquelles celui-ci avait fondé son argumentation. Jamais il ne cherche à embellir ou à affaiblir : il dépeint comme lui l’état présent de l’humanité comme l’état de la plus profonde dégradation. Cependant, autant il reconnaît le phénomène dont est parti Pascal, autant il se refuse à admettre les explications proposées par la métaphysique mystique et religieuse de Pascal. Ses sentiments comme sa pensée se révoltent contre l’hypothèse d’une perversion originelle de la volonté humaine. Pour lui comme pour toute son époque, l’idée de péché originel a perdu toute force et toute valeur. Sur ce point, il n’a pas combattu le système orthodoxe moins sévèrement et radicalement que n’ont fait Voltaire et les penseurs de l’Encyclopédie. C’est même à ce propos, justement, qu’il s’est produit entre lui et la doctrine ecclésiastique un conflit sans merci et une rupture définitive. Dans le jugement qu’elle a prononcé sur l’œuvre de Rousseau, l’Église a du reste aussitôt dégagé, en toute lucidité, cette question centrale comme le seul point véritablement critique. Le mandement par lequel Christophe de Beaumont, archevêque de Paris, condamne l’Émile précise, en effet, que la thèse de Rousseau soutenant que les premiers instincts de la nature humaine sont toujours innocents et bons se trouve en contradiction absolue avec tout ce que l’Écriture et l’Église ont toujours enseigné de la nature de l’homme. Rousseau, effectivement, affronte un dilemme, auquel il ne cherche pas, du reste, d’échappatoire. Car, s’il recon­naît le fait que l’homme est « dégénéré », s’il dépeint cette dégénérescence avec une rigueur toujours plus grande et des couleurs toujours plus noires, comment peut-il n’en pas reconnaître la cause, comment peut-il échapper à la conclusion que l’homme est « radicale­ment mauvais » ? Rousseau s’arrache à ce dilemme en introduisant sa doctrine de la nature et de l’« état de nature ». Dans tout jugement que nous portons sur l’homme, il nous faut distinguer avec le plus grand soin si notre énoncé porte sur l’homme de la nature ou sur l’homme de la culture — s’il s’agit de l’« homme natu­rel » ou de l’« homme artificiel ». Alors que Pascal expliquait les insolubles contradictions que nous pré­sente la nature humaine en disant que, d’un point de vue métaphysique, nous avions affaire à une double nature, pour Rousseau, cette double nature et le conflit qui en résulte résident au sein même de l’existence empirique, dans le développement empirique de l’homme. C’est ce développement qui a poussé l’homme dans le carcan de la société, le vouant ainsi à tous les maux moraux, qui a nourri en lui tous les vices, vanité, orgueil, soif inextin­guible de pouvoir. « Tout est bien, dit Rousseau au début de l’Émile, en sortant des mains de l’Auteur des choses ; tout dégénère entre les mains de l’homme. » Dieu est donc disculpé et la responsabilité de tous les maux revient à l’homme. Mais cette faute appartient à ce monde, non à l’au-delà, elle n’est pas antérieure à l’exis­tence historique empirique de l’humanité, elle est appa­rue en même temps qu’elle : c’est pourquoi il nous faut chercher sur ce seul terrain la solution et la libération. Aucun secours d’en haut, aucune assistance surnaturelle ne peut nous apporter la libération : nous devons l’ac­complir et en répondre nous-mêmes. Cette conclusion va indiquer à Rousseau la voie nouvelle qu’il suivra sans dévier d’une ligne dans ses œuvres politiques.

La théorie éthico-politique de Rousseau situe la res­ponsabilité en un lieu où nul, jusqu’alors, n’avait songé à la chercher. Ce qui constitue la véritable importance historique et la valeur théorique de sa doctrine, c’est qu’elle crée un nouveau sujet d’« imputabilité » qui n’est pas l’homme individuel mais la société humaine. L’indi­vidu comme tel, sortant des mains de la nature, n’est pas encore en mesure de choisir le bien ou le mal. Il s’aban­donne à son instinct naturel de conservation ; il est dominé par l’« amour de soi », mais cet amour de soi n’a pas encore viré à l’« amour-propre » qui ne se complaît et ne s’assouvit que dans l’oppression d’autrui. De cette sorte d’amour-propre, la société porte la responsabilité exclusive. C’est elle qui fait de l’homme un tyran contre la nature et contre soi-même. Elle éveille en lui des besoins et des passions que l’homme naturel n’a jamais connus et lui met entre les mains des moyens toujours nouveaux de les assouvir sans limite et sans frein. La soif de faire parler de soi, la rage de se distinguer d’autrui : tout cela ne cesse de nous rendre étrangers à nous-mêmes, de nous porter en quelque sorte hors de nous-mêmes’. Mais cette aliénation est-elle vraiment inscrite dans la nature de toute société ? N’est-il pas possible de concevoir une communauté réellement humaine qui n’aurait plus besoin du ressort de la force, de la cupidité et de la vanité, qui se fondrait entièrement sur la soumis­sion de tous à une loi reconnue intérieurement comme contraignante et nécessaire ? Telle est la question que Rousseau se pose et qu’il va tâcher de résoudre dans le Contrat social. A supposer que s’effondre la forme oppressive de société qui a prévalu jusqu’à nos jours et qu’à sa place surgisse une nouvelle forme de commu­nauté éthique et politique, une société au sein de laquelle chacun, au lieu d’être soumis à l’arbitraire d’autrui, n’obéirait qu’à la volonté générale qu’il connaîtrait et reconnaîtrait pour sienne — l’heure de la libération n’aurait-elle pas sonné ? Mais c’est en vain qu’on attend d’être affranchi du dehors. Nul dieu ne nous apportera la délivrance : tout homme doit devenir son propre sauveur et, en un sens éthique, son propre créateur. La société, sous la forme qui sévit encore, a porté à l’humanité ses blessures les plus cruelles : c’est elle qui peut et qui doit guérir ces mêmes blessures par sa propre rénovation. Telle est la solution qu’apporte au problème de la théodicée la Philosophie du Droit de Rousseau. Il est de fait qu’il a situé ce problème sur un terrain entièrement nouveau, le faisant passer du plan de la métaphysique au centre de l’éthique et de la politique. »

Ernst Cassirer, La philosophie des Lumières, p. 216 -220

[1] Rousseau, Rousseau juge Jean-Jacques, 3* Dialogue

Lors du jugement dernier, invoqueras-tu la nullité de la procédure ?

26 mercredi Juil 2017

Posted by patertaciturnus in Lectures, Mysticismes, Perplexités et ratiocinations

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Dieu, Djalâl ad-Dîn Rûmî, théodicée, théologie

« Quand Adam pécha, Dieu le Très Haut le chassa du Paradis. Dieu dit à Adam : « quand je t’ai réprimandé et châtié pour ce péché, pourquoi n’as-tu pas discuté avec Moi ? Tu avais des raisons de le faire, pourtant, tu n’as pas dit : « Tout vient de Toi et c’est Toi qui fais tout ce que Tu veux dans le monde, et ce que tu ne veux pas ne se réalise jamais. »  Tu disposais de ce raisonnement clair et exact, pourquoi ne l’as tu pas exposé? » Adam répondit : « O mon Dieu, je le savais, mais je n’ai pas renoncé à la politesse envers Toi, et l’amour m’a empêché de T’adresser des reproches. »

Djalâl ad-Dîn Rûmî, Le Livre du dedans
trad. Vitray-Meyerovitch, Actes Sud, Babel, p. 137-138

*

Add. le 29/07/17

Peut-être vaut-il la peine que je surmonte ma paresse estivale pour expliquer en quoi je trouve ce texte très digne d’intérêt.

Tout d’abord ce texte me frappe en ce qu’il fait se croiser deux registres de discours : le religieux et le métaphysique, que je définis de la manière suivante.

Relève du religieux ce qui est de l’ordre de l’interlocution entre Dieu et l’homme  : soit que l’homme s’adresse à Dieu (prière) soit qu’il écoute ce qu’il considère comme la parole de Dieu. Relève du métaphysique ce qui est de l’ordre du discours sur Dieu (par opposition au discours de  Dieu ou au discours à Dieu) ; Dieu est ici en position d’objet du discours et non d’interlocuteur. Cette opposition définie en terme de pronoms personnels (on aura peut-être reconnu la distinction faites par Martin Buber entre la relation Je-Tu et la relation Je-Il), me semble sous-jacente à la fameuse opposition pascalienne du Dieu des philosophes et du Dieu sensible au cœur. Le Dieu des philosophes c’est le Dieu dont on parle et non un Dieu à qui l’on parle.

En quoi cette distinction est-elle opérante dans ce texte ?  Il me semble que l’argument selon lequel Dieu, étant omniscient et omnipotent, il a d’une certaine manière voulu que l’homme pèche (ce qui met en cause sa justice : comment peut-il nous juger pour ce qu’il nous a fait faire?), appartient habituellement au registre métaphysique. D’ailleurs quand cet argument est évoqué, Dieu quitte sa position de juge auquel on confesse ses fautes et dont on attend le verdict pour se retrouver en position d’accusé dont certains métaphysiciens se feront les avocats (c’est ainsi que Leibniz se présente dans les Essais de Théodicée). Ce qui me frappe d’abord dans ce texte c’est que cet argument de métaphysicien  se trouve intégré dans la relation d’interlocution entre Dieu et Adam. Mais ce qui est plus étonnant encore c’est la manière dont il l’est  : on aurait pu imaginer qu’Adam utilise cet argument pour convaincre Dieu de ne pas le condamner et que Dieu réponde en déniant la validité de l’argument ; mais ce qui se passe au contraire c’est que Dieu reconnaît la validité de l’argument et demande à Adam pourquoi il n’en a pas fait usage. Imagine-ton qu’un juge après avoir prononcé la condamnation demande à l’accusé pourquoi il ne l’a pas fait récuser alors qu’il aurait pu le faire ? Le fait de valider l’argument peut paraître très étonnant, car si Dieu sait qu’il est valide comment a-t-il pu condamner tout de même Adam ? Sur ce point aucune explication ne nous est donnée, ce qui signifie que le propos de ce texte n’est pas de nous proposer une solution métaphysique nouvelle au problème de la théodicée. L’essentiel est dans la réponse d’Adam : s’il n’a pas fait valoir l’argument métaphysique le déresponsabilisant et incriminant Dieu, c’est par politesse et par amour envers Dieu. Là encore, imagine-t-on un accusé renoncer à se défendre (alors même qu’il risque une lourde peine) pour ne pas faire de peine au juge? Il me semble que le propos de ce texte est de donner Adam en modèle aux fidèles : comme Adam le fidèle doit s’abstenir de se défendre face à Dieu en l’accusant en retour. Certes ce n’est pas très original comme attitude religieuse ! Par ailleurs, on peut faire valoir qu’en reconnaissant comme valide l’argument « Dieu a d’une certaine manière voulu le péché », ce texte dissuade le croyant de se lancer dans les discussions métaphysiques pour réfuter cet argument.  S’il n’a pas à se faire son propre avocat contre Dieu, il n’a pas non plus à se faire l’avocat de Dieu.

Il est tentant de dire que ce texte propose une solution mystique à la difficulté signalée par Nietzsche  : « comment le Dieu juge pourrait-il aussi être objet d’amour ? ». Cette solution mystique consisterait à remplacer le Dieu juge par le Dieu objet d’amour, ou à dépasser la relation à Dieu comme juge vers la relation à dieu comme objet d’amour. Cependant il importe de noter que l’idée d’un Dieu juge n’est pas annulée (le Dieu-juge pourrait être présenté comme une représentation inadéquate reflétant un stade inférieur du parcours spirituel, or tel n’est pas le cas dans ce passage). On peut d’ailleurs concevoir un schéma (je ne me risquerai pas à affirmer que c’est la conception de Rûmî) dans lequel la relation au Dieu objet d’amour serait un moment de la relation au Dieu juge ; il consisterait à dire ceci : c’est en renonçant à se défendre face au juge (et contre lui) par amour pour lui qu’on obtiendrait sa miséricorde. On conviendra qu’il s’agirait là d’une bien étrange justice.

Problème de théodicée en dix quatrains

19 vendredi Août 2016

Posted by patertaciturnus in Aphorisme du jour, Divers vers

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Omar Khayyâm, théodicée

jugement dernierLe jour où fut scellé le coursier du ciel,
Où furent parés les pléiades et Jupiter ;
C’est ce jour là que la Cour du Destin fixa notre lot.
A qui donc la faute si telle est la part qui nous échut !

Omar Khayyâm, Robâiyât
trad Rezvanian : Quatrain n°8

La Plume ayant tracé mon destin à mon insu,
Pourquoi donc est-ce que l’on m’attribue le bien et le mal?
Hier, sans moi, aujourd’hui comme hier, sans moi ni toi ;
Pourquoi, demain, serai-je appelé devant le Juge suprême?

ibid. 112

C’est Toi le Créateur ; tu m’as créé tel que je suis :
Tout épris du vin et de la chanson.
Puisque c’est Toi qui m’as façonné ainsi au jour de la création,
Pourquoi donc m’as-Tu damné, pourquoi ?

ibid . 180

A nous le vin et l’aimée ; à vous le couvent et le temple.
Nous sommes promis au feu de l’enfer ; vous autres vous aurez votre place au paradis!
Dites ! Est-ce ma faute si au jour de la création,
Le Peintre éternel a ainsi croqué mon image sur la tablette céleste ?

ibid. 295

O Dieu ! c’est Toi qui a pétri mon argile, qu’y puis-je faire ?
Cette laine et ce lin, c’est toi qui les a filés, qu’y puis-je faire ?
Tout bien et tout mal qui procèdent de moi,
C’est Toi qui les a inscrits sur mon front, qu’y puis-je faire ?

ibid. 340

Bien que l’amour soit un fléau, ce fléau procède de la volonté de Dieu.
Ainsi, pourquoi les hommes reprennent-ils la volonté divine?
Si le bien et le mal commis par les créatures ont leur origine dans les décrets de la Providence,
Pourquoi, donc, dois-je rendre des comptes au Jour du jugement ?

ibid. 462

Le Chasseur éternel, après avoir tendu son piège
Y prit un gibier auquel il donna le nom d’Adam.
Bien qu’il soit à l’origine de tout bien et de tout mal perpétré ici-bas,
Il rend responsable tout un chacun !

ibid. 484

Lorsque Dieu a pétri l’argile de mon corps,
Il connaissait les actes auxquels je me livrerai.
Tout péché que je commets procède de son commandement.
Pourquoi donc me brûler au jour du jugement?

ibid. 505

C’est Toi qui sais arranger les affaires des vivants et des morts.
C’est Toi qui disposes de cette roue désordonnée des cieux,
Bien que je sois répréhensible, c’est Toi qui es mon maître.
A qui donc la faute ? N’est-Tu pas, Toi le Créateur ?

ibid. 540

Bac STMG option Théologie spéculative

12 lundi Oct 2015

Posted by patertaciturnus in Mon métier ma passion

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théodicée

Prof – Si vous croyez en un dieu auteur du destin, pourquoi est-ce que vous ne le considérez pas comme le vrai responsable de tout le mal dans le monde ?

Élève 1 – Peut-être qu’il ne peut pas faire autrement

Prof – Dieu lui même serait soumis à une espèce de destin ?

Elève 1 – Peut-être qu’il y a un autre dieu au dessus de lui qui lui fixe des limites …

…

Elève 2 – et puis le monde serait moins intéressant s’il n’y avait pas quelques méchants.

Tentations : la révélation

11 mardi Août 2015

Posted by patertaciturnus in Mysticismes, Perplexités et ratiocinations

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Catherine de Sienne, le diable et le Bon Dieu, tentation, théodicée

Pour y voir plus clair sur les débats  à propos de la tentation le mieux était de s’adresser à l’expert des experts, l’être omniscient : Dieu lui-même. Il se trouve qu’il a tenu, sur le sujet qui nous occupe, des propos très clairs dans une interview exclusive qu’il a accordé à Catherine de Sienne (entretiens publiés dans le Livre des dialogues, de cette dernière).

Lesser_Poland_St._Catherine_of_Siena

Notre intervieweuse est allée sur le terrain pour expérimenter personnellement les tentations. Source de l’image.

« En cette vie, j’ai placé [le démon] pour tenter, pour provoquer mes créatures, non pour que mes créatures soient vaincues, mais pour qu’elles triomphent de lui et reçoivent de moi la gloire de la victoire après avoir fourni la preuve de leur vertu. Personne ne doit avoir peur d’aucune bataille, d’aucun assaut du démon, parce que j’ai fait de tous des forts. Je leur ai donné une volonté intrépide, en la trempant dans le sang de mon Fils. Cette volonté, ni démon, ni aucune puissance créée ne la peut ébranler. Elle est à vous, uniquement à vous : c’est Moi qui vous l’ait donnée avec le libre arbitre. C’est donc à vous qu’il appartient d’en disposer, par votre libre arbitre, et de la retenir ou de lui lâcher la bride suivant qu’il vous plaît. La volonté, voilà l’arme que vous livrez vous-même aux mains du démon : elle est vraiment le couteau avec lequel il vous frappe, avec lequel il vous tue. Mais si l’homme ne livre pas au démon ce glaive de la volonté, je veux dire, s’il ne consent pas aux tentations, à ses provocations, jamais aucune tentation ne pourra le blesser et le rendre coupable de péché : elle le fortifiera au contraire, en éclairant son intelligence sur ma charité et en lui faisant comprendre que c’est par amour que je vous laisse tenter, pour vous faire aimer et pratiquer la vertu. Car l’on en vient à aimer la vertu que par la connaissance que l’on prend de soi-même et de moi. Et cette connaissance c’est surtout dans le temps de la tentation qu’elle s’acquiert. C’est alors que l’homme apprend bien qu’il n’est pas l’être même, puisqu’il ne peut faire disparaître des ennuis et des embarras qu’il souhaiterait pourtant d’éviter ; et il me connaît aussi Moi dans sa volonté, que ma Bonté rend assez forte pour ne pas consentir à ces pensées. Il voit bien que c’est ma charité qui en dispose ainsi : car le démon est faible ; il ne peut rien par lui-même, sinon qu’autant que je lui permets. Et moi, c’est par amour que je vous laisse tenter et non par haine, pour votre triomphe, non pour votre défaite ; et c’est pour que vous parveniez à la parfaite connaissance de vous-même et de moi ; c’est pour que votre vertu fasse ses preuves, et elle ne peut être éprouvée que par son contraire. »

Source : traduction publiée chez Téqui partiellement lisible ici.
voir le chapitre XIII, p. 142-143

*

Ce texte me paraît dispenser un enseignement qui converge avec celui de l’apophtegme XCI cité avant-hier, mais il est plus riche notamment du fait de l’introduction du thème de la connaissance de soi et de la connaissance de Dieu.  Un point qui me semble caractéristique de cette position qui valorise la tentation comme occasion de révéler sa vertu c’est qu’elle a pour conséquence logique – aux prix de redoutables problèmes de théodicée – l’attribution à Dieu de la responsabilité de la tentation. Dans l’apophtegme XCI cela se traduisait par le fait de prier Dieu d’ordonner qu’une lutte quelconque s’élève en nous, ce qui paraît étrange quand on se souvient que le tentateur est censé être l’Adversaire de Dieu. Dans le texte de Catherine de Sienne, le démon n’est pas éludé comme dans l’apophtegme sus-mentionné mais il est transformé en exécuteur inconscient de la volonté divine. On peut s’interroger sur la nécessité de poser cet acteur secondaire.

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