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Pater Taciturnus

~ "Ton péché originel c'est d'ouvrir la bouche. Tant que tu écoutes tu restes sans tache"

Pater Taciturnus

Archives de Tag: rupture

Rupture amicale

23 vendredi Avr 2021

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amitié, Gilles Tiberghien, rupture

« Quand un ami meurt, l’amitié ne meurt pas pour autant — elle en sort même parfois renforcée, voire exaltée. Mais quand on rompt avec un ami, quelque chose de notre sentiment de l’amitié disparaît avec lui, un aspect de nous-même que cette amitié avait rendu possible. Rien n’est pire : en rompant, l’ami diminue notre capacité à vivre une amitié nouvelle. Ce n’est pas tant par ce que nous perdons que pour ce que nous ne pouvons plus retrouver que la rupture est terrible, ou, si l’on préfère, cette perte prend tout son sens de l’avenir qu’elle obli­tère. Ce n’est pas dire que l’ami n’est que l’instrument de l’amitié, mais que, entre les deux, comme j’ai eu l’occasion de le dire, le rapport est dialectique. C’est en ce sens que la rupture, en amoindrissant nos possibles, nous diminue.

C’est bien ce qu’exprime l’anthropologue Malinowski dans son journal, lorsque, au début du siècle, exilé dans les îles Trobriand, il écrit : « Je suis terriblement déprimé et attristé par la faillite de cette amitié qui m’était essen­tielle, la plus précieuse de toutes. Ma réaction première qui consiste à me tenir responsable de tout, cette réaction prédomine, et je me sens capitis diminutio — un homme de peu, un homme diminué, de moindre valeur. Un ami n’est pas seulement une quantité ajoutée ; il a une valeur facto­rielle : il multiplie votre propre valeur individuelle. »[1] Et l’on comprend sa culpabilité : quand quelqu’un nous abandonne, auquel nous tenions plus que tout, l’idée nous aussitôt de le justifier et de mettre tous les torts de notre côté. Jusqu’au point où cela nous devient insupportable et où nous rejetons sur lui ce que nous avions d’abord voulu entièrement assumer. »

Gilles A. Tiberghien, Amitier, ed.Le félin, p. 164 -165

[1] Bronislaw Malinowski, Journal d’ethnographe, Paris, Seuil, coll. « Recherches anthropologiques », 1985, p. 48.

Amitier: Amazon.fr: Tiberghien, Gilles A.: Livres
La photo de couverture est tirée d’Il était une fois en Amérique, auquel l’auteur consacre justement un passage dans le chapitre consacré à la perte.

Anciens amis vs anciennes amours

22 jeudi Avr 2021

Posted by patertaciturnus in Lectures

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amitié, Gilles Tiberghien, rupture

Même si l’on peut reprocher à Aristote une vision intellectualiste de l’amitié qui valorise la raison en chacun et lui subordonne nos affects, il n’empêche que l’on peut trouver chez lui un sens profond de l’attachement aux amis dans certaines remarques ou interrogations, comme celle qui suit la question de savoir si nous devons nous comporter envers un ancien ami comme s’il n’avait jamais été notre ami : « Ne doit-on pas plutôt, se demande-t-il, conserver le souvenir de l’intimité passée, et nous montrer plus aimable pour des amis que pour des étrangers, ainsi également à ceux qui ont été nos amis, ne devons-nous pas garder encore quelque sentiment d’affection en faveur de notre amitié d’antan du moment que la rupture n’a pas eu pour cause un excès de perversité de leur part ? »

Il est probable que nous nous sentions en général plus proches d’une telle attitude. Car il y a dans l’amitié une sorte de reconnaissance fondamentale qui, même après la rupture, laisse une chance aux amis, non pas seulement pour comprendre ou pardonner mais pour revivre quelque chose auquel nous n’avons jamais tout à fait renoncé et qui rend les amis en nous toujours vivants, ou toujours prêts à revivre.

C’est là aussi sans doute une différence importante avec l’amour, en dépit de certaines apparences d’ailleurs. Proust écrit, à la fin de La Recherche : « Les femmes qu’on n’aime plus et qu’on rencontre après des années, n’y a-t-il pas entre elles et vous la mort, tout aussi bien que si elles n’étaient plus de ce monde, puisque le fait que notre amour n’existe plus fait de celles qu’elles étaient alors, ou de celui que nous étions, des morts ? » [1]. De sorte que le même cercle qui nous avait fait côtoyer un être au plus près et en pénétrer le plus intime nous en éloigne de façon hyperbolique au point de nous le rendre aussi étranger que s’il était mort. Le soupçon vient aussi à Proust que, si l’être que nous avons aimé nous apparaît tel, c’est peut-être qu’une partie de nous-même, qui s’était ainsi attachée à l’autre, s’est détachée de nous quand nous nous sommes séparés et nous apparaît désor­mais comme morte.

Dans l’amitié, il y a quelque chose auquel nous ne voulons pas renoncer malgré tout. Quand l’occasion nous est donnée de nous « réconcilier », de « renouer » un lien longtemps distendu, nous manquons rarement de la saisir ; ce mouve­ment en tout cas nous semble beaucoup plus évident que celui qui tendrait à renouer un lien amoureux dont on voit mal, une fois qu’il est désaffecté, comment en retrouver la force première. »

Gilles A. Tiberghien, Amitier, ed.Le félin, p. 158-160

*

A qui s’étonnerait de l’orthographe du titre de l’ouvrage, il ne s’agit pas d’une des nombreuses coquilles qu’on peut relever sur ce blog mais d’un néologisme forgé par l’auteur, le verbe « amitier » est censé être à l’amitié ce qu’aimer est à l’amour.

La question des devoirs envers les anciens amis après une trahison a été envisagée ici à partir d’une maxime de La Rochefoucauld.

[1] Proust, À la recherche du temps perdu, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1954, t. III, p. 695.

Les amants

03 mercredi Avr 2019

Posted by patertaciturnus in Divers vers

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Hölderlin, rupture

Die Liebenden

Trennen wollten wir uns, wähnten es gut und klug;
        Da wirs taten, warum schröckt’ uns, wie Mord, die Tat?
                  Ach! wir kennen uns wenig,
                            Denn es waltet ein Gott in uns.

Hölderlin

*

Les amants

Nous séparer, c’est nous qui l’avions décidé, l’estimant bon et sage ;
Alors, pourquoi l’accomplissant, l’acte fut-il affreux comme un assassinat?
Hélas nous nous connaissons peu
Car règne en nous un dieu.

trad. Armel Guerne

Quand la bergère

12 jeudi Avr 2018

Posted by patertaciturnus in Paroles et musiques

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rupture

Que vais-je te laisser en souvenir?

16 samedi Déc 2017

Posted by patertaciturnus in Divers vers

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Anna Akhmatova, rupture, souvenir

Toi-même tu le sais : je ne vais pas fêter
Le jour très amer de notre rencontre.
Que vais-je te laisser en souvenir?
Mon ombre ? Que ferais-tu de mon ombre?
La dédicace d’un drame que j’ai brûlé
Et dont la cendre a disparu ?
Ou bien ce terrible portrait de l’an nouveau
Qui vient de sortir de son cadre?
Ou le frisson à peine audible
Des bouleaux dans les coins perdus?
Ou bien ce faute de temps
Nous n’avons pas dit sur l’amour des autres?

Anna Akhmatova, Cinque, 4

Stratégie de rupture

23 jeudi Mar 2017

Posted by patertaciturnus in Lectures

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Cesare Pavese, rupture

Dimanche dernier nous avons appris avec Heine à interpréter les longues lettres de rupture amoureuse, aujourd’hui apprenons avec Pavese à interpréter les conduites brutales dans les mêmes circonstances.

« Il y a un type d’homme qui ne peut pas supporter de quitter une femme ou, en général, une personne avec laquelle il est entré dans un rapport jaloux, sans lui claquer la porte au nez.
Je ne crois pas que ce soit de la méchanceté. C’est simplement le besoin de faire bruyamment, de manière totalitaire ce qui, autrement, semblerait seulement approximatif et non certain.
C’est de la faiblesse. Cela consiste à s’attacher aux symboles extérieurs de la séparation (gros mots, gifles, gestes, scandales) par pur manque de confiance à l’égard de sa propre résolution intime.
C’est la peur d’être couillonné et de se voir remis dans la situation d’avant — auquel cas, tous les tourments que la séparation a pourtant causés seraient lamentablement vains et en pure perte.
Ce n’est pas de la méchanceté. Mais il est certain que toutes les méchancetés naissent de là, puisque elles naissent toutes de l’ambition frustrée. »

Cesare Pavese, Le métier de vivre, 16 juin 1938

Exercice : trouver une manière de rompre qui ne puisse pas être interprétée comme signe d’une incertitude sur la volonté de rompre.

Pourquoi il faut rompre par SMS …

19 dimanche Mar 2017

Posted by patertaciturnus in Divers vers, Perplexités et ratiocinations

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correspondance, Heinrich Heine, interprétation, rupture

… parce que cela permet une parfaite adéquation de la forme du message à son contenu. Inversement la forme de la longue lettre est manifestement inadéquate ainsi que Heine le montre dans le poème qui suit :

Der Brief, den du geschrieben,
Er macht mich gar nicht bang;
Du willst mich nicht mehr lieben,
Aber dein Brief ist lang.

Zwölf Seiten, eng und zierlich!
Ein kleines Manuskript!
Man schreibt nicht so ausführlich,
Wenn man den Abschied gibt.

Neuer Frühling XXXIV, Neue Gedichte

*

La lettre que tu as écrite
Ne me fait point peur du tout ;
Tu prétend ne plus m’aimer
Et pourtant la lettre est longue.

Douze pages d’écriture fine et gracieuse!
Un vrai petit manuscrit !
On n’écrit pas avec tant de minutie
Quand on vous congédie.

Nouveau printemps XXXIV, in Nouveaux poèmes
trad. Anne-Sophie Arstrup et Jean Guégan

*

La manière dont le poète décèle que la forme dit le contraire du contenu n’est pas sans évoquer le type d’interprétation du style que Freud proposera [1]. Certes on ne peut pas exclure que le destinataire de la lettre prenne ses désirs pour des réalités en interprétant la longueur du courrier comme le symptôme du désir inconscient de continuer la relation [2] ; la longueur de la lettre peut en effet s’interpréter autrement : si l’auteur de la lettre semble vouloir dire tout ce qu’il a sur le cœur, cela peut-être au contraire pour passer plus facilement à autre chose en se « purgeant ». Quoi qu’il en soit, si vous souhaitez vraiment rompre mieux, vaut ne pas laisser l’autre raccrocher ses espoirs à des interprétations de ce genre. Si ce sont des considérations éthiques qui vous retiennent de rompre par SMS, je vous invite à méditer l’enseignement de Kierkegaard qui expliquait que la goujaterie était parfois une forme supérieure de délicatesse.

[1] Dans la Psychopathologie de la vie quotidienne, Freud interprète le style « embarrassé » comme le symptôme d’un conflit entre l’intention consciente qui préside à l’écriture de la lettre et des désirs inconscients qui s’y opposent :

« Nous devons (et nous avons l’habitude de le faire) introduire, jusque dans l’appréciation du style dont se sert un auteur, le principe d’explication qui nous est indispensable, lorsque nous voulons remonter aux causes d’un lapsus isolé. Une manière d’écrire claire et franche montre que l’auteur est en accord avec lui-même, et toutes les fois où nous rencontrons un mode d’expression contraint, sinueux, fuyant, nous pouvons dire, sans risque de nous tromper, que nous nous trouvons en présence d’idées compliquées, manquant de clarté,, exposées sans assurance, comme avec une arrière pensée critique. » (p. 127 -128)

[2] On peut aussi envisager que l’auteur de la lettre agisse consciemment en disant par la forme le contraire du contenu. On aurait dans ce cas une forme particulièrement retorse de communication non-ostensive.

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