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« L’enfant qui se tait est mille fois plus sage que Marc-Aurèle qui parle (Maeterlinck ajoute il est vrai que l’enfant ne serait peut-être pas aussi sage si Marc-Aurèle n’avait pas parlé).
Robert Musil, Journaux, Tome 2 p.78
01 mardi Juin 2021
Posted Aphorisme du jour
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« L’enfant qui se tait est mille fois plus sage que Marc-Aurèle qui parle (Maeterlinck ajoute il est vrai que l’enfant ne serait peut-être pas aussi sage si Marc-Aurèle n’avait pas parlé).
Robert Musil, Journaux, Tome 2 p.78
26 lundi Avr 2021
Posted Lectures
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Travail en commun. Certaines gens n’apprennent pas dans la solitude, mais grâce aux échanges d’idées. Peut-être même est-ce la méthode la plus féconde. Il est vrai qu’elle confine souvent au dilettantisme , du moins pour tous les objets qui ne sont pas au centre de nos intérêts. Elle assure en tous cas l’harmonie des capacités, l’élégance du comportement intellectuel. Ainsi pratiquait-on en Grèce la politique, l’art de gouverner et autres choses semblables.
Les hommes de cette espèce peuvent croire au mythe ; soit parce que la communauté entière croyait dans une belle harmonie, parce que croire était un raffinement de société, soit parce que les réflexions qui minent la croyance supposent des critiques solitaires. Le mythe a donc disparu avec le développement de l’individualisme. Naturellement, il se peut que les deux choses aient en commun une troisième cause.
Robert Musil, Journaux I, trad. Philippe Jaccottet, Seuil 1981, p. 223
21 lundi Sep 2015
Posted Fantaisie
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« Ulrich avait été subjugué par l’extravagance de la main féminine, cet organe somme toute indécent qui, comme la queue des chiens, touche à tout, mais n’en est pas moins officiellement le siège de la fidélité, de la noblesse et de la tendresse. »
Robert Musil, L’homme sans qualités, Seuil, trad. Jaccottet, p. 116
30 jeudi Juil 2015
Posted Aphorisme du jour
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« Si la bêtise ne ressemblait pas à s’y méprendre au progrès, au talent,à l’espoir ou au perfectionnement, personne ne voudrait être bête »
Robert Musil, L’homme sans qualité I chap. 16
19 dimanche Juil 2015
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« C’est une chose étrange que les pensées. Elles ne sont souvent rien de plus que des accidents qui disparaissent sans laisser de traces, elles ont leurs temps morts et leurs saisons florissantes. On peut faire une découverte géniale et la voir néanmoins se faner lentement dans vos mains, telle une fleur. La forme en demeure, mais elle n’a plus ni couleur, ni parfum. C’est-à-dire que l’on a beau s’en souvenir mot pour mot, que sa valeur logique peut bien être intacte, elle ne rôde plus qu’à la surface de notre être, au hasard, et sans nous enrichir. Jusqu’à ce que revienne soudain – quelques années plus tard peut-être – un moment où nous prenons conscience que dans l’intervalle, même si notre logique a paru en tenir compte, nous avons complètement négligé sa présence.
Oui, il est des pensées mortes et des pensées vivantes. La pensée qui se meut à la surface, dans la clarté, celle que l’on peut à tout moment ressaisir par les pinces de la causalité n’est pas nécessairement la plus vivante. Une pensée croisée sur ces chemins là vous demeure indifférente comme le premier venu dans une colonne de soldats. Une pensée qui peut avoir traversé depuis longtemps notre cerveau ne devient vivante qu’au moment où quelque chose qui n’est plus de la pensée, qui ne relève plus de la logique, s’y ajoute : de sorte que nous éprouvons sa vérité indépendamment de toute preuve, comme si elle avait jeté l’ancre dans la chair vivante, irriguée de sang … Une grande découverte ne s’accomplit que pour une part dans la région éclairée de la conscience ; pour l’autre part, elle s’opère dans le sombre humus intime, et elle est avant tout un état d’âme à la pointe extrême duquel s’ouvre comme une fleur. »
Robert Musil, Les désarrois de l’élève Törless
trad. P. Jacottet, Seuil, Points roman, p. 231 – 232
03 vendredi Juil 2015
Posted Lectures
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« A son âge, l’enfant qui fréquente le lycée a lu Goethe, Schiller, Shakespeare, peut-être même déjà quelques modernes. Ces lectures à peine digérées, ressortent automatiquement par le bout de la plume. Naissent alors de grandes tragédies romaines, ou des poèmes ultra-sensibles qui cheminent dans le vêtement d’une typographie extrêmement « aérée » comme dans une robe de la plus fine dentelle : ouvrages en soi ridicules, mais d’une valeur inestimable pour assurer le développement intérieur. Car ces associations importées, ces sentiments empruntés aident les jeunes gens à franchir le terrain psychique si dangereusement mouvant de ces années où l’on voudrait tant être quelqu’un alors qu’on n’en a pas encore les moyens. Peu importe qu’il en reste chez l’un quelque trace et rien chez l’autre : nul doute que, plus tard, chacun ne trouve un accommodement avec soi-même et le risque se limite à cette période de transition. Réussirait-on à faire comprendre alors à un jeune homme le ridicule de son personnage, le sol lui manquerait sous les pieds, ou il s’écroulerait comme un somnambule réveillé en sursaut qui ne voit plus nulle part que le vide. »
Robert Musil, Les désarrois de l’élève Törless
trad. P. Jacottet, Seuil, Points roman, p. 17 – 18
25 lundi Août 2014
Posted Food for thought, Lectures
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Ulrich enveloppa dans la sienne la main de sa sœur. « Tu m’as entièrement changé, répondit-il. Peut-être ai-je de l’influence sur toi, mais en réalité c’est toi encore qui flue à travers moi! »
Agathe frotta sa main contre celle qui l’enveloppait. « Au fond tu ne me connais pas du tout! dit-elle.
– La connaissance des être m’importe peu, répondit Ulrich. La seule chose qu’on doive savoir d’un être, c’est s’il féconde nos pensées. Il ne devrait pas y avoir d’autres connaissances des humains!
– Mais comment suis-je réellement? demanda Agathe.
– Justement tu n’est pas réelle, répondit Ulrich en riant. Je te vois comme j’ai besoin de toi, et tu me fais voir ce dont j’ai besoin. Qui donc pourrait dire sans difficulté, dans ces circonstances, où est le commencement, le fondement? Nous sommes un ruban flottant dans l’air. »
Agathe éclata de rire et dit « Si je te déçois, ce sera donc ta faute?
– Sans doute dit Ulrich. Il y a des hauteurs où faire une distinction entre : Je me suis trompé sur ton compte et Je me suis trompé sur mon propre compte, n’a plus de sens. Par exemple dans la foi, dans l’amour et dans la magnanimité. Quiconque agit par magnanimité ou, comme on dit aussi, avec grandeur, ne se préoccupe ni des illusions, ni de sa sécurité. Il est même bien des choses qu’il ne doit pas souhaiter de savoir, il ose le saut par dessus le mensonge… »
J’aime beaucoup cet extrait de L’homme sans qualités (ed. Seuil, trad. Jaccottet, p. 600) qui développe deux thèmes déjà évoqué sur ce blog (via des citations comme il se doit) : d’une part l’importance d’autrui pour « féconder nos pensées », d’autre part le lien entre cette capacité d’inspiration et la méconnaissance de l’autre.