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25 lundi Nov 2019
Posted Divers vers, Paroles et musiques
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25 vendredi Oct 2019
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Non, l’amour n’est pas mort en ce cœur et ces yeux et cette bouche
qui proclamait ses funérailles commencées.
Écoutez, j’en ai assez du pittoresque et des couleurs et du charme.
J’aime l’amour, sa tendresse et sa cruauté.
Mon amour n’a qu’un seul nom, qu’une seule forme.
Tout passe. Des bouches se collent à cette bouche.
Mon amour n’a qu’un nom, qu’une seule forme.
Et si quelque jour tu t’en souviens
Ô toi, forme et nom de mon amour,
Un jour sur la mer entre l’Amérique et l’Europe,
À l’heure où le rayon final du soleil se réverbère sur la surface ondulée des vagues,
ou bien une nuit d’orage sous un arbre dans la campagne,
ou dans une rapide automobile,
Un matin de printemps boulevard Malesherbes,
Un jour de pluie,
À l’aube avant de te coucher,
Dis-toi, je l’ordonne à ton fantôme familier, que je fus seul à t’aimer davantage
et qu’il est dommage que tu ne l’aies pas connu.
Dis-toi qu’il ne faut pas regretter les choses : Ronsard avant moi
et Baudelaire ont chanté le regret des vieilles et des mortes
qui méprisèrent le plus pur amour.
Toi quand tu seras morte
Tu seras belle et toujours désirable.
Je serai mort déjà, enclos tout entier en ton corps immortel, en ton image étonnante
présente à jamais parmi les merveilles perpétuelles de la vie et de l’éternité,
mais si je vis
Ta voix et son accent, ton regard et ses rayons,
L’odeur de toi et celle de tes cheveux et beaucoup d’autres choses encore vivront en moi,
Et moi qui ne suis ni Ronsard ni Baudelaire,
Moi qui suis Robert Desnos et qui pour t’avoir connue et aimée,
Les vaux bien ;
Moi qui suis Robert Desnos, pour t’aimer
Et qui ne veux pas attacher d’autre réputation à ma mémoire sur la terre méprisable.
Robert Desnos, A la mystérieuse
10 jeudi Oct 2019
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J’ai tant rêvé de toi que tu perds ta réalité.
Est-il encore temps d’atteindre ce corps vivant et de baiser sur cette
bouche la naissance de la voix qui m’est chère?
J’ai tant rêvé de toi que mes bras habitués en étreignant ton ombre à se
croiser sur ma poitrine ne se plieraient pas au contour de ton corps, peut-être.
Et que, devant l’apparence réelle de ce qui me hante et me gouverne
depuis des jours et des années je deviendrais une ombre sans doute,
Ô balances sentimentales.
J’ai tant rêvé de toi qu’il n’est plus temps sans doute que je m’éveille.
Je dors debout, le corps exposé à toutes les apparences de la vie et
de l’amour et toi, la seule qui compte aujourd’hui pour moi, je
pourrais moins toucher ton front et tes lèvres que les premières
lèvres et le premier front venu.
J’ai tant rêvé de toi, tant marché, parlé, couché avec ton fantôme qu’il ne
me reste plus peut-être, et pourtant, qu’à être fantôme parmi les
fantômes et plus ombre cent fois que l’ombre qui se promène et se
promènera allègrement sur le cadran solaire de ta vie.
Robert Desnos, A la mystérieuse
13 mardi Août 2019
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Pater noster
Notre paire quiète, ô yeux !
que votre « non » soit sang (t’y fier ?)
que votre araignée rie,
que votre vol honteux soit fête (au fait)
sur la terre (commotion).
Donnez-nous, aux joues réduites,
notre pain quotidien.
Part, donnez-nous, de nos œufs foncés
comme nous part donnons
à ceux qui nous ont offensés.
Nounou laissez-nous succomber à la tentation
et d’aile ivrez-nous du mal.
Robert Desnos, L’aumonyme (1923)
Notre Père qui êtes au cieux
Restez-y
Et nous nous resterons sur la terre
Qui est quelquefois si jolie
Avec ses mystères de New York
Et puis ses mystères de Paris
Qui valent bien celui de la Trinité
[…]
Jacques Prévert, Pater noster , in Paroles
*
Ave maria
[…]
Nocturne visiteuse,
Dieu croit en moi!
— Je vous salue, gracieuse de plénitude,
les entrailles de votre fruit sont bénies.
[…]
Robert Desnos, Cœur en bouche
Je vous salis ma rue
et je m’en excuse
un homme-sandwich m’a donné un prospectus
de l’Armée du Salut
je l’ai jeté
et il est là tout froissé
dans votre ruisseau
et l’eau tarde à couler
Pardonnez-moi cette offense
les éboueurs vont passer
avec leur valet mécanique
et tout sera effacé
Alors je dirai
je vous salue ma rue pleine d’ogresses
charmantes comme dans les contes chinois
et qui vous plantent au cœur
l’épée de cristal du plaisir
dans la plaie heureuse du désir
Je vous salue ma rue pleine de grâce
l’éboueur est avec nous.
Jacques Prévert, Je vous salis ma rue, in Fatras
03 samedi Août 2019
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La colombe de l’arche
Maudit !
soit le père de l’épouse
du forgeron qui forgea le fer de la cognée
avec laquelle le bûcheron abattit le chêne
dans lequel on sculpta le lit
où fut engendré l’arrière-grand-père
de l’homme qui conduisit la voiture
dans laquelle ta mère
rencontra ton père.
Robert Desnos, Langage cuit
27 samedi Juil 2019
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Un jour qu’il faisait nuit
Il s’envola au fond de la rivière.
Les pierres en bois d’ébène, les fils de fer en or et la croix sans branche.
Tout rien.
Je la hais d’amour comme tout un chacun.
Le mort respirait de grandes bouffées de vide.
Le compas traçait des carrés et des triangles à cinq côtés.
Après cela il descendit au grenier.
Les étoiles de midi resplendissaient.
Le chasseur revenait carnassière pleine de poissons
Sur la rive au milieu de la Seine.
Un ver de terre, marque le centre du cercle sur la circonférence.
En silence mes yeux prononcèrent un bruyant discours.
Alors nous avancions dans une allée déserte où se pressait la foule.
Quand la marche nous eut bien reposé
nous eûmes le courage de nous asseoir
puis au réveil nos yeux se fermèrent
et l’aube versa sur nous les réservoirs de la nuit.
La pluie nous sécha.
Robert Desnos, Langage cuit
12 vendredi Juil 2019
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P’oasis
Nous sommes les pensées arborescentes qui fleurissent sur les chemins des jardins cérébraux.
– Sœur Anne, ma Sainte Anne, ne vois-tu rien venir… vers Sainte-Anne ?
– Je vois les pensées odorer les mots.
– Nous sommes les mots arborescents qui fleurissent sur les chemins des jardins cérébraux. De nous naissent les pensées.
– Nous sommes les mots arborescents qui fleurissent sur les chemins des jardins cérébraux. Les mots sont nos esclaves.
– Nous sommes
– Nous sommes
– Nous sommes les lettres arborescentes qui fleurissent sur les chemins des jardins cérébraux. Nous n’avons pas d’esclaves.
– Sœur Anne, ma sœur Anne, que vois-tu venir vers Sainte-Anne ?
– Je vois les Pan C
– Je vois les crânes KC
– Je vois les mains DCD
– Je les M
– Je vois les pensées BC et les femmes ME
et les poumons qui en ont AC de l’RLO
poumons noyés des ponts NMI
Mais la minute précédente est déjà trop AG.
– Nous sommes les arborescences qui fleurissent sur les déserts des jardins cérébraux.
Robert Desnos, Corps et biens – L’Aumonyme
25 mardi Juin 2019
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[…]
Lanterne en fer forgé au seuil des lupanars,
Courtisanes coiffées du seigneurial hennin,
Tout le passé s’endort au grabat des putains
Comme un banquier paillard rongé par la vérole.
[…]
Robert Desnos, L’ode à Coco (1919)
10 lundi Juin 2019
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[…]
— Nous reviendrons chantant des hymnes obsolètes
Et les femmes voudront s’accoupler avec nous
Sur la toison d’or clair dont nous ferons conquête
Et les hommes voudront nous baiser les genoux.
[…]
Ils revinrent chantant des hymnes obsolètes
Les femmes entr’ouvrant l’aisselle savoureuse
Sur la toison d’or clair s’offraient à leur conquête
Les maris présentaient de tremblantes requêtes
Et les enfants baisaient leurs sandales poudreuses.
[…]
Robert Desnos, Le fard des Argonautes (1919)