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Archives de Tag: philosophie de l’histoire

Quelle philosophie de l’histoire pour la révolution mexicaine ?

07 lundi Jan 2019

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Jean Meyer, philosophie de l'histoire

Je ne rate aucune rediffusion d’Il était une fois la révolution, mais on ne peut pas dire que le film  de Sergio Leone permette de comprendre grand chose à l’histoire du Mexique. Cela faisait donc un certain temps que me trottait l’idée d’en connaître davantage sur la révolution mexicaine que les seuls noms de Zapata et Pancho Villa, quand je me suis décidé à une lecture sérieuse sur le sujet : La révolution mexicaine (1910 -1940) de Jean Meyer. L’ouvrage a été publié originellement en 1973 dans la foulée de la thèse consacrée par son auteur à la guerre des Cristeros, il a été republié en 2010 chez Tallandier dans la collection Texto.

Je ne vais pas me lancer dans un résumé de l’ouvrage, et mes considérations sur ses mérites sont forcément limitées par l’absence de point de comparaison puisque je n’ai encore rien lu d’autre sur le sujet.

Dans la préface à la réédition Meyer précise d’où il parle et donne un aperçu intéressant des conditions d’écriture de l’ouvrage :

« Jean Meyer est franco-mexicain depuis 1979, il vit au Mexique, ce Mexique de l’an de grâce 2009 qui n’est pas celui d’où il avait été exilé  entre 1969 et 1973 par un pouvoir sourcilleux. Il comprend aujourd’hui le point de vue de Venustianio Carranza et celui de Plutarco Elías Calles, sans renier celui qu’il avait adopté avec fougue, le point de vue des zapatistes, des cristeros, de José Vasconcelos. […]

Le manuscrit fut terminé en quatre ou cinq semaines. J’avais le sujet en tête, c’était le contexte de ma Christiade, je dominais l’état de la question et, avant de m’asseoir devant ma petite Olivetti Lettera 22, je prenais un bain de prose  en lisant un chapitre des Mémoires de José Vasconcelos, révolutionnaire de la première heure , ennemi mortel du régime triomphant, à partir de 1929. Ou encore une nouvelle de Juan Rulfo, dans son fabuleux Le llano en flammes. Ce qui n’était pas fait pour me rendre froidement objectif. »   

p. 7-9

Ce qui m’a embarrassé dans cet ouvrage ce n’est l’engagement de l’historien, c’est plutôt une impression persistante de confusion [1] .Ce sentiment tenait à ce que j’étais, au départ, submergé par l’avalanche des noms exotiques (comme on peut l’être quand on se plonge dans un roman russe), mais aussi à ce que l’auteur tient le pari impossible de condenser en 40 pages la présentation du Porfiriat (le système précédent la révolution)  et les quatre premières années de la révolution (1910 -1914). Mais même après avoir avancé dans ma lecture et m’être familiarisé avec les protagonistes persistait l’impression désagréable de ne pas comprendre ce qui se jouait  sans que je parvienne à savoir ce qui, dans mon impression, tenait à des maladresses narratives de l’auteur et ce qui tenait à sa matière. Une des choses qui me frappait particulièrement c’est que les grands récits (libéral ou marxiste) auquel nous sommes habitués avec d’autres révolutions ne semblaient pas bien cadrer avec ce que racontait Meyer. Aussi ai-je apprécié le recul que prend l’auteur au terme de son ouvrage :

« Le Porfiriat est le temps de l’évolution dans tous les domaines, sans que l’on puisse saisir une révolution, une dislocation sociale bouleversant toute la société; les conflits célèbres qui conduisent à la chute de Don Porfirio, la mort de Madero, à la fuite de Huerta ont peu de rapports avec la fin du vieux Mexique. Les sociologues nous sortiront-ils de cette impasse? Oui, puisqu’ils ont réhabilité le conflit et considéré la violence politique avec calme, après l’avoir condamnée comme pathologique : toutes les sociétés sont susceptibles de sombrer dans des conflits armés et « ce n’est pas parce qu’un accident donné a été dramatique, et ses conséquences graves, qu’il a nécessairement des causes plus profondes, ou qu’il annonce l’apogée de quelque phénomène de longue durée ».
Aux grands événements on désire trouver de grandes causes, oubliant pourtant que les montagnes peuvent accoucher de souris, et, que les souris peuvent mettre en mouvement des montagnes. Le cataclysme révolutionnaire a été si violent et les populations tellement rudoyées que l’on y a vu une poussée géologique, une montée du sous-sol, de l’inconscient, du « peuple ». La chaîne des causes peut être remontée à l’infini, l’on découvrira dans cette dilution que tout était en conflit, comme toujours. »

ibid. p. 305

« Ainsi le Mexique possède ou croit posséder une tradition révolutionnaire et poursuivre une révolution permanente. Ce qui s’est passé au Mexique ne présente théoriquement aucun intérêt; tous les lieux communs de la sagesse des nations s’appliquent à ce contraire d’un commencement, répétition monotone de la révolution de toujours, parfait lieu commun des révolutions : Saturne mange ses enfants, après l’inévitable série de prodromes, après la prérévolution, la stabilisation, le « dérapage » ou la « rechute », avant « Thermidor ». Ces révolutions ont surtout servi à faire vivre le pays, sauf quelques mois, ou quelques années, sous des formes poli-tiques plus autoritaires et plus contre-révolutionnaires qu’en bien des pays semblables. Si la révolution tient du tribunal, si elle se manifeste soudain en forme de jugement dans l’histoire, elle trouve sa négation dans la « révolution mexicaine », ce drame encore sans dénouement, qui a pour fin précise d’interdire toute nouvelle révolution. »

ibid. p. 309

[1] Les chapitres consacré à ceux qui ont la préférence de l’auteur (José Vasconcelos et son action au Secrétariat à l’Éducation Publique du Mexique, ou des cristeros) ont un souffle qui manque à d’autres chapitres plus confus.

 

L’homme de l’irréparable

06 lundi Juil 2015

Posted by patertaciturnus in Lectures

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Julien Gracq, philosophie de l'histoire

« Quand le souvenir me ramène – en soulevant pour un moment le voile de cauchemar qui monte pour moi du rougeoiement de ma patrie détruite – à cette veille où tant de choses ont tenu en suspens, la fascination s’exerce encore de l’étonnante, de l’enivrante vitesse mentale qui semblait à ce moment pour moi brûler les secondes et les minutes, et la conviction toujours singulière pour un moment m’est rendue que la grâce m’a été dispensée  – ou plutôt sa caricature grimaçante – de pénétrer le secret des instants qui révèlent à eux-mêmes les grands inspirés. Encore aujourd’hui, lorsque je cherche dans ma détestable histoire, à défaut d’une justification que tout me refuse, au moins un prétexte à ennoblir un malheur exemplaire, l’idée m’effleure parfois que l’histoire d’un peuple est jalonnée ça et là comme de pierres noires par quelques figures d’ombre, vouée à une exécration particulière moins pour un excès dans la perfidie ou la trahison que par la faculté que le recul du temps semble leur donner, au contraire, de se fondre jusqu’à faire corps avec le malheur public ou l’acte irréparable qu’ils ont, semble-t-il, au delà de ce qui est donné d’ordinaire à l’homme, dans l’imagination de tous entièrement et pleinement assumé. Envers ces figures vêtues d’ombre, dont le temps, plus vite que pour d’autres érode puissamment les contours et les singularités personnelles, la violence universelle du reniement nous avertit qu’il participe – bien plus que du blâme civique incolore que dispensent sans chaleur les manuels d’histoire – du caractère lancinant du remords, et qu’il ravive la plaie ouverte d’une complicité intimement ressentie ; c’est que la source qui repousse vers les marges de l’histoire , où la lumière tombe plus obliquement, ces figures hantées, est celle d’un malade assiégé de mauvais songes qui ressent, non comme une froide obligation morale, mais comme la morsure d’une fièvre qui mange son sang, le besoin de se délivrer du mal. De tels hommes n’ont peut-être été coupables que d’une docilité particulière à ce que tout un peuple, blême après coup d’avoir abandonné  en eux sur le terrain l’arme du crime, refuse de s’avouer qu’il a un instant voulu à travers eux ; le recul spontané qui les isole dénonce moins leur infamie personnelle que la source multiforme de l’énergie qui les a transmués un instant en projectiles. Plus étroitement tissus à la substance même de tout un peuple  que s’ils en étaient l’ombre projetée, ils sont vraiment ses âmes damnées ; la terreur à demi religieuse qui les fait plus grands que nature tient à la révélation, dont ils sont le véhicule, qu’à chaque instant un condensateur peut intervenir à travers lequel des millions de désirs épars et inavoués s’objectivent monstrueusement en volonté. »

Julien Gracq, Le rivage des Syrtes
Pléiade, p. 729 – 730

Nihilisme (2)

28 lundi Juil 2014

Posted by patertaciturnus in Pessoa est grand

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Fernando Pessoa, nihilisme, philosophie de l'histoire

« Les guerres et les révolutions (il y en a toujours une en train, ici ou là) finissent, à la lecture de leurs résultats, par causer non de l’horreur, mais de l’ennui. Ce n’est pas ce qu’il y a de cruel dans tous ces morts et tous ces blessés, dans le sacrifice de tous ceux qui meurent en se battant, ou qui sont tués sans même se battre, qui afflige autant notre âme : c’est la bêtise qui sacrifie des vies et des biens à quelque chose d’une inutilité inéluctable. Tous les idéaux, toutes les ambitions se ramènent à un délire de commères faites hommes. Aucun empire ne vaut la peine que l’on casse pour lui la poupée d’un enfant. Aucun idéal ne mérite le sacrifice d’un petit train mécanique. Quel empire a jamais été utile, quel idéal a jamais été fécond? Tout cela, c’est de l’humanité, et l’humanité est toujours la même – changeante mais imperfectible, oscillante mais incapable d’avancer. »

Fernando Pessoa, Le livre de l’intranquillité, §. 454, p. 431

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