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Pater Taciturnus

~ "Ton péché originel c'est d'ouvrir la bouche. Tant que tu écoutes tu restes sans tache"

Pater Taciturnus

Archives de Tag: passion

Se sauver du pâtir par l’agir

28 jeudi Oct 2021

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Alain, amour, passion

« Le principal de la souffrance, dans la colère, dans la peur, ou dans l’amour, résulte de cette lutte contre soi et d’une sorte d’indignation contre ce que l’on n’a point permis. Ce drame est en quelque sorte tout nu dans la timidité, où tout le mal vient de ce qu’on s’aperçoit qu’on ne peut faire ce qu’on voudrait ni dire ce qu’on voudrait ; d’où vient une humiliation amère, et bientôt une colère, qui font que l’on est enfin encore plus maladroit qu’on ne craignait. Ce tumulte intérieur et cette crainte de soi sont dans toutes les passions.

Par ces remarques, on arrive à comprendre à peu près ceci, qui est d’opinion commune, c’est que les natures les plus généreuses sont aussi celles qui font voir les plus violentes passions. Qui consent aisément à tout n’aimera guère. Au contraire, dans une nature fière et jalouse de sa liberté, la plus légère atteinte de l’amour sera comme une offense. Le vrai amoureux se reconnaît à ceci qu’il fuit ; mais, comme dit le poète, il emporte avec lui la flèche de Cupidon. C’est un état digne de pitié que celui où l’on s’efforce de ne point penser à quelqu’un ; car c’est y penser encore ; c’est graver en soi-même- la pensée que l’on s’interdit d’avoir. Tout homme est donc maladroit à ce jeu, et s’humilie lui-même, et s’irrite lui-même. D’où cette façon d’aimer, bien plaisante, qui se montre par la mauvaise humeur. Cette part de haine, qui est toujours cachée dans l’amour forcé, éclate dans la vengeance ; et sans doute le jaloux se venge-t-il moins d’avoir été trompé que d’avoir été forcé.

Bref, l’homme a la prétention de se conduire ; il veut vouloir. C’est pourquoi il aime toujours au delà du désir. D’où cette idée de promettre, et enfin de se lier par un serment. Et plus ces contraintes, qui sont de sa propre volonté, sont pénibles, moins il sent les autres. C’est de la même manière que l’on se délivre de la peur par le courage. Aussi voit-on que l’amour est toujours romanesque, et fort subtil là-dessus, cherchant à se sauver du pâtir par l’agir. Ce quelque chose de libre, et cette méditation sur l’épreuve choisie et fidèlement subie, est ce qui fait la ferveur de l’amour. »

Alain, Sentiments, passions et signes

Amour / Habitude

24 lundi Août 2015

Posted by patertaciturnus in Lectures

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amour, habitude, Nicolas Gogol, Otis Redding, passion

L’habitude en matière de relation de couple a particulièrement mauvaise presse : elle est couramment présentée comme le prototype du lien inauthentique qui permettrait une survie artificielle du couple par delà le dépérissement du lien passionnel considéré comme le seul lien amoureux authentique. Je crois que j’ai toujours trouvé cette vision des choses caricaturale, et à la plus fameuse chanson de Cloclo je préfère ce chef d’œuvre d’Otis Redding.

*

C’est avec joie que j’ai découvert chez Gogol une défense de l’habitude. Dans la nouvelle Un ménage d’autrefois, incluse dans le recueil Mirgorod, il met en scène le vieux couple que forme Athanase Ivanovitch et Pulchérie Ivanovna. L’épouse meurt la première, le narrateur rend visite à Athanase cinq ans  après la perte de sa femme :

 » Mon Dieu, me dis-je en le regardant, cinq années ont passé, cinq années de cet universel exterminateur qu’est le temps, et ce vieillard déjà glacé, ce vieillard à qui la vie semblait avoir épargné toute émotion forte, ne lui réservant que de longues séances dans un bon fauteuil, des anecdotes sans malice, des régals de poire tapée et de poisson fumés – ce vieillard est encore déchiré par une affliction sans merci. Qui donc, de la passion ou de l’habitude, a sur nous le plus d’empire? Ou peut-être nos désirs, nos ardeurs, nos ivresses ne sont ils qu’un apanage de notre belle saison, peut être notre seule jeunesse nous fait elle croire ce tourbillon irrésistible? » Quoiqu’il en soit, toutes nos passions me parurent en ce moment de purs enfantillages comparées à cette longue, à cette lente, à cette quasi inconsciente habitude.

N. Gogol, Un ménage d’autrefois, in Nouvelles complètes, Quarto, p. 341-342

Pour illustrer l’idée qu’on se console plus facilement de la rupture d’un lien purement passionnel que d’un lien ancré dans des habitudes, Gogol met en contraste l’histoire d’Athanase Ivanovitch et d’une anecdote mettant en scène la capacité du temps à emporter les plus grandes détresses passionnelles. Cette histoire dans l’histoire est tout à fait remarquable, malheureusement pour vous mes chers lecteurs j’ai la flemme de vous la recopier. Vous savez ce qui vous reste à faire.

*

Si vous souhaitez pouvoir dire : « je n’ai pas lu le livre, mais j’ai vu le film… »

Старосветские помещики

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