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Archives de Tag: Michel Onfray

Onfray professeur

09 jeudi Juin 2016

Posted by patertaciturnus in Mon métier ma passion, SIWOTI or elsewhere

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enseigner et apprendre, Michel Onfray, philosophie, vice épistémique

Hier, au moment de partager la conférence de Michael Sandel qui m’avait favorablement impressionné, je n’ai pas résisté à la tentation de faire un parallèle avec Michel Onfray. Je dois reconnaître que le procédé n’est pas vraiment à mon honneur puisque je désapprouve, quand je l’observe chez les autres, l’emploi de l’Onfray-bashing (ou de n’importe quel « philosophe-médiatique-bashing ») comme moyen de prendre une pose avantageuse à peu de frais. Ceux qui croient donner des signes de leur initiation à la « vraie philosophie » en tapant sur les faux-philosophes-médiatiques mais qui vont se pâmer devant des bullshitters radicaux comme Badiou ou Žižek, sont, au mieux, des demi-habiles (il faudrait pouvoir parler de quart ou de dixième d’habiles …). Quant à ceux qui ont consacré des livres entiers au « démontage » d’Onfray, il suscitent ma perplexité  : pourquoi consacrer autant de temps et d’énergie à un imposteur, si ce n ‘est – ainsi que le suggère habituellement leur cible – pour essayer de bénéficier de sa notoriété ?

Bref, pour que ma référence à Onfray ne soit pas qu’une astuce facile, j’aimerais m’expliquer sur ce que j’avais en tête à ce sujet. Je ne me risquerai pas à parler du Michel Onfray philosophe-écrivain car je n’ai fait que survoler des passages de ses ouvrages, je ne parlerai que du Michel Onfray professeur, dont les cours à l’Université populaire de Caen, permettent de remplir la grille des programmes d’été de France Culture.  Les deux aspects ne sont pas sans lien, comme on va le voir, mais je préfère ne me prononcer que sur celui que je connais suffisamment.  Il se trouve, que la première critique que j’ai à adresser à Onfray-professeur, recoupe une critique que j’ai souvent entendu adresser au philosophe-écrivain-Onfray, je veux parler du reproche de « facilité ». Une part de cette facilité tient d’ailleurs au type d’approche philosophique qu’il revendique (les défauts du professeur seraient alors le reflet de ceux du philosophe) : le biographisme encourage ainsi une lecture des auteurs « par le petit bout de la lorgnette » en réduisant leurs thèses à l’expression de leurs choix existentiels. Dans sa contre-histoire de la philosophie Michel Onfray passe en revue des opinions de philosophes en distribuant bons et mauvais points (au risque, d’ailleurs, que les critiques adressées à l’un ne soient guère cohérentes avec les critiques adressées à un autre lors d’un cours précédent). Cette approche centrée sur les thèses réduites à des opinions contraste singulièrement avec une approche centrée sur les problèmes et soucieuse des arguments permettant de départager les thèses qui s’opposent. Onfray ne fait pas vivre les problèmes parce qu’avec lui on sait toujours-déjà qui sont les gentils et les méchants. Quel besoin alors de s’intéresser aux arguments des uns et des autres? On le voit, la manière d’enseigner la philosophie, tient ici à une certaine conception de la philosophie, dont on aura compris que je ne la partage pas. Mais le problème n’est pas seulement qu’il donne, selon moi, une fausse idée de la philosophie, c’est aussi, et surtout, qu’il donne le mauvais exemple, qu’il encourage des mauvaises habitudes intellectuelles  en expédiant des thèses à coup d’anecdotes biographiques, en piétinant le principe de charité ou en négligeant les objections qui pourraient lui être adressées.  Il me paraît important de noter que l’approche d’Onfray ne rend pas ses cours plus « vivants » que ceux de philosophes plus rigoureux ou reconnus par l’institution universitaire. La conférence de Sandel que je mentionnais hier me paraît plus stimulante que tout ce que j’ai pu entendre chez Onfray , et on trouve dans l »Université française dont il médit de temps à autres, des gens qui le surpassent, non seulement en rigueur, mais aussi en tant que showmen (je pense par exemple à Francis Wolff). En effet, un chose qui m’avait étonné, la première fois que j’ai entendu la Contre-histoire de la philosophie d’Onfray sur France-Culture, c’est la platitude de sa forme d’enseignement. La raison de ma surprise, c’était le contraste entre la réalité de sa manière d’enseigner, que je découvrais, et les poses de rebelle pédagogique que reflétaient son Antimanuel de philosophie ou les propos sur l’enseignement de la philosophie qu’il avait tenu lors de sa démission de l’Education Nationale.   Dans ses cours à l’Université Populaire, Michel Onfray nous raconte les philosophes à coups de formules comme « Machin nous informe que … » ou « Bidule nous fait savoir que … ». J’ai du mal à croire qu’Onfray ait procédé de cette manière lorsqu’il était professeur dans l’enseignement technologique. Un professeur qui enseignerait ainsi en classe terminale, face à un public qui, à la différence de celui de l’Université Populaire de  Caen, n’est pas acquis d’avance, aurait, je le crains, bien du mal à garder l’attention de ses élèves.

Jésus, roi de la blague.

18 mercredi Juin 2014

Posted by patertaciturnus in Food for thought, Insatiable quête de savoir

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Bart Ehrman, Basilide, blague, Michel Onfray, Nietzsche, Simon de Cyrène

Parmi les versions alternatives des évangiles évoquées par Bart Ehrman dans les Christianismes disparus, une des plus étranges est celle de Basilide ou, plus exactement, puisque ses œuvres sont perdues, celle qu’Irénée attribue à Basilide dans son  traité Contre les hérésies. Basilide est un auteur de la fin du IIe siècle, apparenté à la galaxie gnostique. Je ne me lancerai pas dans l’exposition de sa doctrine, d’autant qu’il semble que les auteurs orthodoxes qui le critiquent, et par lesquels nous connaissons ses idées, n’en donnent pas des images concordantes. Je me limiterai à la version que Basilide, au dire d’Irénée, donnait de la passion du Christ.

Jerome_Bosch_Jesus_portant_sa_croix._jpeg

2000 ans avant Rémy Gaillard

Les évangiles canoniques (mais qui ne l’étaient pas encore à l’époque de Basilide) racontent que les romains ont réquisitionné un certain Simon de Cyrène pour  aider Jésus à porter sa croix. C’est à partir de ce point que la version de Basilide diverge de manière étonnante. Basilide prétend que Jésus aurait utilisé ses pouvoirs divins pour prendre l’apparence de Simon de Cyrène et donner son apparence à Simon de Cyrène, si bien que ce pauvre Simon aurait été crucifié à sa place. Jésus serait resté quelques temps pour profiter du spectacle et rire du bon tour qu’il jouait à ses ennemis avant de remonter au ciel.

Je vous livre le commentaire que fait Bart Ehrman de cette histoire.

« Mais le rire de Jésus n’a pas pour seul objet le tours qu’il peut jouer. Dans ces récits le rire est directement dirigé contre ceux qui n’ont pas d’yeux pour voir et ne comprennent pas la vraie nature de Jésus ou la signification de sa prétendue mort sur la croix. Les vrais « gnostiques », d’un autre côté comprennent : ils savent d’où ils viennent, comment ils sont arrivés là et comment ils repartiront. après la mort de cette coquille mortelle, ils retourneront à leur demeure céleste, n’ayant trouvé leur salut ni dans le corps ni en ce monde. Quelqu’un qui ne parvient pas à comprendre la nature de ce salut, qui regarde seulement la surface des choses, seulement l’extérieur, le côté matériel de la réalité, est à juste raison risible, et pour Jésus et pour ceux qui ont reçu cette vérité ». p.293 294

*

Je suis tenté de faire un parallèle avec le texte dans lequel Tertullien (un représentant de ce qu’Ehrman appelle le christianisme proto-orthodoxe) explique que les élus pourront se délecter du spectacle du supplice des damnés. Chez Basilide, il semble que l’un des plaisirs des élus consiste à pouvoir se moquer de ceux qui n’ont pas accès à la vérité. Le texte de Tertullien est longuement cité par Nietzsche dans le Généalogie de la morale  (I.15) qui s’appuie sur lui pour justifier l’assimilation du christianisme à une morale du ressentiment :

« Dante, il me semble, s’est grossièrement trompé lorsqu’avec une ingénuité qui épouvante, il a mis au dessus du portail de son enfer cette inscription : « moi aussi, c’est l’amour éternel qui m’a créé. » – au dessus du portail du paradis chrétien et de sa « béatitude éternelle », il serait plus juste, en tous cas, de porter l’inscription : « moi aussi, c’est la haine éternelle qui m’a créé » – à supposer qu’il soit permis d’inscrire une vérité au dessus du portail du mensonge. » 

Le rire des élus de Basilide ne tombe peut-être pas sous la même accusation puisqu’il exprime le mépris plutôt que la haine et l’esprit de vengeance (je ne suis pas sûr pour autant que Nietzsche ferait de Basilide un représentant de la morale des maîtres, quoique le gnosticisme ait une dimension aristocratique). Il demeure cependant que le rire du Christ basilidien n’est pas plus charitable que la déléctation vengeresse des élus de Tertullien. Ceci dit, de je ne sais pas dans quelle mesure c’est un problème pour la théologie de Basilide ( la bonté est elle un attribut de son dieu suprême?).

*

Michel Onfray, dans le Christianisme hédoniste, consacre un chapitre à Basilide en se focalisant d’abord sur l’histoire de Simon de Cyrène. Il propose ensuite une interprétation dont voici un extrait :

« Pas besoin de croire à de fausses valeurs, ainsi la vérité. Pour quelles raisons devrait on mourir pour ses idées? Face aux persécutions lorsqu’un tortionnaire demande une abjuration, pas utile d’aller jusqu’au martyre. Basilide invite froidement à se déjuger, il faut renoncer à ses opinions. l’indifférence aidant, il importe peu qu’une chose soit ou son contraire, seule compte la purification gnostique qui conduit à la dématérialisation de soi et à la perfection quintessenciée de son âme dissocié des impuretés matérielles. »

Bien que ma connaissance de Basilide n’aille guère au delà de ce que je viens de raconter je ne trouve pas cette interprétation très convaincante. Je passe rapidement sur le paradoxe qu’il y a à récuser la vérité en tant que valeur en la qualifiant de fausse valeur (cela suggère que, pour une valeur, c’est une qualité que d’être une vraie valeur) : fausse valeur mais vraie méta-valeur, alors? De surcroît ce n’est pas parce que la vérité n’exige pas le sacrifice de la vie que la vérité n’est pas une vraie valeur. D’après ce que j’ai lu sur le sujet, il semble bien que certains gnostiques (dont Basilide) se démarquaient des « proto-orthodoxes » par leur dépréciation du martyre :

« Les auteurs proto-orthodoxes considéraient cette volonté de mourir  pour la foi comme l’une des marques de leur religion, et en fait l’exploitait comme une démarcation entre les véritables croyants (c’est-à-dire ceux qui s’accordaient avec leurs perspectives théologiques) et les « hérétiques » qui les préoccupaient tant. certains de leurs adversaires étaient d’accord sur le fait qu’il s’agissait bien d’une frontière : un des traités gnostiques de Nag hammadi, le Testament de Vérité, prend par exemple la position exactement opposée, soutenant que le martyre  pour la foi était un signe de d’ignorance et de folie. dans cette perspective un dieu qui requiert un sacrifice humain pour lui même serait totalement vaniteux. »  

B.Ehrman, Christianismes disparus, Bayard, p.219

La critique du « martyre au nom de la vérité » semble, au moins dans ce cas, être une critique du sacrifice plutôt qu’une critique de la vérité, et cette critique elle même est faite au nom de la vérité (au nom de ce qui est tenu pour vrai de Dieu et du monde).  Quant à la dématérialisation et à la purification dont parle Onfray je ne sais pas ce qui lui fait dire qu’elle s’exerce au détriment de la vérité plutôt qu’au nom de la vérité.

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