• À propos

Pater Taciturnus

~ "Ton péché originel c'est d'ouvrir la bouche. Tant que tu écoutes tu restes sans tache"

Pater Taciturnus

Archives de Tag: mer

Mer ou mère (2)

07 samedi Sep 2019

Posted by patertaciturnus in Lectures

≈ 1 Commentaire

Étiquettes

Alain Testart, division sexuelle du travail, hommes et femmes, mer

Après avoir mis en ligne, hier, ce passage des Contes gothiques où Karen Blixen développe l’idée d’une répulsion des femmes pour la mer, il m’est venu l’idée de retourner jeter un œil à l’Amazone et la cuisinière, un ouvrage dans lequel l’anthropologue Alain Testart traite de la division sexuelle du travail.   L’anthropologie a-t-elle quelque chose à nous dire de la rareté des femmes dans la marine ?

Testart écarte au début de son livre, les explications naturalistes des constantes de la division sexuelle du travail à travers les différentes cultures. Les différences de force physique ou les contraintes sur la mobilité induite par la grossesse et l’allaitement ne constituent pas pour lui des explications satisfaisantes de la traditionnelle absence des femmes dans un certain nombre d’activités (chasse, métallurgie etc.). Testart accorde en revanche un rôle essentiel aux croyances à propos des menstruations ; c’est en relation avec elles que prendraient sens un certains nombres d’interdits qui ont traditionnellement exclu les femmes de certaines activités. L’hypothèse est intéressante, mais à mes yeux, Testart a trop tendance à en faire une clé qui ouvrirait toutes les portes … Je laisse le lecteur juger du caractère convaincant des analyses consacré au cas qui nous occupe : la navigation maritime.

« Si le lecteur nous a suivi jusqu’ici, il a vu que les croyances jouaient chaque fois sur une ana­logie, analogie entre le corps de la femme et ce avec quoi on le met en rapport, élément naturel ou tâche humaine, peu importe. Et qu’y a-t-il de commun entre la femme pendant ses règles et la mer pendant la tempête ? Est commun le fait que l’une et l’autre subissent de violentes pertur­bations en leur sein. Macrocosme et micro­cosme se font face et sont agités par une même violence déréglée et, de ce fait, sont censés avoir la capacité d’agir l’une sur l’autre.
La mer est une femme, très évidemment, comme en témoigne le fantasme si répandu d’une mer primordiale au début des cosmogonies. Mais il s’agit toujours d’une eau salée inféconde. Elle ne fait pas pousser les cultures ; au contraire, le sel ambiant les tue, l’influence marine brûle les prairies de bord de mer. Dans la mythologie babylonienne, l’eau salée s’oppose fortement à l’eau douce, si indispensable à l’agriculture en terre d’Irak. Les divinités primordiales doivent être congédiées pour que jaillisse la vie. Apsou, l’eau douce, divinité masculine, sera endormie à jamais, paisible repos mais qui ressemble à la mort. Tiamat, l’eau salée, divinité féminine, sera dépecée par les dieux ligués contre elle, son crâne fendu, ses veines tranchées : les deux morceaux du corps de Tiamat formeront les limites du ciel et de la terre ; on ouvre deux sources dans sa tête, lesquelles deviendront le Tigre et l’Euphrate ; et son sang, impropre à la création (puisqu’il faudra, pour créer l’humanité, sacrifier un autre dieu), sera emporté par le vent du Nord vers des lieux ignorés . Nulle part peut-être ailleurs qu’en Babylonie on n’a dit avec des images plus claires la proximité de l’eau de mer, du sang, de la féminité et des règles.
Parce que la mer et surtout la mer agitée par la tempête sont une métaphore de la femme pen­dant ses règles, il y a incompatibilité entre l’une et l’autre. Emmener une femme dans un bateau est l’objet de craintes bien connues de la part des marins. A fortiori ces rares femmes qui ont voulu, envers et contre tous, devenir marins. Les études récentes sur la question montrent que celles qui se risquent à ce métier sont l’objet de sarcasmes, et doivent faire face au harcèlement sexuel. En ce début du xxie siècle, les femmes ne représentent pas plus que 1 ou 2 % des 1 250 000 marins embar­qués sur 87 000 bateaux dans le monde. »

Alain Testart, L’amazone et la cuisinière, Gallimard 2014, p. 67-68

 

Mer ou mère ?

06 vendredi Sep 2019

Posted by patertaciturnus in Lectures

≈ 2 Commentaires

Étiquettes

hommes et femmes, Karen Blixen, mer

« c’est pas l’homme qui prend la mer
c’est ma mer qui prend l’homme
mais elle prend pas la femme
qui préfère la campagne »

« Il n’y a rien dont on puisse languir comme de la mer. La passion de l’homme pour la mer, continua-t-il, son regard sombre fixé sur le visage d’Athéna, est dépourvue d’égoïsme. Nous ne pouvons ni la cultiver ni boire son eau et, dans son sein, nous mourons. Et pourtant, loin d’elle, nous sentons que quelque chose de notre âme se dessèche en nous et disparaît comme une méduse rejetée sur le sable sec.
– Naviguer ! s’exclama la prieure. Naviguer sur la mer ! Non jamais, à aucun prix! »
L’aversion lui faisait monter le sang à la tête; elle en était rouge et ses yeux brillaient. Boris fut impressionné une fois de plus par l’intensité de cette aversion que montrent les femmes pour les choses de la mer. Enfant, il avait voulu se sauver de chez lui pour devenir marin. Mais rien, pensa-t-il, ne suscite aussi violemment l’hostilité d’une femme que d’entendre parler de la mer. Elles la détestent toutes et la fuient sous toutes ses formes, depuis l’odeur de son eau jusqu’au contact des cordages salés et goudronnés. Peut-être L’Église aurait-elle pu déconsidérer la sexualité en la montrant comme un enfer maritime, gris, cendreux, ou encore agité d’une houle glacée; car du feu, les femmes n’ont pas peur, le considérant comme un allié de longue date. Mais leur parler de la mer équivaut à leur parler du diable. Quand le règne de la femme aura rendu la terre inhabitable à l’homme, il s’élancera sur la mer, pour avoir la paix, car les femmes préféreront mourir plutôt que de les y suivre. »

Karen Blixen, Le singe, in Sept contes gothiques, p. 188

 

Pour le meilleur et pour le pire

26 jeudi Avr 2018

Posted by patertaciturnus in Lectures

≈ 1 Commentaire

Étiquettes

amour, Karen Blixen, mer

« En écoutant les autres, Charlie pensait : « Ces hommes sont des gens raisonnables et savent de quoi ils parlent ; car ceux qui voyagent pour leur plaisir quand la mer est calme et n’a pour eux que sourires ne connaissent rien à l’amour quand ils déclarent qu’ils aiment la mer. Ce sont les marins, qui ont été battus et maltraités par la mer, qui l’ont maudite et envoyée au diable, qui sont ses véritables adorateurs. La même loi s’applique sans doute aux relations entre maris et femmes. Il faut que je m’instruise auprès de ces hommes, et qu’ils m’apprennent la sagesse, car je ne suis qu’un enfant comparé à eux. »

Karen Blixen, Le jeune homme à l’œillet, in Contes d’hiver
trad. Marthe Metzger, Gallimard Folio, p. 47

Le chant du sable

26 samedi Mar 2016

Posted by patertaciturnus in Divers vers

≈ 1 Commentaire

Étiquettes

ciel, mer, Mohammed Dib, profondeur

Le chant du sable

Où est-elle, où tombée
la profondeur de la mer?
Dans la hauteur du ciel ?

Le ciel bleu par sa hauteur?
La mer bleue par sa profondeur
tombée sans mal, sans mots ?

Mais pourquoi pas le ciel
de sa hauteur, pourquoi pas
dans le bleu de la profondeur?

Et moi le sable qui reste ?
Et toute la lumière qui reste?
Parce que non pas bleu, mais …

Mohammed Dib, Le cœur insulaire

En soi et pour soi maritime

30 samedi Jan 2016

Posted by patertaciturnus in Divers vers

≈ Poster un commentaire

Étiquettes

Jules Supervielle, mer

La mer secrète

Quand nul ne la regarde,
La mer n’est plus la mer,
Elle est ce que nous sommes
Lorsque nul ne nous voit.
Elle a d’autres poissons,
D’autres vagues aussi.
C’est la mer pour la mer
Et pour ceux qui en rêvent
Comme je fais ici.

Jules Supervielle, La fable du monde

Archives

  • janvier 2023 (10)
  • décembre 2022 (6)
  • novembre 2022 (7)
  • octobre 2022 (6)
  • septembre 2022 (15)
  • août 2022 (24)
  • juillet 2022 (28)
  • juin 2022 (19)
  • mai 2022 (20)
  • avril 2022 (23)
  • mars 2022 (27)
  • février 2022 (29)
  • janvier 2022 (31)
  • décembre 2021 (25)
  • novembre 2021 (21)
  • octobre 2021 (26)
  • septembre 2021 (30)
  • août 2021 (24)
  • juillet 2021 (28)
  • juin 2021 (24)
  • mai 2021 (31)
  • avril 2021 (16)
  • mars 2021 (7)
  • février 2021 (6)
  • janvier 2021 (13)
  • décembre 2020 (11)
  • novembre 2020 (3)
  • octobre 2020 (3)
  • septembre 2020 (9)
  • août 2020 (18)
  • juillet 2020 (16)
  • juin 2020 (8)
  • mai 2020 (20)
  • avril 2020 (8)
  • mars 2020 (11)
  • février 2020 (18)
  • janvier 2020 (26)
  • décembre 2019 (21)
  • novembre 2019 (25)
  • octobre 2019 (26)
  • septembre 2019 (31)
  • août 2019 (27)
  • juillet 2019 (23)
  • juin 2019 (22)
  • mai 2019 (22)
  • avril 2019 (27)
  • mars 2019 (27)
  • février 2019 (24)
  • janvier 2019 (32)
  • décembre 2018 (13)
  • novembre 2018 (9)
  • octobre 2018 (12)
  • septembre 2018 (9)
  • août 2018 (13)
  • juillet 2018 (9)
  • juin 2018 (8)
  • mai 2018 (21)
  • avril 2018 (25)
  • mars 2018 (26)
  • février 2018 (22)
  • janvier 2018 (27)
  • décembre 2017 (24)
  • novembre 2017 (16)
  • octobre 2017 (19)
  • septembre 2017 (18)
  • août 2017 (21)
  • juillet 2017 (18)
  • juin 2017 (21)
  • mai 2017 (14)
  • avril 2017 (22)
  • mars 2017 (30)
  • février 2017 (12)
  • janvier 2017 (13)
  • décembre 2016 (14)
  • novembre 2016 (15)
  • octobre 2016 (22)
  • septembre 2016 (16)
  • août 2016 (24)
  • juillet 2016 (19)
  • juin 2016 (16)
  • mai 2016 (20)
  • avril 2016 (10)
  • mars 2016 (30)
  • février 2016 (28)
  • janvier 2016 (32)
  • décembre 2015 (27)
  • novembre 2015 (28)
  • octobre 2015 (31)
  • septembre 2015 (30)
  • août 2015 (33)
  • juillet 2015 (32)
  • juin 2015 (33)
  • mai 2015 (34)
  • avril 2015 (31)
  • mars 2015 (35)
  • février 2015 (32)
  • janvier 2015 (33)
  • décembre 2014 (37)
  • novembre 2014 (33)
  • octobre 2014 (33)
  • septembre 2014 (33)
  • août 2014 (33)
  • juillet 2014 (33)
  • juin 2014 (35)
  • mai 2014 (35)
  • avril 2014 (35)
  • mars 2014 (35)
  • février 2014 (30)
  • janvier 2014 (40)

Catégories

  • 7e art
  • Célébrations
  • Choses vues ou entendues
    • confession
    • Mon métier ma passion
  • Divers vers
  • Fantaisie
    • devinette
    • Philémon et Anatole
    • Taciturnus toujours au top
    • Tentatives de dialogues
  • Food for thought
    • Aphorisme du jour
    • Pessoa est grand
  • Insatiable quête de savoir
    • Il suffirait de quelques liens
  • Lectures
  • Mysticismes
  • Non classé
  • Paroles et musiques
    • Au chant de l'alouette
    • Berceuse du mardi
    • Bienvenue aux visiteurs
  • Père castor
  • Perplexités et ratiocinations
  • SIWOTI or elsewhere

Tags

Abel Bonnard alouette amitié amour art Auguste Comte Benjamin Fondane Bertrand Russell bonheur Cesare Pavese correspondance culture Dieu Djalâl ad-Dîn Rûmî Dostoievski Edmond Jabès Elias Canetti Emily Dickinson enseigner et apprendre esthétique Fernando Pessoa Friedrich von Schiller féminisme Gabriel Yacoub Goethe Hegel Hugo von Hofmannstahl humiliation Hâfez de Chiraz Ito Naga Jean-Jacques Rousseau Joseph Joubert Karen Blixen Karl Kraus Kierkegaard Kobayashi Issa Lichtenberg lune Malek Haddad Marina Tsvetaieva Marshall Sahlins mort Mário de Sá-Carneiro Nietzsche Nâzım Hikmet Omar Khayyâm Paul Eluard Paul Valéry perfection et imperfection Philippe Jaccottet philosophie Pier Paolo Pasolini Pierre Reverdy poésie profondeur racisme Ramón Gómez de la Serna Reiner Kunze religion rêve Simone Weil solitude souffrance Stefan George stoïcisme stupidité travail universalisme Urabe Kenkô utilitarisme vertu vie vérité Witold Gombrowicz éthique et esthétique

Propulsé par WordPress.com.

Confidentialité & Cookies : Ce site utilise des cookies. En continuant à utiliser ce site, vous acceptez leur utilisation.
Pour en savoir davantage, y compris comment contrôler les cookies, voir : Politique relative aux cookies
  • Suivre Abonné∙e
    • Pater Taciturnus
    • Rejoignez 67 autres abonnés
    • Vous disposez déjà dʼun compte WordPress ? Connectez-vous maintenant.
    • Pater Taciturnus
    • Personnaliser
    • Suivre Abonné∙e
    • S’inscrire
    • Connexion
    • Signaler ce contenu
    • Voir le site dans le Lecteur
    • Gérer les abonnements
    • Réduire cette barre
 

Chargement des commentaires…