AMOUR ENTERRÉ
Moi, patient sous le fouet de solitude amère,
je me dévêts de l’eau de ton amour, puits caché !
De ta petite oreille j’oublie les longs secrets,
ton sourire d’enfantelet, l’éphémère
qu’on ose pas baiser, tes paupières
aveuglées par mes lèvres, sources claires du destin,
froides, chaudes comme la lune en juin.
Imperturbable oubli, vers une autre penchée
de la même douceur pour le trouble d’un autre,
tu naîtras le matin pour un nouveau péché,
altérée des lèvres salées d’un homme.
Ton miroir est signé par moi et tu le donnes !
Tu me quittes avant que me quitte la vie !
Par moi ton âme était scellée et tu la donnes à la forêt
mais mon lierre s’enlace, où montaient mes suppliques
et tes pas ne pourront jamais que t’égarer…
Je cache hors de ta vue, douce comme la prière,
une vie comme une forte fleur de la mer.
Je serais si petit amant que de me plaindre
que le temps est moins prompt à désunir qu’à joindre ?
Vois ! à travers le monde les Hauts Dieux vont descendre.
La grâce du Seigneur est une ombre chargée.
Une épaule brillante échauffe mes vergers.
Saisi, débarque un ange stalactite
parfait ! il foule à ma mesure une beauté rapide.
Max Jacob, Derniers poèmes