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Pater Taciturnus

~ "Ton péché originel c'est d'ouvrir la bouche. Tant que tu écoutes tu restes sans tache"

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Archives de Tag: Jésus

Anticipation parlementaire du Grand Inquisiteur

30 dimanche Jan 2022

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Dostoievski, Jésus

La fable du Grand Inquisiteur est un épisode fameux des Frères Karamazov. Dans le roman précédent de Dostoievski, L’Adolescent, on trouve un bref passage qui semble en constituer comme une prémonition, mais c’est une commission parlementaire anglaise qui se trouve alors jouer le rôle ultérieurement dévolu au Grand Inquisiteur.

« Figure-toi que Piotr Hippolitovitch assurait tout à l’heure à cet autre locataire grêlé que le Parlement anglais avait formé au siècle dernier une commission de juristes pour examiner tout le procès du Christ devant le grand-prêtre et Pilate, uniquement pour savoir comment la chose se passerait aujourd’hui d’après nos lois, et que toute cette histoire fut montée avec toute la solennité voulue, avec avocats, procureurs et le reste… et que les jurés furent obligés de porter un verdict de culpabilité. »

Dostoïevski, L’adolescent, trad. Pierre Pascal, Folio, p.296

Le messager et le message

09 jeudi Juil 2020

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Jésus, John P. Meier

« Jésus reprend essentiellement le message eschatologique du Baptiste et lui donne son appui, il indique également la différence importante qui existe entre Jean et lui-même. Pour Jésus, les derniers temps, que Jean considérait tout proches, sont arrivés, du moins dans une certaine mesure. Et ce sont des temps de joie et de salut plutôt que de châtiment par le feu. C’est pourquoi même le plus insignifiant des Israélites entré dans le royaume eschatologique de Dieu annonce par Jésus jouit d’un statut privilégié par rapport a Jean. On se trouve confronté ici à un paradoxe que l’on retrouvera souvent dans les paroles et les actes de Jésus. D’un coté, l’objet direct de la prédication de Jésus est le royaume de Dieu et non Jésus lui-même. D’un autre coté, ce qu’il dit de ce royaume et ce qu’il promet à ceux qui y entrent par l’accueil de son message représente une affirmation phénoménale, quoique implicite : avec le commencement du ministère de Jésus, un changement définitif a eu lieu dans le calendrier eschatologique. Mais, même là, d’une certaine manière, Jésus imite son maître. Le Baptiste ne faisait pas de lui-même l’objet explicite de sa proclamation : ce qui était au cœur de son message c’était le repentir, le baptême et le changement de vie en vue du jugement a venir. Néanmoins, en déclarant que le baptême administré par lui seul était le moyen nécessaire pour échapper à l’anéantissement final, Jean s’attribuait implicitement une place centrale dans son propre message »

John P. Meier, Un certain juif Jésus, Tom II, p.138 – 139

Je ne suis pas venu apporter la paix, mais l’épée

14 jeudi Mai 2020

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Jésus, John P. Meier

« Je ne suis pas de ceux qui font de Jésus un révolutionnaire ou un agitateur politique violent, mais je reconnais que la thèse du Jésus révolutionnaire, privilégiée par certains spécialistes, fait vraiment mouche. Un Jésus petit bourgeois campagnard poète à ses heures, passant son temps à délayer des paraboles et des méditations Zen, un Jésus esthète littéraire jouant avec le déconstructionnisme au Ier siècle ou un Jésus affadi, n’enseignant aux gens rien d’autre que la contemplation des lys des champs, ce Jésus-là ne serait une menace pour personne, pas plus que ne sont une menace les universitaires qui le fabriquent. Le Jésus historique, lui, menaçait, dérangeait et exaspérait les gens, depuis les interprètes de la Loi jusqu’au préfet romain qui l’a finalement jugé et crucifié, en passant par l’aristocratie sacerdotale de Jérusalem. On ne peut se contenter de dire que c’est la théologie chrétienne qui insiste sur la fin violente de Jésus et projette sa vision sur les données factuelles ; car ce qui a aussi le plus frappé les observateurs extérieurs comme Josèphe, Tacite et Lucien de Samosate à propos de Jésus, c’est sa crucifixion ou son exécution par Rome. Un Jésus qui ne s’aliénerait pas les gens par ses paroles et ses actes, et en particulier les puissants, n’est pas le Jésus historique. »

John P. Meier, Un certain juif Jésus, Tome I, p. 111

Historique vs historique

12 dimanche Avr 2020

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Jésus, John P. Meier

« Je choisis délibérément de ne pas m’appuyer sur la distinction classique, que l’on trouve chez de nombreux auteurs allemands, entre « historisch » (= historique : simple fait, dont l’existence est attestée par l’histoire) et « geschichtlich » historique : événement durablement marquant, réalité significative). Le premier sens du mot  « historique » (« historisch ») évoque les ossements nus et desséchés de notre connaissance du passé ; le chercheur s’abstient d’y voir une quelconque relation ou influence concernant notre vie d’aujourd’hui et notre quête du sens. Imaginez, par exemple, un historien spécialiste de la Babylone antique, poussé par sa seule soif d’exactitude, qui tenterait d’établir une chronologie précise des rois de Babylone en un siècle donné. Une telle étude « historique » aurait pour objet un passé mort, examiné par le regard froid et objectif du chercheur, intéressé par les pures données vérifiables recherchées pour elles-mêmes. Par contre, le second sens du mot « historique » (« geschichtlich ») évoque un passé qui a du sens et qui interpelle, qui passionne et provoque à la réflexion les hommes et les femmes d’aujourd’hui. Imaginez, par exemple, un étudiant noir écrivant une thèse sur Martin Luther King junior. Il ne fait pas de doute que notre jeune chercheur explorerait les faits avec soin ; mais, pour cet étudiant, la figure de King ne pourrait jamais être une simple donnée momifiée dans le passé. Inévitablement, l’étudiant choisirait, agencerait et soulignerait certaines données qui lui sembleraient parlantes pour les problèmes et les espérances d’ aujourd’hui.
En principe, cette distinction entre les deux sens du mot « historique » peut s’appliquer à Jésus tout autant qu’à n’importe quel autre grand personnage du passé. En théorie, on peut faire de lui l’objet d’une recherche scientifique froide et distante, ou bien on peut voir en lui la source et le centre, chargés de sens, de la pensée et de la vie chrétiennes à travers les siècles, un personnage que des millions de gens vénèrent encore aujourd’hui.
Il est vrai que cette distinction entre les deux sens du mot « historique » (historisch-geschichtlich) apparaît souvent dans la recherche sur Jésus, notamment dans les milieux fortement influencés par la tradition bultmannienne. Cependant je doute toujours de son utilité actuelle pour les chercheurs qui ne sont pas de langue allemande, et cela pour quatre raisons. 1) Après environ un siècle d’usage, la distinction demeure ambiguë et son sens ou sa fonction varie d’un auteur à l’autre. Il y a même certains auteurs allemands qui n’en tiennent pas compte. 2) Cette distinction, utilisée en principe pour faciliter la recherche objective, entraîne souvent avec elle toute une surcharge d’intentions théologiques et idéologiques. 3) La distinction entre ces seuls deux termes ne rend pas compte de la complexité de la situation. 4) Si elle se défend en théorie, cette distinction est inefficace dans le monde réel, y compris dans le monde « réel » de la recherche.
Tout d’abord, cette distinction n’a pas toujours le même sens et ne fonctionne pas toujours de la même manière chez les différents auteurs qui l’utilisent. Martin Kähler (1835-1912), qui appliqua cette distinction à Jésus au XIXe siècle, le fit dans le but de défendre une forme particulière de « piétisme critique », apparue vers la fin du siècle dans le protestantisme allemand ; cependant même lui n’appliqua pas toujours sa propre distinction avec une parfaite rigueur. Son objectif était sans doute de protéger les enseignements fondamentaux de la tradition chrétienne sur Jésus-Christ (par exemple, sa véritable divinité et sa véritable humanité à l’exception du péché) contre les empiètements de la critique historique
Ce n’était pas exactement la préoccupation de Rudolf Bultmann (1884-1976) lorsqu’il reprit cette distinction au XXe siècle dans la synthèse qu’il fit du christianisme et du courant existentialiste de Martin Heidegger. Bultmann est en plein accord avec Kähler pour insister sur la proclamation (kérygme) de la mort de Jésus et de sa résurrection comme thème central de la foi chrétienne et pour refuser de faire du Jésus historique le fondement ou le contenu de cette foi. Mais Bultmann pousse la distinction dans un sens où Kähler ne l’aurait certainement pas suivi. Car pour Bultmann, peu importe que Jésus ait effectivement connu sur la croix une crise de désespoir ; le seul fait que Jésus soit mort sur la croix suffit à la foi chrétienne, c’est-à-dire à la rencontre entre le croyant et Dieu. Alors qu’il est possible de connaître quelque chose de l’enseignement de Jésus, « nous ne pouvons pratiquement rien savoir de la vie et de la personnalité de Jésus, parce que les sources chrétiennes en notre possession, très fragmentaires et envahies par la légende, n’ont manifesté aucun intérêt sur ce point ». Devant une telle affirmation, le lecteur peut éprouver la désagréable impression que le Christ historique, le Christ kérygmatique, le Christ de la foi exalté par Bultmann ressemble étrangement à un mythe gnostique intemporel ou à un archétype jungien, malgré l’insistance mise par Bultmann sur l’historicité du Jésus crucifié, qui est bien le même que celui du kérygme de la prédication chrétienne.

[…]

Cette distinction devient encore plus problématique quand, au sein du luthéranisme allemand du XXe siècle, certains chercheurs de premier plan contestent sa validité ou l’ignorent purement et simplement, alors que c’ ait le luthéranisme allemand qui était à l’origine de cette distinction. […] Albert Schweitzer ne veut pas en entendre parler. Indigné et caustique, il remarque que le Jésus historique-geschichtlich (événement durablement marquant), est responsable de maux innombrables tout au long des siècles, depuis la destruction de la culture antique jusqu’aux exactions du Moyen Âge et aux tentatives faites par le catholicisme pour détruire « les nombreuses réalisations dues au progrès dans l’époque moderne ». Qui voudrait abandonner le Jésus historique-historisch pour cette figure historique-geschichtlich » ?

[…]

En outre, se pose un deuxième problème : la distinction conduit presque inévitablement à une présentation des choses du type « bons contre méchants ». Ou bien on met en avant le Jésus « historique-simple fait » en vue de détrôner un Christ de la foi qui n’aurait été rien d’autre que l’invention frauduleuse de l’Église (comme le firent de nombreux auteurs, de Reimarus à Hollenbach), ou bien on exalte la figure du Christ « historique — événement durablement marquant » pour s’opposer aux reconstructions incertaines et contradictoires du Jésus « historique-historisch » (comme le font Kähler et ses disciples, parmi lesquels de nombreux théologiens « dialectiques », comme Barth et Bultmann après la Première Guerre mondiale). Cette distinction, il est vrai, ne devrait pas nécessairement entraîner des jugements de valeur ou des choix théologiques, mais c’est ce qui se produit depuis près d’un siècle. Tout ce qui se passe, semble-t-il, c’est que de nouvelles lignes théologiques remplacent les anciennes, comme par exemple la théologie de la libération ; le jeu des bons contre les méchants continue.
Il y a aussi un troisième problème : si la dichotomie entre les deux sens du mot      « historique » s’applique assez bien à la plupart des personnages célèbres du passé, elle ne rend pas compte de la complexité du cas de Jésus. Norman Perrin a fait remarquer que, dans le cas particulier de Jésus, il serait préférable de distinguer trois sens différents. 1) On rassemble des éléments historiques descriptifs (connaissances « dures ») concernant un individu de l’Antiquité nommé Jésus de Nazareth ; c’est le niveau « historique — simple fait dont l’existence est attestée par l’histoire ». 2) On peut alors entreprendre de mettre en valeur et de s’approprier certains aspects de cette connaissance historique qui auraient une signification pour nous aujourd’hui. C’est le niveau « historique — événement durablement marquant, réalité significative ». Mais on pourrait en faire tout autant avec Socrate, saint Augustin ou Sigmund Freud. N’importe quel grand penseur
ou acteur du passé peut être étudié froidement au niveau des faits isolés et de la chronologie pure, ou bien au niveau d’une synthèse de sa pensée et de son action, significative et pertinente pour nous aujourd’hui. Dans ce dernier sens, on pourrait s’engager derrière les « orientations » de Socrate ou de Freud, on pourrait être enthousiasmé et subjugué par la personnalité de Thomas More ou de Thomas Jefferson. De la même manière, on pourrait être personnellement fasciné par le Jésus « historique — durablement marquant », que l’on soit juif, bouddhiste ou agnostique. 3) C’est pourquoi ce deuxième niveau doit être soigneusement distingué d’un troisième niveau, à savoir la reconnaissance, dans la foi, de Jésus comme Seigneur et Christ, l’attitude de foi qui me conduit à appeler Jésus mon Seigneur et mon Sauveur. Aux yeux du croyant, ce troisième niveau est le territoire propre et exclusif de Jésus. À la différence du premier et du deuxième niveaux, il ne peut s’appliquer à aucun autre personnage de l’histoire ancienne.

[…]
Outre ces difficultés, résultant de l’usage du terme par Kähler et Perrin, la distinction entre les deux sens du mot « historique » pose un dernier problème, qui rend peu fonctionnelle son application à Jésus. Cette distinction suppose que des chercheurs étudient ou puissent étudier la vie de Jésus et son enseignement de façon approfondie, sans s’intéresser le moins du monde à l’influence de tout cela sur l’histoire et sur les gens qui y réfléchissent aujourd’hui. Certes, c’est théoriquement possible à l’université de Phnom Penh ou pour un professeur associé venant de la planète Mars. Mais est-il vraiment concevable qu’un chercheur du monde occidental, qu’il soit chrétien, juif ou agnostique, entreprenne une étude approfondie du Jésus historique sans éprouver pour les matériaux placés sous son microscope le moindre intérêt ou la moindre antipathie d’ordre
philosophique ou religieux ? Partout dans le monde, on continue d’étudier Jésus parce que, pour des raisons très différentes, les marxistes, les bouddhistes, les agnostiques sont tous fascinés par ce Juif énigmatique. Comme Bultmann ne s’est jamais lassé de le dire, nous abordons tous l’exégèse de l’Écriture avec nos propres présupposés, nos préjugés, nos intérêts. Cela revient à reconnaître que notre quête du Jésus « historique/simple fait dont l’existence est attestée par l’histoire » contient également, dès le départ, une certaine forme d’intérêt pour le Jésus « historique/événement durablement marquant, réalité significative ». Le premier et le deuxième niveaux évoqués par Perrin sont inextricablement entremêlés dans le monde humain de chair et de sang où vivent les chercheurs. »

John P. Meier, Un certain juif Jésus I, Cerf, p. 32-37

Le thylacine sur le chemin d’Emmaüs

08 dimanche Oct 2017

Posted by patertaciturnus in Fantaisie

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chers disparus, et si c'était vrai?, illusion, Jésus, messianisme, rumeur de survie, thylacine

Je suis impressionné par le nombre de cas de personnages historiques ayant fait l’objet d’une rumeur de survie après leur décès supposé. La liste que propose cet article de Wikipedia (article qui, étrangement, ne semble pas avoir d’équivalent dans d’autres langues) n’est pourtant pas exhaustive. Ainsi l’article oublie Amelia Earhart, l’aviatrice américaine disparue dans le Pacifique en 1937 et dont le sort a depuis fait l’objet de multiples spéculations (avec encore un pseudo–rebondissement cette année).

Damned ! on n’a même pas eu le temps de faire semblant d’y croire.

En fait, il me semble que l’article oublie le cas de rumeur de survie qui a eu le plus grand retentissement historique puisqu’il est à l’origine d’une religion aujourd’hui répandue à travers le monde : je veux évidemment parler du cas de Jésus de Nazareth. On peut relever que la version des faits adoptée par la majorité des courants chrétiens actuels repose sur une variante originale de la rumeur de survie, dans laquelle on substitue au schéma « il n’est pas mort en fait », le schéma « il est bien mort mais il est ressuscité ». Cette variante est loin d’être anodine, puisqu’elle est la condition d’un trait spécifique de la théologie chrétienne : l’idée d’un Christ vraiment dieu et vraiment homme, d’un dieu qui aurait fait « l’expérience » de la mort. Pourtant on n’oubliera pas que certaines versions des événements, par exemple celle de Basilide, optait pour le schéma « il n’est pas mort, quelqu’un est mort à sa place ».

Toujours est-il que la notion de « rumeur de survie » me semble offrir une voie de démystification du christianisme plus intéressante pour un amateur de relecture bayardienne des Évangiles que la thèse mythiste (je ne me prononcerai pas ici sur la crédibilité de chaque hypothèse). Elle implique notamment de statuer sur l’épisode du chemin d’Emmaüs (Luc, XXIV, 12 – 33).

La route d’Emmaüs par Robert Zünd (source)

Le plus simple est bien sûr d’y voir une affabulation pure et simple, mais un bon compromis entre démystification et intérêt littéraire consisterait à imaginer que le mystérieux personnage que rencontrent les disciples est l’un de ces imposteurs qui émaillent l’histoire des rumeurs de survie : un équivalent pour Jésus de ce que fut Naundorff pour Louis XVII et ou Anna Anderson pour Anastasia Romanov [1].

Le christianisme n’est pas la seule religion qu’on peut suspecter d’être fondée sur une légende survivantiste, il semble qu’on pourrait en dire autant du chiisme duodécimain et de l’idée que le douzième imam ne serait pas mort mais occulté. On peut donc regretter que ni  Muhammad al Mahdi, l’imam caché des chiites duodécimains, ni Muhammad ibn al-Hanafiya, l’imam caché des kaysanites, ne soient mentionnés dans l’article de Wikipedia consacré aux rumeurs de survie.

*

Il me semble qu’on pourrait étendre la notion de rumeur de survie aux espèces disparues : on pourrait ainsi classer dans cette catégorie les spéculations sur la survivance d’espèces préhistoriques auxquelles se livrent certains amateurs de cryptozoologie. J’ai découvert récemment que le thylacine, alias tigre de Tasmanie, faisait également l’objet d’une rumeur de survie : de multiples témoins prétendent avoir vu des thylacines depuis 1936, la date supposée d’extinction de l’espèce. Il existe également quelques films ou enregistrements vidéos à l’appui de cette idée. Voyez ci-dessous pour vous faire un avis.

 

*

Pour ma part je me garderai de prendre de haut ceux qui croient à des rumeurs survivantistes, et je peux même confesser m’être accroché à une telle croyance. Je peux aujourd’hui le révéler sans honte  : quand j’étais enfant, je refusais de croire qu’Anthony le fiancé de Candy était mort dans un accident de cheval. Je me disais qu’il n’était pas possible qu’il soit mort (en dépit de ce qui avait été montré), et qu’il allait forcément réapparaître un jour ou l’autre.

On peut se demander, pour finir, quels sont les ressorts psychologiques de la croyance aux les légendes survivantistes. Il est tentant  de penser que ces rumeurs naissent chez des personnes qui restent « bloquées » à la première des phases du deuil de Kubler-Ross : le déni. Les légendes survivantistes seraient ainsi comme des rationalisations de ce déni originel, rationalisations favorisées par l’incertitude sur les conditions de la disparition (mais la croyance à la survie est parfois capable de défier les preuves opposées). La notion freudienne d’illusion, c’est à dire l’idée d’une croyance fondée sur un désir, paraît également éclairante ici : dans la plupart des cas répertoriés on a des raisons de penser que ceux qui croyaient à la survie avaient envie d’y de croire.  C’est très clair dans le cas des croyances survivantistes religieuses ou messianiques [2], mais c’est également une explication très séduisante de croyances survivantistes « politiques » (le sébastianisme étant ici le cas le plus frappant) : croire à la survie de tel monarque ou de tel représentant d’une dynastie renversée c’est s’autoriser à vivre dans l’espoir du retour de l’ordre ancien. Il faut cependant envisager des cas où la croyance survivantiste ne semble pas s’appuyer sur un désir du retour du disparu : je pense notamment aux légendes survivantistes concernant Hitler ou Martin Bormann. Je ne sais pas où ces légendes sont nées ; il n’est pas impossible que les premiers à avoir cru à la survie du führer ait été des nazis qui espéraient son retour, mais même si c’est le cas, il faut noter que ces croyances se sont diffusées chez des gens qui n’espéraient  nullement ce retour et qui jouaient plutôt à se faire peur avec cette idée. Il me semble cependant qu’il peut y avoir une autre espèce d’envie-d-y-croire à l’appui des croyances survivantistes que le désir du retour du disparu : on pourrait parler d’un désir de croire au mystère, d’un désir de croire que les choses ne sont pas ce qu’elles semblent être. On ne peut nier qu’on tire du plaisir à spéculer sur les possibilités qu’ouvre le doute sur la mort d’un personnage, et que ceux qui viennent dissiper définitivement le mystère (comme c’est le cas pour Louis XVII ou Anastasia Romanov)  apparaissent comme des rabat-joies. Ce plaisir d’imaginer ce que pourraient être les recoins cachés de l’histoire peut se combiner au plaisir de se croire un des élus qui n’est pas dupe de la version officielle (un des ressorts psychologique du complotisme) pour étayer la croyance survivantiste [3].

 

[1] Si on adopte cette proposition pour interpréter l’épisode du chemin d’Emmaüs, il reste à imaginer ce qui se cache derrière l’Ascencion.

[2] Si les ressorts psychologiques qui ont permis l’essor de certaines grandes religions sont toujours présents, il faut alors se demander ce qui rend improbable la naissance de nouvelles religions.

[3] Dans le cas où la version officielle est qu’un personnage est vivant ces facteurs (désir de croire à des vérités cachées / désir de se sentir initié au double-fond de l’histoire) jouent alors en sens inverse comme dans la rumeur de la mort de McCartney .

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