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Pater Taciturnus

~ "Ton péché originel c'est d'ouvrir la bouche. Tant que tu écoutes tu restes sans tache"

Pater Taciturnus

Archives de Tag: incommunicabilité

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21 mercredi Juil 2021

Posted by patertaciturnus in Aphorisme du jour, Divers vers

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incommunicabilité, René Char

On ne partage pas ses gouffres avec autrui, seulement ses chaises.

René Char, Tous partis, in Fenêtres dormantes et portes sur le toit

*

Soit, mais par cet aphorisme, Char nous partage-t-il un de ses gouffres ou l’une de ses chaises ? Cet aphorisme, on l’aura compris, s’expose au même paradoxe que toutes les tentatives de communiquer à autrui le sentiment de l’incommunicabilité entre les êtres.

Journal lucide 2

22 samedi Fév 2014

Posted by patertaciturnus in Pessoa est grand

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amitié, Fernando Pessoa, incommunicabilité

Le premier extrait que j’ai cité du texte intitulé Journal lucide en indiquait déjà la teneur dominante : il s’agit d’une déploration autour du thème « je n’ai pas d’amis ». Voyons comment il est développé avec des variations du type « personne ne peut m’aimer », et « personne ne me comprend ».

 *

 Le prix bien naturel, qu’a reçu mon éloignement de la vie a été de susciter chez les autres une totale incapacité à sentir en accord avec moi. Il existe autour de moi  une auréole de froideur, un halo glacial qui repousse les autres. Je n’ai pas encore réussi à ne pas souffrir de ma solitude – si grande est la difficulté qu’il y a à atteindre cette distinction de l’esprit qui permettrait à l’isolement d’être, simplement, un repos sans angoisse.

Je n’ai jamais accordé le moindre crédit à l’amitié que l’on a pu me témoigner, comme je n’en aurais donné aucun à l’amour qu’on aurait pu me manifester – ce qui, d’ailleurs, eut été impossible. Sans nourrir aucune illusion à l’égard de ceux qui se disaient mes amis, j’ai néanmoins réussi à souffrir chaque fois des désillusions qu’ils m’infligeaient — si subtile et si complexe est ma destinée, qui est de souffrir.

Je n’ai jamais douté d’être trahi à chaque pas, et j’ai toujours été stupéfait quand on me trahissait. Quand se produisait cela même que j’attendais, c’était toujours pour moi totalement inattendu.

N’ayant jamais découvert en moi de qualités capables d’attirer un être humain, je n’ai jamais cru non plus qu’un être humain puisse être attiré par moi. Une telle opinion serait d’une modestie frisant la niaiserie, si les faits — ces faits inattendus auxquels je m’attendais toujours — ne l’avaient confirmée jour après jour.

 *

Le thème de l’incompréhension et de l’incommunicabilité peut être abordé sous différents angles. On peut se lamenter de ne pas être compris par les autres, on peut se lamenter de ne pas comprendre les autres, enfin on peut s’élever à la généralisation « personne ne comprend personne ».

Ce texte relève clairement de la première approche. Le narrateur attribue son statut d’incompris à une particularité personnelle «mon éloignement de la vie », « ma destinée, qui est de souffrir », et il ne la réfère pas à la condition générale de l’homme. Cette approche est susceptible de donner lieu à des poses aristocratiques (ils ne me comprennent pas parce que je suis meilleur qu’eux), en particulier quand l’incompris prétend en revanche comprendre les autres. Mais on peut constater que dans cet extrait, le narrateur ne fait pas de son statut d’incompris un titre de noblesse : d’une part, il ne met pas en avant sa propre compréhension des autres – en contraste avec l’incompréhension qu’il subit-, d’autre part il se reproche de ne pas être à la hauteur de sa solitude :il n’atteint pas cette « distinction de l’esprit qui permettrait à l’isolement d’être, simplement, un repos sans angoisse ».

J’essaierai d’examiner la suite du Journal lucide une prochaine fois. Je tenterai également de retrouver les textes dans lesquels le thème de l’incommunicabilité est traitée par Pessoa selon d’autres approches : qu’il adopte plus clairement une posture aristocratique, ou qu’il s’élève à la généralité du « personne ne comprend personne ». Ces deux dernières approches ne sont d’ailleurs pas complètement incompatibles : certes, si personne ne comprend personne, le statut d’incompris ne peut plus être un titre de noblesse, mais dans ce cas c’est la conscience de ce destin général de l’humanité qui sera élevée au rang de signe distinctif de l’esprit supérieur.

Litanie de la désespérance

24 vendredi Jan 2014

Posted by patertaciturnus in Pessoa est grand

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désespérance, Fernando Pessoa, incommunicabilité, perfection et imperfection

PESSOA1

« Joins les mains, place les entre les miennes et écoute-moi, ô mon amour.

Ce que je veux te dire, c’est, d’une voix douce et berceuse comme celle d’un confesseur distillant ses conseils, combien le désir d’obtenir est en deçà de ce que nous obtenons.

Je veux réciter, ma voix mêlée à ton esprit attentif, la litanie de la désespérance.

Il n’est aucune œuvre, d’aucun artiste, qui n’aurait pu être plus parfaite. Lu vers par vers, le plus grand des poèmes contient bien peu de vers qui ne pourraient être meilleurs, bien peu d’épisodes qui ne pourraient connaître une plus grande intensité, et l’ensemble n’atteint jamais à une perfection telle que celle-ci n’ait pu être encore bien supérieure.

 Malheur à l’artiste qui s’en aperçoit ! qui, un beau jour, se met à y réfléchir ! Il n’aura plus jamais de joie dans son travail, ni de repos dans son sommeil Il traverse la jeunesse sans jamais être jeune, et vieillit insatisfait.

Et puis, pourquoi exprimer ? Le peu de chose que l’on dit se trouverait bien mieux de n’avoir jamais été dit.

Si seulement je pouvais me persuader de la beauté du renoncement, comme je serais, à tout jamais, douloureusement heureux !

Car tu n’aimes pas ce que je dis avec les oreilles dont je m’entends moi-même le dire. Si je m’écoute parler tout haut, les oreilles dont je m’entends parler ne m’écoutent pas de la même façon que cette oreille intime dont je m’entends penser les mots. Si je me trompe sur moi-même en m’écoutant, au point de me demander souvent ce que j’ai bien pu vouloir dire, combien plus éloignés seront les autres de me comprendre !

De quelles complexes mésintelligences n’est pas faite la compréhension que les autres ont de nous !

Le plaisir délicieux de se voir compris reste interdit à ceux qui, précisément, ne veulent pas l’être — ce qui est le propre des êtres complexes et incompris ; quant aux autres, ces gens simples que tout le monde peut comprendre — ceux-là n’éprouvent jamais le besoin d’être compris… »

Fernando Pessoa, Le livre de l’intranquillité,
Christian Bourgois 1999, traduit du portugais par François Laye

*

J’ai reproduit l’intégralité du fragment 328 (p. 325 – 326 ) de la traduction de 1999 et j’ai l’intention de redonner souvent la parole à Pessoa. D’ailleurs le seul suspense concernant ce blog concerne la question de savoir qui de Canetti ou de Pessoa y sera le plus présent.

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