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~ "Ton péché originel c'est d'ouvrir la bouche. Tant que tu écoutes tu restes sans tache"

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Archives de Tag: Günther Anders

Adorno facts

27 dimanche Mar 2022

Posted by patertaciturnus in Insatiable quête de savoir, Perplexités et ratiocinations

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Günther Anders, T. W. Adorno

Il est amusant de rapprocher ces deux extraits de l’article de Wikipedia consacré à Gunther Anders.

« Günther tente en 1929 d’obtenir une habilitation à l’université de Francfort, sous la direction de Paul Tillich, en présentant ses recherches philosophiques sur les situations musicales. Elle lui est refusée à cause des réserves émises par l’un des membres du jury, assistant de Tillich : Theodor W. Adorno. »

« Günther Anders a reçu de nombreux prix, dont […] le prix Theodor W. Adorno de la ville de Francfort (1983). »

Adorno est mort en 1969.  Le prix portant son nom a été créé en 1977 et il est décerné tous les 3 ans ; Anders en fut donc le 3e récipiendaire après Norbert et Elias et Jürgen Habermas  (le palmarès comprend quelques autres « pointures »).

Je suis curieux de savoir si Anders a fait un discours de réception de son prix et s’il y a fait référence au fait qu’il devait à Adorno de ne pas avoir eu la carrière universitaire qu’il avait initialement visée.

On peut également se poser quelques questions contrefactuelles. Adorno aurait il accepté qu’Anders reçoive un prix portant son nom ? (j’ignore complètement quelles relations ils ont eu dans la suite de leur carrière mais je n’ai guère de doute qu’ils ont continué à entendre parler l’un de l’autre puisqu’ils brassaient les mêmes thèmes et qu’ils sont tous deux revenus en Allemagne après, leur exil américain).  Anders aurait-il eu le « prix Adorno » si Adorno n’avait pas fait obstacle à sa carrière universitaire 54 ans auparavant ? (d’ailleurs est-on sûr qu’il y a un monde possible dans lequel Anders aurait eu l’habilitation en 1929 et où un prix Adorno serait créé en 1977 – ou à une autre date- ?). Valait-il mieux pour Anders ne pas avoir l’habilitation en 1929 et avoir le prix Adorno en 1983 ou avoir l’habilitation en 1929 mais pas le prix en 1983?

Faim de sens (2)

29 jeudi Avr 2021

Posted by patertaciturnus in Lectures

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absurdité, faim, Günther Anders, psychothérapie, sens de la vie

« Ceux qui nous invitent à lutter contre l’absurdité – et il y en a déjà des milliers et des milliers aujourd’hui — ne valent pas mieux que les politiques lorsqu’ils donnaient aux hommes affamés de la région du Sahel le conseil de lutter contre leur sentiment de manquer de pain – un cynisme qu’aucun homme d’État ne s’était encore jamais permis. Les psychothérapeutes qui osent refiler une « volonté de sens »[1] aux millions d’hommes qui traînent leur existence dans des bureaux ou des usines ou, en tant que chômeurs, devant les écrans de télévision ne valent pas mieux que les hommes d’État recommandant aux affamés une « volonté d’être rassasiés » et leur faisant croire que cette volonté constitue déjà une moitié de pain avec laquelle, s’ils le voulaient vraiment, ils pourraient se rassasier sur-le-champ.

C’est avec ce genre de verbiage insupportable que des milliers de psychothérapeutes mènent à la folie les patients qui viennent les consulter parce qu’ils ont le sentiment chronique d’un « vide de sens ». D’entrée de jeu, ils sont sincèrement d’accord avec les patients. « Vous avez raison, votre sentiment est légitime. Pour vous, la vie que vous menez (en tant qu’ouvrier de l’usine d’aiguilles, comme chirurgien passant sa vie à faire des liftings ou comme vendeur de billets de loterie), même si votre activité peut éventuellement être utile à des hommes, même si elle était « humanisée », n’a aucun sens. Ne croyez pas que l’expression « sens de la vie » que vous utilisez a jamais possédé la moindre signification auparavant ou que vous avez possédé auparavant l’objet dont vous êtes venu douloureusement me déclarer la perte. Auparavant, vous ne possédiez pas le sens mais vous étiez dans un état où vous n’aviez pas pour autant faim de sens. Vous pouviez même vous faire faire une « prothèse de sens » pour remplacer le sens prétendument perdu. Pourquoi supposez-vous qu’une vie devrait ou pourrait offrir quelque chose — ce que vous appelez précisément le « sens » — en plus de l’existence ? Ne croyez pas que vous pourriez « trouver » le sens de votre vie (il n’est caché nulle part, le problème est plutôt que votre vie n’a pas de sens) ; ou même qu’un autre, moi par exemple, le prétendu thérapeute, je pourrais le trouver pour vous et vous le poser comme on pose une dent sur pivot. Non, ce que vous n’avez pas perdu, parce que vous ne l’avez jamais possédé, avec la meilleure volonté du monde personne ne peut non plus le « retrouver »[2] pour vous. Et même si votre vie « avait un sens » : comme il doit être lamentable, contradictoire, pour ne pas dire immoral, pour se cacher si profondément (tout en prétendant servir de fin directrice et de justification à votre vie) qu’il reste impossible à trouver et à reconnaître et échoue donc à remplir sa fonction. Le langage courant de la philosophie triviale aime utiliser l’expression « sens profond ». Elle prétend que la vie ou le monde possèdent un tel sens. Mais si ce discours sur la « profondeur » touche, c’est seulement parce que la recherche du sens, puisqu’elle est absurde, reste vaine — voilà pourquoi on creuse toujours plus profond ». Moins on trouve de sens, plus il doit être profond. Pire c’est, mieux c’est. » Ce n’est pas moi qui parle, je le rappelle. Il s’agit des propos sincères d’un psychothérapeute fictif.

Non, le sentiment de l’« absurdité de la vie » n’est pas le symptôme d’une pathologie, un symptôme qui aurait besoin d’être traité, mais un  sentiment justifié face au fait de l’absurdité, le signe d’une disposition non altérée à la vérité, pour ne pas dire un symptôme de bonne santé. Cette disposition à la vérité exige bien sûr, aussi paradoxal que cela puisse sembler, que nous cessions de chercher du « sens ». Peu importe : les vrais malades sont ceux — et ils sont des centaines de millions — qui n’ont jamais senti qu’ils menaient en fait une vie absurde, ceux qui ont appris tôt et avec succès à vivre dans l’absurdité et à ne rien attendre d’autre.

Pour ce qui concerne les milliers de thérapeutes, ils ressemblent à ces patrons de bar des régions du Far West où eut lieu le Goldrush, qui n’ont jamais creusé eux-mêmes à la recherche de l’or supposé mais sont arrivés à l’or par l’intermédiaire des chercheurs d’or qui, pour 99% d’entre eux, ont laissé leur peau dans cette ruée. Ils ressemblent aussi, pour utiliser une autre image, aux médecins qui, au lieu d’envoyer ceux qui ont faim au restaurant, leur font une injection contre le sentiment de faim. Moyennant honoraires.

Günther Anders, L’obsolescence de l’homme Tome II, ed. fario, p.364-366

 

[1] Anders vise ici particulièrement le psychiatre Viktor Frankl dont l’autobiographie s’intitule Man’s search for meaning.

[2] Ici intervient la note que j’ai cité récemment.

 

Faim de sens

27 mardi Avr 2021

Posted by patertaciturnus in Lectures

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faim, Günther Anders, négatif, sens

Günther Anders

« Le pain et le sens n’occupent pour nous le premier plan que lorsqu’ils ne sont pas là. Nous ne pouvons pas approfondir ici ce très important « primat du négatif » pour la conscience. Le sens n’est « sensé » et expérimentable que dans sa négation. L’homme rassasié n’est pas aussi conscient  du fait qu’il n’ pas faim que l’homme affamé du fait qu’il a faim. Être rassasié ne torture pas. De façon analogue, l’homme heureux n’est pas aussi conscient de son « sens » que l’homme malheureux l’est de son vide de sens. Nos grands-mères, qui avaient une petite troupe d’enfants pendue à leurs basques , n’avaient non seulement pas le temps de partir à la recherche du sens de leur vie, mais il ne leur était non plus jamais venu à l’idée qu’elle pouvait en avoir un. Elles avaient peur de la faim et de la maladie, mais pas du vide de sens. Cette dernière peur est un luxe. »

Günther Anders, L’obsolescence de l’homme Tome II, ed. fario, p.365

La musique sérieuse est-elle sérieuse ?

09 mardi Mar 2021

Posted by patertaciturnus in Lectures

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culture légitime, Günther Anders, musique

« Quand les bandleaders cherchent à diriger cette musique [le jazz] comme on dirige la musique dite « sérieuse », la musique symphonique qui, elle, n’est faite que pour être écoutée, on est en plein malentendu. Ils veulent donner à cette musique la respectabilité sociale d’une « valeur culturelle » reconnue. Si cette exigence est fausse, ce n’est pas parce que cette musique est trop  « légère », parce qu’elle ne serait que de la « popular music », mais au contraire parce qu’elle est terriblement sérieuse, trop sérieuse pour une salle de concert. Je veux dire qu’elle intervient d’une façon incomparablement plus profonde et violente sur l’homme, qu’elle modifie d’une façon incomparablement plus radicale son « ethos » (au sens musical et moral des Grecs) que ne peuvent le faire aujourd’hui les concerts de musique symphonique ; si ces derniers sont encore si solennels, c’est parce que, une fois retombé le fracas de leurs symphoniques apothéoses, ils laissent leurs auditeurs — qui ne constituent qu’un public — sur un sentiment qui s’évanouit très vite, tant le moment passé dans la salle de concert a peu de rapports avec leur existence. Rien n’est moins sérieux que l’effet produit par la musique sérieuse. Rien n’est plus sérieux, en revanche, rien n’est plus lourd de conséquences, plus dangereux, plus destructeur que l’effet produit par cette musique qu’on se plaît à dire « légère ». » 

Günther Anders, L’obsolescence de l’homme, trad . Christophe David, ed. IVREA, p.107

 

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