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Pater Taciturnus

~ "Ton péché originel c'est d'ouvrir la bouche. Tant que tu écoutes tu restes sans tache"

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Archives de Tag: existentialisme

Teneur chosale ou pantalon ?

28 lundi Mar 2022

Posted by patertaciturnus in Lectures

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existentialisme, Theodor Adorno, Witold Gombrowicz

Le premier épisode de la confrontation entre Gombrowicz et Adorno postait sur la culture, l’épisode du jour portera sur la critique de l’existentialisme.

« Les orientations qui portent comme devises des dérivés de l’existere latin voudraient en appeler à l’effectivité de l’expérience vivante contre la science particulière aliénée. Par peur de la réification, elles recu­lent devant ce qui a une teneur chosale. En sous-main, cela devient pour elle un exemple. Ce qu’elles soumettent à  l’ἐποχή se venge d’elles en imposant sa puissance derrière le dos de la philosophie, dans les décisions qui pour elle sont irrationnelles. Le penser expurgé de contenus chosaux n’est pas supérieur à la science particulière dépourvue de concepts ; toutes ces versions tombent pour une seconde fois précisément dans ce formalisme qu’elles combattent au nom de l’intérêt essentiel de la philosophie. Ce formalisme est rempli après coup d’emprunts contingents provenant particulièrement de la psychologie. L’intention de existentialisme, du moins dans sa forme française radicale, serait réalisable non dans la distance aux contenus chosaux mais dans leur  proximité menaçante. On ne saurait surmonter la séparation entre le sujet et l’objet par la réduction à l’essence de l’homme, quand bien même cette essence serait celle de l’individuation absolue. »

Theodor Adorno, Dialectique négative, p. 47

*

« Je n’étais peut-être pas tellement loin de choisir une existence qu’ils appellent authentique — au rebours de la vie légère de l’instant, cette vie qu’ils disent banale —, de la choisir, si grande est la pres­sion universelle de l’esprit de sérieux. Dans les temps rudes que nous sommes en train de vivre, il n’existe ni pensée ni art qui ne vous appelle à grande voix : voyons, ne t’esquive pas, n’élude pas, accepte le jeu décisif, assume ta responsabilité ; surtout ne plai­sante pas, ne fuis pas, ne te défile pas ! Bon, mais moi, je voulais tout de même essayer de ne pas me mentir au sujet de ma propre existence. Alors, je me mis en devoir d’essayer cette vie authentique et d’user d’une loyauté absolue vis-à-vis de l’existence. Eh bien non, ça n’allait pas, car cette authenticité se révélait encore plus mensongère que tout l’arsenal de mes bonds, sauts, feintes et cabrioles pris ensemble. Avec mon tempérament d’artiste, si je ne m’y connais guère en théorie, je possède pas mal de flair quand il s’agit de style. Lorsque, pour vivre, j’eus recours au maximum de conscience, en essayant d’établir mon existence en elle, je m’aper­çus qu’il m’arrivait quelque chose de stupide. Rien à faire! rien ne marchait. Il est absolument impossible de se plier aux exigences de l’« existence authen­tique », et de prendre en même temps son café-crème avec des croissants au goûter — non, il n’est pas possible de concilier la « conscience définitive » avec le fait qu’on circule en pantalon et qu’on parle au téléphone. Vous pouvez inventer tout ce que vous voudrez, mettre ce machin à toutes les sauces, il y a là quelque chose d’irréconciliable.

Mais attention, ici, essayons de nous entendre, Si je me plains, ce n’est pas tant à cause des difficultés relevant de la réalisation, de la « mise en œuvre » de cette philosophie, attitude excessivement naïve eu égard au genre de la pensée existentialiste, qui n’est pas pensée sur l’existence, mais fonde et établit cette existence. Pour l’artiste que je suis, peut-être même n’y a-t-il pas là de philosophie au sens propre. Moi, quand je parle de l’opposition irrémédiable entre l’« existence authentique » et le café-crème de notre goûter, c’est plutôt à l’expérience intérieure que je fais allusion, celle qui en chacun de nous précède le fait du penser philosophique et le rend possible, — oui, je pense à l’aiguillage préliminaire, qui, des rails du quotidien, nous fait passer sur la voie définitive. Ah, merveilleux savants ! malgré tous les in-folios pondus, cette opposition, ce hiatus, cette plaie demeure en moi aussi béante et criante, aussi crue que si vous ne m’aviez rien appris du tout. Vaines sont vos formules et toutes vos belles paroles! Com­ment concilier, comment relier le définitif au quoti­dien? que faire pour nous implanter dans le défini­tif? et sous quelle forme? Voici que M. Sartre se lève pour m’assurer que la chose est faisable par le tru­chement, disons, de la phénoménologie. Je le toise, moi, du regard et me remets à chercher, et je me redemande comment accorder ces dires sartriens avec le simple fait qu’il porte un pantalon? Oui, comment passer sur ce moment capital de son évolution où, du Sartre normal et porteur d’un pantalon, est né justement un philosophe ?… Cet instant me chagrine et m’humilie en Sartre autant qu’en moi-même. Autrement dit, quoi qu’on dise ou qu’on écrive, moi artiste, je ne peux m’empêcher d’apporter, à chercher l’homme ordinaire dans le philosophe, la même passion que le philosophe apporte à chercher l’« existence authentique » dans l’homme ordinaire.

Witold Gombrowicz, Journal I, p. 397 – 398

*

Un texte qui parle de « teneur chosale » a lui même moins de teneur chosale qu’un texte qui parle de pantalon. Etonnant, non ?

Geworfenheit

31 mercredi Jan 2018

Posted by patertaciturnus in Divers vers

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existentialisme, Omar Khayyâm, sens de la vie

Il m’a créé d’abord par contrainte ;
La vie n’a augmenté que ma surprise.
Je suis parti malgré moi sans avoir su
Quel était le but de ma venue, de mon séjour, de mon départ !

Omar Khayyâm, Robâiyât
trad Rezvanian : 50

Partir comme on est venu

28 mardi Juin 2016

Posted by patertaciturnus in Divers vers

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existentialisme, Omar Khayyâm, sens de la vie

Ma venue ne fut d’aucun  intérêt pour le monde ;
Mon départ n’augmentera en rien son honneur.
Mes deux oreilles n’ont jamais ouï de personne
La raison de cette venue et de ce départ.

Omar Khayyâm, Robâiyât, traduit du persan par Hassan Rezvanian

Ponctuation existentielle

21 samedi Mar 2015

Posted by patertaciturnus in Aphorisme du jour, Pessoa est grand

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existentialisme, Fernando Pessoa

« La vie est une hésitation entre une exclamation et une interrogation. Dans le doute, il y a un point final. »

Fernando Pessoa, Le livre de l’intranquillité, §. 375

Laideur et lucidité existentielle

27 vendredi Fév 2015

Posted by patertaciturnus in Food for thought

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beauté et laideur, existentialisme, lucidité, Simone Weil

Auste Toulmouche, Vanity

Auguste Toulmouche, Vanity

« Élévation et abaissement. Une femme qui se regarde dans un miroir et se pare ne sent pas la honte de réduire soi, cet être infini qui regarde toutes choses, à un petit espace. De même toutes les fois qu’on élève le moi (le moi social, psychologique, etc.) si haut qu’on l’élève, on se dégrade infiniment en se réduisant à n’être que cela. Quand le moi est abaissé (à moins que l’énergie ne tende à l’élever en désir), on sait qu’on n’y est pas cela.
Une très belle femme qui regarde son image au miroir peut très bien croire qu’elle est cela. Une femme laide sait qu’elle n’est pas cela. »

Simone Weil, La pesanteur et la grâce, chap. 9

Existentialisme du dimanche soir

18 dimanche Jan 2015

Posted by patertaciturnus in Food for thought, Lectures

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existentialisme, Simone de Beauvoir, universel

« Les hommes d’aujourd’hui semblent ressentir plus vivement que jamais le paradoxe de leur condition. Ils se reconnaissent pour la fin suprême à laquelle doit se subordonner toute action : mais les exigences de l’action les acculent à se traiter les uns les autres comme des instruments ou des obstacles : des moyens; plus s’agrandit leur emprise sur le monde, plus ils se trouvent écrasés par des forces incontrôlables : maîtres de la bombe atomique, elle n’est crée cependant que pour les détruire ; chacun d’entre eux a sur les lèvres le goût incomparable de sa propre vie, et cependant chacun se sent plus insignifiant qu’un insecte au sein de l’immense collectivité dont les limites se confondent avec celles de la terre ; à aucune époque peut-être ils n’ont manifesté avec plus d’éclat leur grandeur, à aucune époque cette grandeur n’a été si atrocement bafouée. »

Simone de Beauvoir, Pour une morale de l’ambiguïté, Gallimard idées p. 16

*

Je me demande comment le contenu de la première phrase s’explique dans un perspective existentialiste : pourquoi des paradoxes qui sont censés tenir à des structures universelles de la condition humaine seraient ils ressentis plus intensément à certaines époques? Est-ce à dire qu’il y a des situations particulières qui donnent plus facilement accès à ces structures universelles? Comment est-ce possible ? qu’est-ce qui caractériserait de telles situations privilégiées? Et comment rendre compte de cette idée de conditions favorables sans recourir au déterminisme que bannissent les existentialistes?

On notera d’ailleurs que certains des paradoxes évoqués dans cet extrait sont plus ou moins explicitement liés à la situation historique contemporaine.

« plus s’agrandit leur emprise sur le monde, plus ils se trouvent écrasés par des forces incontrôlables : maîtres de la bombe atomique, elle n’est crée cependant que pour les détruire »

« chacun d’entre eux a sur les lèvres le goût incomparable de sa propre vie, et cependant chacun se sent plus insignifiant qu’un insecte au sein de l’immense collectivité dont les limites se confondent avec celles de la terre »

« à aucune époque peut-être ils n’ont manifesté avec plus d’éclat leur grandeur, à aucune époque cette grandeur n’a été si atrocement bafouée. »

De quel droit attribuer à des paradoxes qui apparaissent dans une situation déterminée, le statut de révélateur des universaux de la condition humaine?

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