En jaune et vert
24 dimanche Sep 2017
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in24 dimanche Sep 2017
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in25 samedi Avr 2015
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Le sort que la réforme du collège réserve aux langues anciennes suscite le débat : à quoi bon enseigner encore le grec et le latin aujourd’hui ? Je me devais de proposer à mes lecteurs les arguments proposés par les plus fins esprits.
« L’analyse grammaticale ! Mauvais souvenirs d’enfance. De mon temps, on en faisait beaucoup, et c’était très ennuyeux parce que chaque mot exigeait plusieurs lignes d’écriture où les mêmes formules se répétaient sans cesse avec une désespérante monotonie. Mais ces formules étaient abstraites et ne disaient rien à l’esprit des enfants. Je crois que la plupart des élèves des classes primaires finissent par y réussir, mais en se servant de règles empiriques ; pour eux, par exemple, le mot qui est avant le verbe, c’est le sujet, celui qui est après, c’est le régime direct, mais ils ne se rendent pas compte des véritables rapports que ces mots expriment. Il n’en est pas de même avec le thème et la version ; de semblables artifices ne sont plus de mise, l’élève doit remplacer les mots les uns par les autres, et mettre ces mots au cas convenable, ce qui l’oblige à réfléchir sur leurs rapports mutuels. Ce ne sont plus d’ailleurs des formules abstraites qu’il manie, mais des mots dont chacun a sa physionomie propre, et qui sont encore un peu vivants. Pesez quel profit on tire d’un thème d’une page, et estimez d’autre part combien de feuille de papier il aurait fallu noircir si l’on avait voulu faire l’analyse grammaticale du texte de ce même thème. Cela permet de comparer le rendement des deux méthodes. C’est donc la pratique du thème et de la version qui nous apprendra à comprendre véritablement le sens des phrases et nous rendra par là aptes à nous en servir dans les raisonnements. […]
Avec les langues anciennes, à cause de la richesse de leurs flexions, des inversions fréquentes qui bouleversent l’ordre des mots, cet exercice est tout particulièrement profitable. D’ailleurs, […]depuis quelque temps on enseigne les langues modernes en proscrivant le thème et la version ; c’est ce que l’on appelle la méthode directe, et elle parait justifiée par d’assez grands avantages. Quoi qu’il en soit, depuis qu’elle est universellement pratiquée les langues modernes ne peuvent plus jouer le même rôle que les langues mortes au point de vue qui nous occupe. Et cela montre combien il serait absurde de vouloir appliquer la méthode directe au latin ; on n’apprend pas le latin pour parler le latin, comme si on avait à demander son chemin à un contemporain de Cicéron dans un carrefour de Suburre ; on apprend le latin pour l’avoir appris, parce qu’on ne peut l’apprendre sans se plier à une gymnastique utile, dont je viens de chercher à expliquer l’un des avantages. Le jour où l’on apprendra le latin par la méthode directe, il deviendra superflu de l’apprendre.
[…]
Mais ce n’est pas là le plus important. C’est au contact des lettres antiques que nous apprenons le mieux à nous détourner de ce qui n’a qu’un intérêt contingent et particulier, à ne nous intéresser qu’à ce qui est général, à aspirer toujours à quelque idéal. Ceux qui y ont goûté deviennent incapables de borner leur horizon ; la vie extérieure ne leur parle que de leurs intérêts d’un jour, mais ils ne l’écoutent qu’à moitié, ils ont hâte qu’on leur fasse voir autre chose, ils emportent partout la nostalgie d’une patrie plus haute… »
Ah, ces littéraires, que ne seraient ils pas prêts à raconter comme fadaises pour défendre leurs marottes… Heureusement que les praticiens des sciences dures sont là pour nous ramener à la raison :
« Car, si une littérature doit servir à faire connaître une civilisation, la connaissance de la langue dans laquelle cette littérature est écrite peut encore être utile, mais n’est plus nécessaire. Il est bon de posséder cette langue, parce qu’on peut ainsi approcher de plus près les idées que l’on veut atteindre; mais, du moment où il ne s’agit plus essentiellement d’en faire goûter la valeur esthétique, une traduction peut, dans une large mesure, et surtout pour cette première initiation générale du collège, tenir lieu du texte. C’est ainsi qu’on peut concevoir que l’enseignement secondaire atteigne une des fins principales qu’il a toujours poursuivies, sans imposer pour autant l’étude des deux langues anciennes. Une étude des civilisations et des littératures de l’Antiquité ainsi comprise produira à peu près les mêmes effets que si la langue grecque et la langue latine étaient enseignées.
[…]
Mais, si c’est grâce au langage que la distinction et l’organisation logique se sont introduites dans l’esprit, l’étude des langues est évidemment le meilleur moyen d’habituer l’enfant à distinguer et à organiser logiquement les idées. C’est en le faisant réfléchir sur les mots et les sens, et sur les formes grammaticales, qu’on peut le mieux l’exercer à voir clair dans sa pensée, c’est-à-dire à en apercevoir les parties et les rapports. Et c’est là, en effet, le grand service qu’ont rendu ces exercices de langue qui tiennent encore tant de place dans nos classes. Il n’est pas douteux que, sous ce rapport, les langues anciennes présentent des avantages particuliers. Précisément parce que les peuples anciens sont loin de nous, dans le temps, ils avaient une manière d’analyser leur pensée très différente de la nôtre, et c’est cette différence même qui faisait du latin et du grec un stimulant exceptionnellement efficace à cette forme spéciale de réflexion. […] Ce n’est pas pourtant que le latin et le grec soient irremplaçables. On peut trouver à ces exercices classiques d’utiles substituts. Quoi qu’on en ait dit, je ne crois pas qu’il faille trop compter pour cela sur les langues vivantes ; d’abord pour les raisons que je viens d’indiquer, savoir la parenté de ces langues avec la nôtre. Et puis parce que l’emploi de la méthode directe rejette au second plan la version et le thème et, par définition, en quelque sorte, exclut presque les exercices de transposition. Mais ce qui serait possible, c’est d’instituer délibérément des exercices méthodiques et répétés de vocabulaire. Pourquoi ne pas dresser l’enfant à se rendre perpétuellement compte du sens des mots qu’il emploie ? Il faudrait, en quelque sorte, l’amener à définir à chaque âge les termes de son vocabulaire, l’inciter sans cesse, par tous les moyens, a prendre conscience de ses idées. Ces exercices, d’ailleurs, gagneraient à ne pas se faire au hasard ; les mots sur lesquels on appellerait son attention pourraient être groupés rationnellement, suivant leurs rapports étymologiques, ou suivant leurs rapports de sens, suivant les cas. Car il faut employer toutes les combinaisons. Toute une discipline, dont je me borne à indiquer le principe, est à instituer en vue de ce but même, dont on pourrait atteindre les meilleurs fruits, si elle était appliquée avec suite et méthode. »
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Mes chers lecteurs, je vous laisse jouer aux devinettes pour identifier les auteurs de ces textes. Faites vos hypothèses puis consultez saint Google pour obtenir la réponse.
07 samedi Mar 2015
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Petite devinette : quand et par qui a été écrit le texte ci-dessous?
« Mais les pièces de théâtre étant devenues une marchandise comme une autre, ils [les auteurs] disent , et c’est bien vrai, que les acteurs ne les leur achèteront que si elles sont fabriquées au goût du jour. Aussi le poète fait-il de son mieux pour répondre aux exigences de celui qui le paie. »
14 samedi Fév 2015
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in19 mercredi Mar 2014
Posted Fantaisie, Insatiable quête de savoir
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Évoquant samedi dernier les philosophes qui pontifient hors de leur domaine de compétence, j’ai donné comme exemple Alain Finkielkraut ou Michel Onfray, mais me rendant compte qu’il était trop facile de les prendre comme têtes de turc, j’ai voulu ajouter Hegel et ses considérations sur le nombre de planètes. Un scrupule m’a fait chercher la source, le titre de l’œuvre de jeunesse dans laquelle Hegel, d’après ce que j’avais lu, avait affirmé qu’il était impossible qu’il y ait plus de six planètes, alors même qu’Herschel venait de découvrir Uranus. Bien m’en a pris, car non seulement j’ai découvert que mes souvenirs n’étaient pas exacts puisque ce n’est pas de la septième mais de la huitième planète que Hegel est censé avoir affirmé l’impossibilité a priori, mais surtout j’ai appris que ce motif de Hegel-bashing facile relevait plutôt de la légende urbaine historico-philosophico-astronomique. C’est en tout cas ce qu’explique un article du Journal for the History of Astronomy (Vol.23, NO. 3/AUG, P.208, 1992). Voici ce qu’écrivent les auteurs E. Craig et M. Hoskin :
It is sad to have call in question such a pleasing tale, but in fact Hegel does no such thing. These authors can only be referring to the short Section III of De orbitis planetarum, for nothing else in the dissertation could possibly be thought to bear on this question. The sarch therefore narrows to a page and a half, which makes it easy to establish there is no « such proof ». In the first place, Hegel is not here concerned in any way with the total number of the planets, but only with wether there is a planet, yet to be discovered, between Mars and Jupiter. Now had he « proved » that there could not be one, just as its discovery was being confirmed, at least the spirit of the anecdote would have been preserved though not its letter. But again the facts disappoint. For what we find is no proof that the gap between Mars and Jupiter must be empty, but only a criticism of the argument that was leading contemporary astronomer to think that it was likely to be occupied.
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Je crains maintenant de découvrir que la philosophie de la nature de Hegel mérite d’être prise très au sérieux. En attendant que cela se produise je vous propose quand même cette devinette : de quel phénomène naturel parle Hegel dans le texte ci dessous extrait de L’Abrégé de l’encyclopédie des sciences philosophiques (traduction Maurice de Gandillac).
… est l’acte par lequel la matière se restaure en son absence-de-forme, en sa fluidité, le triomphe de son homogénéité abstraite sur les déterminités spécifiques ; sa continuité abstraite, qui est seulement auprès d’elle-même, en tant que négation de la négation, est ici posée à titre d’activité.
12 mercredi Mar 2014
Posted Lectures, Paroles et musiques
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culture japonaise, devinette, fleurs d'arbre, printemps, Sakura Sakura, Sei Shônagon
En préambule : l’ambiance musicale
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Poursuivons la célébration de l’arrivée du printemps et l’hommage à la culture japonaise avec un extrait des Notes de chevet de Sei Shōnagon.
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Fleurs des arbres
J’aime la fleur du prunier, qu’elle soit foncée ou claire ; mais la plus jolie, c’est celle du prunier rouge. J’aime aussi un fin rameau fleuri de cerisier, avec ses corolles aux larges pétales, et ses feuilles rouge foncé.
Les fleurs de glycine, tombant en longues grappes, aux belles nuances, sont vraiment superbes.
Pour la fleur de la deutzie, elle est d’un rang inférieur, et n’a rien qu’on puisse vanter. Cependant, la deutzie fleurit à une époque agréable ; on la trouve charmante quand on pensé que, peut-être, un coucou se cache dans son ombre. Au retour de la fête de Kamo, dans les environs de la lande de Murasaki, que c’est joli lorsqu’on voit, autour des pauvres chaumières, les haies hirsutes, toutes blanches de ces fleurs. On dirait des vêtements blancs mis sur d’autres, verts, et aux endroits où il n’y a pas de fleurs, cela ressemble à une étoffe de couleur « feuille verte et feuille morte». C’est ravissant.
Vers la fin du quatrième mois et le début du cinquième, les orangers, au feuillage vert foncé, sont couverts de fleurs blanches, et quand on les admire, mouillés par la pluie, de grand matin, il semble qu’ici-bas rien n’ait un pareil charme. Si parmi les fleurs on peut découvrir, se détachant très nettement, des fruits mûrs qui paraissent des boules d’or, alors le tableau ne le cède pas même à celui des cerisiers humides, le matin, de rosée. Au reste, il n’est pas besoin de dire le charme de l’oranger, peut-être parce qu’on pense qu’il a une affinité particulière avec le coucou.
La fleur du poirier est la chose la plus vulgaire et la plus déplaisante qui soit au monde. On ne la garde pas volontiers près des yeux, et l’on ne se sert pas d’un rameau de poirier pour y attacher même un futile billet.
Quand on voit le visage d’une femme qui manque d’attrait, c’est à la fleur du poirier qu’on l’assimile, et, en vérité, à cause de sa couleur, cette fleur paraît sans agrément. Pourtant, en Chine, on lui trouve une grâce infinie, on la chante dans les poèmes. Si, la jugeant laide, on réfléchit que quelque chose doit expliquer ce goût des Chinois, et si on la regarde attentivement, on croit distinguer au bord des pétales une jolie nuance rose, si faible qu’on n’est pas sûr de ses yeux. On a comparé la fleur du poirier au visage de Yô Ki-hi, lorsqu’elle vint en pleurant vers l’envoyé de l’Empereur, et l’on a dit : « Le rameau fleuri du poirier est couvert des gouttes qu’y a laissées la pluie printanière » Aussi bien, quand je songe qu’il ne s’agit pas là d’un éloge médiocre, je me dis qu’aucune autre fleur n’est, sans doute, si merveilleusement belle.
La fleur violet-pourpre du paulownia est aussi très jolie. Je n’aime pas la forme de ses larges feuilles étalées ; cependant, je n’en puis parler comme je ferais d’un autre arbre. Quand je pense que c’est dans celui-ci qu’habiterait l’oiseau fameux en Chine, je ressens une impression singulière. A plus forte raison, lorsque avec son bois, on a fabriqué une guitare, et qu’on en tire toutes sortes de jolis sons, les mots ordinaires suffisent-ils pour vanter le charme du paulownia ? C’est un arbre vrai ment superbe!
Bien que le mélia ne soit pas un bel arbre, sa fleur est fort jolie. Chaque année, on ne manque pas de le voir, quand vient la fête du cinquième jour, au cinquième mois, avec ses fleurs déformées par la sécheresse. C’est charmant aussi.
Sei Shônagon, Notes de Chevet
traduction : A. Beaujard, Gallimard -Connaissance de l’orient, p.71 – 72
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Lecteurs attentifs et fins botanistes saurez vous identifier dans les images ci-dessous les différentes fleurs d’arbres évoquées par dame Sei Shônagon : prunier, cerisier, glycine, deutzie, oranger, poirier, paulownia et melia ? (réponse dans les commentaires)
Ceux qui sont assez vieux auront reconnu dans la vidéo introductive une mélodie utilisée dans une publicité télévisée pour Obao ; et à ceux qui étaient pré-adolescents à la fin des années 80, cela aura peut-être évoqué leurs premiers émois sensuels! En réalité il s’agit d’une chanson traditionnelle japonaise intitulée Sakura Sakura, ce qui signifie Cerisiers, cerisiers. En voici une version chantée.
Et pour ceux qui auraient eu la flemme de cliquer le lien, voici les paroles et leur traduction.
sakura sakura
noyama mo sato mo
mi-watasu kagiri
kasumi ka kumo ka
asahi ni niou
sakura sakura
hana zakari
sakura sakura
yayoi no sora wa
mi-watasu kagiri
kasumi ka kumo ka
nioi zo izuru
izaya izaya
mini yukan
Cerisiers, cerisiers,
Sur les collines verdoyantes et les montagnes
Aussi loin qu’on peut voir.
Est-ce du brouillard ou des nuages ?
Parfum dans le soleil du matin.
Cerisiers, cerisiers,
Fleurs en pleine floraison.
Cerisiers, cerisiers,
À travers le ciel de printemps,
Aussi loin qu’on peut voir.
Est-ce du brouillard ou des nuages ?
Parfum dans l’air.
Viens maintenant, viens,
Regardons enfin !