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Pater Taciturnus

~ "Ton péché originel c'est d'ouvrir la bouche. Tant que tu écoutes tu restes sans tache"

Pater Taciturnus

Archives de Tag: connaissance d’autrui

Examine comment il rit, tu apprendras qui il est.

24 mardi Août 2021

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connaissance d'autrui, Dostoievski, rire

Le narrateur de L’adolescent se lance, au cours de la 3e partie dans une tirade sur le rire dont il recommande l’enseignement aux jeunes filles pour l’examen de leurs soupirants et que je me dois de partager. 

« J’ai cette idée que, lorsqu’un homme rit, la plupart du temps il est répugnant à regarder. Le rire manifeste d’ordinaire chez les gens je ne sais quoi de vulgaire et d’avilissant, bien que le rieur presque toujours ne sache rien de l’impression qu’il produit. Il l’ignore, de même qu’on ignore en général la figure qu’on a en dormant. Il est des dormeurs dont le visage reste intelligent, et d’autres, intel­ligents d’ailleurs, dont en dormant le visage devient très bête et partant ridicule. J’ignore d’où cela vient : je veux dire seulement que le rieur, comme le dormeur, le plus souvent ne sait rien de son visage. Il est une multitude extraordinaire d’hommes qui ne savent pas du tout rire. Au fait, il n’y a pas à savoir : c’est un don qui ne s’acquiert pas. Ou bien, pour l’acquérir, il faut refaire son éducation, se rendre meilleur et triompher de ses mauvais instincts : alors le rire d’un pareil homme pourrait très probablement s’améliorer. Il est des gens que leur rire trahit : vous savez aussitôt ce qu’ils ont dans le ventre, Même un rire incontestablement intelligent est parfois repoussant. Le rire exige avant tout la franchise : où trouver la franchise parmi les hommes? Le rire exige la bonté, et les gens rient la plupart du temps méchamment. Le rire franc et sans méchanceté, c’est la gaieté : où trouver la gaieté à notre époque et les gens savent-ils être gais? […] La gaieté de l’homme, c’est son trait le plus révélateur, avec les pieds et les mains. Il est des caractères que vous n’arrivez pas à percer : mais un jour cet homme éclate d’un rire bien franc, et voilà du coup tout son caractère étalé devant vous. Il n’y a que les gens qui jouissent du développement le plus élevé et le plus heureux qui peuvent avoir une gaieté communicative, c’est-à-dire irrésistible et bonne. Je ne veux pas parler du développe­ment intellectuel, mais du caractère, de l’ensemble de l’homme. Ainsi : si vous voulez étudier un homme et connaître son âme, ne faites pas attention à la façon dont il se tait, ou dont il parle, ou dont il pleure, ou même dont il est ému par les plus nobles idées. Regardez-le plutôt quand il rit. S’il rit bien, c’est qu’il est bon. Et remarquez bien toutes les nuances : il faut par exemple que son rire ne vous paraisse bête en aucun cas, si gai et si naïf qu’il soit. Dès que vous noterez le moindre trait de sottise dans son rire, c’est sûrement que cet homme est d’esprit borné, quand même il fourmillerait d’idées. Si son rire n’est pas bête, mais si l’homme, en riant, vous a paru tout à coup ridicule, ne fût-ce qu’un tantinet, sachez alors que cet homme ne possède pas le véritable respect de soi-même, ou du moins ne le possède pas par­faitement. Enfin, si ce rire, quoique communicatif, vous paraît cependant vulgaire, sachez que cet homme a une nature vulgaire, que tout ce que vous aviez remarqué chez lui de noble et d’élevé était ou bien voulu et factice, ou bien emprunté inconsciemment, et que fatalement il tournera mal plus tard, s’occupera de choses « profitables » et rejettera sans pitié ses idées généreuses comme des erreurs et des engouements de jeunesse. »

Dostoïevski, L’adolescent, trad. Pierre Pascal, Folio, p. 382 – 383

Instruments d’observation

17 jeudi Juin 2021

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connaissance d'autrui, Elias Canetti, T. W. Adorno

« La fatuité : un télescope géant. »

Elias Canetti, Le cœur secret de l’horloge, p. 175

« La paille que tu as dans l’œil est le meilleur des verres grossissants. »

Theodor W. Adorno, Minima moralia, p. 47

Comprendre et se comprendre

29 jeudi Août 2019

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comprendre, connaissance d'autrui, culture

« Lorsque par hasard la discussion sur ces questions  avec des empiricistes ne s’enlise pas mais s’approfondit, on aperçoit où réside la différence essentielle entre étudier des hommes  pensant et agissant et étudier des comportements, comme on ferait d’insecte, quitte à les saupoudrer de représentations indigènes plus ou moins épiphénoménales. la différence tient à la profondeur  de la « motivation » du chercheur : ou bien il est prêt à se mettre en cause lui même dans ses propres représentations pour mieux comprendre l’autre, ou bien il n’est pas disposé à le faire et rapporte par conséquent ce qu’il observe et ce qu’il vit à un système de coordonnées immuables pour l’essentiel. C’est dans la considération des idées et valeurs que la relation à l’autre s’approfondit. Le refus de centrer l’attention sur les idéologies équivaut à un refus du chercheur de se mettre en cause lui-même dans sa recherche. »

Louis Dumont, Homo hierarchicus, Tel, p. XVII

Différence sexuelle et connaissance de soi

20 mardi Août 2019

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connaissance d'autrui, connaissance de soi, Karen Blixen

 

« Si les deux sœurs[1] recherchaient la compagnie masculine, c’était par fidélité à l’article de foi, ancré dans le cœur des familles de marins, suivant lequel, quand il s’agit de valeur personnelle, l’opinion de l’autre sexe est nécessaire. Demandez l’avis de quelqu’un de votre sexe sur votre compas de route ou votre équipage, sur votre cuisine ou votre jardin, mais s’il s’agit de savoir ce que vous valez, cette opinion-là, même si elle vient de votre meilleur ami, est nulle et sans importance. C’est à quelqu’un du sexe opposé qu’il faut vous adres­ser. Les vieux capitaines, qui ont doublé le cap Horn et essuyé des tempêtes par centaines, le savent bien. Il se peut qu’ils soient hautement respectés sur le pont ou au mess, et très honorés par leurs solides contempo­rains aux cheveux gris, mais ce sont finalement les jeu­nes filles qui décident s’ils méritent ou non qu’on s’oc­cupe d’eux. Les femmes des vieux marins en ont conscience aussi, qui prennent deux fois plus de peine pour donner bonne opinion d’elles aux jeunes gens et même aux tout jeunes. Cette théorie, ainsi que la faculté de porter un jugement rapide et incisif, au premier coup d’œil, s’est instaurée surtout dans les familles de marins[2], parce que les deux sexes ont la possibilité de s’observer de loin. Un marin ou une fille de marin jugeront une personne de l’autre sexe aussi rapidement et sûrement qu’un chasseur juge un cheval, un fermier, une tête de bétail et un soldat, son fusil. Dans les familles de pasteurs et de fonctionnaires, où hommes et femmes se retrouvent à table chaque jour, il se peut qu’ils se jugent fort bien sur le plan individuel, mais l’homme ignorera ce qu’est la femme, et la femme ne saura pas ce qu’est l’homme ; les arbres empêchent de voir la forêt. »

Karen Blixen, La soirée d’Elseneur, in Sept contes gothiques

[1] Il n’est pas sans intérêt de savoir qu’il s’agit de vieilles filles.

[2] Il est tentant d’opérer un rapprochement  avec ce personnage des Contes d’hiver qui attribue également aux marins une sagesse particulière.

 

Dans la société des insectes entomologistes

14 dimanche Juil 2019

Posted by patertaciturnus in Lectures

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connaissance d'autrui, Crébillon fils, société, tromperie

« Vous devez apprendre à déguiser si parfaitement votre caractère, que ce soit en vain qu’on s’étudie à le démêler. Il faut encore que vous joigniez à l’art de tromper les autres, celui de les pénétrer; que vous cherchiez toujours, sous ce qu’ils veulent vous paraître, ce qu’ils sont en effet. C’est aussi un grand défaut pour le monde que de vouloir ramener tout à son propre caractère. Ne paraissez point offensé des vices que l’on vous montre, et ne vous vantez jamais d’avoir découvert ceux que l’on croit vous avoir dérobés. Il vaut souvent mieux donner mauvaise opinion de son esprit, que de montrer tout ce qu’on en a; cacher, sous un air inappliqué et étourdi, le penchant qui vous porte à la réflexion, et sacrifier votre vanité à vos intérêts. Nous ne nous déguisons jamais avec plus de soin que devant ceux à qui nous croyons l’esprit d’examen. Leurs lumières nous gênent. En nous moquant de leur raison, nous voulons cependant leur montrer qu’ils n’en ont pas plus que nous. Sans nous corriger, ils nous forcent à dissimuler ce que nous sommes, et nos travers sont perdus pour eux. Si nous étudions les hommes, que ce soit moins pour prétendre à les instruire, que pour parvenir à les bien connaître. Renonçons à la gloire de leur donner des leçons. Paraissons quelquefois leurs imitateurs, pour être plus sûrement leurs juges; aidons-les par notre exemple, par nos éloges mêmes, à se développer devant nous, et que notre esprit ne nous serve qu’à nous plier à toutes les opinions. Ce n’est qu’en paraissant se livrer soi-même à l’impertinence, qu’il n’échappe rien de celle d’autrui. »

Crébillon fils, Les égarements du cœur et de l’esprit, p. 245

Autruification

10 dimanche Fév 2019

Posted by patertaciturnus in Pessoa est grand

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connaissance d'autrui, Fernando Pessoa, Henri Bergson, subjectivisme

Le précepte extrait du fragment 237 du Livre de l’intranquillité que j’ai cité mardi dernier :

« Accroître sa personnalité sans rien y inclure d’étranger – sans rien demander aux autres, sans jamais commander aux autres, mais en étant les autres quand on en a besoin. »

peut-être éclairé par un rapprochement avec cet extrait du fragment 138, que j’ai cité naguère, où Pessoa explique l’inanité des voyages réels par rapport aux voyages imaginaires puisqu’au fond, on ne sort jamais de soi :

« Condillac commence ainsi son célèbre ouvrage : « Si haut que nous montions, si bas que nous descendions, nous ne sortons jamais de nos sensations. » Nous ne débarquons jamais de nous-mêmes. Nous ne parvenons jamais à autrui, sauf en nous autruifiant par l’imagination devenue sensation de nous-mêmes. »

Comment est il possible « d’être les autres quand on en a besoin », ainsi que le recommande le premier texte ? En nous « autruifiant  par l’imagination » répond le second.  Ce dernier texte a l’intérêt de faire apparaître le type de conception philosophique sous-jacente à l’étrange recommandation d’être les autres : un subjectivisme sensualiste.

L’âme pessoienne, à l’instar de la monade leibnizienne, n’a pas de fenêtre ; mais  s’il n’est pas possible de sortir de soi, il est du moins possible d’élargir par l’imagination la dimension de la bulle subjective ce qui revient à « accroître sa personnalité ».

Le rapprochement des deux textes révèle néanmoins une tension  : si on ne peut pas « débarquer de soi » (comme l’indique le §. 138), pourquoi vouloir se prémunir du risque d’inclure en soi quelque chose d’étranger (comme semble l’indiquer le §. 237). S’il est impossible de « parvenir à autrui », comment quelque chose d’étranger pourrait-il être inclus en moi ? L’autruification s’oppose à l’aliénation, mais si l’autruification est nécessaire, comment l’aliénation est-elle possible ?

Quant au processus d’autruification par l’imagination dont se réclame Pessoa il n’est pas sans rappeler la description que Bergson donne de la création des personnages par le poète tragique dans Le rire :

« Si paradoxale que cette assertion puisse paraître, nous ne croyons pas que l’observation des autres hommes soit nécessaire au poète tragique. […] Mais, à supposer qu’ils eussent eu ce spectacle, on se demande s’il leur aurait servi à grand-chose. Ce qui nous intéresse, en effet, dans l’œuvre du poète, c’est la vision de certains états d’âme très profonds ou de certains conflits tout intérieurs. Or, cette vision ne peut pas s’accomplir du dehors. Les âmes ne sont pas pénétrables les unes aux autres. Nous n’apercevons extérieurement que certains signes de la passion. Nous ne les interprétons — défectueusement d’ailleurs — que par analogie avec ce que nous avons éprouvé nous-mêmes. Ce que nous éprouvons est donc l’essentiel, et nous ne pouvons connaître à fond que notre propre cœur — quand nous arrivons à le connaître. Est-ce à dire que le poète ait éprouvé ce qu’il décrit, qu’il ait passé par les situations de ses personnages et vécu leur vie intérieure ? Ici encore la biographie des poètes nous donnerait un démenti. Comment supposer d’ailleurs que le même homme ait été Macbeth, Othello, Hamlet, le roi Lear, et tant d’autres encore ? Mais peut-être faudrait-il distinguer ici entre la personnalité qu’on a et celles qu’on aurait pu avoir. Notre caractère est l’effet d’un choix qui se renouvelle sans cesse. Il y a des points de bifurcation (au moins apparents) tout le long de notre route, et nous apercevons bien des directions possibles, quoique nous n’en puissions suivre qu’une seule. Revenir sur ses pas, suivre jusqu’au bout les directions entrevues, en cela paraît consister précisément l’imagination poétique. Je veux bien que Shakespeare n’ait été ni Macbeth, ni Hamlet, ni Othello ; mais il eût été ces personnages divers si les circonstances, d’une part, le consentement de sa volonté, de l’autre, avaient amené à l’état d’éruption violente ce qui ne fut chez lui que poussée intérieure. C’est se méprendre étrangement sur le rôle de l’imagination poétique que de croire qu’elle compose ses héros avec des morceaux empruntés à droite et à gauche autour d’elle, comme pour coudre un habit d’Arlequin. Rien de vivant ne sortirait de là. La vie ne se recompose pas. Elle se laisse regarder simplement. L’imagination poétique ne peut être qu’une vision plus complète de la réalité. Si les personnages que crée le poète nous donnent l’impression de la vie, c’est qu’ils sont le poète lui-même, le poète multiplié, le poète s’approfondissant lui-même dans un effort d’observation intérieure si puissant qu’il saisit le virtuel dans le réel et reprend, pour en faire une œuvre complète, ce que la nature laissa en lui à l’état d’ébauche ou de simple projet. »

La convergence de vue entre Bergson et Pessoa est assez frappante, reste que Pessoa n’est pas, à proprement parler un poète tragique (pas plus que le Flaubert du « madame Bovary, c’est moi »). J’ai tendance à penser que c’est à tort que Bergson veut faire correspondre l’opposition entre la création de personnage fondée sur la germination des potentialités internes celle qui découle de l’observation extérieure de types humains,  à l’opposition entre poètes tragiques et comiques.

Rayons de Lumière d’août

29 mardi Août 2017

Posted by patertaciturnus in Lectures

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connaissance d'autrui, pardon, simulation, William Faulkner

Light in august

« Byron pensait qu’il [Brown] ne lui restait même pas assez de personnalité pour tirer au flanc carrément, cyniquement. Pour désirer même tirer au flanc, car un homme doit s’élever au dessus de l’ordinaire pour pouvoir faire, de la simulation comme de tout autre chose (vol ou même assassinat), un beau travail. Il doit tendre à quelque but spécifique et défini, et s’efforcer vers ce but. Et il pensait que ce n’était pas le cas de Brown. »

William Faulkner, Lumière d’août
trad. Maurice-Edgar Coindreau, Folio, p.61

« A nos yeux, hommes et femmes agissent  toujours pour les mêmes motifs qui nous pousseraient nous-mêmes si nous étions assez fous pour agir comme eux. »

ibid. p.72

« … et qu’on ne doit pas les [les femmes] blâmer pour ce qu’elles font avec les hommes, pour eux, à cause d’eux, car Dieu sait bien qu’être la femme de quelqu’un n’est pas chose commode. »

ibid. p.89

« … car la ville croyait que les honnêtes femmes ne pardonnent point facilement les choses,  bonnes ou mauvaises, de crainte que le goût et la saveur du pardon ne disparaissent du palais de leur conscience. »

ibid. p. 94

« Byron écoutait tranquillement, pensant en lui-même que les gens sont partout pareils, mais qu’il semble que ce soit dans les petites villes où le mal est plus difficile à commettre , où il est plus difficile à s’isoler, que les gens arrivent à inventer le plus d’histoires les uns sur les autres. »

ibid. p. 99

« M’est avis que la seule chose qui devrait étonner les gens, c’était pourquoi Christmas s’était associé avec Brown. Peut-être était ce parce que, non seulement on trouve toujours son semblable, mais encore, parce qu’on ne peut jamais éviter que votre semblable vous trouve. »

ibid. p. 119

Trop bons pour connaître les hommes ?

18 samedi Juil 2015

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bonté, connaissance d'autrui, Jean-Jacques Rousseau

C’est un lieu commun que les personnes trop gentilles peinent à discerner la méchanceté dans leur entourage faute de pouvoir imaginer chez les autres des mauvaises intentions qu’elles ne trouvent pas en elles-mêmes. Mais la bonté peut encore faire obstacle d’une autre manière, moins souvent signalée, à la connaissance des hommes. La bonté peut en effet entrer en ligne de compte dans le fameux problème de l’interaction de l’observateur avec ce qu’il observe :

« Voilà ce qui doit arriver à toutes les âmes d’une certaine trempe ; elles transforment, pour ainsi dire, les autres en elles-mêmes ; elles ont une sphère d’activité dans laquelle rien ne leur résiste : on ne peut les connaître sans les vouloir imiter, et de leur sublime élévation elles attirent à elles tout ce qui les environne. C’est pour cela, ma chère, que ni toi ni ton ami ne connaîtrez peut-être jamais les hommes ; car vous les verrez bien plus comme vous les ferez, que comme ils seront d’eux-mêmes. Vous donnerez le ton à tous ceux qui vivront avec vous ; ils vous fuiront ou vous deviendront semblables, et tout ce que vous aurez vu n’aura peut-être rien de pareil dans le reste du monde. »

J.J. Rousseau, La nouvelle Héloïse
Seconde partie, Lettre V, de Claire à Julie

Connaissance des êtres (2)

11 jeudi Sep 2014

Posted by patertaciturnus in Aphorisme du jour

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connaissance d'autrui, Elias Canetti, estime

« Il est presque impossible de connaître quelqu’un juste assez pour lui conserver son estime. Le plus souvent on le connaît trop ou trop peu. Qui s’y entendrait à pousser sa connaissance des êtres jusqu’au point opportun, et s’y tenir, trouverait appui en eux. »

Elias Canetti, Le collier de mouches, p. 92

Connaissance des êtres

25 lundi Août 2014

Posted by patertaciturnus in Food for thought, Lectures

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connaissance d'autrui, inspiration, Robert Musil

Ulrich enveloppa dans la sienne la main de sa sœur.  « Tu m’as entièrement changé, répondit-il. Peut-être ai-je de l’influence sur toi, mais en réalité c’est toi encore qui flue à travers moi! »

Agathe frotta sa main contre celle qui l’enveloppait. « Au fond tu ne me connais pas du tout! dit-elle.

– La connaissance des être m’importe peu, répondit Ulrich. La seule chose qu’on doive savoir d’un être, c’est s’il féconde nos pensées. Il ne devrait pas y avoir d’autres connaissances des humains!

– Mais comment suis-je réellement? demanda Agathe.

– Justement tu n’est pas réelle, répondit Ulrich en riant. Je te vois comme j’ai besoin de toi, et tu me fais voir ce dont j’ai besoin. Qui donc pourrait dire sans difficulté, dans ces circonstances, où est le commencement, le fondement? Nous sommes un ruban flottant dans l’air. »

Agathe éclata de rire et dit « Si je te déçois, ce sera donc ta faute?

– Sans doute dit Ulrich. Il y a des hauteurs où faire une distinction entre : Je me suis trompé sur ton compte et Je me suis trompé sur mon propre compte, n’a plus de sens. Par exemple dans la foi, dans l’amour et dans la magnanimité. Quiconque agit par magnanimité ou, comme on dit aussi, avec grandeur, ne se préoccupe ni des illusions, ni de sa sécurité. Il est même bien des choses qu’il ne doit pas souhaiter de savoir, il ose le saut par dessus le mensonge… »

J’aime beaucoup cet extrait de L’homme sans qualités (ed. Seuil, trad. Jaccottet, p. 600) qui développe deux thèmes déjà évoqué sur ce blog (via des citations comme il se doit) : d’une part l’importance d’autrui pour « féconder nos pensées », d’autre part le lien entre cette capacité d’inspiration et la méconnaissance de l’autre.

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