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Pater Taciturnus

~ "Ton péché originel c'est d'ouvrir la bouche. Tant que tu écoutes tu restes sans tache"

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Archives de Tag: authenticité

Que de la gueule

12 samedi Fév 2022

Posted by patertaciturnus in Lectures

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acteur, authenticité, Witold Gombrowicz

Pour compléter ma réponse à la remarque de Luccio dans les commentaires de cet article je vous propose un autre extrait du Journal de Gombrowicz qui éclaire son concept de « gueule » élaboré dès son roman Ferdydurke.

The International Witold Gombrowicz Festival, Radom - Wiesław Wałkuski (ur.  1956) — Google Arts & Culture

Affiche réalisée par Wiesław Walkuski pour le Festival Gombrowicz à Radom

*

« L’homme que je propose est créé de l’extérieur, il est dans son essence même inauthentique puisqu’il n’est jamais lui-même, rien qu’une forme qui naît entre les hommes. Son « moi » lui est donc attribué dans la sphère de l' »interhumain ». C’est un éternel acteur, mais un acteur naturel, car son artifice lui est congénital, c’est même une des caractéristiques de son état d’homme ; être homme veut dire être acteur, être homme c’est simuler l’homme, « faire comme si » on était homme sans l’être en profondeur, être homme c’est réciter l’homme. Dans ces conditions, comment faut-il comprendre le combat de mon Ferdydurke contre la gueule et la grimace? Il ne s’agit point de conseiller à l’homme d’enlever son masque (quand derrière ce masque il n’a pas de visage); ce qu’on peut lui demander, c’est de prendre conscience de l’artifice de son état et de le confesser. Si je suis condamné à l’artifice, toute ma sincérité consistera à confesser que je n’ai justement pas accès à moi-même. S’il ne m’est jamais donné d’être moi-même, je ne peux sauver ma personnalité de la catastrophe que par ma volonté d’être authentique, un désir opiniâtre qui me fait proclamer envers et contre tous : « Je veux être moi-même », et qui n’est qu’une révolte tragique et désespérée contre ma déformation. Je ne puis être moi-même et pourtant je le veux, je le dois : c’est une des contradictions qu’on n’arrive jamais à résoudre ni à atténuer… D’ailleurs n’attendez pas de moi des remèdes contre des maladies incurables. Ferdydurke se borne à constater cette déchirure intérieure de l’homme — rien de plus. »

Witold Gombrowicz, Journal, Tome I, Folio p. 485 – 486

L’aphoriste comme Pythie

29 vendredi Mai 2015

Posted by patertaciturnus in Aphorisme du jour, Perplexités et ratiocinations

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angoisse, aphorismes, authenticité, Elias Canetti, herméneutique mon amour, Spinoza

« Interpréter une phrase : voilà tout ce qu’il nous reste de l’interrogation des oracles. Comme cela ne se fait pas dans un contexte d’angoisse, il ne nous est même pas resté ça. »

Elias Canetti, Notes de Hampstead, p. 78

*

Je suis porté à reconnaître que ce que dit Canetti dans la première phrase s’applique assez bien à mon propre rapport à ses aphorismes, mais je ne le suivrai pas aussi facilement sur la deuxième phrase. Je pense comprendre ce que Canetti  veut dire quand il présente comme une perte le fait que l’interprétation ne soit plus pratiquée dans l’angoisse : il regrette qu’une activité impliquant le sérieux d’un engagement existentiel soit transformée en jeu intellectuel gratuit (ou pire, en moyen de faire une carrière universitaire). Canetti, à la manière des existentialistes, lierait ici angoisse et authenticité.  Mais, à ce point de vue, on peut objecter qu’il faut appliquer à l’interprétation des fulgurances aphoristiques ce que Spinoza disait de l’interprétation des signes du destin :

« Si les hommes avaient le pouvoir d’organiser les circonstances de leur vie au gré de leurs intentions, ou si le hasard leur était toujours favorable, ils ne seraient pas en proie à la superstition. Mais on les voit souvent acculés à une situation si difficile, qu’ils ne savent plus quelle résolution prendre ; en outre, comme leur désir immodéré des faveurs capricieuses du sort les ballotte misérablement entre l’espoir et la crainte, ils sont en général très enclins à la crédulité.

Spinoza, Traité théologico-politique

Ainsi,  ne plus opérer dans un contexte d’angoisse serait la condition pour libérer l’herméneutique de ses penchants les plus superstitieux.

Renversement de situation (2)

15 lundi Sep 2014

Posted by patertaciturnus in Food for thought, Lectures

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authenticité, culture, Marshall Sahlins, renversement de situation

Un des thèmes récurrents de La découverte du vrai Sauvage de Marshall Sahlins est que l’intégration des peuples indigènes au système du monde du capitalisme ne signifie pas nécessairement le dépérissement de leur culture. Sahlins se veut optimiste (j’ai déjà  cité un passage qui en témoigne) : la culture n’est pas en voie de disparition ; un des chapitres s’intitule d’ailleurs Adieu aux Tristes tropiques. Corrélativement il met l’accent sur le fait que l’hybridation des cultures traditionnelles avec des traits de la culture des colonisateurs ne doit pas être interprétée comme une perte d’authenticité. Ses arguments à ce sujet me semblent plutôt convaincants :

« Paradoxalement presque toutes les cultures « traditionnelles » étudiées par les anthropologues, et décrites comme telles, étaient en fait néo-traditionnelles, c’est-à-dire déjà transformées par l’expansion occidentale. Dans certains cas le phénomène est si ancien que plus personne, pas même les anthropologues, n’auraient l’idée de contester leur authenticité culturelle. [Sahlins illustre ce point avec l’exemple des cultures des indiens des plaines  : qui dirait qu’elles ont perdu leur authenticité avec l’arrivée du cheval ?] Si les peuples du Pacifique glissent sur la distinction – si importante pour notre sensibilité historique – entre le passé colonial et pré-colonial, c’est  parce qu’ils acceptent mieux que nous que des éléments à la fois indigène et exogènes puissent être constitutifs de leur culture. Dans la mesure où les éléments exogènes sont indigénisés, il n’y a pas là pour le peuple en question, de dysharmonie radicale, encore moins d’inauthenticité. » p.320

Sahlins utilise également le procédé argumentatif qu’on avait vu appliqué au cas de la Renaissance : présenter notre tradition comme une culture indigène pour nous convaincre de transposer aux cultures indigènes ce que nous attribuons à la nôtre (ici l’authenticité par delà les emprunts).

« Nous devrions au moins nous souvenir de la routine indigène quotidienne de l’Américain moyen décrite il y a quelques décennies par Ralph Linton. Après le petit-déjeuner, notre brave homme s’installe pour lire les nouvelles du jour « imprimées en caractères inventés par les anciens Sémites, sur un matériau inventé en Chine, par un procédé inventé en Allemagne. En dévorant les comptes rendus des troubles extérieurs, s’il est un bon citoyen conservateur, il remerciera un dieu hébreu dans un langage indo-européen d’avoir fait de lui un Américain  cent pour cent. » p. 321

*

L’analyse que fait Sahlins de divers exemples d’indigénisation d’éléments exogènes lui donne l’occasion d’évoquer des renversements de situations assez savoureux.

Le premier exemple concerne des peuples de Nouvelle-Guinée. Sahlins explique d’abord comment leur rencontre avec les « forces internationales capitalistes »  leur a cependant permis de « développer » leurs ordres culturels :

« Profitant des bénéfices tirés du travail migratoire, de la production de café et autres mannes financières, les grands échanges cérémoniels entre les clans – institution caractéristique de la culture montagnarde  – ont prospéré ces dernières décennies comme jamais auparavant. […] Aujourd’hui, les gros billets de banque remplacent les coquillages de nacre comme valeurs d’échange fondamentale, tandis que les land cruisers Toyota complètent les dons habituels de cochons[…]. Pris dans les transactions liées aux circulations réciproques et aux paiements des épouses, l’argent qui circule dans les échanges n’est généralement pas du tout « dépensé », mais, […] reste en circulation porté par l’élan de la dette et de l’investissement. »  p. 318 – 319

L’exposé du cas se conclut par ce surprenant renversement :

 » Aussi les Mendi assurent-ils qu’ils pratiquent la véritable économie d’échange, au contraire de la simple « économie de subsistance » des Blancs ». p.319

et Sahlins de conclure : « Nous voilà bien! »

Le deuxième exemple concerne les Fidji. Pour illustrer le fait qu' »aujourd’hui, aux Fidji, le christianisme méthodiste est considéré comme « coutume de la terre » », Sahlins ajoute en note cette anecdote plaisante :

« Dans un article récent d’un journal de Suva, des passants étaient interviewés et une matrone fidjienne choquée par les touristes se baignant nus demandait : « Comment voulez-vous que nous gardions nos coutumes traditionnelles si les gens se baladent comme ça? » » p. 320

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