Comment comprendre la phrase suivante ?
Je m’attendais à ce que tu me déçoives et je n’ai pas été déçu.
22 vendredi Déc 2017
Posted Fantaisie
in13 mercredi Déc 2017
Posted Tentatives de dialogues
inÉtiquettes
Les attentes d’autrui à ton égard ont beau te peser, tu ne voudrais pas non plus t’entendre dire qu’on n’attend plus rien de toi.
18 jeudi Juin 2015
29 dimanche Mar 2015
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amour propre, attentes, communication ostensive, expression, humiliation, respect
En terminant l’article d’hier je me suis rendu compte que j’avais été pris en défaut dans mon pathétique effort de classification et de mise en ordre : aux critères de classification présentés hier, j’ai oublié de joindre une distinction. Je vais, de ce pas, corriger cet oubli.
J’avais distingué trois éléments dont A pourrait ne pas vouloir informer B
I) Qu’il désire que B fasse X
II) Qu’il veut que B sache ce qu’il désire
III) Qu’il croit que B ignore ce qu’il désire
Or il y a une ambiguïté dans une formule telle que « A ne veut pas informer B de Y », on peut la comprendre d’au moins deux manières :
1. A ne veut pas que B sache Y, il veut que B reste dans l’ignorance
2. A ne veut pas être à l’origine du fait que B sache Y, il ne veut pas lui faire savoir.
La distinction entre 1. et 2. correspond à la distinction entre « cacher » et « ne pas montrer », entre « empêcher de savoir » et « ne pas aider à savoir ». Dans le deuxième cas, à la différence du premier, A peut vouloir que B sache Y, à condition qu’il trouve tout seul (ou du moins sans son aide).
Il me semble que cette distinction trouve son application dans le cas I) . Les raisons examinées hier reposaient sur l’idée que A ne veut pas que B sache ce qu’il désire. On peut maintenant examiner les cas où, ce que A ne veut pas, c’est être à l’origine du fait que B sache qu’il veut X.
*
I) bis
a) Les motifs d’amour propre peuvent de nouveau intervenir ici. Pensons notamment aux cas où A considère que si « B l’aimait vraiment » ou « si B était un véritable ami », il devrait savoir ce que lui, A, désire. Dans ce cas on ne peut pas dire que A ne veut pas que B le sache, puisqu’il pense qu’il faudrait qu’il le sache ; mais il considère que ce n’est pas à lui (A) de lui dire, parce qu’il (B) devrait le savoir sans qu’il (A) ait à lui faire savoir.
b) On pourrait également envisager une reformulation des motifs fondés sur le souci de A de respecter la liberté de B. La nuance avec la situation envisagée hier correspondrait à la distinction entre « ne pas vouloir que l’autre se sente obligé » et « ne pas vouloir être à l’origine du fait qu’il se sente obligé ». Je suppose qu’il doit exister des personnes suffisamment subtiles et raffinées pour être sensibles à l’importance de cette distinction dans certains contextes. Je crains de ne pas en faire partie.
c) Dans certains contextes, c’est parce que la valeur du X qu’il désire que B fasse dépend des raisons que B a de le faire, que A ne veut pas faire savoir à B ce qu’il désire .
En effet, derrière une même formulation « A veut que B fasse X » peuvent se cacher différents types de relations entre B et X. Dans certains cas, par exemple de services tels que « tailler la haie du jardin » ou « accompagner à l’aéroport », « A veut que B fasse X » peut se reformuler ainsi : A veut que X soit fait, or B est le seul disponible ou le mieux placé pour le faire. Dans ce cas la relation entre B et X est contingente, on pourrait substituer une autre personne à B pour faire X sans que X perde de sa valeur pour A. Dans d’autres cas, en revanche, il est essentiel que X soit fait par B pour satisfaire A. Par exemple, on imagine difficilement une réplique comme celle-ci :
« Certes tu n’as pas pensé à notre anniversaire, mais ce n’est pas grave car ton meilleur ami / ta mère / le plombier, y a pensé pour toi … »
Il s’agit des cas ou X à une valeur en tant qu’expression de l’attitude de B envers A, ou de la nature (amicale, amoureuse, familiale …) de la relation entre A et B.
Dans certains cas les raisons qu’a B de faire X sont elles-mêmes un élément essentiel de la valeur de X pour A. Par exemple, il peut être essentiel aux yeux de A que B pense de lui-même à faire X, sans qu’A ait eu besoin de lui faire savoir qu’il aimerait qu’il le fasse. C’est pour cette raison, par exemple, que le comportement d’une personne qui appelle ses proches la veille de son anniversaire pour leur rappeler de lui souhaiter nous paraît pour le moins étrange.
*
II)
Examinons les cas relevant de l’hypothèse suivante :
A ne veut pas que B sache qu’A veut que B sache que A veut que B fasse X.
Ce motif peut être caché par le motif I) : si A ne veut pas que B sache Y, on comprend qu’a fortiori il ne veuille pas que B croit qu’il veut qu’il le sache.
Ce motif peut être associé au motif I) bis : la raison pour laquelle A ne voudrait pas faire savoir Y à B, pourrait être qu’il ne veut pas que B sache qu’il veut qu’il sache Y, et qu’il ne voit pas comment lui faire savoir Y, sans lui faire savoir par la même occasion, qu’il veut qu’il sache Y. [vous avez-mal à la tête ? Ne vous inquiétez pas, je vais y revenir ! ].
Cependant le motif II) peut être bien distingué des motifs I) et I) bis. En effet il est concevable que
i) A veuille que B sache Y
ii) A fasse en sorte de faire savoir Y à B
iii) A ne veuille pas que B sache 1) qu’il voulait qu’il sache Y 2) qu’il lui a fait savoir Y
Pour quelle raison, A ne voudrait-il pas que B sache qu’il veut qu’il sache Y ? Ici encore, je pense qu’on peut invoquer l’amour propre de A ou des égards de A pour B. Mais, comme j’ai atteint au niveau précédent [ I) bis b)] le plafond de ma capacité de compréhension de la complexité des conceptions que A pourrait se faire de ce qui respecte la liberté de B, je vais me concentrer sur les motifs d’amour propre de A.
Pour faire comprendre pourquoi l’amour propre de A pourrait le pousser à ne pas vouloir que B sache qu’il (A) veut qu’il (B) sache ce qu’il (A) désire, faisons un détour par une situation un peu différente de notre situation initiale.
i) A désire que B fasse X mais il ne lui a pas dit.
ii) B sait que A désire qu’il fasse X, bien que A ne lui ait rien dit.
iii) B est prêt à faire X à condition que B lui demande de le faire.
Dans certains contexte iii) peut apparaitre comme le signe que B a le désir de voir A s’humilier devant lui. Il ne lui suffirait pas de savoir que A dépend de lui, il voudrait que A reconnaisse devant lui cette dépendance. On peut dès lors concevoir que, dans notre situation initiale, B puisse ressentir comme une humiliation de devoir faire savoir à B non seulement ce qu’il désire, mais qu’il désire qu’il le sache.
Dans ce type de cas, le problème qui se pose à A est celui de la communication ostensive. Il y a communication ostensive quand, en même temps que je vous fait savoir quelque chose, je vous fait savoir que je vous le fait savoir. C’est une forme de communication tout ce qu’il y a de plus courante, chez les humains du moins. Le problème pour A dans notre cas c’est qu’il aimerait faire savoir à B ce qu’il désire sans lui faire savoir qu’il veut qu’il le sache. La solution pour lui sera donc de recourir à de la communication non-ostensive. Il s’agit de faire savoir à B ce qu’il veut lui faire savoir, d’une manière qui ne permette pas de deviner que A lui fait savoir volontairement. Un procédé de communication non ostensif, peut consister à faire en sorte que B apprenne Y en croyant avoir intercepté accidentellement une communication qui ne lui était pas destiné (en fait A aurait fait exprès de laisser B intercepter la communication). Par exemple A peut avoir volontairement laissé traîner son journal intime ou laissé ouverte sa boîte mail. A peut aussi recourir à un entremetteur C qui ira informer B de ce que désire A su r le mode du « il ne veut pas que tu le saches mais … ». La limite de ce genre de procédé c’est que si A est suffisamment malin il peut comprendre non seulement ce qu’on veut lui faire comprendre, mais aussi le fait qu’on veut lui faire comprendre.
*
III)
Pour achever notre parcours examinons ce denier motif pour lequel A ne dirait pas à B ce qu’il désire : A ne voudrait pas que B sache qu’A croit que B ignore ce qu’A désire
Le problème ici est le suivant : en disant à B ce qu’il désire il lui fait comprendre qu’il pense qu’il ne le savait pas déjà.
Les lecteurs attentifs auront reconnu là la variante d’un motif examiné dans le cas ou A ne sait pas si B sait ou non ce qu’il désire. Comme on l’avait vu, A pouvait craindre d’offenser B au cas où seraient remplies les conditions suivantes.
i) B savait déjà ce que A lui apprend
ii) Il aurait été blâmable aux yeux de B de ne pas savoir ce que A lui dit
Mais, dira-t-on, dans le cas qui nous occupe A n’a pas à craindre d’offenser B, puisqu’il sait que B ignore ce qu’il désire : il n’y aurait pas d’offense à lui attribuer une ignorance dont il fait effectivement preuve. Soit, mais à défaut d’offenser B, A est ici susceptible de lui faire honte : B peut se trouver blâmable d’avoir ignoré le désir de A. Ce qui complique les choses c’est que parfois A pense effectivement que B devrait avoir honte (c’est ce qu’exprime les formules du genre « s’il m’aimait vraiment il saurait … ») mais que pour autant il ne veut pas faire honte à B, ni a fortiori lui faire savoir qu’il lui fait honte.
Là encore pour A la solution réside dans la communication non-ostensive : faire comprendre à B ce qu’il ignore d’une manière qui lui permette de croire que A ne s’est pas douté de son ignorance.
*
J’en resterai là pour l’inventaire des raisons que A peut avoir de ne pas dire à B ce qu’il désire. A moins que mes lecteurs n’attirent mon attention sur des configurations qui échapperaient à mon quadrillage, je vais laisser le sujet de côté pour un moment. J’y reviendrai peut-être pour développer deux point que je n’ai fait qu’effleurer
1) Quelles sont les conditions qui portent A à en vouloir à B de ne pas faire X alors même qu’il ne lui a pas dit qu’il le désirait ?
2) Comment A et B peuvent ils se sortir de ce merdier ?
Une dernière précision : ayant abondamment sodomisé les diptères lors de cette série d’articles je crains de ne pouvoir afficher sur ce blog le message qu’on trouve à la fin des génériques de film : « aucun animal n’a été maltraité lors de la réalisation ». Je tiens cependant à vous assurer que toutes les mouches étaient consentantes.
Mes respects à ceux qui auront tout lu, s’il y en a.
28 samedi Mar 2015
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4e épisode d’une série commencée ici.
Aujourd’hui examinons les raisons qui peuvent pousser A à ne pas dire à B ce qu’il attend de lui-même dans le cas où A a bien compris que B ne sait pas ce qu’il désire mais qu’il le ferait s’il le savait (1.1). Pour explorer ces motifs, je vais faire l’hypothèse que c’est pour éviter d’informer B de quelque chose que A garde le silence. A partir de là se posent deux questions 1) de quoi A ne veut pas informer B? 2) pourquoi ne le veut-il pas ?
Examinons d’abord la première question : quand une personne s’adresse à une autre de quoi l’informe-t-elle (et inversement qu’est-ce qu’elle pourrait vouloir lui cacher en se taisant )? Imaginons que mon voisin vienne frapper à ma porte en disant : « il y a le feu chez moi ». Que m’apprennent ces quelques mots? La réponse évidente est celle-ci
1) Qu’il y a le feu chez lui
Mais ce n’est pas tout, je peux tirer quelques autres conséquences du fait qu’il me dise cela
2) Il pense qu’il y a le feu chez lui.
3) Il veut que je sache (ou que je croie, si on soupçonne mensonge) qu’il y a le feu chez lui.
4) Il croit que je ne savais pas encore qu’il y avait le feu chez lui.
Si nous transposons à notre exemple de quoi A informerait-il B s’il lui disait, « je désire que tu fasses X »? On peut retrouver les quatre points
1) Que A désire que B fasse X
2) Que A sait qu’il désire que B fasse X
3) Que A veut que B sache que A désire que B fasse X
4) Que A croit /sait que B ignore que A veut que B fasse X
Dans le cas qui nous occupe je crois que la nuance de sens entre 1) et 2) n’a pas d’incidence pour l’analyse. J’envisagerai donc seulement trois éléments dont A peut ne pas vouloir informer B.
I) Qu’il désire que B fasse X
II) Qu’il veut que B sache ce qu’il désire
III) Qu’il croit que B ignore ce qu’il désire
J’en viens maintenant à la deuxième question : pourquoi A voudrait-il maintenir B dans l’ignorance de tel ou tel élément ? Nous avons déjà rencontré deux motifs : a) l’amour propre de A et b) les égards qu’il peut avoir pour B, je serai amené à en introduire un troisième : c) les conditions de la valeur de X.
J’examinerai successivement les 3 éléments dont A peut ne pas vouloir informer B.
I) Le cas dans lequel A voudrait que B fasse X mais ne voudrait pas que B sache qu’il veut qu’il le fasse peut sembler particulièrement étrange. A n’est il pas irrationnel de vouloir une fin sans vouloir ce qui semble être une condition particulièrement favorable à son accomplissement ?
Le paradoxe peut se dissiper si on suppose que l’objectif « que B fasse X » entre en concurrence avec d’autres objectifs dont la réalisation serait compromise par le fait que B sache que A veut qu’il fasse X.
a) Cet objectif peut –être la préservation de l’image que A souhaite que B ait de lui. On retrouve ici le motif d’amour propre.
On peut aisément imaginer un contexte dans lequel A est dépendant de B pour la satisfaction de certain de ses désirs mais ne veut pas que B sache qu’il est dépendant de lui. Une manière pour A de maintenir aux yeux de B, voire à ses propres yeux, la fiction de son indépendance c’est de ne pas dire à B ce qu’il désire.
Le dilemme dans lequel est pris A est le suivant : il veut que B sache ce qu’il désire comme condition du fait que B fasse X, mais il ne veut pas que B le sache en tant que prémisse d’une conclusion au sujet de la nature de leur relation.
Si A tient à ce que B fasse X mais ne veut pas que B sache qu’il le veut, il lui reste une échappatoire : obtenir que B fasse X pour d’autres raisons que parce que B le veut. Dans certains cas il pourra espérer que B ait ses propres raisons de faire X, mais dans d’autres, plus amusants à imaginer, il lui faudra essayer de convaincre B en invoquant d’autres raisons que son désir (et même en dissimulant cette raison), avec le risque, si B ne se laisse pas convaincre, que son insistance fasse soupçonner à B la vraie raison de ces efforts pour le convaincre.
b) L’objectif dont la réalisation serait compromise par le fait que B sache que A veut qu’il fasse X peut relever de motifs plus altruistes que la préservation de l’amour propre de A. Il se peut que ce soit par respect de la liberté de B que A préfère taire son désir. A peut, en effet, avoir des raisons de penser que si B savait qu’il désire qu’il fasse X, il se sentirait obligé de le faire.
Le dilemme dans lequel est pris A est ici le suivant : il aimerait que B fasse X mais il ne veut pas que B se sente obligé de faire X. Ce qu’il aimerait ce serait que B fasse X « spontanément » et non parce qu’il saurait que A attend qu’il le fasse.
Il me semble que dans ce cas A ne peut pas recourir aux artifices mentionnés dans le cas précédent : s’il est vraiment soucieux de la liberté de B, il ne saurait s’engager dans le processus de manipulation qui aurait un sens s’il s’agissait seulement de préserver son image aux yeux de l’autre.
Je conclus pour aujourd’hui en signalant que lorsqu’on commence à considérer que A ne désire pas simplement que B fasse X mais qu’il le fasse avec certaines raisons, on est amené à considérer que les raisons de B peuvent faire partie de ce qui fait la valeur de X ( c’est le motif c).) C’est un point que j’aborderai demain.
25 mercredi Mar 2015
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Cet article poursuit celui-ci et celui-là (les deux ont été remaniés depuis leur publication initiale).
Je prie mes lecteurs d’excuser le style encore plus effroyable que d’habitude, mais je cherche d’abord à mettre mes idées en ordre.
Dans la situation initialement décrite il est objectivement dans l’intérêt de A d’exprimer son désir, puisqu’il accroît ainsi notablement la probabilité que celui–ci soit satisfait. Le fait que A ne révèle pas à B ce qu’il attend de lui apparaît alors comme une bizarrerie qu’il s’agit d’expliquer.
Les explications qui reposent sur une mauvaise compréhension par A des éléments fondamentaux de la situation ( cf. article précédent) dissipent le paradoxe. Si A semble agir contre son intérêt ce n’est pas parce qu’il est irrationnel mais parce qu’il est dans l’erreur sur ce qu’il est dans son intérêt de faire dans la situation donnée. En revanche, si A comprend correctement la situation, il doit comprendre l’utilité qu’il y aurait à exprimer son désir dans cette situation : sa conduite n’en est que plus paradoxale, A n’est il pas irrationnel de garder le silence ? Si on suppose qu’il a bien des raisons de se conduire ainsi, ces raisons sont plus profondes et plus intéressantes que les croyances erronées sus-mentionnées.
*
Je laisse de côté les cas 3.1,3.2,3.3,1.3,2.3 (cf. article précédent) : la conduite de A y est suffisamment expliquée par l’erreur (ou les erreurs pour 3.3) dans laquelle il se trouve. J’y reviendrai peut-être si j’entreprends de réfléchir aux conditions qui permettent de s’extirper de cette situation.
Je vais aujourd’hui m’attacher aux cas 1.2, 2.1, 2.2 qui impliquent une incertitude de A soit quant à la connaissance qu’à B de son désir, soit quant à la disposition de B à le satisfaire, soit quant aux deux. Qu’est ce qui retient A d’exprimer son désir dans ces cas alors qu’il aurait quelque chose à gagner à le faire ? Vraisemblablement la crainte d’y perdre autre chose. Il s’agit maintenant de voir quoi.
1) L’incertitude sur la disposition de B à satisfaire A
Dans les cas 1.1 et 2.2, A ne sait pas si B est disposé à satisfaire son désir au cas où il en aurait connaissance. Dans ce cas, ce qui peut le retenir de faire connaître à B ce qu’il désire c’est la crainte de l’humiliation qu’il subirait en essuyant un refus de la part de B au moment où il lui ferait part de sa demande (bien sûr les conditions qui font qu’un refus est humiliant mériteraient d’être analysées, mais je remets cela à une autre fois). Le silence de A est ici un motif d’amour propre (que l’on pourra retrouver sous une autre forme dans les cas 1.1). On peut considérer qu’en décidant de taire son désir, A fait passer son désir de préserver son amour propre devant son désir que B fasse X.
Pour éviter l’humiliation d’un refus, A aurait besoin d’être informé des dispositions de B à son égard avant de formuler sa requête : s’il sait que B refusera, il renonce à la présenter, il encaisse alors une déception mais pas l’humiliation d’un refus en face à face ; s’il sait qu’elle sera reçue favorablement, il peut la formuler sans risque. Le problème, bien sûr, c’est qu’il est difficile pour A de savoir comment B est disposé envers son désir sans lui faire connaître ce désir par la même occasion et par là s’exposer à un refus. Si B n’a pas encore deviné ce que A désire, les tentatives A pour « tâter le terrain » risquent de lui mettre la puce à l’oreille. Dans ce genre de situation un entremetteur peut être utile … j’y reviendrai peut-être.
Notons enfin que l’attentisme de A dans cette situation d’incertitude sera entretenu si A a des raisons d’espérer que B prenne l’initiative de faire X, sans qu’il ait besoin de lui signifier son désir. On peut même envisager que A se complaise dans cette situation d’incertitude qui lui permet de continuer à rêver …
2) L’incertitude sur ce que B sait du désir de A
Dans les 2.1 et 2.2, A ne sait pas si B a ou non conscience de que qu’il attend de lui. Ces espoirs de voir son désir satisfait, s’il en informe B, peuvent être contrebalancés par des craintes qui l’inciteront à garder le silence. Ces craintes peuvent porter sur les deux éventualités : crainte des effets de son annonce au cas où B ne savait pas encore, crainte des effets au cas où il savait déjà. Le premier type de crainte, j’en traiterai ultérieurement lorsque j’examinerai la situation où A sait que B ignore ce qu’il espère. Je me concentrerai donc sur le second type de crainte. Qu’y a-t-il à perdre à apprendre à quelqu’un ce qu’il sait déjà ? Comment le risque de cette perte peut-il compenser l’espoir du gain ?
Il me semble que les motifs qui peuvent ici pousser A à garder le silence relèvent des égards que A peut avoir envers B. A peut, en effet, craindre d’offenser B en lui disant ce qu’il attend de lui. L’offense résiderait ici, non dans le contenu du désir qui fait l’objet de l’annonce (car cela nous ramènerait au point précédent), mais dans le fait que l’initiative de dire quelque chose à quelqu’un révèle qu’on présuppose que cette personne ignore cette chose ; or dans certains contextes cette présupposition peut être offensante. Si on ne craint pas de se mouvoir dans les hauteurs pour ce qui est des degrés de système intentionnel, on pourra formuler les choses de la manière suivante : si A garde le silence, c’est parce qu’il ne veut pas que B croit que A croit que B ignore que A désire que B veuille faire X.
En quoi peut consister l’offense ? Il peut s’agir d’une offense à l’intelligence de B (A craint que B lui réponde : « tu me crois suffisamment con pour ne pas avoir compris ce que tu veux »), ou à ses qualités relationnelles (le reproche de B pourrait être du genre suivant : « tu me penses donc si mauvais ami que je ne sache pas ce que tu attends de moi »). En fonction du contexte de la relation entre A et B, le fait que A doute du fait que B comprenne ce qu’il attend de lui, peut être vu comme le signe d’un manque de confiance de A envers B. Bien sûr, dans la situation considérée, A a raison de ne pas avoir confiance, mais comme il n’en est pas sûr, si l’amour propre de B lui importe, il préfèrera peut-être garder le silence.
Si on réfléchit aux conditions qui rendent offensante la supposition qu’une personne ignore quelque chose, on doit se référer aux croyances de cette personne à propos de ce qu’elle devrait savoir. Il est offensant de supposer que G ignore H si 1) G n’ignore pas H et 2) H fait partie des choses dont G juge qu’il serait blâmable d’ignorer. Si on revient à A et B, on observe le phénomène suivant : si A craint d’offenser B c’est qu’il pense que 1) B pourrait savoir ce qu’il (A) désire (il est dans l’incertitude à se sujet) et 2) qu’il (B) pourrait considérer qu’il (B) serait blâmable de ne pas le savoir. Mais qu’est-ce qui peut porter A à cette dernière supposition ? Il me semble qu’il y sera d’autant plus porté que lui-même A jugerait B blâmable d’une telle ignorance. On peut alors concevoir qu’un même élément : le fait que A considère que B serait blâmable d’ignorer ce qu’il désire, peut inciter A à des attitudes opposées envers B, du fait de l’incertitude dans laquelle il se trouve. Dans la mesure où il suppose que B ignore son désir il est porté à l’en blâmer et à lui en vouloir, dans la mesure où il suppose que B connaît son désir, il craint de l’offenser en lui laissant deviner qu’il en doute.
Pour finir on peut envisager de « retourner » les motifs témoignant d’égards envers B, en motifs relevant du souci que A a de sa propre image aux eux de B mais aussi à ses propres yeux. Douter de l’amitié de l’autre en supposant qu’il puisse ignorer ce qu’on attend de lui, n’est-ce pas soi-même être un piètre ami ? Peut-être A craint-il de ressembler à sa grand-mère qui téléphonait à ses proches la veille de son anniversaire de crainte qu’ils oublient de lui fêter.
23 lundi Mar 2015
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attentes, Daniel Dennett, déception, expression, stratégie intentionnelle
Cet article prolonge celui d’hier que je recommande de lire préalablement.
La situation de départ est décrite par trois éléments :
1) Le désir de A que B fasse X
2) L’ignorance de B quant à l’existence de ce désir de A le concernant
3) La disposition de B à satisfaire ce désir s’il en avait connaissance
J’ai expliqué hier, pourquoi il me paraît intéressant de comprendre les raisons qui peuvent expliquer que A n’exprime pas à B son désir. Pour procéder à l’inventaire de ces raisons de manière systématique, je me propose de distinguer différents cas en fonction de la compréhension que A a de la situation, car je présume que cette compréhension constitue la cadre dans lequel prennent sens ses raisons de ne pas dire à B ce qu’il attend de lui.
Relèvent de « l’hypothèse 1 », mentionnée hier, toutes les explications qui reposent sur l’idée que A ignore le premier élément de la situation : son propre désir. Ici, A n’exprime pas son désir parce qu’il en est incapable faute d’en avoir conscience.
Relèveront de « l’hypothèse 2 », toutes les explications qui supposent que A est conscient qu’il désire que B fasse X. Dans ce cadre, la distinction des cas s’opèrera en fonction de la compréhension que A a des deux autres éléments de la situation. Ce qui rassemble ces deux éléments et les distingue du premier c’est qu’ils concernent le contenu de l’esprit de B (ce qu’il sait / ce qu’il est disposé à vouloir faire) et non plus celui de l’esprit de A [1]. Par rapport à chacun de ces éléments, A peut occuper trois positions : connaître la vérité, être dans l’incertitude, être dans l’erreur. On obtient alors une combinatoire de 9 cas possibles, que je propose de repérer selon le tableau ci-dessous.
Je me contenterai pour aujourd’hui de quelques indications générales à propos de ce tableau.
*
D’abord il me paraît intéressant de signaler le niveau de complexité qu’implique la description et l’analyse de la conduite de A. Je me propose pour cela de mobiliser des concepts définis par Daniel Dennett dans la Stratégie de l’interprète.
Voici comment Dennett définit les notions de stratégie intentionnelle et de système intentionnel :
Je commencerai par décrire la stratégie que j’appellerai la stratégie intentionnelle, ou l’adoption de la perspective intentionnelle. En première approximation, ma stratégie intentionnelle consiste à traiter l’objet dont vous voulez prédire le comportement comme un agent rationnel doté de croyances et de désirs et d’autres (états) mentaux manifestant ce que Brentano et d’autres appellent de l’intentionnalité [ c’est-à-dire que ces états mentaux sont à propos de quelque chose]. […] Je soutiendrai ensuite que n’importe quel objet — ou, comme je dirai, n’importe quel système — dont cette stratégie prédit bien le comportement est, au sens le plus plein du terme, un sujet doué de croyances. Ce que c’est qu’être un vrai sujet doué de croyances, c’est être un système intentionnel, un système dont on peut prédire le comportement de façon fiable et détaillée à travers la stratégie intentionnelle. (p.27)
On peut alors distinguer différents degrés de systèmes intentionnels :
« Un système intentionnel du premier ordre a des croyances et des désirs (etc.), mais n’a pas de croyances ni de désirs à propos de croyances et de désirs. Ainsi tout ce que nous attribuons à un système intentionnel du premier ordre a la forme logique de
(1) z croit que p
(2) y veut que q
où p et q sont des clauses qui ne contiennent elles-mêmes aucun idiome intentionnel. Un système intentionnel du deuxième ordre est plus sophistiqué ; il a des croyances et des désirs (et sans aucun doute d’autres états mentaux), au sujet de croyances et de désirs — à la fois ceux des autres et-les siens propres. Par exemple,
(3) x veut que y croie que x a faim
(4) x croit que y attend que x saute à gauche
(5) x craint que y découvre que x a une cache pour sa nourriture.
Un système intentionnel du troisième ordre est un système qui est capable d’états tels que
(6) x veut que y croie que x croie qu’il est seul
Un système intentionnel du quatrième ordre peut vouloir que vous compreniez qu’il vous demande de vous en aller. Jusqu’à quel degré pouvons-nous aller, nous autres humains ? En principe, sans aucun doute, indéfiniment loin, bien qu’en réalité je devine que vous vous demandez jusqu’à quel point il vous est difficile d’être sûr que vous comprenez si je veux dire que vous pouvez reconnaître que je peux croire que vous vouliez m’expliquer que la plupart d’entre nous ne pouvons dépasser le cinquième ou le sixième ordre, dans le meilleur des cas. (p. 316)
La stratégie intentionnelle que j’applique à l’analyse de la conduite de A implique de décrire son comportement en le situant au moins au niveau 4 :
Exemple : A croit que B sait que A désire que B veuille faire X … [2]
Bien que cela puisse paraître compliqué quand on doit l’exprimer verbalement par des phrases avec des propositions subordonnées emboitées les unes dans les autres, il me paraît digne de relever qu’en pratique nous n’avons pas besoin d’être des génies des relations humaines (et Dieu sait que je n’en suis pas un ) pour nous mouvoir couramment à ces niveaux de complexité dans nos relations avec les autres.
*
Intéressons nous maintenant plus précisément au contenu du tableau. Il me semble qu’on peut distinguer trois ensembles de cas.
A) 3.1, 3.2, 3.3, 2.3, 1.3
Les croyances erronées sont figurées dans la 3e colonne et la 3e rangée, on peut constater qu’elles constituent des raisons pour A de ne pas dire à B ce qu’il espère de lui. En effet, si A croit que B sait déjà ce qu’il désire il n’a apparemment pas de raison de le lui dire : il parait inutile de lui dire ce qu’il sait déjà. De même si A croit que B ne désirera pas faire ce qu’il (A) aimerait, il considèrera le fait d’exprimer son désir comme une manière de s’exposer inutilement à une rebuffade [3]. Ainsi dans le cadre de la compréhension doublement erronée (3.3) exprimer son désir serait de la part de A doublement inutile.
B) 1.1
1.1 correspond au cas où A dispose d’une compréhension exacte de la situation (du moins concernant les deux éléments de l’esprit de B ici considérés). Cette connaissance semble donner à A une bonne raison de dire ce qu’il désire. Il sait que, s’il ne dit rien à B, la probabilité que B fasse X est faible : il lui faudra attendre que B comprenne de lui-même ce qu’il n’a pas encore compris. Il sait aussi qu’inversement, s’il fait connaître son désir à B, la probabilité que B fasse X est forte.
c) 1.2, 2.1, 2.2
Ce troisième ensemble de cas regroupe les formes de compréhension qui impliquent de l’incertitude mais pas d’erreur. A la différence du premier ensemble des cas, A a ici potentiellement quelque chose à gagner à faire connaître son désir à B, même si la probabilité de voir son désir satisfait n’en est pas accrue comme dans le cas précédent. D’ailleurs, à défaut d’assurer la satisfaction de son désir, A aurait au moins ici à gagner de sortir de l’incertitude.
Pour conclure : dans l’ensemble de cas A) si A ne s’exprime pas c’est qu’il n’a pas de raison de le faire, il ne voit pas ce qu’il pourrait y gagner. Dans les ensembles de cas B) et C), A aurait des raisons d’exprimer son désir et pourtant, comme on sait, il se peut qu’il ne le fasse pas (y compris dans le cas a priori le plus favorable 1.1). Il faut alors supposer qu’il a des raisons positives de ne pas le faire pour compenser ces raisons qu’il aurait de le faire.
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[1] On comprendra aisément pourquoi dans le cadre de l’hypothèse 1, il n’y avait pas lieu d’opérer des distinction à partir des éléments 2) et 3) de la situation : si je ne sais pas que j’ai un certain désir, je ne risque pas de m’interroger sur la connaissance qu’autrui peut en avoir ou sur sa propension à le satisfaire.
[2] On notera que pour placer A au niveau 4, nous devons être situés au moins au niveau 5 puis que nous croyons que A croit que B sait etc …
[3] Je mets à part, d’une manière qui pourrait être contestée, le cas où A parlerait à B de son désir qu’il fasse X, pour essayer de le convaincre de le faire ; car dans ce cas la démarche de A suppose qu’il attribue une certaine indétermination à la disposition de B à satisfaire son désir. Je schématise peut-être excessivement la situation pour commencer et pour dégager des grandes lignes, je réintroduirai des complications par la suite au besoin.
22 dimanche Mar 2015
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J’aimerais réfléchir à la situation suivante :
A aimerait que B accomplisse une certaine action X. Si B savait que ce que A désire, il le ferait volontiers, mais B ne devine pas ce que désire A. Il suffirait que A dise à B ce qu’il désire pour débloquer la situation : A serait satisfait de ce qu’aurait fait B et B serait satisfait d’avoir fait plaisir à A. Pourtant, il arrive que A ne dise pas à B ce qu’il attend de lui … ainsi B ne fera pas X et A sera déçu. Dans le meilleur des cas, A passera à autre chose, mais comme on le sait, il n’est pas rare qu’il en veuille à B, qui peut-être se rendra compte de l’hostilité de A sans en comprendre la raison.
Cette situation est certainement familière à chacun bien qu’elle soit ici décrite du point de vue idéal d’un observateur qui aurait accès au contenu de l’esprit des protagonistes. Ces derniers n’ayant pas ce privilège, sont susceptibles de ne pas comprendre que c’est justement dans cette situation qu’ils se trouvent. On aura l’occasion d’y revenir.
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Si j’avais suffisamment de lecteurs pour que cela vaille la peine de prendre le temps d’apprendre à insérer un sondage dans un article, je vous demanderais si c’est à A ou à B que vous vous identifiez le plus spontanément. Je pourrais aussi de tester les stéréotypes de genre : spontanément quel sexe attribuez-vous à nos deux personnages ?
En fait ce qui m’intéresse le plus dans la configuration décrite ci-dessus c’est de comprendre les raisons qui nous conduisent à une situation insatisfaisante pour les deux alors qu’il suffisait apparemment de si peu pour que les deux soient satisfaits. Pour quelles raisons A ne dit-il pas à B ce qu’il désire ?
Cela fait un certain temps que j’ai mis en chantier cet article, mais, comme mes idées partent un peu dans tous les sens, j’ai décidé de ne pas attendre d’avoir tout mis en ordre et de tronçonner le sujet quitte à faire des correctifs après coup.
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Aujourd’hui je vais envisager un premier type d’explication possible (l’hypothèse 1.) : A n’ a pas dit à B ce qu’il désirait parce qu’il ne le savait pas lui même.
Cette explication suppose qu’on admette l’existence de désirs inconscients. La légitimité d’une telle supposition peut donner lieu à une controverse dans laquelle je n’ai pas l’intention de m’engager pour ne pas me perdre en préalables (de surcroît même s’il existe des cas qui ne peuvent s’expliquer que par des désirs inconscients, ceux qui s’expliquent par des raisons conscientes m’intéressent davantage).
Admettons que A ne sache pas lui-même ce qu’il attend de B, qu’en résulte-t-il pour la suite du scénario ? Dans cette hypothèse, si A en veut à B, il ne sait pas pourquoi ; si B lui demande ce qu’il lui reproche, A est dans l’incapacité de répondre, peut-être niera-t-il en vouloir à B faute de trouver le motif de le faire. On conçoit que dans cette hypothèse, la seule solution pour dénouer la situation, c’est qu’un tiers C, psychologue perspicace révèle à B le désir de A que lui-même ignore.