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Pater Taciturnus

~ "Ton péché originel c'est d'ouvrir la bouche. Tant que tu écoutes tu restes sans tache"

Pater Taciturnus

Archives de Tag: aliénation

Désaliénation

29 samedi Jan 2022

Posted by patertaciturnus in confession

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aliénation, libération

Il y a tout lieu de se réjouir d’être libéré d’une aliénation.  Quand vous êtes libéré par l’instance même envers laquelle vous étiez aliénés vous pourriez être tentés de l’en remercier, mais si elle a produit cet effet involontairement, vous êtes même libérés de cette obligation de gratitude et par là-même du risque de reconduction de l’aliénation.

Ainsi faut-il se réjouir de l’acte tue-l’amour commis par la personne pour laquelle vous étiez sur le point de perdre la tête, comme dans cette fameuse Chronique de la haine ordinaire.

C’est une expérience semblable que je suis peut-être actuellement entrain de vivre. J’avais le plus grand mal à tenir ma résolution de cesser de perdre mon temps sur Twitter, mais le réseau de l’oiseau bleu vient de mettre en place une mesure qui pourrait m’aider à prendre mes distances. Il cherche, semble-t-il, à pousser les visiteurs sans compte – dont je fais partie – à s’inscrire, ce que je suis bien résolu à ne pas faire. Lorsque je remonte le fil d’un compte auquel je vais jeter un œil, le défilement est rapidement bloqué par un écran de ce genre :

Screenshot 2022-01-29 at 21-11-53 Små Lätta Moln ( TyphonBaalAmmon) Twitter

La chaîne L’équipe a mis une mesure semblable en place il y a quelque mois et a ainsi brillamment réussi à me dissuader de perdre du temps à regarder ses émissions. Je crains cependant que la mesure prise par Twitter soit conçue pour être contournable au prix d’une perte de temps auquel cas mon aliénation pourrait ne pas cesser mais seulement devenir plus coûteuse.

Tu as la flemme donc tu es libre !

29 samedi Jan 2022

Posted by patertaciturnus in Tentatives de dialogues

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aliénation, libération, paresse

Longtemps tu as bouilli intérieurement de ne pouvoir dire ce que tu avais sur le cœur. Tu avais le sentiment qu’à force de prendre sur toi tu finirais écrasé sous le poids à porter.

Un jour enfin l’occasion de vider ton sac de fût donnée. Mais c’est alors que tu mesuras à quel point il serait fastidieux de recollecter tout ce que tu avais un jour brûlé de dire. C’est l’effort d’avoir à t’expliquer qui te paraissait désormais insurmontable. Tu pris alors conscience que tu étais libre de ce dont tu t’étais cru jusque là prisonnier.

Méta-dystopie

04 lundi Oct 2021

Posted by patertaciturnus in Fantaisie, Lectures

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aliénation, dystopie, Jacques Ellul

Source
Source

« De même la production massive de livres affreux d’anticipation, de science-fiction, ou de film comme Alphaville, L’Odyssée de l’Espace, Fahrenheit 451 est un mécanisme d’adaptation, d’accou­tumance à la société technicienne telle qu’elle est en réalité : on nous montre un modèle horrible, inacceptable, que nous rejetons avec force (mais qui n’est pas la technique, qui est une imagination au sujet de ce que la technique pourrait être !) et dans notre refus, notre rejet, notre condam­nation de ceci, nous croyons avoir rejeté, condamné la Technique, donc être lucides et vigilants, nous sommes débarrassés de cette anxiété : la Technique (cette technique) ne nous possédera pas. Nous sommes très au clair, et ne nous laisserons pas faire ; or cela facilite précisément l’acceptation de la véritable technique qui n’est ni méchante, visible. impressionnante, mais pleine de douceur et de bénignité. »

Jacques Ellul, Le système technicien, Le cherche midi, p.121

Aliénation artistique

28 mercredi Juil 2021

Posted by patertaciturnus in Lectures

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aliénation, art, Goethe

« Lorsque nous examinons de près la destinée de l’artiste, et même celle de l’artisan, nous reconnaissons qu’il n’est pas permis à l’homme de s’approprier un objet quelconque, pas même celui qui semble lui appartenir de droit, puisqu’il émane de lui. Ses œuvres l’abandonnent comme l’oiseau abandonne le nid où il est éclos.

Sous ce rapport la destinée de l’Architecte est la plus cruelle de toutes. Il consacre une partie de son existence et toutes les ressources de son génie à construire et à décorer un édifice ; mais dès qu’il est achevé, il en est banni. C’est à lui que les rois doivent la magnificence et la pompe imposante des salles de leurs palais ; et, cependant, ils ne lui permettent pas de jouir de l’effet merveilleux de son œuvre. Dans les temples, une limite infranchissable l’exile du sanctuaire dont la beauté imposante est son ouvrage, et il lui est défendu de monter les marches qu’il a posées, de même que l’orfèvre ne peut adorer que de loin l’ostensoir qu’il a fabriqué de ses mains. En remettant aux riches la clef d’un palais terminé, il leur donne à jamais la jouissance exclusive de tout ce qu’il a pu inventer pour rendre la vie de tous les jours commode, agréable et brillante. L’art ne doit-il pas s’éloigner de l’artiste, puisque ses œuvres ne réagissent plus sur lui, et se détachent de lui comme la fille richement dotée se détache du père à qui elle doit cette dot ? Ces réflexions nous expliquent pourquoi l’art avait plus de puissance, lorsqu’il était presque entièrement consacré au public, c’est-à-dire, aux choses qui continuent à appartenir à l’artiste, parce qu’elles appartiennent à tout le monde. »

Goethe, Les affinités électives, IIe partie, chap. 3

Dépossession

05 mercredi Oct 2016

Posted by patertaciturnus in Divers vers

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aliénation, amour

Limaces rampantes des jours,
… Ouvrière cousant les lignes…
Qu’ai-je à faire de ma propre vie?
Elle n’est pas à moi puisqu’elle n’est pas à toi.

Je ne me soucie guère de mes ennuis
Personnels … – Que manger? Où dormir?
Qu’ai-je à faire de mon corps mortel?
Il n’est pas à moi puisqu’il n’est pas à toi.

Marina Tsvétaïéva

Sur la route des vacances (2)

26 mardi Juil 2016

Posted by patertaciturnus in Lectures

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aire d'autoroute, aliénation, Elisabeth Pélegrin-Genel, espace, transport

« L’automobiliste sur l’autoroute, coincé entre ciel, bitume et glissière de sécurité, à vitesse constante ne perçoit que « le sentiment de l’absence d’environnement » comme le dit joliment Jean Baudrillard. Il circule sur un ruban ininterrompu qui ne lui donne aucune lisibilité ou repère et le conduit à des actions bizarres : s’il veut tourner à gauche à la prochaine intersection d’autoroute, il lui faut d’abord prendre à droite. Le rond-point produit un peu la même impression en réclamant dextérité et concentration pour être abordé avec aisance.

Un décor campagnard borde l’autoroute. Des pictogrammes de trois mètres sur quatre signalent aux automobilistes pressés qu’ils traversent une zone agricole : un rectangle marron sur lequel se détachent des arbres fruitiers stylisés, ou cinq petites pommes. D’autres invitent le conducteur à jeter un regard furtif sur un hameau « authentique » avec clocher roman ou citadelle en ruine.

Cet espace de mobilité permanente est entrecoupé aussi de « lieux du transit » qui obéissent à une logique de promenade et d’achats plus ou moins impulsifs. Ainsi, les stations-service des autoroutes demeurent des étapes obligatoires. Les « véritables produits du terroir» attendent les automobilistes lors de leur escale-pipi, avec animation, ballons, drapeaux, flonflons et parfois vrais paysans en costume régional. Aire des grandes herbes, du hibou ou du grand bœuf, les zones de repos bordant l’autoroute renouent, contre toute attente, avec le lieu-dit en reprenant son nom. Chaque jour, des milliers d’automobilistes s’y arrêtent. Leur rénovation est spectaculaire, l’offre se complexifie. Désormais gérées par la grande distribution, ces stations transforment le conducteur en consommateur et lui proposent de faire quelques courses en revenant de week-end, de se procurer des produits naturels ou d’essayer le tir à l’arc.

aire autoroute

Devinette 1 : saurez-vous reconnaître cette aire d’autoroute ?

 

[…]

On passe également un temps fou dans un aéroport, cet espace technique et sécuritaire où les arrivées et les départs ne se croisent jamais. Mais pourquoi les salles M’attente sont-elles aussi inconfortables ? Pourquoi les sièges sont-ils alignés et fixés au sol ? Craindrait-on des émeutes ? Pourquoi rien n’est jamais prévu pour les familles avec enfants ou les groupes d’amis ou de collègues, condamnés à s’asseoir en rang d’oignons, sans possibilité de mener une conversation ou de jouer ? Tout est conçu pour satisfaire les besoins d’un adulte seul qui ne souhaite entrer en interaction avec personne. Mais cet adulte reste, avant tout, un consommateur potentiel : l’inconfort des salles d’attente doit le pousser à se lever pour se dégourdir les jambes, se promener dans les galeries truffées de restaurants, de bars et de boutiques. Chaque passager contribue ainsi à faire marcher l’économie, non seulement des compagnies aériennes, mais aussi des boutiques, succursales de chaînes internationales, ce qui renforce encore cette impression de duplication d’un aéroport à l’autre.

Aéroport

Devinette 2 : de quel aéroport s’agit-il ?

Enfin, pourquoi l’étage des arrivées est-il aussi mal fichu ? La porte des sorties de vols internationaux toujours étroite et opaque crache ses voyageurs hagards au coup par coup. En l’absence d’informations sur la provenance du vol, les gens s’agglutinent le plus près possible de la porte. Lorsque la personne attendue arrive, les embrassades provoquent un bouchon qui gêne les autres. L’arrivée ne fait l’objet d’aucun soin, car la gestion du flux prédomine, il s’agit de faire partir au plus vite ceux qui ne sont plus des clients potentiels de l’aéroport. Et l’espace le signifie clairement.

Sur quatre roues, on circule donc, dans un vaste territoire faussement simple qui ignore superbement l’environnement : on est partout et nulle part, tout se ressemble. Un peu hypocrite, l’espace de la mobilité dissimule son efficacité et sa haute technicité, mais impose des usages et des conduites précises tout en se voulant familier. Carrément cynique, il interdit toute immobilité, empêche le repli, ne permet aucun ancrage, juste un passage rapide. C’est un espace fluide et déterritorialisé qui conduit à une certaine confusion malgré sa débauche de signalétique.

[…]

Rocade

Devinette 3 : quelle ville cette rocade permet-elle de contourner ?

Ainsi, nous aurions quitté naturellement les lieux-dits, car littéralement, en effet, « on ne peut plus les dire », pour un territoire mondialisé, sans frontières, parsemé çà et là d’œuvres atopiques. Le génie du lieu a déserté. »

Elisabeth Pélegrin-Genel, Des souris dans un labyrinthe –
Décrypter les ruses et manipulations de nos espaces quotidiens,
Les empêcheurs de penser en rond, p. 41 – 44

Sur la route des vacances

25 lundi Juil 2016

Posted by patertaciturnus in Lectures, Perplexités et ratiocinations

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aliénation, espace, Ivan Illich, Jean-Pierre Dupuy, transport

« Les transports, à en croire le discours qu’ils véhiculent, produiraient l’accès au monde et aux autres. Disons peuvent tout au plus produire les conditions qui favorisent la capacité autonome d’accès au monde et aux autres. Ils peuvent aussi la détruire. Nous y sommes.

L’autonomie implique ici un rapport à l’espace fondé sur des déplacements à faible vitesse, recourant pour l’essentiel à l’énergie métabolique de celui qui se meut. Si l’on n’est soumis à aucune contrainte, on ne marche que dans des lieux que l’on aime. La vitesse motorisée n’a d’intérêt que quand il s’agit de s’éloigner de lieux indésirables ou de vaincre des distances perçues comme des obstacles. La soumission de l’homme industriel aux véhicules révèle qu’il ne se sent chez lui nulle part, ou presque. Si l’homme habite en poète, le malheur de vivre dans un endroit inhabitable ne pourra jamais être compensé par l’accroissement des possibilités de le fuir le plus souvent possible. « Les usagers, écrivait Illich, briseront les chaînes du transport surpuissant lorsqu’ils se remettront à aimer comme un  territoire leur îlot de circulation, et à redouter de s’en éloigner trop souvent. »

L’alternative radicale aux transports actuels, ce ne sont pas des transports moins polluants, moins producteurs de gaz à effet de serre, moins bruyants et plus rapides ; c’est une réduction drastique de leur emprise sur notre vie quotidienne. Il faut briser pour cela le cercle vicieux par lequel une industrie contribue à renforcer les conditions qui la rendent nécessaire ; par lequel les transports créent des distances et des obstacles à la communication qu’eux seuls peuvent franchir.

L’espace vécu traditionnel est un espace connexe : deux points quelconques peuvent toujours être reliés par un chemin continu qui ne sorte pas du territoire. La société industrielle est la première à avoir brisé cette connexité. Les espaces personnels y sont éclatés en morceaux disjoints, éloignés les uns des autres : le domicile, le lieu de travail, quelques espaces publics de la ville, les commerces et le mythique « ailleurs » des loisirs et de l’évasion. Entre ces domaines, des déserts de sens, déserts esthétiques, symboliques, que l’on vise à franchir le plus efficacement possible en se livrant au système de transport. Pensez par exemple à l’espace de l’autoroute, dont on se protège par cette bulle métallique qui se transforme parfois en cercueil ; à plus forte raison, à l’espace dans lequel évolue votre jet.

Or les transports sont le rituel d’un mythe qui dit le retour au voisinage traditionnel possible grâce à eux. Pour obtenir le « village global », il n’est que d’annuler ces espaces vides de sens, ces espaces morts tout juste bons à être définitivement vaincus. Le discours publicitaire, cette obsécration de notre temps, exprime on ne peut mieux l’espérance que le dieu Transport est adjuré de satisfaire. Voyez ce placard qu’une compagnie d’aviation helvétique faisait naguère insérer dans quelques hebdomadaires européens. Le dessin y représentait une ville ancienne, riche de culture et variée, avec ses monuments, ses places, ses rivières et ses larges artères. A y regarder de plus près, cependant, vous compreniez qu’il s’agissait d’un monstre : y voisinaient, juxtaposés, les plus beaux quartiers des plus belles villes d’Europe. La place Rouge n’y était séparée de la place de la Concorde que par le lit d’un fleuve, et la Via Veneto débouchait dans Piccadilly Circus. Légende : grâce à notre compagnie, l’Europe est réduite aux dimensions d’une ville. »

Jean-Pierre Dupuy, Pour un catastrophisme éclairé, Points essais, p. 58 – 60

*

Je n’ai malheureusement pas réussi à trouver le placard de Swissair auquel fait référence Dupuy, j’ai cependant découvert deux affiches de cette même compagnie qui semblent qui jouent sur la même idée d’une abolition des distances transformant l’Europe en ville.

swissair

Source

 

 

swissair2

Source

Ce texte m’a aidé à comprendre la signification de l’aversion de ma mère pour l’autoroute et son goût pour les petites routes. Illichienne qui s’ignore, elle était sensible au fait que plus la route est aménagée pour nous permettre de gagner du temps plus on a l’impression d’y perdre son temps, le transit rendu plus rapide étant aussi rendu inintéressant.  Il faudrait cependant apporter une correction à l’idée d’Illich  citée par Dupuy :

« Les usagers, briseront les chaînes du transport surpuissant lorsqu’ils se remettront à aimer comme un  territoire leur îlot de circulation, et à redouter de s’en éloigner trop souvent. »

Cette formule me semble suggérer à tort qu’il n’y aurait que deux rapports à l’espace, que nous serions contraints de choisir entre arpenter un espace aimé et familier ou transiter (le plus vite possible) à travers un espace inhospitalier parce qu’anonyme et indifférencié. La fin de la phrase qui suggère que le rapport « authentique » à l’espace consisterait à rester dans un espace où l’on se sent « chez soi », tout trajet devenant un « tour du propriétaire », ne peut qu’apporter de l’eau au moulin de ceux qui soupçonnent la critique de l’aliénation technicienne d’être politiquement réactionnaire. En réalité on peut échapper à l’alternative suggérée ci-dessus : quitter son territoire ne signifie pas nécessairement transiter par un espace anonyme car l’espace extérieur peut aussi être appréhendé comme un espace à explorer. On peut sortir de son territoire le temps d’un saut jusqu’à une autre niche territoriale, on peut aussi le quitter dans le but de l’étendre en se familiarisant avec l’espace étranger, en apprenant à en découvrir les ressources.  Je ne conteste pas qu’il soit souhaitable de se remettre « à aimer comme un territoire [nos] îlots de circulation », mon propos est de souligner que l’activité exploratoire qui permet à la zone de transit de (re)devenir territoire a aussi vocation à repousser les limites « naturelles » de l’îlot de circulation.

Libre captif

15 mercredi Oct 2014

Posted by patertaciturnus in Lectures

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aliénation, amour, Jean-Paul Sartre, L'Ami et l'Aimé, liberté, Raymond Lulle

242. –  Digues, foll :¿ vols ésser franch de totes coses? -. Respòs que hoc, ecepat son amat. – Vols ésser catiu ? -. Respòs que : – Hoc, de suspirs e pensaments, treballs, e perills, e exils, plors, a servir mon amat, al qual són creat per loar ses valors. –

242. « Dis fol, veux tu être libre de tout? Oui, excepté de mon Aimé. – Veux tu être captif? – oui, des soupirs, des pensées, des peines, des périls, des exils, et des pleurs, afin de servir mon Aimé qui m’a créer pour célébrer ses valeurs. »

*

295. Foll, digues : què és amor? – Respòs que amor és aquella cosa qui los franchs met en servitut e a los serfs dóna libertat. E és qüestió a qual és pus prop amor : o a libertat, a a servitut.

295. « Fol, qu’est-ce que l’amour? » Il répondit que l’amour est cette chose qui met les hommes libres en esclavage et donne la liberté aux esclaves. C’est pourquoi il est question de savoir si l’amour est plus près de la liberté ou de l’esclavage.

Raymond Lulle, Le livre de l’Ami et de l’Aimé

*

La fin du verset 242 du Livre de L’Ami et de l’Aimé nous rappelle ce qu’une lecture non informée de beaucoup d’autres versets pourrait ne pas discerner, à savoir que l’amour dont il est question est l’amour mystique de l’homme (l’Ami) pour Dieu (l’Aimé). La question est alors de savoir dans quelle mesure la nature de l’objet d’amour affecte l’ambivalence captivante-libératrice de la relation d’amour. Quoiqu’il en soit cette ambivalence est certainement présente dans l’amour humain. Et, si l’on en croit Sartre, elle a son pendant du côté de celui qui désire être aimé.

« Celui qui veut être aimé ne désire pas l’asservissement de l’être aimé. Il ne tient pas à devenir l’objet d’une passion débordante et mécanique. Il ne veut pas posséder un automatisme. […] Mais, d’autre part, il ne saurait se satisfaire de cette forme éminente de la liberté qu’est l’engagement libre et volontaire. Qui se contenterait d’un amour qui se donnerait comme pure fidélité à la foi jurée ? Qui donc accepterait de s’entendre dire : « Je vous aime parce que je me suis librement engagé à vous aimer et que je ne veux pas me dédire ; je vous aime par fidélité à moi-même ? ». Ainsi l’amant demande le serment et s’irrite du serment. Il veut être aimé par une liberté et réclame que cette liberté comme liberté ne soit plus libre. Il veut à la fois que la liberté de l’Autre se détermine elle-même à devenir amour – et cela, non point seulement au commencement de l’aventure, mais à chaque instant – et, à la fois, que cette liberté soit captive par elle-même, qu’elle se retourne sur elle-même, comme dans la folie, comme dans le rêve, pour vouloir sa captivité. Et cette captivité doit être démission libre et enchaînée à la fois entre nos mains. Ce n’est pas le déterminisme passionnel que nous désirons chez autrui, dans l’amour, ni une liberté hors d’atteinte mais une liberté qui joue le déterminisme passionnel et qui se prend à son jeu. »

Jean-Paul Sartre, L’Etre et le Néant (1943),
Gallimard, pp. 434-435

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