Étiquettes
Une des failles de ma « posture professionnelle » – comme on dit dans le jargon – c’est que je suis spontanément porté à apprécier sous l’angle esthétique un certain nombre d’incivilités commises par les élèves alors qu’un fonctionnaire éthique et responsable, comme j’aspire à l’être, devrait s’en indigner. Ainsi, lorsque j’ai raconté le cas de cette élève qui s’était risquée à une contrefaçon des annotations de son professeur, j’ai eu du mal à dissimuler une certaine admiration pour le culot dont elle avait fait preuve. Récemment encore, je me suis senti quelque peu honteux en entendant un collègue dénoncer un comportement « inadmissible » dont le récit m’avait de prime abord amusé (en l’occurrence, un élève, pris en faute par un collègue remplaçant tout juste arrivé dans l’établissement, avait répondu par le nom du proviseur adjoint lorsqu’il avait été sommé de décliner son identité). Évidemment le désintéressement esthétique n’est pas donné à tout le monde, il est plus facile d’avoir cette cette attitude distanciée envers des comportements incivils quand on n’est pas celui qui en subit les effets, de même qu’on appréciera plus facilement la beauté d’un incendie si l’on n’est pas celui dont la maison brûle. Cependant je dois confesser que non seulement je suis souvent amusé par les plaisanteries qui perturbent mes propres cours, mais aussi que j’ai beaucoup de mal à le dissimuler, ce qui peut nuire à la crédibilité des rappels à l’ordre que je me sens tout de même obligé d’opérer. Cela expose à une dynamique de bordélisation assez spécifique puisque le professeur est alors vu comme un potentiel complice (on cherche à le faire rire comme les autres élèves) plutôt que comme un adversaire qu’on cherche à faire craquer. C’est tout un art de ne pas perdre le contrôle dans ces situations qui ne sont pas encore de francs chahuts mais qu’on aurait cependant du mal à justifier par le concept de « bruit pédagogique ».