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pour Abdelraouf
Bonnard défend une conception aristocratique de l’amitié :
« Un ami est un compagnon de noblesse. Il nous aide à atteindre la plus haute expression de notre nature, comme nous l’aidons à parvenir au même but. »
Abel Bonnard, L’amitié, Iere partie, chapitre II
Si telle est la nature de l’amitié, il reste à préciser quelles qualités nous devons privilégier dans le choix de nos amis. Sur ce point Bonnard, en relativisant l’importance de la vertu morale se démarque non seulement du stoïcisme (comme on l’a vu précédemment) mais également de l’aristotélisme qui fait de la vertu le fondement des formes supérieures d’amitié. La section consacrée à cette question est assez surprenante, on est tenté d’y suspecter un plaidoyer pro domo, une rationalisation par l’auteur de ses propres pratiques. Les arguments ne sont pourtant pas dénués d’intérêt. On peut croire reconnaître un lieu commun de l’amoralisme quand l’auteur semble faire prévaloir l’élégance -qualité esthétique – sur les qualités proprement morales :
« L’estime peut se rétablir secrètement en nous, à l’égard des hommes qui semblaient le moins faits pour l’obtenir. Ce ne sont pas ceux qui ont la morale la plus correcte, qui ont toujours la conduite la plus élégante. Tandis que les formalistes se bornent à éviter les fautes grossières, on voit des gens qui, bien loin d’avoir toujours été irréprochables, se donnent, à l’occasion, le luxe d’un acte vraiment généreux et chevaleresque. Quand nous avons affaire à des caractères de ce genre, notre confiance en eux n’en est pas moins ferme, pour changer un peu de nature. Nous n’osons pas croire qu’ils ne feront rien de mal, mais nous nous assurons qu’ils ne feront rien de laid. »
ibid. Iere partie, chapitre III
Pourtant Bonnard n’assume pas une position franchement amoraliste et il tient à faire présenter le choix d’amis non dénués de défauts moraux pour une forme supérieure de la moralité :
« En user ainsi dans nos amitiés, ce n’est pas faire fi de la question morale, mais l’entendre plus subtilement. Car il n’existe aucun mérite, de quelque genre qu’il soit, qui ne s’appuie sur une charpente morale. Cet homme dont le caractère se prête à tout, mais dont l’esprit déploie une vie indépendante, sans se laisser jamais suborner, reste au moins noble en cela et garde une faculté par où il se sauve. Cet artiste qui s’abandonne à des désordres sans fin, mais qui, lorsqu’il travaille, n’obéit qu’à son idéal, est au moins aussi moral que cet autre qui, bon époux et bon père, bâcle sa besogne pour de l’argent ; il l’est même beaucoup plus, puisqu’il a sa vertu au centre de soi et associée à sa fonction essentielle. »
ibid.
A lire la description finale que donne Bonnard de la recherche de ces amitiés « crapuleuses » on est pourtant tenté de se poser une question, est-ce ainsi qu’on voudrait être aimé ?
« Le charme de ces explorations, que nous menons à travers les hommes, pour y trouver nos amis, c’est que, comme il s’agit là d’une recherche où nous seuls courons des risques et qui ne regarde que nous, nous y sommes absolument libres : nous pouvons nous y donner des plaisirs de jugement dernier, c’est-à-dire considérer les êtres qui nous intéressent, non pas selon la conformité de leurs actes avec les règles reçues, mais dans leur source, leur fonds, leur essence. Ne jugeant que pour nous-mêmes, il nous est permis de juger. Nous pouvons aller chercher jusque dans la crapule quelqu’un de rare et d’exquis, et dédaigner, aussi bien, parmi les égards dont on l’entoure, un homme qui a galonné de vertu la pauvreté de son âme. On pourrait croire, à s’arrêter aux apparences, que nous goûtons dans certaines amitiés, comme dans certaines amours, une sorte d’avilissement délicat, mais, en vérité, la différence est grande, car, dans ces amours, notre plaisir consiste en effet à nous avilir, au lieu que, dans ces amitiés, il ne s’agit jamais que de découvrir, sous les dehors qui lui font tort, une nature vraiment élégante. Ces sortes d’amis nous plaisent d’autant plus que nous les avons distingués par un décret plus spécial et un choix plus aventureux : ils sont à nous plus que tous les autres et nous ne pouvons les voir sans éprouver la force et la sincérité du goût qui nous porte vers eux : nous ne les aimons pas seulement comme des personnes, mais un peu aussi comme on aime des vins : nous humons le parfum, le bouquet de leur nature. »
ibid.
vis a vis de la morale , Confucius a identifié la beauté avec la bonté et a considéré une personnalité vertueuse comme la plus grande des beautés: Dans sa philosophie, «un quartier avec un homme ren est un beau quartier».L’étudiant de Confucius, Zeng Shen, a exprimé une idée similaire: « peu d’hommes pouvaient voir la beauté de quelqu’un qu’ils n’aiment pas. » Mencius considérait que « la vérité complète » était la beauté. Zhu Xia dit: « Quand on a mis en œuvre la bonté avec vigueur jusqu’à ce qu’elle soit remplie jusqu’à son accomplissement et ait accumulé la vérité, alors la beauté résidera en elle et ne dépendra pas de l’extérieur. »
cela me conduit a penser que l’idéal morale et l’idéal de beauté sont un ( pour nieztche l’idéal de beauté est la même chose que la volonté de puissance ! ) , j’ajouterai même que vue que la majorité s’accorde a dire qu’une vie bonne est une vie qui se conforme au souverain bien ( reste a définir ce qui est « bien » ) alors l’idéal morale et l’idéal de joie se confonde , cela devient d’autant plus évident quand on voit les similarités entre la joie et la beauté , ( subjectivité de ce qui provoque la beauté mais objectivité dans ses relations et a elle même , plein accomplissement dans ce qui est parfait ect ect)
Oui, on peut aussi penser au kallos kagathos grec,
https://fr.wikipedia.org/wiki/Kalos_kagathos
C’est une question que je maîtrise mal. Je présume que cette unité du beau et du bon n’a son plein sens que dans une éthique des vertu, et qu’elle devient moins compréhensible avec les approches déontologiques ou conséquentialistes de la morale.