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Corrigeant les explications d’un extrait de la Somme théologique, je m’amuse de voir certains élèves appeler l’auteur d’Aquin comme si c’était son nom de famille [correction suite à un commentaire] contrairement à l’usage[1]. Je ne m’attendais pas à cette confusion désignation, qui n’a pourtant rien d’absurde ; elle est même plus compréhensible que l’erreur inverse qu’on rencontre quelques fois dans les copies : certains élèves s’acharnant à appeler l’auteur par son prénom, comme s’ils avaient été ensemble à l’école maternelle : « Auguste soutient une approche scientifique et je suis d’accord avec lui. »
Comme le disait Joubert, il ne faut pas se moquer de la naïveté car elle est « témoignage d’innocence ». Dans le 2nd cas mentionné, j’irai jusqu’à dire qu’elle a quelque chose d’intellectuellement vertueux (et c’est un légitimiste culturel acharné qui vous le dit) : désigner l’auteur par son prénom c’est un bon moyen de suspendre les effets d’autorité, d’enlever aux auteurs classiques leurs « grandes robes de pédants », comme disait Blaise [2]. Si l’on veut commenter les classique comme on discute avec un collègue de bureau, ainsi que le recommande les philosophes analytiques, ce serait même une pratique à encourager[3].
[1] A l’inverse, eussent-ils désigné saint Thomas comme « l’aquinate », (ainsi qu’on appelle parfois Aristote le stagirite) ils passaient pour des cuistres.
[2] « On ne s’imagine Platon et Aristote qu’avec de grandes robes de pédants. C’étaient des gens honnêtes et comme les autres, riant avec leurs amis. Et quand ils se sont divertis à faire leurs Lois et leurs Politiques ils l’ont fait en se jouant. C’était la partie la moins philosophe et la moins sérieuse de leur vie ; la plus philosophe était de vivre simplement et tranquillement. […] » Blaise Pascal, Pensées, Sellier 457, Lafuma 533
[3] Dans le même sens on peut signaler une pratique dont j’ai entendu parlé. Certains collègues demandent à leurs élèves de faire des explications de texte sous formes de lettres à l’auteur.
D’après ce que j’ai appris, la famille d’Aquino (en français d’Aquin) est une des plus illustres d’Italie. Où est donc la confusion ?
Merci de me signaler mes sottises. Vous êtes une bénédiction pour ce blog !
D’Aquin désigne à la fois le lieu de naissance de saint Thomas et son nom de famille puisque son père était semble-t-il le seigneur de ce lieu.
Pourtant l’usage, du moins en français, est de l’appeler simplement Thomas, plutôt que simplement d’Aquin. Il faudrait que je me renseigne sur la raison de cet usage. Peut-être est-il dérivé de l’usage de l’église de désigner les saints par leurs prénoms (on dit saint Thomas, et jamais saint d’Aquin, alors même qu’il y a un risque de confusion avec l’apôtre).
Merci beaucoup. Mais vos compliments me rendent d’autant plus confuse que ma science est toute fraîche (pas comme moi …) . J’ai étudié Thomas en 1ère année de philo ( j’ai eu ma 2ème année l’an dernier, mention Bien – j’en suis bouffie d’orgueil – pas que d’orgueil, hélas …)
Vous étudiez où, si ce n’est pas indiscret ?
A l’université de Montpellier.
Moi, j’ai choqué en disant « Philippe Pétain ». Non, « le maréchal » n’est pas son prénom.