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« Le pain et le sens n’occupent pour nous le premier plan que lorsqu’ils ne sont pas là. Nous ne pouvons pas approfondir ici ce très important « primat du négatif » pour la conscience. Le sens n’est « sensé » et expérimentable que dans sa négation. L’homme rassasié n’est pas aussi conscient du fait qu’il n’ pas faim que l’homme affamé du fait qu’il a faim. Être rassasié ne torture pas. De façon analogue, l’homme heureux n’est pas aussi conscient de son « sens » que l’homme malheureux l’est de son vide de sens. Nos grands-mères, qui avaient une petite troupe d’enfants pendue à leurs basques , n’avaient non seulement pas le temps de partir à la recherche du sens de leur vie, mais il ne leur était non plus jamais venu à l’idée qu’elle pouvait en avoir un. Elles avaient peur de la faim et de la maladie, mais pas du vide de sens. Cette dernière peur est un luxe. »
Günther Anders, L’obsolescence de l’homme Tome II, ed. fario, p.365
Le sens ne vient pas APRES, il est donné AVANT à la grand-mère.
Merci pour cette citation qui donne à réfléchir.
Mais, au fil des siècles, des vies, et des accidents et douleurs inexplicables qui peuvent frapper les hommes, soit individuellement soit collectivement, n’est-il pas un peu fatal que les hommes soient tentés de vouloir « trouver un sens » à leurs éventuels malheurs ?
Dieu n’a-t-il pas été inventé pour expliquer l’inexplicable ? Quel crime ou péché originel, individuel ou collectif, n’aura-t-il pas fallu inventer pour expliquer qu’on puisse être parfois si douloureusement puni, alors qu’on se saurait parfaitement innocent, notamment lorsque les victimes seraient justement « d’innocents enfants » à peine nés, etc. ?
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