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Comme on l’a vu naguère, « l’éthicisme est la thèse selon laquelle l’évaluation éthique des attitudes manifestées par des œuvres d’art est un aspect légitime de leur évaluation esthétique ». Je découvre une belle profession de foi éthiciste dans un texte de la philosophe et romancière Iris Murdoch.
« L’un des principaux mérites de la psychologie morale que je défends est de ne pas opposer l’art et la morale, mais d’y voir deux aspects d’un seul et même combat. La thèse existentialiste-béhavioriste ne pouvait pas rendre compte de l’art de façon satisfaisante : elle en faisait une activité quasi ludique, gratuite, accomplie comme une «fin en soi » (slogan familier à Kant comme au groupe de Bloomsbury), une sorte d’effet secondaire de notre défaillance à être rationnels de part en part. Cette caractérisation de l’art est évidemment inacceptable. Par un de ces mouvements importants de retour de la théorie philosophique vers la considération de choses simples et dont nous sommes certains, il nous faut revenir à ce que nous savons de l’art authentique, de l’éclaircissement moral qu’il contient et de l’accomplissement moral qu’il incarne. Le bien et le beau ne peuvent pas être mis en opposition car ils relèvent en grande partie de la même structure. Quand Platon dit que la beauté est la seule réalité spirituelle à laquelle nous portons par nature un amour immédiat, il traite le beau comme un chapitre d’introduction au bien. De sorte que les situations esthétiques constituent moins des analogies de la morale que des expériences intrinsèquement morales. Au fond, la vertu est la même chez l’artiste et chez l’homme de bien en ce qu’elle est attention non égocentrique portée à la nature: quelque chose qui est facile à nommer mais très difficile à accomplir. Les artistes qui ont réfléchi sur leur art ont fréquemment formulé cette idée (c’est par exemple le cas d’un éloge de Cézanne par Rilke où celui-ci parle d’ « oeuvre anonyme tout ardente d’amour». Lettre à Clara Rilke du 13 Octobre 1907).
Iris Murdoch, L’idée de perfection
in La souveraineté de bien, trad C. Pichevin, ed. L’éclat
Il me paraît intéressant de signaler qu’Iris Murdoch reconnaît l’influence de Simone Weil et de son concept d’attention sur l’élaboration de sa pensée morale, puisqu’on a eu l’occasion d’observer l’éthicisme de l’inspiratrice d’Iris Murdoch.