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La scène suivante est des plus courantes :

– Tu ne finis pas ton assiette ?
– Non, c’est pas bon les épinards !
– Ne dis pas que ce n’est pas bon, dis que tu n’aimes pas.

En revanche il est est beaucoup plus rare d’assister à l’échange qui suit :

– Tu as déjà finis ton assiette ?
– Oui, il est trop bon ce gâteau au chocolat.
– Ne dis pas que c’est bon, dis que tu aimes.

Parents qui me lisez, comment pouvez vous espérer inculquer à votre progéniture la distinction des propriétés objectives et des propriétés subjectives, si vous ne reprenez pas systématiquement vos enfants lorsqu’ils s’expriment d’une manière philosophiquement fautive. Si vous pensez devoir les corriger quand ils disent « ce n’est pas bon » vous devriez aussi les reprendre quand ils disent « c’est bon ».

Je prévois l’objection  : ce qui importe aux parents, ce n’est pas de faire maîtriser à leurs enfants une distinction philosophique, mais de bannir une tournure d’expression qui est blessante pour la personne qui a préparé le repas.

A quoi on pourrait répondre de deux manières différentes.

  1. En faisant valoir la formule de Beaumarchais dont le Figaro a fait sa devise.

2. En faisant valoir que l’expression « c’est bon » peut elle même être blessante, non pas pour la personne qui a préparé le repas, mais pour ceux qui ne l’ont pas aimé. Dire « c’est bon », c’est suggérer que ceux qui n’aiment pas  ont mauvais goût, ont une sensibilité déficiente. Voilà une violence symbolique de moins en moins supportable à mesure que triomphe l’universelle chouinerie.