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Mon article de samedi dernier raillant les dénonciateurs de l’appropriation culturelle ayant attiré un flux inhabituel de visiteurs sur ce blog qui ne doit pas avoir plus de 5 lecteurs réguliers, j’ai décidé d’exploiter sans vergogne ce filon. J’évoquerai aujourd’hui les trigger warnings (une définition précédée d’un trigger warning). Depuis quelques temps on voit se multiplier les articles d’universitaires américains en réaction à la montée de revendications d’étudiants à ce sujet. Via le blog de Brian Leiter, j’ai découvert cet article de Greg Lukianoff et Jonathan Haidt dont je recommande la lecture et dont je vais citer quelques éléments.
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Lukianoff et Haidt signalent plaisamment un phénomène de « serpent qui se mord la queue » :
« Some recent campus actions border on the surreal. In April, at Brandeis University, the Asian American student association sought to raise awareness of microaggressions against Asians through an installation on the steps of an academic hall. The installation gave examples of microaggressions such as “Aren’t you supposed to be good at math?” and “I’m colorblind! I don’t see race.” But a backlash arose among other Asian American students, who felt that the display itself was a microaggression. The association removed the installation, and its president wrote an e-mail to the entire student body apologizing to anyone who was “triggered or hurt by the content of the microaggressions.” »
Mais ce n’est pas la première fois que le serpent se mord la queue : il semble en effet que certaines personnes trouvent que l’expression « trigger warning » pourrait elle même être source de traumatisme (raison pour laquelle « content warning » est parfois préféré à « trigger warning » – lire « l’editors note »).
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Lorsque les auteurs de l’article évoquent Socrate :
« There’s a saying common in education circles: Don’t teach students what to think; teach them how to think. The idea goes back at least as far as Socrates. Today, what we call the Socratic method is a way of teaching that fosters critical thinking, in part by encouraging students to question their own unexamined beliefs, as well as the received wisdom of those around them. Such questioning sometimes leads to discomfort, and even to anger, on the way to understanding. »
on se dit qu’aujourd’hui Anytos et Mélétos ne l’accuseraient pas de corrompre la jeunesse, mais de la traumatiser par sa méthode apparentée à la torture.
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Une des questions qui se pose à propos des trigger warnings est celle des limites dans lesquelles ils pourraient être légitimement réclamés. Est ce que toute personne peut revendiquer le droit d’être protégé contre des contenus susceptibles de la perturber ? La droite religieuse américaine doit elle se rallier aux Trigger warnings pour protéger ses enfants de Darwin ? Les homophobes peuvent-ils réclamer de ne pas être mis en contact de contenus susceptibles de les perturber? Je doute que les défenseurs habituels des TW concèdent cela.
Vivent les taons ! Et contre les insecticides TW !
» Si, en effet, vous me condamnez à mort par votre vote, vous ne trouverez pas facilement un autre homme comme moi, un homme somme toute – et je le dis au risque de paraître ridicule – attaché à la cité par dieu, comme le serait un taon au flanc d’un cheval de grande taille et de bonne race, mais qui se montrerait un peu mou en raison même de sa taille et qui aurait besoin d’être réveillé par l’insecte ? » dit Socrate à ses juges dans l’Apologie homonyme écrite par Platon entre 390 et 385. Mais les juges se sont conduits « comme des gens contrariés qu’un taon réveille alors qu’ils sont assoupis et qui donnent une tape » (ibidem)
Quel manque de bienveillance ! … et il assume en plus !
Mais non ! C’est parce qu’il lui veut du bien qu’il réveille celui qui s’endort !
Nous sommes bien d’accord, mais les bons apôtres de la bienveillance éducative ne sont pas toujours sensibles à ces considérations.
J’ose : qui aime bien, châtie bien !
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