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« Tout ce qui occupe des autres égaye ; tout ce qui occupe de soi seul rend triste. De là cette mélancolie, sentiment de l’homme qui ne pense qu’à soi, qui est trop renfermé en lui même. »
Joseph Joubert, 25 aout 1804, Carnets I, p. 648
12 jeudi Fév 2015
Posted Aphorisme du jour
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« Tout ce qui occupe des autres égaye ; tout ce qui occupe de soi seul rend triste. De là cette mélancolie, sentiment de l’homme qui ne pense qu’à soi, qui est trop renfermé en lui même. »
Joseph Joubert, 25 aout 1804, Carnets I, p. 648
11 mercredi Fév 2015
Posted Choses vues ou entendues
inDavid Monniaux a récemment fait un sort à la prétention des frères Bogdanov de démontrer l’existence de Dieu à partir du théorème d’incomplétude de Gödel.
1) Tant qu’à invoquer l’autorité de Gödel, les jumeaux auraient mieux fait de se référer au fait que Gödel a produit une reformulation de l’argument ontologique (qu’il n’a pas publiée).
2) Les « philosophes » étant accusés, non sans raison, d’invoquer à tort et à travers le théorème d’incomplétude de Gödel, je voudrais tout de même signaler que la dernière fois que je suis passé chez Gibert, c’était dans les rayons sciences et non dans les rayonnages de philosophie qu’on trouvait l’ouvrage des Bogdanov.
10 mardi Fév 2015
Posted Aphorisme du jour
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« Quand on aura allégé le plus possible les servitudes inutiles, évité les malheurs non nécessaires, il restera toujours, pour tenir en haleine les vertus héroïques de l’homme, la longue série des maux véritables, la mort, la vieillesse, les maladies non guérissables, l’amour non partagé, l’amitié rejetée ou trahie, la médiocrité d’une vie moins vaste que nos projets et plus terne que nos songes : tous les malheurs causés par la divine nature des choses. »
Marguerite Yourcenar, Mémoires d’Hadrien
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Ce n’est pas parce qu’un texte est déjà cité en 28600 endroits (Googles dixit) qu’il ne mérite pas d’être copié collé une fois de plus …
A l’occasion on pourra confronter ce texte avec les considérations kojèviennes sur le dernier homme.
09 lundi Fév 2015
Posted Aphorisme du jour, Divers vers
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Best Gains – must have the Losses’s test –
To constitute them – Gains.
Emily Dickinson
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« Pour éprouver convenablement un plaisir qui nous semble indifférent, nous devons toujours songer qu’il est perdu, et que nous le retrouvons à cet instant même. Il faut toutefois l’expérience des souffrances les plus diverses pour y parvenir heureusement. »
Lichtenberg, [A 72], p. 108
08 dimanche Fév 2015
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« De même que les disciples de Monsieur Kant reprochent à ses adversaires de ne le point entendre, de même je crois aussi que plusieurs ont foi en lui parce qu’ils le comprennent. Sa façon de présenter les choses est neuve et se distingue fort de la manière habituelle : ainsi dès lors que l’on parvient à en percer les arcanes, on est induit en grande tentation de la considérer vraie, d’autant plus que Monsieur Kant a plusieurs adeptes fervents. Toutefois il se faut rappeler toujours que le fait de comprendre une philosophie n’est point une raison suffisante de la tenir pour vraie. Il m’est avis que le plaisir d’avoir compris un système fort abstrait et obscur conduit la plupart à croire qu’il est déjà démontré ».
Lichtenberg, Le miroir de l’âme [J. 472], p. 421
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L’explication proposée par Lichtenberg me paraît très vraisemblable. Je me demande quel est le « mécanisme psychologique » à l’œuvre dans la tentation de tenir pour vraie la théorie obscure dont on a surmonté l’obscurité. Est-ce parce qu’on ne veut pas envisager que les efforts fournis pour la comprendre soient vains qu’on se convainc qu’elle doit être vraie? Dans ce cas le mécanisme serait comparable à celui qui nous fait nous tenir à des mauvaises décisions au nom de ce qu’elles nous ont déjà coûté. Dans cette hypothèse, on pourrait envisager des contre-mesures pour neutraliser le motif d’adhésion invoqué par Lichtenberg. Ainsi, si on veut convaincre celui qui a succombé à la tentation de croire vraie une doctrine dont il a percé les arcanes, d’adhérer à un autre système, il faudra lui présenter ce dernier comme un dépassement du premier, ses efforts pour comprendre le premier ne lui apparaîtront pas complètement vains (a fortiori si on présente le passage par le premier système comme une condition de l’accès au second). Il me semble que cette contre-mesure peut aussi contrebalancer un autre facteur qui est vraisemblablement à l’œuvre dans l’illusion signalée par Lichtenberg : la vanité. Si je peux tirer vanité d’avoir compris une doctrine abstruse, je pourrai a fortiori tirer vanité de comprendre une théorie qui prétend la dépasser.
En amont de la propension à croire la théorie dont on a surmonté les difficultés, on peut aussi à s’intéresser à ce qui a motivé les individus à fournir cet effort de compréhension. Lorsque Lichtenberg précise que la « façon de présenter les choses [de Kant] est neuve et se distingue fort de la manière habituelle« , on imagine que la promesse de satisfactions de vanité fait ici son œuvre. Il me semble que l’attrait de la nouveauté en matière théorique, et la propension à tenir pour profond ce qui est obscur sont des phénomènes souvent signalés et dénoncés (qu’on pense aux accusations portés contre Lacan et autres french thinkers d’avoir volontairement rendus leur texte obscur pour asseoir leur position de maître à penser). Il faudrait peut être distinguer, cependant, ce qui pousse à s’intéresser à une théorie, voire à s’en réclamer, et ce qui pousse à faire l’effort de la comprendre réellement, puisque, comme on le sait, les doctrines abstruses ne manquent pas de partisans fervents chez ceux qui ne les comprennent pas.
Il me semble qu’il est également intéressant de rapprocher ce texte de Lichtenberg d’un texte précédemment cité dans lequel Joubert suggère que l’opacité du discours de Kant produit « un effet de réalité » qui a dupé son auteur même.
07 samedi Fév 2015
Posted Divers vers
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Schnelle nachtfahrt
Niemals wird es uns gelingen, die welt
zu enthassen
Nur daβ am ende uns nicht reue heimsucht
über nicht geliebte liebe
Reiner Kunze
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En roulant de nuit à vive allure
Jamais nous ne parviendrons à délivrer le monde
de toute haine
Puissions-nous seulement à la fin ne pas être hanté par le remords
de tout l’amour non aimé
trad. Muriel Feuillet
06 vendredi Fév 2015
Posted Fantaisie, Tentatives de dialogues
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– Putain t’as vu le monde qu’il y a aux caisses. On n’est pas sorti …
– T’inquiète … j’ai un truc. On va passer par la caisse moins de 10 articles.
– Mais on a plus de dix articles!
– Ouais, mais pas plus de vingt … on dira à la caissière qu’on fait caddie commun mais qu’on a chacun nos courses et qu’on paye séparément. Je paierai les dix premiers trucs et toi le reste …
– T’es sûr que la caissière va pas gueuler?
– J’ai déjà vu faire, elles ne disent jamais rien …
– Alors comme ça on va niquer le système?
– Voilà ! Guette le regard noir des gens qui passent après nous et savoure le moment.
05 jeudi Fév 2015
Posted Food for thought
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« La vraie neutralité à l’école, selon moi, n’a pas seulement à se montrer quand les croyances religieuses sont en cause. Il y a intolérance toutes les fois que l’on se moque d’une erreur, c’est-à-dire toutes les fois que l’on tire occasion d’une erreur pour humilier et attrister l’enfant. Tous les professeurs de mathématiques que j’ai connus étaient intolérants et fanatiques ; ils avaient même leurs bûchers, qui étaient retenues, pensums, et surtout moqueries. C’étaient des papes, en somme ; ils ne pensaient qu’aux mots. Hors de la forme canonique qu’ils exigeaient, ils ne croyaient point que l’on pût penser. En somme, ils ne savaient pas démêler, sous des paroles maladroites, une pensée vraie. Ils semblaient manquer tout à fait de cette noble idée, que toute erreur enferme une vérité, mais mal débrouillée ; c’est pourquoi ils n’étaient ni fraternels, ni même justes, mais tyrans de doctrines, et chanteurs de psaumes au lutrin.
Quand un enfant compte : “Cinq fois douze font soixante- douze”, on ne peut pas dire qu’il ait une idée fausse ; il n’a point d’idée du tout. Disons plutôt qu’il ne sait pas penser aux nombres ; disons qu’il pense aux mots au lieu de penser aux nombres. Quand il dit, exemple assez connu d’erreur puérile, qu’un kilo gramme de plume est moins lourd qu’un kilogramme de plomb, il ne pense point mal, je dirais plutôt qu’il parle mal, mais qu’il sait bien ce qu’il veut dire ; il veut dire qu’à volume égal la plume pèse moins que le plomb ; en le suivant jusque dans l’erreur qu’il commet, vous mettrez au jour une idée importante, qui est l’idée de densité ; il l’a, mais il ne sait pas bien l’exprimer. Si vous vous moquez de lui là-dessus, c’est tout juste aussi intelligent que si vous vous moquiez d’un Anglais, parce qu’il prend un mot français pour un autre. »
ALAIN, Propos, 25 mai 1910
04 mercredi Fév 2015
Posted Pessoa est grand
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« Quand il est malheureux, l’homme moderne est pessimiste.
Il y a quelque chose de vil, de dégradant, dans cette transposition de nos malheurs à l’univers entier ; il y a quelque chose de sordidement égoïste à supposer que tout l’univers tient au fond de nous, ou bien que nous sommes en quelque sorte le centre, le résumé ou le symbole de l’univers entier.
Le fait que je souffre peut sembler, effectivement, incompatible avec l’existence d’un Créateur intégralement bon, sans prouver pour autant l’inexistence d’un tel Créateur, ni d’ailleurs l’existence d’un Créateur mauvais, ni même l’existence d’un Créateur impartial. Il prouve simplement l’existence du mal dans le monde — ce qui ne représente guère une découverte et ce que personne encore n’a eu l’idée de nier.
Donner valeur et importance à nos sensations, pour la seule raison que ce sont les nôtres — c’est ce que nous faisons, consciemment ou non; et puis cette vanité tournée vers l’intérieur de nous-mêmes, et que nous qualifions bien souvent de fierté, de même que nous qualifions notre propre vérité de vérité valable pour toutes les espèces vivantes. »
Fernando Pessoa, L’éducation du stoïcien, p.38
03 mardi Fév 2015
Posted Divers vers, Fantaisie
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God is indeed a jealous God
He cannot bear to see
That we had rather not with Him
But with each other play
Emily Dickinson
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Exercice : écouter cette fameuse chanson comme s’il s’agissait des excuses de Dieu.